Décidément, cette journée est pleine de surprises ! Le dôme Sombre Ball, par lequel Santiago a commencé sa visite, n’a pas été de tout repos. Il faut dire que le parcourir à la recherche d’un Salamèche égaré, ce n’était pas ce qu’il avait en tête en arrivant, mais c’était quand même fun.
En quittant le premier dôme, il retombe sur un panneau rappelant les spécificités de chaque zone et son regard s’attarde tout naturellement vers le Dôme Speed Ball. Après tout, c’est auprès de celui-ci qu’il a été « réparti » en arrivant, alors ça vaudrait quand même le coup de le visiter. La description évoque un lieu technologique et des pokémons de types Psy et Électrique. C’est intriguant.
Il se faufile alors dans le chemin reliant les dômes et passe devant des stands réservés aux gourmands. Ok, il est faible, il y a des beignets à la confiture de baies, un savoureux mélange qui le fait saliver. Il hésite mais… c’est pas tous les jours qu’il peut manger ça, et ceux-là ont l’air vraiment très bons. Et comme souvent quand il s’agit de sucré, Santiago pourrait mordre, si on lui refusait un petit plaisir. Alors… pas de suspens, il craque.
« Un beignet, s’il vous plaît ! » Il en pointe du doigt un gros qui lui est servi avec un large sourire. Il n’a pas fait deux pas ensuite qu’il croque déjà dedans et savoure.
Le temps d’arriver jusqu’à l’entrée du Dôme Speed Ball, le beignet est déjà fini et englouti. Santiago marche avec un grand sourire ravi. Il l’aime bien, ce parc, il y a plein de trucs funs à faire et ça change de l’ordinaire. Alors il flotterait presque de bonheur quand il arrive devant un bénévole qui l’interpelle :
« Bonjour ! - Bonjouuur ! - Vous êtes enjoué, ça fait plaisir. Bienvenue dans le Dôme Speed Ball ! »
Rapidement, le jeune homme, la vingtaine, lui explique qu’ici, il y a ce que l’on voit avec ses yeux, et ce que l’on peut voir en VR. Déjà, rien qu’avec ces mots, la curiosité du Lucci grandit.
« Vu que vous avez déjà des lunettes de soleil, c’est comme vous voulez. Soit je vous fournis les lunettes exprès, soit je vous donne ceci, qu’il faut simplement clipser sur le côté du verre. Si vous tapotez dessus, ça déclenche la vue VR, et si vous tapotez à nouveau, ça l’éteint. - Ok, ça a l’air trop bien. Je veux bien le truc à clipser sur mes lunettes. »
Il l’accroche comme indiqué, le teste et ça fonctionne. Il entre ensuite dans le dôme, par une porte automatique qui s’ouvre pour le laisser passer. L’intérieur est paraît très futuriste, ce qu’il voit dans ce premier espace est assez épuré, comme un long couloir dans lequel il ne peut qu’avancer. Ça et là, des petits messages sur des écrans l’invitent à activer la VR, ce qu’il fait, bien entendu.
[La VR activée, c’est un monde bien différent qui s’offre à lui. Le même couloir, oui, mais au-dessus, pas de plafond. C’est une verrière qui donne sur une nuit complètement étoilée. L’espace d’un instant, il reste scotché par cette vue, la tête levée vers le plafond, à regarder les étoiles quand brusquement… une espèce de… Taxi volant ? Un monde futuriste, en tout cas. Sans trop savoir où il va, il continue d’avancer le regard levé, une simple indication lumineuse, quand il baisse la tête, l’invitant à continuer tout droit.]
Ok, il ne sait pas où donner de la tête, mais ça a l’air trop bien.
Je ne me rends pas compte que je bloque la file, trop occupée à contempler la découpe de mes montagnes adorées, qui semblent si loin et si petites à cette distance. Ambre a réussi à me convaincre de sortir de ma tanière pour expérimenter une attraction locale, celles des dômes de Mezclamora, mais je commence à me demander si je n'aurais pas mieux fais de rester au frais, les deux jambes enfoncées dans une quarantaine de centimètres de poudreuse. La journée est belle, le soleil au rendez-vous, et ma tolérance à la chaleur est mise à l'épreuve. Un soupir impatient, puis une tape sur l'épaule me ramènent à l'ordre, et je glisse un sourire rempli d'excuses aux deux jeunes femmes derrière moi dont l'agacement est clairement perceptible.
J'attrape un feuillet informatif avant de tendre mon poignet gauche et de recevoir le bracelet m'affiliant à une faction - à mon grand plaisir, on m'associe à la zone des frayeurs et du paranormal, et où les créatures spectrales arpentent les alentours à la recherche d'une proie à terroriser. En attendant de m'y rendre, je profite des stands offrant boissons et collations, sans me priver. Une limonade fraîchement pressée et une boîte de six beignets à la confiture de baies fraives plus tard - mon petit déjeuner remonte à plusieurs heures déjà et je suis affamée ! -, je me sens prête à m'aventurer dans le territoire de l'horreur.
Un doux sentiment d'appréhension mêlé d'exaltation m'envahie. Combien de temps me faudra-t-il avant de succomber à une peur enfantine - mais justifiée ? Par réflexe, je fais craquer mes vieux os, les jointures de mes doigts écorchés par mes récentes séances d'escalade à mains nues sur un flanc escarpé, mais classé comme piste pour débutants.
Envoûtée par mes propres pensées et par les scenarii qui s'y forment, je percute violemment la personne devant moi, qui s'était arrêtée pour consulter son portable. J'en perds l'équilibre et tombe sur les fesses, tandis que lui est propulsé vers le sol. J'entends le bruit du téléphone qui atterrit brutalement et je cesse momentanément de respirer.
- Oh non, je suis désolée ! - Apprends à regarder où tu vas !
Il est furieux et je peux comprendre. Je me relève péniblement et tente de l'aider à en faire de même, mais il repousse mon bras avec une telle agressivité que je me rétracte, une moue désolée se dessinant sur mon visage. Ma maladresse n'est pas intentionnelle. Je le regarde inspecter son appareil qui, semble-t-il, a subi le choc sans subir de dégâts.
Soulagement.
Mais en voyant le jeune homme s'éloigner prestement et obliquer en direction du dôme Sombre Ball, je me dis que de l'y suivre n'est certainement pas l'idée la plus brillante du siècle. Qui sait s'il n'en profitera pas pour se venger, en suggérant aux fantômes de me prendre pour cible.
Je frissonne.
Je ne prends aucun risque et opte pour une alternative qui assurera sécurité personnelle : me cacher dans le dôme Speed Ball qui se situe tout près. Un bénévole m'accueille, tout sourire, et c'est une politesse que je lui rends chaleureusement. Une présence amicale remonte toujours le moral.
- Vous connaissez le principe de la VR ? - Vaguement. Moi et la technologie... Je laisse échapper un petit rire, avant d'écouter les explications au sujet des lunettes que je devrais porter pour me plonger dans l'univers virtuel qui m'attend de l'autre côté. Cela n'affectera pas ma vision ? - Si vous y passez des heures, vos yeux pourraient se fatiguer et s'irriter, mais c'est comme n'importe quel écran. Vous pouvez en sortir quand vous voulez, il suffit de retirer les lunettes. - C'est parfait dans ce cas !
Je rassemble ma tignasse rousse en un chignon, puis glisse les branches derrière mes oreilles. Je me prête au jeu de l'essai, fascinée, et teste les fonctions de base avant de lever le pouce : il est temps de relâcher le fauve dans la jungle.
Je m'avance dans le couloir, à l'affût, tous les sens en alerte. Une première exclamation m'échappe lorsque je découvre la transformation qui a été opérée sur le couloir. La verrière et son infinité d'étoiles, les comètes qui traversent cette voie lactée artificielle et qui laissent dans leur sillon une traînée incandescente et mystifiante. Je dois avoir l'air d'un poisson hors de l'eau, avec ma bouche bée et mes mains qui se meuvent pour se poser contre la surface vitrée. Comme une gamine qui découvre la vie et ses merveilles, je progresse lentement mais sûrement le long du couloir. Captivée, voire déboussolée par tant de nouveautés.
- Woaah !
Le couloir débouche sur une grande salle de constitution similaire, avec ses hauts murs et son plafond transparents - je ne sais même pas s'ils sont réels ou s'il ne s'agit que d'une projection. Des véhicules volants décollent et atterrissent à intermittence, quittant la station dans laquelle je me trouve pour voler vers les confins de l'espace. Je me retourne, curieuse de voir si d'autres visiteurs me suivront dans cette exploration, et je ne suis pas déçue : il y a au loin une silhouette qui se promène, mais je suis trop loin pour la détailler. Tant qu'il ne s'agit pas du jeune homme que j'ai malencontreusement bousculé, tout ira bien.
En faisant volte-face, mon regard s'accroche à un petit robot qui, à quelques mètres de moi, me fixe de son faciès inexpressif. Cela me vaut un cri de surprise et un sursaut. Je ne m'attendais pas à avoir une interaction avec quoi que ce soit, surtout qu'il n'y avait rien à cet emplacement vingt secondes plus tôt.
En règle générale, Santiago n’est pas le plus grand expert en nouvelles technologies, mais il n’est pas fermé à l’idée. Si cela peut aider dans le quotidien ou permettre de vivre de chouettes expériences, pourquoi s’en priver ? C’est clairement ce qu’il se dit dans ce dôme sacrément futuriste. Le système posé sur ses lunettes de soleil fonctionne bien et évite d’avoir à porter des lunettes trop épaisses et inconfortables. Jusque-là, ça lui va très bien.
Ce décor futuriste, semblable à la vue depuis un vaisseau spatial, ça le scotche. Il a lu des bouquins sur la conquête de l’espace, et c’est quelque chose qui le fascine sincèrement. Sans doute depuis cette époque où Jo et lui s’amusaient à scruter les constellations, allongés dans l’herbe, tout en se racontant leur journée, sans fin. Une époque qui paraît si loin, désormais. Est-ce qu’un jour il pourra réellement monter dans une station spatiale ? Il en doute fort, mais dans une animation pareille, on peut facilement se laisser à rêver.
C’est ce qu’il fait un peu, trainant le pied et rêvassant… si bien qu’il ne réalise pas que son t-shirt jaune s’est pris dans crochet qui jouxte la porte qui s’est ouverte devant lui. Il tapote rapidement sur sa lunette, comme le lui a dit le bénévole : effectivement, il y a là un crochet, le genre qui doit permettre d’accrocher une corde pour fluidifier le trafic, s’il y a trop de monde, et lui il est allé droit dessus. Il décroche son t-shirt, soulagé de voir qu’il ne l’a pas abimé, et le lisse par réflexe. Avec son haut qui flash et son pantalon violet/rose de touriste, il passe pas inaperçu. Hé, il a bien profité de son passage par Jarramanca pour faire du shopping ! Autant le porter.
Tout en relevant la tête, il remarque qu’une autre femme est comme lui, présente dans la pièce. C’est bien, il n’y a pas foule, ça leur permet de profiter de l’endroit sans se marcher sur les pieds. Il remet vite les lunettes en mode VR, et en prend plein la vue. Toujours, au-dessus de lui, cette nuit infinie et étoilée, avec ces véhicules qui traversent comme si de rien. C’est tout un monde au-dessus d’eux et quand il s’avance dans la pièce, il y a une vraie rambarde. Il y glisse ses mains et quand il regarde par dessus… le gouffre. C’est comme s’il était dans une tour de contrôle, ou un immense hangar, avec de multitude de véhicules volants et autres petits vaisseaux en train d’être préparés. Il a les yeux brillants, il le sait, quand un léger cri le fait se retourner et tapoter à nouveau sur les lunettes.
C’est la jeune femme, elle paraît toute surprise.
« Oh, ça va ? Tout va bien ? J’avoue qu’ils nous en mettent plein la vue mais faut pas se mettre dans cet état ! » Il lui fait un large sourire et fait un pas en sa direction. Elle a des cheveux roux relevés en un chignon improvisé. Par réflexe, il réactive la VR et remarque le petit robot aux côtés de la jeune femme. « Ah tiens. Je l’avais pas vu, lui. »
Je me sens idiote d'avoir réagi ainsi. Mon cœur affolé bat violemment, de manière irrégulière. Une main posée contre ma poitrine, à la base de ma gorge, je tente de me ressaisir. Derrière moi, une voix masculine s'élève, me demandant si je vais bien. Si tout va bien.
Je me retourne lentement, les joues rosies par la gêne, avant de lever le pouce et d'offrir un sourire à mon interlocuteur. C'est sans doute lui que j'ai aperçu un peu plus tôt, au fond du couloir. Il a une mine sympathique et une chaleur naturelle dans ses intonations, et cela me met aussitôt à l'aise. Ça et le fait qu'il ne se moque pas de la situation - ou du moins, il ne me tourne pas en ridicule à cause de l'effet de surprise provoqué par l'apparition du petit robot.
- Tout est sous contrôle. J'ai simplement eu peur en le voyant, il est apparut sans préavis.
Je souffle doucement par le nez, pour chasser les derniers vestiges de ma frayeur. Après quoi, je lance un coup d'oeil en direction du droïde, qui s'anime soudainement et émet une série de bruits rigolos.
- Bip boup à toi aussi. Que je réplique avec un amusement enfantin, avant de désactiver temporairement la VR, de relever mes lunettes sur mon front et de me masser les paupières.
Mes yeux s'habituent doucement à la réalité virtuelle, mais je ressens tout de même un infime inconfort. Cela ne gâche pas l'expérience pour autant et je m'y remets sitôt soulagée. J'observe le jeune homme un instant, avant de désigner la voûte céleste et l'incroyable animation de la station.
Je me demande si certains éléments de ce décor affecteront nos sens du toucher, de l'ouïe et de l'odorat, ou si nous seront limités à une immersion purement visuelle. Pour en avoir le coeur net, je m'accroupie devant notre curieux invité et tend la main pour toucher son crâne rond et métallique. Si mes doigts donnent l'impression de demeurer à la surface et d'avoir un réel contact, je ne ressens rien du tout. Comme si je percutais le vide.
- C'est troublant. Comme si j'étais un fantôme !
Je ne peux m'empêcher de rire tout en me relevant. Je suis consciente que le robot n'existe pas dans la réalité, qu'il n'est pas fait de matière concrète comme nous, mais cela reste une perspective étrange.
- Imagine si l'on pouvait monter à bord de l'un de ces vaisseaux... !C'est certes impossible, mais cela me vend du rêve. Au fait, je m'appelle Masa.
C’est donc bien le curieux robot qui a fait sursauter l’inconnue. Il faut dire qu’en effet, Santiago ne l’avait pas remarqué, en arrivant au milieu de ce décor de station spatiale. Tout acquiesçant aux mots de la rousse, il fait remarquer : « Il a une bonne tête. »
Une bonne tête qui apparemment a détecté l’approche de deux personnes dans son « champ de vision », vu qu’il réagit à la proximité des visiteurs, en des petits bruits amusants. « Ahah, j’adore, je sais pas s’il se moque de nous ou s’il nous dit bonjour, mais je veux le même chez moi ! J’suis certain que mes pokémons seraient fans. » Bon, connaissant sa Bourrinos y’a de grande chance qu’à force de jouer avec le robot finisse en pièces détachés, mais le Lucci les imagine bien…
Le « bip boup » que lance la jeune femme au robot fait sourire d’avantage Santiago qui fait un signe de main au robot, pour voir à quelque point celui-ci détecte ce qui l’entoure. Et effectivement, même s’il a un tout léger temps de latence, la machine se tourne et lève sa tête vers Santiago. La rousse, elle, va jusqu’à essayer de le toucher, et sans trop de surprise… elle ne ressent rien. « S’ils étaient parvenus à donner la sensation de toucher, ça serait trop bien. » Mais vu qu’on n’arrête pas le progrès, cela finira peut-être par arriver un jour…
Alors il essaie aussi, juste pour voir, abaissant sa main sur le robot. Effectivement, pas de sensation de toucher mais visuellement les mains qui font mine d’entrer en contact avec quelque chose, à travers la vue en réalité virtuelle. « C’est vrai que ça donne envie d’essayer ! Ou alors on est peut-être deux fantômes, finalement. »
Deux fantômes dans un décor de hangar spatial. Le rire de la jeune femme est agréable et Santiago sourit tout autant, en relevant la tête vers la zone des « vaisseaux ». « J’aimerais tellement aussi… avec mon frère, on passait des heures à regarder les étoiles. Aller voir ce qui se passe là-haut, ça doit être génial. Flotter dans l’espace... » Forcément, parler des étoiles c’est penser à Joaquim, il ne pourra jamais en être autrement. C’est penser à lui (et à eux) dans un espace-temps où tout était encore possible, où ils ne savaient rien de ce qui les attendait. Même si l’obscurité et les ténèbres infinis de l’espace, ça doit être terrifiant par certains aspects…
« Ou jouer les mercenaires, comme dans les films, aller de planètes en planètes à la recherche de différentes espèces. » Il se rapproche de la dénommée Masa et relève un instant ses lunettes, comme pour une présentation en bonne et due forme. « Moi c’est Santiago. Cap’tain Santiago, j’suis à la recherche de mon vaisseau et de mon équipage. Si tu veux, j’te recrute ! »
Il dit ça dans un délire, mais ça l’amuse. Quand il achève, un petit bruit métallique, non loin, semble laisser croire qu’ils ne sont pas complètement seuls, dans cette zone. « Hm ? On va voir ? » Il y a un couloir, aussi épuré que le reste, mais en remettant les lunettes, ils y verront probablement bien plus de choses.
S'il est impossible de traduire la série de sons produits par le robot, ses réactions passives et inoffensives parlent d'elles-mêmes ; il n'a rien d'un antagoniste hostile. Ma théorie est qu'il sert à briser la glace avec les visiteurs venus du monde réel et à les familiariser au système avec des interactions basiques et divertissantes.
Le jeune homme partage mon enthousiasme, allant jusqu'à souhaiter en posséder un. Cette remarque me fait sourire davantage. Contrairement à lui, je doute que mes pokémons - ou plutôt, ceux qui me côtoient au quotidien - soient enchantés par la présence d'un robot, aussi fascinante et intrigante soit-elle.
Papi, le dongrino de feu mon père, l'utiliserait pour se faire les dents alors que Spiritus, le toutombe qui garde la section du cimetière dédiée à ma famille, trouverait le moyen d'y mettre le feu. Nous sommes similaires, lui et moi, dans nos maladresses et notre candeur.
Après avoir tenté à tour de rôle de toucher le droïde, nous en venons à nous ouvrir sur des rêveries et des fantaisies pour le moins irréalisables, mais qui ont de quoi faire travailler l'imagination. Je pose un regard doux sur mon interlocuteur, attentive à ses paroles.
Le temps d'une brève seconde, je perçois une once de mélancolie ; ces moments avec son frère doivent lui manquer pour qu'il en parle ainsi.
- Enchantée Santiago !Je l'imite en relevant mes lunettes, inscrivant les traits de son visage jovial dans ma mémoire. Les présentations sont faites dans la simplicité et la bonne humeur, accompagnées par un soupçon d'humour sur lequel je n'hésite pas à rebondir.Tant que l'on ne m'assigne pas à un poste de pilotage, tout ira bien.
Je sursaute légèrement en entendant le bruit métallique. Une sorte de déclic. Je coule un regard interrogateur à Santiago avant d'acquiescer vigoureusement. Quelques mèches rousses s'échappent de mon chignon pour retomber sur ma nuque et sur mes tempes. Je n'y prête que peu d'attention, replongeant dans la réalité virtuelle ; je m'engage ensuite en direction du couloir, qui s'avère être du même genre que celui les ayant mené jusqu'à la station spatiale.
La vue est tout aussi envoûtante, à un tel point que je manque de trébucher contre ma propre botte. J'esquisse un sourire timide en me massant l'arrière du cou, en espérant que gaucherie soit passée inaperçue. Je ne souhaite pas me faire classer comme un danger ambulant.
Au fur et à mesure que nous progressons, le cliquetis devient de plus en plus fort. Sa source se révèle dès que nous pénétrons dans cette nouvelle salle, deux fois plus petites que la précédente, et qui représente l'intérieur d'un vaisseau. Un peu partout sur les murs, des tics et des clics tournoient, s'emboîtant les uns aux autres dans une série d'engrenages complets.
Leur fonction exacte est inconnue, et c'est à se demander s'il s'agit d'un hologramme. Outre leur présence, une large chaise capitonnée a été installé face à la baie vitrée servant de pare-brise ; celle-ci donne une vue imprenable sur le firmament, et dans son coin gauche, une carte dévoile le nom des stations et planètes voisines, qu'il semble possible de visiter.
Un table haute garnie d'une panoplie de boutons et de leviers a été installée sur la droite ; un panneau de contrôle, dont l'utilité est tout aussi mystérieuse que le rassemblement de pokémons acier. Je ne remarque pas immédiatement l'espèce de volant qui se trouve devant le fauteuil.
- Capitaine, je crois que nous avons votre vaisseau.
Je me tourne vers Santiago, un sourire amusé aux lèvres. J'ai du mal à comprendre la logique des pièces que nous visitons, si elles changent selon un pattern précis ou si elles varient selon nos envies ou nos commentaires. Peut-être que nous sommes sous écoute et que les responsables de cette attraction sont capables de manipuler les données et de recréer des scénario adaptés à chacun des participants ?
- Tu penses qu'ils sont réels ?
Ma question concerne les tics et les clics. Ceux-là, je n'ose pas les toucher, de peur de m'y coincer un doigt ou la main...
Heureusement, Masa joue le jeu et Santiago ne feint aucunement son large sourire. Il y a quelque chose de lumineux dans le regard de la rousse qui laisse penser que c’est une bonne personne. Enfin… le Lucci a tendance à être assez naïf quand il rencontre des gens, mais il n’empêche, il a un bon feeling la concernant. Et puis, l’endroit ne se prête pas vraiment à ce qu’elle aille lui planter un couteau dans le dos ou que sais-je… Quoique. Jusque-là on ne peut pas dire qu’ils aient croisé grand monde. C’est comme s’ils étaient pleinement seuls dans cette partie du dôme. C’est pas plus mal.
« Pas de souci, le pilote, c’est moi. On a besoin… d’une mécano, ou d’une observatrice pour étudier les espèces que l’on croisera. Plein de postes à pourvoir, tu n’as qu’à faire ton choix ! » Ce délire de vaisseau l’amuse bien, car il est vrai que si on lui laissait le choix, il adorerait s’envoler dans les airs. L’espace étant bien entendu le summum. Sans être naturellement attiré par les pokémons de type Vol, c’est vrai qu’il leur trouve une grâce et une élégance naturelle. Comme le symbole même de la liberté. Alors oui, s’imaginer en pilote de vaisseau spatial, ça lui va carrément. Il a une bonne vue et il sent qu’il pourrait faire ça bien !
C’est un bruit qui retient son attention, toutefois, et celle de Masa. Alors, tout en repositionnant les lunettes VR, ils s’avancent tout deux dans le nouveau couloir, tout aussi immaculé que le premier, avec son toit de voie lactée. Le duo est une nouvelle fois fasciné par ce décor et Santiago manque de tomber sur Masa qui a trébuché. Par chance, il s’arrête juste avant. « Ok, alors je note : ma nouvelle recrue manque d’équilibre. » Il dit cela d’un ton léger, bien entendu. Bon, ce serait pas la première fois qu’en voulant faire de l’humour, il vexe quelqu’un, mais il espère quand même que ce ne sera pas le cas. « Espérons qu’elle ait d’autres talents ! » Si elle espérait que Santiago n’en ait rien vu, c’est raté !
Ils reprennent quand même leur progression et le bruit devient omniprésent. La salle qui les attend au bout du couloir, sombre et petite, a un décor d’intérieur de vaisseau, ou du moins, ce qu’on pourrait imaginer être l’intérieur d’un vaisseau. Les « murs » sont métalliques, il y a des portions qui sont presque en mouvement, semblant s’emboîter automatiquement sous l’effet de Tic et de Clic présents un peu partout, que l’on pourrait presque ne pas remarquer tant ils se fondent dans le décor. C’est le bruit, cependant, qui les trahit.
« C’est dingue, ça. » Santiago ne peut s’empêcher de se pencher pour mieux observer, il voudrait toucher, presque, mais il se doute qu’il s’agit d’un décor complètement virtuel. Il tourne sur lui-même pour ne rien rater et reste scotché devant le poste de pilotage et la chaise qui fait face à la vue étoilée. « C’est tellement bien fait... »
La pièce se poursuit avec une table de contrôle et de multiples voyants, et la remarque de Masa le fait sourire. « Ce vaisseau n’attendait que nous, recrue Masa ! » Tout fait tellement envie, ici. Santiago se sent comme un gosse qui voudrait toucher tout ce qu’il trouve, et visiblement il n’est pas le seul. Masa aussi est intrigué par les pokémons Acier… « Je pense pas ? Essaie ? »
Lui, il a plutôt envie de se glisser dans le fauteuil de capitaine et il tend la main à l’aveugle, en direction du fauteuil. Comme le laissait présager les petites loupiotes au sol, il y a bien un obstacle ici, et donc un fauteuil. Alors il ne demande pas son reste et s’il glisse, comme s’il avait fait ça toute sa vie.
« Ok, j’bouge plus d’ici. » Pour s’amuser, il fait mine de trifouiller les boutons du panneau de contrôle et lance : « Vers l’infini et l’au-delàààà ! »
A peine achève-t-il sa phrase qu’un puissant éclat lumineux éclaire la pièce (sous l'impulsion d'un Magnéti que les deux voyageurs spatiaux ne remarquent pas en lévitation dans l'angle de la pièce) et soudainement, la vue sur « l’écran » se transforme en… en ce qu’on imagine quand un vaisseau part en hyper-espace. Comme si on se rapprochait des étoiles et que celles-ci nous fuient à toute vitesse. Surpris, le brun observe simplement ce qui se passe devant eux, et l’écran finit par se figer. Le décor est maintenant celui d’une énorme planète, comme si le vaisseau était en orbite.
« Recrue Masa, je sens qu’il va falloir initier le contact avec cette planète inconnue ! »
Je n'ai aucun mal à me désister du rôle principal, celui que je juge le plus important pour mener à bien une mission intergalactique, mais qui, entre mes mains, nous auraient mené droit vers la catastrophe. Le titre d'observatrice me plaît, mais il reste à voir s'il aura son utilité durant cette campagne virtuelle ; l'immersion promet, mais nous ne connaissons rien encore de ses limites ni des surprises programmées par ses créateurs.
Mes joues conservent la roseur caractéristique de l'embarras ; Santiago a assisté à ma presque chute et je n'échappe pas à son commentaire moqueur. Sa légèreté m'empêche de le prendre au premier degré et je me contente de hausser les épaules, souriant de toutes mes dents. Je me considère comme une jeune femme banale, alors niveau talents cachés, je pense que j'en suis à les découvrir moi-même.
- Je ne peux qu'imaginer les efforts fournis pour recréer ce décor.
Dans cette salle de pilotage au réalisme surréel, je me sens minuscule et un brin confuse. J'ai envie de toucher à tous les boutons, même ceux qui clignotent d'une lueur de mise en garde subtile, et abaisser tous les leviers. Je résiste toutefois à la tentation d'embêter l'un des engrenages, par crainte de me blesser ou de dérégler ses fonctions. J'imagine l'enchaînement monstrueux qui pourrait en découler - le désordre et le chaos absolus -, mais également la fin prématurée de nos aventures dans l'espace intersidéral.
- Non, non. Je vais les laisser tranquilles et assumer qu'ils font parti de ce monde.
Avec étonnement, je vois mon interlocuteur s'avancer puis se laisser choir sur le siège. Il y a donc des éléments réels, physiques, que nous pouvons manipuler. Je soupire doucement, amusée par l'entrain de celui qui gouverne désormais notre vaisseau. Je me plais à imiter un salut militaire, la main portée à ma tempe, avant de briser toute forme de décorum et de me précipiter en sautillant jusqu'à la grande console, cette table aux mille et uns mystères. Sauf que je ne prévoyais pas de me faire projeter contre, suite à une secousse accompagnant la vive luminosité projetée sur la baie vitrée.
Je ne regarde pas cette distorsion temporaire de l'espace-temps, par peur d'en avoir le tournis et de développer une envie de vomir les beignets que j'ai englouti avant de m'aventurer dans ce dôme. L'effet est intense, mais heureusement de courte durée. Je m'accroche à la table comme à une bouée de sauvetage, les paupières closes et légèrement crispées sous mes lunettes. Je n'ai pas l'impression que Santiago ait été aussi affecté que moi, ce qui n'est pas plus mal ; il en faut au moins un des deux capable de garder les pieds sur terre.
- Entendu, capitaine !Que je réponds d'une voix encore un brin déboussolée, tout en me redressant et en commençant à appuyer sur des touches au hasard.
Un zoom est fait sur une partie de la planète, et des données commencent à apparaître. Température, gravité, taux d'oxygène. Je cherche à trouver un moyen d'obtenir des informations sur la faune qui y habite, mais mon essai s'avère infructueux et se solde par une série de zooming/dé-zooming tout aussi déplaisant que le mode hyper-espace.
- Je suis désolée. J'essaie d'apprivoiser mes nouvelles fonctions.
Je pouffe doucement, avant de me décaler pour accéder à une portion de la table que mes bras ne pouvaient atteindre initialement. Mes doigts s'activent et un résultat plus satisfaisant apparaît sur l'écran géant, qui fait également office de pare-brise. Des silhouettes noires se découpent en avant-plan, marquées par des points d'interrogation. Nous devons, semble-t-il, nous débrouiller pour les identifier.
- Est-ce que vous en reconnaissez, capitaine ? Je ne crois pas connaître de pokémons ressemblant à ces silhouettes.
Il y en a une qui m'évoque tout de même un grand dragon qui arpente les neiges de mes montagnes natales, mais les détails sont flous et je ne parviens pas à me convaincre qu'il s'agit de cette créature. Dans tous les cas, je m'immerge à fond dans mon rôle de recrue - ou de second officier, car après tout, nous sommes les seules personnes présentes pour le moment. Cela me rappelle les sessions de jeu de rôle avec mes collègues.
- Je pense que c'est le moment de nous positionner en orbite autour de la planète. Vous voulez que je vous assigne les coordonnées grâce à mon radar ?
Car il y a bien un radar qui accompagne mon poste de contrôle et qui me permet d'anticiper la venue d'astéroïdes, de débris flottants, voire de vaisseaux ennemis ! J'attends sagement les ordres, mon regard passant de l'écran à l'éclairage verdâtre à celui affichant la planète étrangère.
Dans ce dôme futuriste, Santiago est probablement tombé sur le meilleur compagnon d’aventure qui soit ! Masa joue complètement le jeu et se laisse tout autant portée que lui par leur délire de conquête spatiale, et le Lucci s’amuse comme un petit fou. Elle fait le choix de ne pas toucher les Clic et autres Tic présents sur le côté et Santiago en est presque déçu. Lui aussi il veut s’avoir si ce sont des vrais ! Mais elle n’a peut-être pas tort, après tout, s’ils sont réels, ils n’ont peut être pas envie d’être embêtés à longueur de journée.
Depuis son fauteuil de capitaine, Santiago prend des grands airs et quand il appuie sur le bouton qui déclenche l’hyper-espace il est comme un petit enfant devant une vitrine de Noël, les yeux brillants, qui se délecte de ce qu’il voit autant que du décor qui bouge pour accentuer l’idée que le vaisseau s’est déplacé à toute allure. Cela rappelle un peu les manèges à sensation dans les parcs d’attraction, mais en moins intense. Pas un truc qui lui fait spécialement peur, au Lucci, et il ne remarque pas de suite que sa recrue a un peu moins bien vécu la chose. Elle a simplement la main accrochée à la table et fait mine de rien.
« Je sens que cette planète regorge de plein de belles choses à découvrir, et de richesses ! Les planètes inconnues, c’est forcément un moyen de se faire de l’argent ! » Il s’amuse dans son rôle de maître chasseur de prime ou explorateur qui ne fait rien sans rien. Et tout en disant ça, il voit l’écran devant Masa et lui qui zoom, dézoom, zoom encore… « Vous avez bien raison, recrue Masa, c’est important de s’assurer que notre matériel est opérationnel ! Comme on peut le voir, c’est le cas. »
En vrai, ça le fait mourir de rire d’autant qu’elle s’excuse très sérieusement et elle doit entendre l’amusement dans le ton de sa voix puisqu’elle en rigole tout autant.
Quand l’écran se fige enfin, c’est pour donner de nombreuses caractéristiques sur cette planète inconnue et projeter ce qui semble être des suppositions quant à ses habitants. Des silhouettes noires, qui rappellent fortement, pour certaines, des pokémons connus. Dans le lot, il croit reconnaître la forme d’un Écaïd. Non pas qu’il soit expert en pokémon Dragon, mais ça y ressemble bien. « Je crois bien, oui. Il s’agit donc de la planète X324-B40 ! L’Antre des dragons ! » Il dit cela dans une intonation de conteur cherchant à impressionner son auditoire. La référence de la planète ? Complètement inventée. Il faut dire qu’il a toujours été doué pour raconter des histoires, Santiago.
« Ici, c’est un féroce Écaïd. » ajoute-t-il en pointant l’une des formes du doigt. « Je pense que nous avons fait une découverte exceptionnelle, recrue Masa. L’Antre des dragons est une planète recherchée de tous, certains se sont perdus dans leur quête infinie pour la trouver et nous… grâce à mes incroyables talents de pilotage, nous y voici ! » Mais bien sûr. S’il le pouvait, il frimerait certainement comme un coq dans la basse-court, ou un oiseau sur la plus haute des branches de la forêt, histoire d’être vu de tous.
Il prend le temps de lire toutes les infos présentes sur l’écran et acquiesce à la proposition de la rousse. « Oui, vous avez raison, approchons-nous ! » Il fait mine de recevoir les coordonnées et appuie sur l’un des boutons au pif. La salle fait mine de bouger encore et sur l’écran, le zoom est décuplé.
« Je pense que nous allons pouvoir faire une sortie extra-orbitale. Je prépare le téléporteur ! » Il pianote encore et ajoute presque sans s’en rendre compte des « bip piou tu du » qu’il fait avec sa bouche. « Ok, je crois que c’est prêt. Allons-y ! » Il se lève de son siège et prend la direction de la porte à l’opposé de celle par laquelle ils sont entrés. Aucune idée de ce qui les attend de l’autre côté, mais il reste dans son rôle, puisqu’il souffle : « Restez près de moi, surtout. On ne sait pas ce qui peut nous tomber dessus. »
Nos rôles se caractérisent naturellement vers ceux de chasseurs de prime, de pirates de l'espace avides de déterrer les secrets et les richesses des planètes croisant notre chemin. Suite à notre accélération, mon compagnon de jeu se moque gentiment - et avec raison ; je dois avoir l'air un brin ridicule. Mais puisque cela ne m'a jamais tué, je me laisse envelopper par ce sentiment d'euphorie avant de me concentrer sur les explications prodiguées par Santiago.
Son esprit est vif et imprévisible, et j'écarquille légèrement les yeux sous mes lunettes lorsqu'il prononce le nom de notre destination avec fluidité et spontanéité, sans bredouiller ni s'interrompre sur la moindre syllabe. Quelle assurance ! Avoir été à sa place, il m'aurait fallu un bon deux minutes pour réfléchir avant de trouver un nom potable et intrigant.
- Un écaïd... !
Cette fois, ce sont mes neurones qui travaillent et qui s'évertuent à se remémorer les traits de ce pokémon dragon. La race ne m'est pas entièrement inconnue, puisque je sais qu'elle est native à l'archipel d'Alola, et je me dis que je l'ai peut-être vue dans un documentaire ou sur un pamphlet touristique. Mais impossible d'avoir un visuel clair dans mon esprit. Je me contente donc de cette silhouette noire, découpée sur notre écran-fenêtre, avec l'espoir que je m'en souviendrai plus tard.
Je m'amuse des paroles et de l'attitude de mon interlocuteur. Il exhibe avec une pointe de prétention ses talents de pilotage, et je suis presque tentée de le taquiner à mon tour, en lui disant qu'il parle beaucoup et démontre peu ! Je résiste, ravalant ma pique moqueuse derrière un sourire, avant de lui attribuer les coordonnées marquant notre point d'entrée orbitale. Le vaisseau se met en mouvement - cette fois-ci, et à mon grand soulagement, d'une façon purement visuelle - puis Santiago annonce qu'il est temps pour nous d'effectuer notre première sortie en dehors de notre véhicule. Les petits bruits qu'il émet me font rigoler.
- Espérons que nous ne perdrons pas un morceau en chemin... !
Combien de fois ai-je vu un tel scénario se produire dans une télésérie ou un film ? Un cauchemar pour les voyageurs et pour les spectateurs, et qui me hante en cet instant présent. Heureusement que nous ne sommes pas véritablement dans ce monde futuriste et que nous ne risquons pas de finir en pièces détachées à cause d'un équipement défectueux.
- Je vous suis, capitaine.
Je le talonne de près, inspirant profondément avant que nous n'entamions notre fameuse traversée. La téléportation s'opère et produit un brusque changement de décor. Dans la réalité, nous n'avons fait que passer d'une salle à l'autre, mais dans cet univers, c'est comme si nous venions d'atterrir sur le sol même de la planète.
Une végétation dense, aux couleurs criardes et phosphorescentes, nous accueillent ; nous sommes au coeur d'une jungle bruyante et pleine de vie. Mais je n'ai pas le temps de passer en revue notre environnement ni de vérifier que je suis complète que je sens mes pieds quitter notre unique point d'appui. Je pousse un couinement surpris en battant des bras, avant de chercher à m'accrocher à Santiago.
Dans les recoins de la salle, un groupe de magnetis, supervisés par un magneton, s'activent à produire un champ électrifié et inoffensif pour les humains qui leur rendent visite ; un vol magnétik puissant, fruit d'un effort collectif, qui permet aux visiteurs d'expérimenter une gravité différente de celle qu'ils connaissent.
- Je... Woaaaah !
Je me sens comme un papillon qui prend son envol pour la première fois, après avoir longuement maturé dans son cocon. Un sentiment de joie incommensurable m'envahie, à un tel point que les mots me manquent. Le cri guttural et terrifiant qui perce la cacophonie de la jungle a toutefois l'effet d'une douche froide ; les oiseaux, les insectes et les créatures de petits gabarits qui s'époumonaient jusqu'alors se taisent brutalement et un silence glaçant s'installe.
- Qu'est-ce que c'était ?Que je souffle d'une voix où se mêlent curiosité et panique.
Un petit pop-up apparaît soudainement devant mes yeux, interrompant momentanément le jeu, et je me demande si mon compagnon reçoit le même ; il s'agit d'une notification concernant les options de l'immersion, à savoir si nous souhaitons nous adapter à la nouvelle gravité en endossant une combinaison spéciale ou si nous préférons poursuivre en flottant à la dérive. Cela nous aidera peut-être à éviter de nous faire dévorer tout cru par la bestiole qui s'est vocalement manifestée.
Mon regard se pose sur Santiago, attendant sagement sa décision. Après tout, je ne suis qu'une recrue ! C'est lui, le capitaine.