Régis m’a envoyé un message pour m’informer que quelqu’un avait demandé à me voir à la pension, pour nous confier un pokémon. Ça arrive, de temps à autres, que je sois sollicité de manière spécifique par des clients. Je pense que c’est dû à ma notoriété grandissante, au fait que je sois de plus en plus vu dans les médias. Entre mon passage à l’Elite, le tournoi à la Master Tower et puis le Crashed Ice, on m’a pas mal vu à la télévision, et ça a fait de la publicité pour les Éoliennes, au passage. Il faut dire que la demande est en hausse, et qu’on se rapproche de la limite du bon service qu’on peut fournir. Alors deux options, soit on finit par refuser des clients par manque de personnel, soit on décide de continuer à s’agrandir. Le truc, c’est que je ne suis pas le seul à décider. Perso, j’ai aucun problème avec l’idée d’expansion de la pension, bien au contraire. Travailler avec encore plus de monde, se faire de nouveaux collègues, j’adore ça. Ça me donne l’impression d’élargir ma famille là-bas, d’accueillir de nouveaux membres dans l’équipe. C’est bien moins facile à faire entendre à Régis. Jusqu’à ces dernières années – jusqu’à ce que je débarque, globalement – Régis vivait seul ici avec sa fille. J’ai dû insister quand j’ai voulu faire venir Louis, et ça a été encore pire quand je lui ai annoncé à la suite des entretiens que je n’avais pas un mais deux profils très intéressants, ainsi qu’une proposition pour un stagiaire. J’ai pourtant fini par le convaincre, les deux fois, et je suis ravi de l’équipe qu’on a aujourd’hui aux Eoliennes. Alors j’ai bon espoir pour la prochaine fois que le sujet reviendra sur le tapis, d’ici pas trop longtemps.

Bref, je m’égare, ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est que je suis de retour aux Eoliennes, vu que j’y ai été demandé. Je n’ai pas retenu le nom de la personne, je ne crois pas que Régis me l’ait communiquée, de toute façon. Puis, en soi, je m’en fiche un peu, je verrai bien quand j’y serai. Je ferai en fonction. En attendant, j’ai banalisé ma journée. Je suis arrivé la veille à Floraville, j’ai pu voir tous mes pokémons restants ici quand je pars en vadrouille un peu partout. Ça me fait plaisir de les retrouver et de prendre le temps avec eux, un par un, pour reconnecter, voir comment ils vont, comment ils ont pu évoluer. Spoiler : je me suis couché tard hier. Mais bon, une fois de plus, une fois de moins, ça va pas changer grand-chose. Puis il en faut plus pour m’abattre. L’énergie, elle est là dans tous les cas. C’est pas une petite nuit qui va me faire peur… Par contre, un Régis qui râle parce que je l’ai réveillé en montant les escaliers en allant dans ma chambre à pas d’heure… Ahem. J’ai bien vu son petit regard grognon à la table du petit déjeuner, j’ai clairement pas demandé mon reste. J’ai fait mes tartines, j’ai ramassé une pomme et je suis allé faire mon tour dehors. Ça m’a permis de prendre note, aussi, de certains pokémons actuellement déposés à la pension. Je ne suis pas tout à la lettre de ce qui vient, je réponds aux questions quand Régis n’est pas là – il a encore une séance de rééducation par semaine – et participe aux discussions d’équipe, mais pas plus. Alors ouais, je découvre des trucs sur le tas quand je reviens. Genre ce petit Zapétrel juste adorable qui volette autour de moi. Je sais pas à qui il est, s’il appartient à un des copains ou s’il nous est laissé en pension, mais j’ai l’impression qu’il est pas mal intéressé par ma tartine. Ça m’amuse et j’ai très envie de craquer pour le faire s’approcher suffisamment pour le caresser. Au pire quoi, je suis le demi-patron de cette pension, j’ai le droit.


La journée file, plus vite que ce à quoi je m’attendais. Alors je finis par rentrer et sagement attendre l’arrivée du client mystère ayant réclamé ma présence. J’avoue, je me sens un peu fier de cette situation. Ça me donne l’impression d’être important. Je sais que je dois éviter de prendre la grosse tête à ce sujet – enfin, c’est à éviter en général, aussi – parce que ça peut être relou pour les collègues de savoir qu’on vient à la pension pour moi alors que je ne suis pas là, et non pour eux qui font le job au quotidien. Jusque-là, ils ne le prennent pas mal, donc go continuer comme ça. A voir quelle est la personne qui m’a demandé. Et ça tombe bien, parce que ça sonne et on me dit que c’est pour moi. Et comme ça sonne… bah je vais ouvrir hein. Viggo me suit à la trace. Dès qu’il a entendu la sonnette, ses oreilles se sont dressées, je l’ai vu faire. Alors hop, à la porte. Et… Pftftft. Keske… Je ne comprends pas ce qui m’arrive. J’ai même pas eu le temps de voir ce qui était derrière la porte que je me prends une gerbe d’eau en pleine tronche. Je reste figé, debout, pendant une longue seconde avant d’envoyer ma main balayer mon visage, surtout pour dégager mes yeux. On m’aurait ramené Péqueroute sous le nez pour me jouer un tour ? Non. Je découvre un visage qui ne m’est pas inconnu. Même s’il faut un petit délai supplémentaire pour que le nom d’Aaron me revienne à l’esprit. Aaron du Trépassable château gonflable. Aaron de la bataille d’eau. Bah oui, forcément ! De la bataille d’eau, d’où l’embuscade ! Ça fait tellement plus de sens, tout d’un coup. Et donc je ris. Tu veux que je fasse quoi d’autre ? Je vais pas m’offusquer pour trois gouttes d’eau, déjà parce que ça sèche, et puis vu ce que je leur avais mis dans la tronche, avec l’autre gars, j’accepte la représaille.

« Aaron ! Et bah, ravi de te revoir, même si je note l’hostilité… on n’a pas aimé perdre ? » Je taquine. Forcément que je taquine. « Qu’est-ce que tu viens faire là ? » Si c’est bien lui qui a demandé à me voir, ça fait totalement sens. C’était en grande partie moi qui avais pris en charge le Trépassable, à l’époque, lors de son séjour à la pension, et puis on s’est revu à l’occasion d’une superbe bataille d’eau. Alors il connait ma tête, c’est pas surprenant qu’il demande après moi. Je baisse alors les yeux et… oooooh ! Mais c’est quoi ce Moufouette adorable ? D’habitude, on n’a pas envie de les prendre dans les bras pour leur faire des câlins, mais celui-là, il est rose. Genre rose trop trop mims. Je m’accroupis pour le caresser, avant de me dire que… bah non. Je sais que c’est pas comme ça qu’il faut faire. Alors je me redresse aussitôt – oui, mes genoux me détestent – pour faire les choses dans l’ordre. « Ton Moufouette est juste trop cute ! Je peux le caresser ? » Forcément, tu me mets un pokémon sous le nez, je disparais. Y’a rien de surprenant là-dedans, même si je ferais peut-être mieux de prêter attention à Aaron, à écouter sa réponse à ma question.

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