Attendez deux secondes… C’est quoi ça ? C’est pas possible… On dirait pas un vrai pokémon. Ça peut pas être un vrai pokémon, ils ont dû se gourer quelque part, c’est pas possible autrement ! Non mais regardez-le, regardez-le bien. Ça se voit qu’il y a un truc qui va pas, quand même ! Et non, on me dit que non, c’est un Galvagon, et c’est une espèce disparue. Je vous jure, à la tronche du pokémon, on dirait un fake. Un truc inventé par un gamin de six ans qui a cassé deux de ses jouets et qui en a mélangé les morceaux. Ah j’avoue que pour lui, j’ai aucun problème à m’imaginer pourquoi il n’a pas survécu. Je ne dis pas que c’est bien fait pour lui, l’extinction de son espèce, parce que non. Mais on voit bien qu’il n’a pas été gâté par l’évolution si c’est ce qui l’a conduit à ça. Non vraiment. Enfin, le haut de son corps ne va pas du tout avec le bas. J’ai vraiment l’impression qu’on a raccordé deux bouts de deux espèces différentes. Frankenstein style. Il a un haut du corps qui rappelle bien son type électrique, frêle, jaune, agité. Et son bas du corps, bah le type dragon quoi. C’est massif, ancré, résistant. Je ne comprends même pas comment on a pu en arriver là. Surtout qu’on me parle de deux fossiles différents pour en arriver à ce pokémon. Ça sonne pas mal foireux quand même. Pourquoi pour lui – visiblement mal foutu – il faudrait deux fossiles différents, alors que jusque-là, on a trouvé que des pokémons issus d’un seul fossile ?

Après, je dis pas ; il a beau avoir tout d’une abomination scientifique, il a une bonne bouille. Genre vraiment. Il a la tronche d’un pokémon qui se prend pas la tête, qui prend les choses comme elles viennent. Moi j’aime la vibe. Après, j’avoue le type électrique, ça a l’air de jouer sur son caractère. Genre il est pas tout tranquille, il bouge, il va voir les gens. Il vient me voir moi, aussi. Ok. Même de près, ça fait super bizarre, ces deux morceaux de corps qui ne vont pas ensemble, mais au pire on s’en fout, non ? Enfin, c’est pas le seul pokémon avec un physique disons… disgracieux ou juste étrange ; donc un peu nul de le juger que là-dessus. Très nul même. Je préfère me dire qu’il est rigolo. Parce que c’est vrai, en fait. A regarder, il est rigolo.

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En fait, ce qui me perturbe le plus, c’est que je ne connaissais absolument pas l’espèce avant de la découvrir, il y a dix minutes. Alors je suis un peu mal à l’aise quant au fait qu’on m’ait fait venir pour mon expertise. Ok, j’ai pas mal prouvé que je touchais ma bille en ce qui concerne les pokémons électriques, et puis j’ai ça dans les gênes avec ma famille, d’autant plus avec un oncle champion d’arène de ce même type. Et vraiment, j’aimerais pouvoir aider, mais j’ai un peu de mal à voir comment, parce que clairement, ça sera pas sur le plan des connaissances sur ce pokémon. En même temps, c’est un laboratoire, alors ce serait étrange qu’ils manquent de savoirs sur le sujet, non ? Ou alors j’ai absolument pas cerné l’objectif de leur invitation, ce qui est tout à fait possible. C’est peut-être plus un truc de dressage, en fin de compte, dont ils ont besoin. Je sais pas, ils m’ont pas dit, ils m’en n’ont pas encore parlé… Ils m’ont surtout présenté le pokémon, avec l’explicatif de la manière dont leur truc de résurrection fonctionne – spoiler : j’ai rien bité – et puis les caractéristiques de base de l’espèce, la raison pour laquelle elle s’est éteinte à l’époque, plein de savoirs que je vais peut-être enregistrer dans ma caboche.

« En fait, nous aurions un partenariat à vous proposer. » L’homme aux côtés de la scientifique s’exprime, et je le fixe, interloqué. Hormis se présenter comme à la tête du laboratoire, c’était la jeune femme qui avait fait la discussion jusque-là. Un partenariat ? Qu’est-ce qu’il entend par là ? Et puis avec moi, ok, mais sous quelle casquette : celle d’éleveur, d’entrepreneur, de coordinateur, ou simplement de célébrité ? Il va me falloir davantage d’infos pour saisir la teneur de ce partenariat. « Uh ? » Le Galvagon vient glisser sa tête sous ma main. Ok, il est adorable, qu’il a l’air tout content en plus. Mais il faut pas que je me laisse trop distraire ; ça discute de choses importantes là. « Et bien, nous aimerions vous confier Denry, et simplement qu’il soit visible à vos côtés, pour qu’on puisse promouvoir de notre côté le fait qu’il soit à vos côtés. » Euh. Alors, en soi, j’ai rien contre hein. Mais depuis quand je suis influenceur ? Il suffit juste d’avoir un minimum de notoriété dans un domaine ou deux et hop, ça fait l’affaire ? J’ai du mal à cerner, et ça me surprend quand même pas mal qu’ils m’aient contacté moi, pour ça. Enfin, je suis pas non plus hyper médiatique et je ne poste absolument pas de contenu sponsorisé sur mes réseaux sociaux. Trop bizarre. En même temps, il est juste là sous mon nez, le Galvagon, et je dois dire que je serais curieux de le voir à l’œuvre.

N’empêche que je ne me vois pas leur répondre de suite, m’engager direct. Il va falloir en parler plus en profondeur, que je comprenne le mécanisme de ce partenariat plus en détail, les droits et les devoirs de chaque partie. « Je vais avoir besoin d’en savoir plus. » Je vois bien la grimace vite réprimée qui traverse le visage de la scientifique. Sans doute qu’elle s’attendait à davantage d’enthousiasme de ma part, ce qui ne serait pas étonnant vu ce qu’on a pu voir de moi dans les médias. Je la sens déstabilisée, elle commence à jouer nerveusement avec sa tresse – un marqueur de stress assez évident – et ça m’embête parce que je ne voulais pas la mettre en difficulté, simplement que je ne peux pas tout le temps foncer tête baissée. Si je dois signer un contrat, je veux en connaître les termes à l’avance. De toute manière, monsieur le patron ne semble, lui, pas un seul instant dans l’hésitation. « Sans souci. Pour tout vous dire, c’est une première pour nous de proposer cela. Nous sommes en pleine exploration de nouvelles méthodes de communication, et cela nous semblait intéressant de faire valoir notre travail au travers de personnalités proches des pokémons. » Alors, ok, je comprends mieux leur démarche, mais ça ne m’aide pas à cerner les détails dont j’ai besoin pour savoir si oui ou non je compte m’engager avec eux.

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On a bien pris le temps de tout m’expliquer, on m’a transmis un contrat que j’ai renvoyé en précisant les modifications que je souhaitais voir, on a discuté certains points et sommes tombés sur un accord satisfaisant tout le monde. Je ne souhaite pas faire de publicité via mes réseaux sociaux, c’est l’un des points sur lesquels j’ai été inflexible. Pour autant, ça ne me dérange pas qu’ils publient, eux, sur les comptes de leur laboratoire, des photos que je pourrais leur transmettre. Je ne vois pas d’inconvénient à ça. Mais, de ce que j’ai compris, l’axe publicitaire n’est pas le seul objectif que le laboratoire a en me confiant le Galvagon : ils aimeraient savoir si le pokémon s’adapte bien aux conditions de vie actuelle, et aussi découvrir ce que peut offrir l’espèce au monde tel qu’il est aujourd’hui. C’est ce qui m’a fait envisager tout ça sérieusement. Si ce n’était qu’un coup de communication, je pense que j’aurais décliné.

Je sais bien que j’ai de nombreux pokémons qui m’accompagnent déjà, et j’ai bien conscience de ne pas pouvoir me démultiplier. A cela s’ajoute le fait que j’ai un emploi du temps de ministre, donc peu de temps somme toute pour véritablement m’occuper de mes pokémons. Enfin, je le fais dans la mesure de mon possible. Puis je ne les délaisse pas non plus ! Ceux qui ne sont pas avec moi, ils sont choyés aux Éoliennes et, à priori, aucun d’entre eux n’est malheureux. Ça aussi je l’ai expliqué, j’ai expliqué que je ne pourrai pas garder en permanence le Galvagon à mes côtés. Ça a l’air de leur convenir. Là où je me suis interrogé, c’est aussi sur la durée de ce prêt. Là-dessus, rien n’a été fixé par le laboratoire : autant de temps qu’il le faudra pour collecter suffisamment de données, au minimum. Je n’en sais pas plus. Alors comment m’investir auprès du pokémon ? Difficile à dire, difficile de m’accorder le droit de le considérer comme mon pokémon sachant qu’à tout moment il pourra repartir. Je suppose que si c’est expliqué correctement, ça pourrait instaurer une relation particulière mais saine du début jusqu’à la fin. Il va falloir que je planche là-dessus. Ça me semble proche du travail en pension, par sa dimension éphémère. J’ai eu l’habitude d’avoir ce discours, par mon expérience d’éleveur, il est plutôt rodé.

« On restera en contact, si ça ne vous dérange pas. Je me suis occupé de Denry depuis le processus de résurrection, et il va me manquer. » Je peux comprendre, c’est parfois l’inconvénient de travailler avec des pokémons, d’autant plus quand ce ne sont pas les nôtres. Et ça se voit qu’elle est attachée à lui, la scientifique. Je ne peux m’empêcher de me dire que la réciproque doit être toute aussi vraie. « Pas de souci, ça devrait lui faire plaisir de vous voir aussi. » J’adresse un clin d’œil à la dame, espérant être rassurant. Là, je vais repartir avec le Galvagon, et ça me fait bizarre au moins autant que je trouve ça cool. C’est pas donné à tout le monde de pouvoir faire l’expérience d’être accompagné par un tel pokémon, même si ce n’est que temporaire. C’est clairement pas l’espèce qu’on croise à tous les coins de rue, et je me dis que ça peut être cool de me voir avec, ça peut éveiller des curiosités. Qui sait ? Alors ouep, j’ai un Galvagon dans mon équipe maintenant, à voir ce qui peut lui faire envie parmi mes activités diverses et variées. Enfin, je vais peut-être rester encore un peu au laboratoire pour faire la causette à la scientifique, parce que je veux en savoir davantage sur Denry en lui-même - au-delà des infos sur son espèce – son caractère, ce qu’il aime, ce qu’il n’aime pas, tous ces trucs-là à laquelle seule la personne s’occupant du pokémon peut répondre. Puis je tiens à présenter la situation au Galvagon avec la présence de son humain de référence, aussi. C’est primordial, il faut donc prendre le temps de le faire, et correctement. Je ne suis pas là pour l’arracher du milieu qu’il a toujours connu sans aucune autre forme de procès ; bien au contraire. Dans ma démarche, c’est Denry qui est au centre de tout, et je trouve ça vachement cool qu’on lui offre la possibilité de vivre autre chose que simplement une vie en labo. Certes ça ne m’a pas semblé être l’objectif premier de la direction du centre de recherches, mais bon, si ça le permet, autant en profiter !

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