Distraite par ses réflexions, Edelweiss n’écouta que d’une oreille des consignes données par le professeur ; le petit exercice d’interviews des élèves ne la concernait pas de toute manière. À la place, elle laissa ses yeux parcourir les lieux, qui lui paraissaient… immenses. Il n’y avait certainement rien de semblable à Floraville, ni même à Vestigion. Les mines de Charbourg avaient peut-être une ampleur similaire, mais c’était difficile à dire. Edelweiss ne s’y était jamais aventurée bien loin, lors des rares fois où son père lui avait fait visiter son lieu de travail. De nombreux stands s’alignaient le long de murs en carton dressés temporairement, et les vitrines étaient couvertes pour la plupart de pâtisseries colorées en tout genre. Rien de surprenant sur ce point-là. Les décorations du salon, en revanche… Du pastel à perte de vue. Pourtant, de nombreux pâtissiers de renoms sont des hommes, non ? Enfin, ce n’est pas comme si les couleurs ont un genre.

La fin des explications du professeur fut marquée par la dispersion des élèves en petits groupes, à l’exception de quelques-uns, qui optèrent de mener leur enquête en solitaire, et d’un unique garçon qui demeura silencieusement à côté d’elle, telle son ombre. Edelweiss jeta un coup d’œil à Jim, un sourcil inquisiteur levé. Bon, ce n’est pas comme si je n’avais pas prévu de passer l’après-midi à ses côtés. « Tu veux que je t’accompagne ? » Elle pourrait bénéficier de l’exercice, et puis, elle n’avait véritablement rien de mieux à faire. À l’accord de Jim, elle répondit : « Je te laisse choisir où aller. »

L’adolescent prit ainsi la tête de leur duo. Edelweiss profita du chemin et de l’indécision du garçon pour pondérer la question qu’il lui avait posé plus tôt. Aimait-elle cuisiner ? Edelweiss ne s’était jamais posé la question, malgré les nombreuses heures passées derrière les fourneaux aux côtés de sa mère. « Par rapport à ta question de tout à l’heure… Je dirais que cuisiner n’est certainement pas une de mes passions, mais en avait-elle seulement ? S’occuper des Écrémeuh de la naissance à la réforme lui avait toujours procuré une certaine satisfaction, malgré l’immense charge de travail. Elle aimait également voir Corindon progresser ; la première évolution de la Carmache resterait gravée à jamais dans sa mémoire. Edelweiss ne pouvait toutefois s’empêcher de penser qu’appeler cela des passions relevait de l’exagération. Mais savoir bien cuisiner à ses avantages. On dit des hommes que le chemin de leur cœur passe par l’estomac. Enfin, dans mon cas, c’est seulement le cœur d’une femme qui m’intéresse. » Clair, net, sans ambiguïté. Je n’ai plus qu’à espérer qu’il n’est pas aussi con que les autres.

---

(445 mots)

Croquembouche choisi : Rosebaie
Nombre de points : 15

Récompenses :

• x1 GM pour 15 points

En dépit de l’impression qu’il donnait à Edelweiss de ne pas être une lumière, Jim parut comprendre sans trop de difficulté le message qui avait jusqu’alors échappé aux autres. Les ambitions d’entrepreneuriat qui animaient le garçon ne devaient donc pas être aussi inatteignables qu’elle l’avait pensé aux premiers abords. Il exprima même ouvertement, bien qu’avec un peu de maladresse, de l’enthousiasme au coming-out d’Edelweiss ; une réponse dont la positivité inhabituelle ne manqua pas d’enchanter l’adolescente. Bien plus détendue à l’idée qu’elle ne donnerait pas au garçon de faux espoirs et qu’elle avait en lui un allié, elle ne chercha pas à cacher le sourire qui se dessina sur ses lèvres. « N’est-ce pas ? »

Edelweiss se sentit plus légère sur le reste du chemin jusqu’aux Pâtisseries du monde, section du salon repérée quelques minutes plus tôt par Jim. Le changement de décor lorsqu’ils arrivèrent sur les lieux fut drastique, mais bienvenu aux yeux d’Edelweiss. Elle appréciait bien mieux les teintes sobres parsemées de couleurs chaudes qui décoraient la zone au pastel à outrance. Des costumes foncés avec des rehauts orange comme ça pour la Team Flare auraient été tellement mieux que ce qu’on doit se taper… Jim sortit Edelweiss de ses pensées en reprenant leur discussion là où ils l’avaient laissée. Elle rit un peu à sa question : « Déjà une seule copine, ce serait bien pour commencer. » Elle n’était pas opposée à l’idée de voir plusieurs femmes en même temps, mais encore lui fallait-il l’accord de tous les partis concernés.

Elle déchanta toutefois rapidement lorsqu’un stand offrant la possibilité de fabriquer ses propres poffins entra dans leur champ de vision. Edelweiss se réprimanda mentalement à cette réaction. Ils venaient d’accéder à une section du salon intitulée « Pâtisseries du monde », évidemment qu’ils y trouveraient des spécialités de Sinnoh ! Le choix de s’y rendre avait-il été délibéré de la part de Jim ? Avait-il reconnu son accent ? Sans doute, avait-il pensé lui faire plaisir. S’il était capable de faire preuve d’une telle prévoyance.

Pourtant, il ne pouvait pas s’être davantage trompé ; tout ce qu’elle espérait, c’était de ne jamais remettre les pieds dans sa région natale. Plus encore, elle espérait ne jamais revoir ses parents, ni même ses frères. Quelle idée avait-il bien pu garder d’elle, après le passage de leur paternel ? S’il avait repris certains des mots qu’il lui avait jeté à la figure, « dégénérée » avait dû faire partie du vocabulaire. Il l’avait bien aimé, celui-là. Sans compter tous les autres.

Edelweiss secoua la tête. Laissons le passé être le passé, du moins, pour l’instant. Le pauvre Jim n’avait rien demandé, et elle n’allait certainement pas lui confesser la raison derrière la perte de son sourire. À la place, elle décida d’attraper le Tauros par les cornes et de confronter les souvenirs qui remonteraient inéluctablement à la surface. Elle pointa l’atelier du doigt : « Tu penses que tu aurais de quoi écrire sur ton rapport si on s’y essaye ? »

---

(502 mots)