Mon téléphone posé sur la table me tente. Ca me démange d'envoyer un nouveau message à Shiori. Juste comme ça. Pour partager les expériences que je vis. Je m'en fiche qu'elles soient super basiques. C'est pas grave si elle me réponds pas. Je préférerais, je vais pas mentir, mais je comprends qu'elle soit occupée. Je lâche pas Sayu pourtant et je laisse mon portable dans son coin. Je veux pas l'ennuyer en paraissant collante. Je sais pas trop depuis combien de temps ça dure. Avant, je réfléchissais pas autant. Je me laissais porter. Je pouvais rester dans son espace pendant des heures et je me posais pas de questions. Maintenant un truc coince. C'est pas le déménagement ou une histoire de s'adapter à la nouvelle région. Y a comme un truc qui a changé. Je sais pas si c'est à cause de moi. Ou si y a que moi qui voit des difficultés là où y en a pas. Peut-être que j'ai pas digéré si bien que ça qu'elle me parle pas du déménagement plus tôt. Parce que pendant un moment j'ai vraiment cru qu'elle se préparait à partir toute seule. Sans moi. Je me suis sentie trop bête après quand elle m'a demandé où je voulais aller. Ca avait été le plan depuis le début, juste je l'avais pas su.

Toujours pâle. La patronne me surprends quand elle dépose mon assiette. J'ai un peu sursauté. J'ai pas l'habitude de me faire surprendre. Je me suis un peu trop perdue dans mes pensées. J'aime pas l'idée. Mange vite. Je me force à sourire. Merci. Faut que je me sorte de ce mood.

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Manger me fait du bien. J'ai tendance à l'oublier mais mon estomac dicte trop souvent mon humeur. Quand tout va bien, l'idée même de sauter un repas me donne envie de bouder. Alors, un petit encas et ça repart. Petit n'est pas le mot dans ce cas-ci au vu du sandwich que j'ai entre les mains. Il est délicieux. Une viande salée, des légumes qui donnent un coup de frais et de l'huile d'olive qui imbibe le pain. J'ai rarement mangé ce genre de choses. Encore moins avec des ingrédients d'une aussi bonne qualité. Je pourrais m'habituer à un tel lunch. A toi aussi ça te plaît ? Sayu se fait un plaisir de voler des petits morceaux qu'elle détache du sandwich avec ses pouvoirs. Si ça ne tenait pas de l'habitude, je ne l'aurais pas vu faire. Elle est devenue vraiment discrète et précise. Son cri est déformé par ses petites joues gonflées par un bout de tomate. Vous faites la paire. La patronne se pose sur une chaise en face de moi et il me faut un temps un peu honteux pour remarquer les miettes que j'ai autour de la bouche en bonne imitation de ma tarsal. Je les chasse de l'avant-bras avant de nettoyer mon pokémon plus délicatement avec mes doigts. On avait vraiment faim. Je murmure avec les joues un peu chaudes. C'est pas un vrai mensonge. Si elle me connaissait mieux, la patronne saurait juste que je suis une mangeuse enthousiaste et que ça se finit souvent comme ça. Face à un public, j'assume moins.

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La patronne sourit peu. Je ne l'imagine pas bavarde non plus. Pourtant, elle a des choses à dire pendant que je termine mon sandwich. Elle parle de la ville et des habitués que je peux voir à l'extérieur. Rien de passionnant. Juste de petits détails. Parfois elle me pose des questions. Je préfère quand un mouvement de tête suffit en guise de réponse. Je ne suis pas encore à l'aise quand je m'exprime. Et puis j'ai peur de mal la comprendre. Elle ne s'en offusque pas. Sa présence ne me dérange pas. Je me demande juste ce qu'elle gagne à me tenir compagnie. Peut-être qu'elle veut me fidéliser en tant que cliente. Elle perds son temps. Tant que ça reste bon, elle va me revoir.

Vous en faites à emporter ? Je désigne mon assiette vide. Je n'ai plus que mon verre à finir et ça se règle en deux longues gorgées. Tu veux le même ? Je hoche la tête. Ca fera plaisir à ma coloc. J'en souris. Je suis sûre que Shiori va revenir morte de faim. Elle prétends le contraire mais parfois elle oublie de prendre soin d'elle. La patronne disparait pour préparer ma commande et j'en profite pour passer aux toilettes. Un peu d'eau sur le visage me donne un dernier coup de frais bienvenu. Ensuite, je vais attendre au bar. Sayu m'y rejoint en lévitant et elle me dépose à nouveau mon bob sur la tête.

Fais attention cette fois. La dame me met en garde en encaissant le prix de mon repas. Je glisse le sandwich dans mon sac. Je trainerais pas, vous en faites pas. Après un au revoir rapide, je retourne vers le soleil. En espérant qu'il sera moins assassin cette fois.

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Bon, c'est pas la glace que j'avais mise sur ma liste mais je pense que cet arrêt compte un peu. Je ne vais pas cocher cette étape non plus, juste m'en suffire pour le moment. Peut-être que ça me donnera l'occasion d'y aller avec Shiori si on fait une balade en soirée après son boulot ou lors de son prochain jour de repos. En attendant, je compte bien réussir pleinement un de mes objectifs. Le soleil tape un peu moins dur alors j'envisage la possibilité de trouver un endroit où faire sortir Bunta de sa pokéball. Je voulais lui faire découvrir le quartier après tout. Seulement, je me sens un peu fébrile à l'idée. Je ne veux pas reproduire les conditions de ce presque malaise. Dans les options en intérieur, il n'y a qu'une visite dans une boutique pour trouver une bricole. Notre appartement a vraiment besoin d'être égayé. Puis, je veux que cela commence à ressembler à un endroit où on vit vraiment. Avoir laissé beaucoup de nos affaires à Hoenn ne nous a pas aidé à meubler les lieux. J'ai hâte que les premières livraisons des choses que nous avons commandés arrivent. Le canapé principalement. Il habillera la pièce à vivre.

Sayu me sort de mes pensées quand elle passe la patte sur ma joue. Je dois être restée immobile trop longtemps. Je sais. Je lui caresse la tête. Trouvons un magasin. Je me rend compte tardivement que j'aurais pu demander des informations sur les commerces à la patronne. Tant pis. Se perdre fait aussi partie de la découverte.

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D'après mes recherches au préalable, il y a un de ces magasins un peu fourre-tout qui se cache dans cette ville. Le genre d'endroit qui sent toujours bon grâce aux différentes bougies et parfums d'intérieur stockés sur les étagères. Enfin, bon... Tout est relatif. Parfois, ce genre d'odeurs est un peu trop entêtante pour moi. J'espère que ça ne sera pas le cas cette fois. De toute façon, je veux constater moi-même les différences entre Hoenn et Paldea. Je suppose qu'il y aura des marchandises assez similaires, les différences seront dans les détails. Je croise aussi les doigts pour tomber sur des gammes de prix abordables et pas sur une boutique trop luxueuse. Je juge un peu sans doute mais, vu la ville, je me dis que les chances sont peu nombreuses.

Plutôt que de errer au hasard, je pourrais me diriger avec mon téléphone mais ça aussi ça va à l'encontre de la découverte. Je ne prends pas tant de risques que ça. Plus j'observe Pinchoria, plus son organisation devient évidente. Et c'est logique. Selon Shiori, il y a beaucoup d'ateliers mécaniques et d'entreprises de minage. Une boutique de décos toute mignonne ne va pas être plantée entre deux entrepôts. Idem pour un restaurant ou une épicerie. Tant que je reste hors de la zone industrielle tout ira donc bien.

modération:

Où que j'aille, le centre-ville reste assez gris et terne. On est loin de ces paysages que j'ai pu voir depuis la fenêtre du train qui nous a amené jusqu'ici. Il y a des flashs de couleurs dans les vitrines et lorsque je croise une terrasse mais rien ne peut contrer ces allées poussiéreuses et les murs rocheux qui délimitent naturellement Pinchoria. Je me demande si je m'y habituerais un jour. Je suppose que oui, on se fait à tout. Mais c'est tellement différent de Hoenn. Toute la région n'est pas à cette image mais encore faut il que je puisse m'y attarder régulièrement. L'avenir est assez incertain. Je n'ai aucune idée de ce que je vais faire, comment je vais occuper mes journées. Continuer à m'imprégner de la culture parait être un bon début. J'ai déjà assez de circonstances qui vont compliquer mes progrès.

Oh. La plante se remarque sans mal dans cet environnement grisâtre. Il y a de la végétation mais elle est plus adaptée à ce paysage rocailleux. La plante en pot coincé entre un mur et une poubelle ne l'est pas. Je m'agenouille à proximité pour la tirer vers moi et l'observer de plus près. T'as vu de meilleurs jours. Elle a pris un coup de chaud. Sa terre est toute sèche. Elle devient presque poussiéreuse entre mes doigts. Les quelques feuilles restantes sont racornies et la tige se courbe piteusement. Elle fait de la peine.

A Hoenn, j'avais quelques plantes. J'ai toujours aimé prendre soin d'elles. Avant le départ, je les ai confié à une amie et ça m'a un peu brisé le cœur. Mais au moins je les sais entre de bonnes mains. Je suppose que la personne a qui appartenait celle-ci n'a pas eu le même réflexe. C'est triste. Je vais te retaper, t'inquiète pas. C'est pas vraiment ce que j'avais prévu mais elle égayera l'appartement à sa façon. Tant pis pour le bricole que j'avais en tête.

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Sayu est délogée de sa position de choix entre mes bras. Elle ne fait pas la difficile. Ce n'est pas son genre. Elle a toujours été une bonne pâte, prête à s'adapter et à faire des efforts. En plus, être perchée sur ma tête ne doit pas être si désagréable. Elle doit voir plus loin et cette prise qu'elle a sur mon bob doit lui donner l'impression d'être dans une attraction. J'espère en tout cas. Puisqu'elle est toute légère, elle ne me dérange pas du tout. La plante est un peu plus délicate à transporter vu que j'essaye de ne pas lui faire plus de dégât. Dans son pot en plastique, elle ne pèse pas bien lourd mais ses feuilles viennent me chatouiller le visage à chaque pas. Elles me griffent presque. La sensation n'est ni agréable, ni désagréable. Heureusement ça ne laisse aucune trace.

Pendant le trajet pour rejoindre l'appartement, je réfléchis à ce dont je vais avoir besoin pour aider cette plante à se remettre. Déjà il me faudra une autre pot pour lui permettre de se développer et de la terre plus riche. Un tuteur aussi maintenant que je l'observe. Sa tige va continuer à se courber si elle développe de nouvelles feuilles. Pour ça, je me débrouillerais mais pour les deux autres choses, il va falloir que je fasse un tour dans une jardinerie. L'idée est loin de me déplaire. Ca va me faire un truc en plus à ajouter à ma liste de projets à court terme.

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L'appartement est en vue. Je ne suis pas mécontente d'avoir réussi à lui mettre la main dessus sans galérer pendant un moment dans les rues pour retrouver mon chemin. La ville reste facile à naviguer. C'est pas une mauvaise chose pour la suite. Il faut dire que les avenues sont très ouvertes. Très vastes. Je suppose que ça a à voir avec les véhicules très bruyants que j'ai entendu ce matin. Les bruits de moteur m'ont réveillé assez tôt. Pendant un moment, j'avais eu du mal à me souvenir d'où j'étais et pourquoi l'ambiance sonore était si bizarre. Puis les brumes s'étaient dissipées et j'avais pu faire le point. Avant de me rendormir, assez étonnement. Avec tout ça, j'avais même pas entendu Shiori partir pour le boulot. A mon vrai réveil, je n'avais trouvé que Bunta dans la pièce commune.

Je suis tentée de prendre les marches par deux mais j'évite. J'y vais doucement. Je prends en compte mes passagers et le fait que j'ai encore la fatigue du voyage dans les pattes. J'ai pas l'impression mais on a bien vu que je me faisais rattraper vite si je faisais pas attention. Devant la porte, il me faut un instant avant de faire les choses dans le bon ordre. Je reste plantée là, les mains prises, un peu bêtement. Puis je m'empresse de poser la plante et d'aller récupérer les clés. Le verrou coince un peu. J'ai pas encore la main. Je force un peu avant de mettre un coup d'épaule qui déclenche un clic. C'est ouvert. Ce serait bien qu'on puisse réparer ça mais je ne suis pas sûre qu'on ait le droit. Puis je dis on mais clairement c'est le rayon de Shiori.

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