Je frémis, je sursaute et je retire ma main, le tout en même temps. Mon regard tombe, se perd vers la table. Elle est usée, mais plus belle que celles dont j'ai l'habitude à Motorby, sans ce vernis excessif qui vient donner au bois cet aspect de plastique. J'aimerais pouvoir y consacrer davantage de temps. Quelques dizaines de secondes, peut-être quelques minutes. Je ne suis pas prête. Je croyais l'être, mais je ne le suis pas. Et je ne peux pas pour autant fuir plus longtemps.

- Billy ?

Son nom reste à moitié dans ma gorge tant celle-ci est nouée. J'ai l'impression qu'un élément de ma vie des plus précieux est en jeu. Selon notre conversation, il pourrait tout autant disparaître à jamais ou revenir à la normale comme s'il ne s'était rien passé.

- Pardon. Je ne voulais pas te gêner.
- Il n'y a pas de mal.

Si. Si, ça me gêne. Pourquoi les mots ne veulent pas sortir ? Pourquoi je ne parviens pas à être honnête avec lui ? Il me demande de lui faire confiance, mais je ne suis même pas capable d'exprimer ce que je ressens. Alors qui est-il pour moi ? Si je le considérais vraiment comme un ami, je devrais ne pas avoir peur de son jugement, n'est-ce pas ? A moins qu'on soit encore plus dans le contrôle avec nos proches ? Pourtant il me semble être transparente avec mes parents. Ne pas être dans cette retenue. Mais peut-être n'est-ce qu'une l'impression. Peut-être que j'oublie tous ces petits mensonges que l'on fait sans y penser ? Je ne sais plus quoi croire. Je ne sais plus quoi dire.

- Je… Je suis désolée de te demander ça. Je voulais te laisser profiter de ta journée de congé, mais… Il faut que je le sache.
- Je t'écoute ?

Je remonte le regard jusqu'à son visage. J'y lis de l'inquiétude. Mais pas de réflexion particulière. Je crois qu'il sait. Ce n'est pas bien compliqué de déduire ma question, étant donné le contexte. Pourtant, ça ne m'aide absolument pas à poser les mots. S'il connaît l'objet de ma question… Sa peur ne serait-elle pas liée à son propre questionnement ?

- Il faut que je te le demande… Comment tu me vois ?

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Entraînement : Scalpion niv. 41 (1), Carapagos niv. 36 (1), Fermite S niv. 24 (1) [Rotation C]

- Je veux dire… Qui est-ce que je suis à tes yeux ?

Ces secondes sont sans doute les plus longues de toute ma vie. Le soulagement de m'être enfin lancée ne vaut rien face à l'angoisse terrible de l'attente de sa réponse. J'entends le sang battre dans mes tempes, seul signe que mon cœur n'est pas à l'arrêt. Pas encore, du moins. A tout moment, il cesse définitivement de me maintenir en vie.

- Je ne sais pas trop. J'ai peur de dire une connerie, maintenant. Tu sais que je t'aime beaucoup, mais j'ai l'impression que ce n'est pas comme toi.
- C'est-à-dire ? Soit honnête s'il te plaît.
- Et bien… Je ne suis rien d'autre qu'un ami pour toi, je me trompe ?
- Pas vraiment.
- Voilà.

Je ne sais pas quoi dire. Lui non plus. Je fuis à nouveau son regard, mais je ne suis pas certaine qu'il le cherche. Le silence s'installe, trop longtemps à mon goût. Dans un faible espoir de le briser, j'appelle Alban pour commander des boissons, qu'il nous apporte sans que celà ne cause le moindre changement à notre situation, si ce n'est que le goût sucré du sirop apporte une diversion bienvenue à mon esprit, après chaque gorgée. Mais cette idée ne tient pas bien longtemps. Rapidement, je perds l'intérêt que j'avais pour mon verre et je place toute mon impatience de l'arrivée prochaine de nos assiettes, ce qui heureusement ne tarda pas.

- Et voilà, un fish and chips pour monsieur et un risotto végétal pour mademoiselle. Bon appétit à tous les deux.
- Thank you, Alban. Ça a l'air bon.
- J'espère bien. J'espère que vous me direz ce que vous en avez pensé.
- D'accord, c'est promis.

Mon plat suscite en effet mon appétit et probablement pas uniquement à cause de notre conversation avec Billy. Il semble y avoir dans mon assiette un amour de la cuisine à en faire pâlir un kalosien. La cuisson à l'air parfaite, même si je ne suis pas une experte en risotto. Je demanderais bien la recette à Alban, mais je doute qu'il la partage si facilement. Secret de chef je suppose. Peut-être si j'étais du coin, et encore, mais dans mon cas c'est tout simplement impossible.

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Entraînement : Scalpion niv. 41 (2), Carapagos niv. 36 (2), Nénupiot S niv. 39 (2) [Rotation D]

Jour 2 - dans la soirée

Je m'écroule dans mon lit, exténuée. Zigzig a bien retrouvé son papier et dort bruyamment, dans cette même position étrange qu'à son habitude, prise lors de sa convalescence. Je peux distinguer son ventre qui se lève et s'abaisse paisiblement. Il ne semble pas se préoccuper du décor différent autour de lui. Cette vision m'apaise. Il apporte un peu de normalité au milieu de ce changement.

Je ne m'attendais pas au déroulé de cette journée. Je n'en reviens pas de souhaiter m'éloigner de Billy à ce point. J'ai vraiment essayé d'arranger les choses. Jusqu'à la fin de la journée, j'ai vraiment fait mon maximum. Mais lorsque nous avons réussi à nous reparler, nous ne sommes pas parvenus à mettre notre froideur de côté. Ce n'était pas son intention, j'en suis bien consciente, mais notre gêne était bien réelle et ne savait se manifester autrement qu'en un mur de glace qui nous séparait. Peu importe nos efforts pour l'ignorer, aucun de nous deux ne l'a réellement affronté et, sans aucune menace, il n'avait évidemment aucune raison de s'écrouler.

Combien de temps va-t-il tenir ? Est-ce que la distance parviendra à l'affaiblir ? J'en ai assez. J'en ai assez d'être esclave de mes sentiments. De mes peurs. Il faut que cela cesse. Je ne peux pas attendre que les choses changent. C'est contraire à tous mes principes. Je ne peux pas me plaindre sans agir de mon côté. Pourtant, je ne sais pas quoi faire. J'avais l'espoir de contrôler la situation. J'avais tort. Je me berçais d'illusions. C'était plus simple.

Je sers les poings. J'ai envie de hurler. De pleurer peut-être aussi. Je ne m'explique pas ce déferlement d'émotions. Je me sens… submergée. N'est-ce pas trop extrême comme réactions ? Peut-être pas. Billy reste une personne qui m'est très chère. C'est sans doute normal de souffrir de le perdre. Après des années à le considérer comme le plus proche de tous mes amis. J'aurais peut-être dû écouter ceux qui prétendent que l'amitié homme-femme n'existe pas. J'aurais évité que les choses tournent ainsi. Ou au minimum m'éviter de souffrir. Mais j'ai voulu y croire. Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même.

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Entraînement : Scalpion niv. 42 (0) Nénupiot S niv. 40 (1), Fermite S niv. 25 (0)

Jour 3

Je passe mes mains sur mon visage. J'ai vraiment dû pleurer, on dirait, mais je ne m'en souviens pas. J'ai la peau qui me tire où les larmes auraient séché. En revanche, ce matin, je me sens mieux. J'ai même plutôt bien dormi en fin de compte. Mes restes de maquillage sont les seuls témoins de ma détresse d'hier. Et je ne vais pas m'y repencher davantage. Le passé est passé. Le ressasser ne peut que me bloquer dans des sentiments néfastes. Si je me tourne vers le positif, je me sentirais mieux et j'aurais une meilleure influence autour de moi. Sans parler de Lux. Sa vie ici commence bien, pour elle aussi. Ma négativité était trop forte pour qu'elle vienne dormir dans ma chambre. Elle a préféré rester avec le groupe au rez-de-chaussée. C'est rare qu'elle en arrive là et je n'ai pas envie qu'elle associe ces émotions à cette nouvelle maison. J'espère qu'elle saura faire la part des choses.

J'ouvre mon armoire pour me changer. Elle est vide. Évidemment. Tous mes habits sont encore dans les cartons. J'en attrape un au hasard, qui, manque de chance, contient les vêtements d'été. Je continue jusqu'à tomber sur le bon. J'aurais dû noter ce qu'ils contenaient. C'est déjà pratique de connaître leur pièce de destination, mais cela ne suffit pas. C'est un jeu de mémoire qui s'entame pour gagner du temps lorsque je chercherai quelque chose. Mais dans l'immédiat, j'ai trouvé ce dont j'avais besoin. Je priorise des vêtements que j'apprécie particulièrement, s'ils ne sont pas trop enfouis dans les boîtes. Ce n'est pas grand chose, mais j'ai envie de prendre du plaisir aujourd'hui et ma tenue en est la première étape. Et puis je mets mon épaisse robe de chambre. Ambiance cocooning pour bien démarrer la journée. Le froid du dernier matin de janvier serait un ennemi à mon moral et je lui dis halte.

Je n'ai même pas encore mis le pied sur la première marche de l'escalier que j'entend du bruit en bas. Ils sont bien matinaux, surtout au vu des horaires de lever du soleil. J'espère qu'ils ont tout de même réussi à dormir… Et qu'ils n'ont rien cassé, par ennui ou par maladresse.

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Entraînement : Scalpion niv. 42 (1) Nénupiot S niv. 40 (2), Fermite S niv. 25 (1)

Je descends avec appréhension. A première écoute, il s'agit de cris plutôt que de bris ou de coups. Je ne suis pas rassurée pour autant. D'instinct, je pense à un combat. Une lutte de territoire, peut-être. Certains de mes pokémons n'avaient pas pour habitude d'être libérés en intérieur. Il est tout à fait possible qu'ils se sentent à l'étroit ou qu'ils créent des tensions avec d'autres de mes pokémons. J'accélère, prête à les séparer en cas de besoin, mais il n'en est rien. C'est mon Ange qui se sent mal. J'étais persuadée que ce n'était que la présence des humains qui lui posait problème, mais j'ai dû me tromper. Il faut dire qu'il n'avait jamais manifesté de signe indiquant le contraire et j'avais cessé de me poser la question.

Je me dirige vers la porte fenêtre pour lui ouvrir l'accès au jardin, mais une boule de poils, ou plutôt de laine, vient accueillir mes jambes et, volontairement ou non, m'empêche d'atteindre ma destination. Je baisse les yeux vers Jane, l'invitant gentiment à me rendre ma mobilité, sans succès. Je parcours la pièce à la recherche de Vikai, mon drôle de wattouat, mais il continue de dormir, comme si le vacarme ne le dérangeait pas. Il est jeune, en même temps, c'est normal qu'il ait besoin de prendre des forces. D'autant que je le compare sans cesse avec un moumouton, puisque j'en ai davantage observé au cours de mon enfance, et qu'ils ont un développement plus rapide. Mais ses couleurs m'intriguent. On dirait à s'y méprendre celles d'un moumouton. Il n'y a que ses oreilles et sa queue, ornée d'une orbe or, qui perturbent l'illusion. Je crois que je ne connais personne qui ne soit pas tombé dans le panneau. Et cela signifie qu'il n'a pas reçu les soins nécessaires à sa bonne croissance. Mais je ne pense pas que j'aurais pû faire mieux. En plus, il a la chance de pouvoir compter sur Jane pour le surveiller. J'ai remarqué que même si elle s'éloigne souvent, elle fait en sorte de le garder constamment dans son champ de vision. C'est drôle de la voir dans un rôle si sérieux, surtout quand on voit les bêtises qu'elle fait à côté.

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Entraînement : Scalpion niv. 42 (2) Nénupiot S niv. 40 (3), Fermite S niv. 26 (0)

Je finis par parvenir à l'esquiver et atteindre la baie vitrée que j'ouvre en grand sans ménagement. Ange ne semble pas vouloir venir dans l'immédiat mais observe son issue avec intérêt. Je suppose qu'il attend que le chemin qui y mène soit moins peuplé. Mais si je commence à éloigner mes pokémons, je créerai un climat de méfiance, pour ceux qui ne partagent pas un lien de confiance avec moi du moins. Je pourrais les inviter à manger, mais il faudrait le temps de préparer la nourriture et, au vu de ce que j'avais pu constater la veille au soir, les conflits ne seraient probablement pas évités pour autant. Enfin… ça reste ma meilleure piste, j'aurais tout le temps de réfléchir à une nouvelle approche en cuisinant.

J'ai une drôle de sensation. Ce doit être la fatigue. Je ne dois pas être encore bien réveillée, c'est tout. Les émotions, ça use aussi. C'est sans doute ça. Pourtant… Non, mes pensées se vident. S'apaisent. Je me tourne instinctivement vers Lux. Je me retiens de lui demander si c'est elle. C'est évident, désormais. Elle guide mon esprit où elle le souhaite. Ces pouvoirs psychiques sont de plus en plus puissants. C'est fou de voir les progrès qu'elle a faits depuis qu'elle est sortie de l'œuf. Je suis tellement fière de ce qu'elle est devenue. Et d'en être à la source. Et dire que je n'étais qu'une ado à l'époque de son éclosion. Je n'ai peut-être pas agit comme il aurait fallu aux yeux des autres en décidant de voler son œuf puis de la cacher, mais il est certain que je suis plutôt bien parvenue à l'éduquer. Même lorsque mes études ont commencé. Le rythme en médecine est loin d'être facile à suivre, mais j'ai tenu bon. Et malgré le stress, malgré la pression, j'ai réussi à faire de mon appartement de Motorby un milieu d'éducation convenable, pour un pokémon aussi sensible qu'un Tarsal en plus. Je n'en avais jamais vraiment douté mais voir que mes efforts ont porté leurs fruits est tout à fait gratifiant. Et j'ignore à quel point mes pensées sont lisibles pour elle, tout comme je ne parviens pas encore à comprendre ce qu'elle souhaite me transmettre mais je la sens y réagir.

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Entraînement : Scalpion niv. 43 (0), Nénupiot S niv. 41 (1), Fermite S niv. 27 (0)

Et pourtant, ce n'est encore que le début. Nous sommes encore loin de la création de trous noirs et des manipulations de l'espace temps dont elle sera bientôt capable. A moins qu'elle le soit déjà ? Je n'en serais probablement jamais témoin. Ce n'est pas le genre de pouvoir qu'on peut utiliser au quotidien sans risque pour l'humanité entière, voire jusqu'à l'univers. Le jour où je pourrai voir un trou noir, ou du moins l'absence de lumière autour de lui, j'en mourrai très certainement. Moi et tous ceux autour de moi. Il faudrait que je me renseigne sur les sources de cette information d'ailleurs. Il pourrait autant s'agir de rumeurs que de théories scientifiques non vérifiées en pratique. Cela ne signifie pas qu'elle serait fausse, uniquement qu'il faudrait la remettre en question à l'occasion. Il est trop facile de faire croire et beaucoup moins de savoir. Les certitudes en sont-elles vraiment ? Et à l'heure actuelle, un autre doute me vient. Est-ce que mes pensées sont miennes ou me sont-elles dictées ? Est-ce toi, Lux, qui déplace mes réflexions où tu le souhaites ou est-ce le fruit de mon être ? Il me semble que mon cerveau se met à… Je ne sais pas. C'est une drôle de sensation qui vient par intermittence. Une augmentation de ma pression intracrânienne ? C'est ce qui se rapproche le plus parmi ce que je connais. Mais je suppose que c'est un effet secondaire de la présence de Lux dans mon esprit. Comment est-ce que ça fonctionne ? Ça peut être physique, par la manipulation du courant électrique qui parcourt mes neurones ou bien chimique, en altérant les récepteurs synaptiques. Le système nerveux est si complexe. Après des années et des années d'études, même les meilleurs neurochirurgiens ne maîtrisent pas tous les tenants et aboutissants de leurs opérations. Il y a des complications. Et des séquelles, souvent. Et par le seul fait de grandir, certaines lignées de pokémons accèdent à des connaissances bien supérieures à celle de n'importe quel humain, même scientifique. C'est tout simplement incroyable. Et notre espèce ose se placer comme supérieure ? Pour quelle raison pourrait-ce être juste ? Nos constructions ? Nos recherches ne sont-elles pas une preuve de notre médiocrité innée ? Un moyen de s'extraire de notre condition ?

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Entraînement : Scalpion niv. 43 (2), Nénupiot S niv. 41 (3), Fermite S niv. 28 (0)