Aujourd'hui sera une bonne journée. Le mercredi est un jour de marché. Mon programme est fixé : je compte bien y faire le plein de produits frais et me présenter par la même occasion. En montrant mon intérêt pour les produits de la terre et pour les petits producteurs, je gagnerai à coup sur des points dans leur estime. Et ça me met de bonne humeur. Ma confiance concernant mon futur ici grandit. Je n'ai qu'à être moi-même pour qu'ils m'accordent la leur, au final, sauf mauvaise foi. J'enfile mon manteau en quelques mouvements. Alors que je m'approche de ma porte, je fais machine arrière et gagne le salon.

- Lux, tu m'accompagnes ? J'aimerais voir comment ça se passe ici en mon absence.

Je n'ai pas encore essayé mon poképhone, tout neuf d'hier, et il sera plus simple d'interrompre ma ballade que de quitter précipitamment mon poste en cas de problème. Et nul doute que la voir à mes côtés sera preuve de ma réussite en tant que dresseuse, il n'est pas à la portée de n'importe qui d'élever un tarsal. Pendant que ma petite s'approche, n'ayant aucune préparation avant de partir contrairement à moi, je sors mon gadget de sa boîte. En lisant la notice rapidement, j'ai l'impression de comprendre le fonctionnement classique de l'appareil. Aussitôt les piles insérées, je le laisse sur un meuble en hauteur, de peur qu'il ne tombe si un de mes pokémons le percute, volontairement ou non. D'un coup d'œil, je vérifie que la caméra est bien placée. Le micro est bien retransmis également. On dirait que tout est fonctionnel. Je n'ai plus d'excuse, mais lorsque je quitte ma maison, je ne suis tout de même pas très sereine.

Je détecte une fois de plus mes pensées se faire manipulées. Mes émotions du moins. Je ferme les yeux en signe d'accord. Je ne peux pas me forcer à croire en ce que je ne crois pas, ou inversement, mais je peux tout de même agir comme si. Je serai vite fixée dans tous les cas. C'est bien le but de cette manœuvre, de provoquer l'erreur si elle devait se produire, et agir en conséquence. Et si tout se passe bien, je pourrais être plus sereine à l'avenir.

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Entraînement : Mucuscule niv. 19 (0), Ouralin niv. 41 (2)
Reproduction : Jane (Moumouton)

J'attrape mon chariot à roulettes et je sors, Lux sur mes talons. Je verrouille ma porte avec appréhension tout en me répétant que le risque est maîtrisé. J'ai mis en œuvre tout ce que je pouvais dans ce sens. Maintenant il faut que je sache si cela suffit ou non. Je n'en ai que pour quelques dizaines de minutes et je ne lâcherai pas mon application poképhone. Pour couvrir une telle distance, les vendeurs m'ont affirmé qu'il n'était pas possible de ne pas passer par internet, alors que les technologies classiques, en bluetooth si j'ai bien compris, ne peuvent fonctionner que sur de courtes distances. Ça m'ennuie toujours d'un point de vue vie privée, mais si je n'ai pas le choix, il faut que je l'accepte. En étant vigilante, je suppose que ça ira. J'espère surtout que le réseau sera suffisant ici. Mais si je vois que l'appareil se déconnecte trop longtemps, ou si je vois le moindre mouvement inquiétant de la part de l'un ou l'autre de mes pokémons, Lux pourra rentrer vérifier que tout va bien. Je la sens désapprouver mes craintes et je ne sais plus quoi faire pour l'en protéger. Je veux tout faire pour qu'aucun de mes pokémons ne souffre, même si je dois être partout à la fois pour cela. Je sers les poings et laisse l'air glacé me vivifier les joues pour m'ancrer dans le présent. Mes peurs ne peuvent qu'être néfastes : une fois les dispositions prises, elles n'ont plus la moindre utilité.

Progressivement, mes pensées se calment. Je me concentre sur les rues. J'accentue le souvenir de celles que je connaissais déjà et j'en découvre de nouvelles. L'un des nombreux avantages d'habiter un petit village, c'est qu'on peut facilement rejoindre n'importe quel endroit à pied. Il me semble que tout serait à un saut de statitik, mis à notre échelle. Tant mieux, car il est encore très tôt et le soleil commence à peine à se lever. Ni mon épais manteau ni la marche ne suffisent à me protéger du froid. Et je ne suis pas la seule : j'aperçois des marchands se réchauffer sur leurs tasses de café. Personnellement, je peux toujours venir plus tard la prochaine fois, mais eux n'ont pas cette chance.

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Entraînement : Mucuscule niv. 21 (1), Ouralin niv. 42 (2), Scalpion niv. 52 (1)
Reproduction : Brasero (Grillepattes)

Je m'approche du premier stand de primeur. Je patiente un moment qu'une femme âgée termine de commander. Elle prend son temps, discute des études de sa petite fille plus que de s'occuper de sa commande. D'un côté, je trouve ça bien qu'elle puisse trouver un interlocuteur. On commence certes à évoquer l'isolement des retraités mais le sujet reste souvent encore tabou. Et l'homme qui tenait le stand ne semblait pas s'en plaindre donc autant qu'elle en profite un maximum. De l'autre, cette conversation retarde mon retour chez moi et l'attente réveille mon angoisse. Je consulte régulièrement mon sac, entrouvert, dans lequel l'écran de mon téléphone brille. Le réseau n'est pas très stable, mais le marché couvert dispose d'un wifi. Je suppose qu'il est utile pour tout ce qui est terminal de paiement et autres appareils ayant besoin d'une connexion. Une fois dessus, j'ai enfin accès à ma vidéo surveillance. Pour le moment, tout semble bien se dérouler. Certains dorment, d'autres s'amusent sagement, d'autres encore ne sont pas visibles. Ils sont probablement dehors ou en vadrouille dans le reste de la maison. Mais je me demande combien de temps cette paix va durer. Je suis tout de même rassurée de bien être en contact avec chez moi.

Pendant ce temps, le jeune homme du stand, me voyant occupée sur mon téléphone, essaye d'écourter avec la vieille dame, sans trop de succès d'abord, jusqu'à demander explicitement s'il pouvait me servir.

- Mais non, mister. C'est gentil de votre part mais rien ne presse.

La cliente me propose elle aussi de me laisser passer, mais je refuse poliment à nouveau. Désormais suffisamment apaisée, je ne m'impatienterai que si je vois une raison de rentrer précipitamment, auquel cas que je sois servie ou non ne m'importera pas. Le gérant me sourit et termine calmement la commande de la femme, mais il est clair qu'elle se serait prolongée encore quelques temps sans mon arrivée.

- Good morning et merci pour votre patience.
- Il n'y a pas de quoi, je ne voulais pas vous interrompre.
- Oh, vous savez, ça aurait duré mille ans. Qu'est-ce que je vous sers ?
- Hum, deux poireaux s'il vous plaît.

Il s'exécute, pensif, puis pose la question qui s'attardait au bord de ses lèvres.

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Entraînement : Mucuscule niv. 22 (1), Ouralin niv. 43 (0), Scalpion niv. 52 (3)
Reproduction : Marcacrin

- Excusez-moi, c'est peut-être indiscret mais votre visage me dit quelque chose

Si je n'étais pas passée sur la plus grande chaîne de télévision de tout Galar, j'aurais cru à une vieille technique de drague. Et j'aurais peut-être pu laisser la porte ouverte s'il n'y avait pas eu l'évènement avec Billy pour m'ôter toute envie de relation. Ma figure a été placardée sur l'affiche du programme, à côté des autres participants et notre photo de groupe illustre toujours l'écran du replay. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'un inconnu me reconnaisse.

- C'est tout-à-fait possible, j'ai participé dans une émission télévisée il y a peu.
- Attendez, ne me dîtes rien s'il vous plaît…

Le vendeur reste pensif un moment. Je devine qu'il se sent juste à côté de la réponse sans parvenir à mettre le doigt dessus.

- Mais si, l'autre concours, là… The Voice !
- Ah non, pas loin, mais non, vous ne voudriez pas m'entendre chanter.
- Mince… Bon, tant pis, j'abandonne. C'était quoi ?
- Une autre émission de TS1, The Artist.

Une étincelle se ralluma dans son regard.

- Mais oui, évidemment ! Le palarticho !
- C'est ça.
- C'était super, félicitation pour votre parcours ! Je suivrai vos prestations à l'avenir !

Je ne suis pas vraiment du même avis. Je nie, mais je suis persuadée qu'il y voit de la fausse modestie. C'est vrai que j'aimais bien ce que j'ai fait dans l'ensemble, mais il y avait des choses bien mieux à côté, ou au minimum mieux appréciées par le jury. Contrairement à d'autres concours télévisés, l'appréciation du public n'était jamais prise en compte, avec les conséquences qu'il y a eues. Mais je me sens flattée d'avoir un bon retour de la part de quelqu'un d'extérieur.

- Merci, mais vous savez, je ne participe pas toujours. J'attends les thèmes qui me parlent et une accalmie au travail avant de me lancer. The Artist a été un véritable défi, à la fois d'un point de vue rapidité d'exécution et participation obligatoire, quel que soit le thème.

J'ai l'impression de répéter une interview. Il me semble bien avoir utilisé les mêmes mots.

- Alors défi réussi, du moins à mes yeux. Vous avez un compte sur les réseaux sociaux ?

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Entraînement : Mucuscule niv. 25 (0), Ouralin niv. 44 (1), Scalpion niv. 54 (0)
Reproduction : Marcacrin

- Que je sache quelles éditions regarder dans ce cas !

Les réseaux sociaux ? Quelle drôle d'idée… Ce n'est bon qu'à amasser la haine. Je suis bien quelques pages pour me tenir informée, mais j'ai désactivé tous les commentaires de mes comptes juste après ma première prestation. Trop d'insultes alors que je n'étais qu'une débutante, d'autant que j'avais tout de même convaincu le jury.

- Pas pour le moment, non.
- Oh… C'est dommage, vous devrez.

J'ai l'impression d'avoir déçu mon premier fan. Il me tend le sachet contenant mes légumes et le terminal de paiement, de manière un peu expéditive. J'ai toujours essayé de me détacher du regard des autres dans ma passion, mais je crois que j'ai perdu ce luxe en signant avec la chaîne. Je voulais surtout me préserver de la noirceur de chacun. Mais avec mes progrès et l'audience à laquelle j'ai eu le droit le temps de quelques semaines, j'ai pu toucher un plus grand public. Quelle était la probabilité que je tombe sur un admirateur si vite ? Je me le demande. Tout dépend de leur quantité sans doute. Je ne peux pas me permettre de les oublier. Chaque passage sur scène est un moyen de leur apporter un peu de bonheur. Ce serait non seulement les trahir, mais aussi trahir mes valeurs, que de ne pas au moins tenter de souder la communauté.

- Écoutez… Je vais voir pour en ouvrir un. Vous avez raison, je suis sûre que ça pourra en intéresser certains ! Merci pour votre précieux conseil.
- Ah ! Et bien vous m'en voyez ravi dans ce cas !

Il semble avoir retrouvé le sourire. Une bonne chose de faite alors. Mais j'ignore dans quoi je me suis engagée. Quelque chose d'immense, c'est certain, mais ce n'est pas mon domaine. Je ne suis pas une communicante. Je ne veux pas mentir. Surtout pas. Est-ce que c'est possible de garder mes convictions sur ces terrains de l'image ? Ou est-ce le simple prolongement du jeu tactique auquel je participe avec les habitants de Guthbord ? J'aurais tendance à le croire. Les contours de la manipulation sont bien flou, mais dans un cas elle est plus égoïste de l'autre. J'espère ne pas m'être aventurée sur une mauvaise pente. Mais au pire des cas, je pourrais toujours me rétracter.

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Entraînement : Mucuscule niv. 26 (1), Ouralin niv. 45 (0), Scalpion niv. 54 (3)
Reproduction : Héricendre S (Roche volcanique : 1 (3/3) → 1 (2/3))

Le reste de ma séance d'achat se passe sans incident notable. Malgré mes convictions alimentaires, je ne peux pas m'éviter un passage chez le boucher. J'ai des pokémons à nourrir, dont des carnivores, et même si des substituts alimentaires sont envisageables, ce n'est pas à moi de leur imposer mes convictions. C'est naturel. C'est la chaîne alimentaire. Qui serais-je pour me prétendre à la hauteur de lutter contre Dame Nature. Je remarque d'un œil le primeur discuter avec un de ses collègues en me désignant de façon moins discrète qu'il ne l'aurait souhaité. Je ne m'attendais vraiment pas à ça. Je ne sais pas quoi en penser. Si je suis une starlette ici, est-ce qu'on ne remettrait pas une nouvelle fois en cause ma présence ici ? Ce n'est pas une résidence secondaire, mais un vrai changement de vie. Ils doivent le savoir. Moi qui pensait avoir rattrapé les choses avec le doyen… Je doute qu'il s'intéresse à internet plus que ça, il ne tombera probablement pas sur mes futurs comptes, mais le bouche à oreille, ça, c'est à sa portée. Surtout dans un petit village où tout le monde se connaît. Les rumeurs vont vite. Je n'ai pas fait grand-chose pour cacher mon identité hors scène, c'est vrai. C'est même tout le contraire, en signant pour The Artist. J'ai signé sous mon vrai nom. J'ai même laissé les équipes filmer mon quotidien pour les magnétos. Ils n'ont pas diffusé ma démission, ces scènes étant tournées bien avant le début des directs, mais pour autant, j'ai pas non plus caché mon ancien travail en postulant dans au collège du Guthbord. N'importe qui était en mesure de me relier à la coordinatrice, maintenant que les doutes se répandaient comme une traînée de poudre, même sans avoir regardé l'émission. C'est certain, il n'est plus temps d'espérer qu'il l'ignore, simplement qu'il prenne la réalité sous un jour qui me sera favorable. Les habitants semblent l'apprécier et le respecter. S'il m'accepte, ce sera aussi le cas de la majorité. Il m'y confrontera, c'est certain. D'ici là, je dois trouver un angle de réponse qui me fera gagner des points. Le contenu de mes prestations serait sans doute un bon départ.

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Entraînement : Mucuscule niv. 28 (0), Ouralin niv. 45 (3)
Reproduction : Marcacrin

Non, même si j'essaye d'intégrer un maximum de messages positifs dans mes prestations, rien ne me garantit qu'il y sera sensible. Et puis il y a fort à parier qu'il ne considère que ce ne sont que des mots lancés en l'air. Au contraire, il me verra juste comme une prétentieuse. Stop. Je dois me faire violence pour calmer le tintamarre qu'il y a dans ma tête. Le passé n'est plus, le futur est incertain, seul le présent nous accompagne véritablement. Le seul point positif de mon émoi, c'est que je suis presqu'arrivée chez moi, sans avoir vu le temps passer sur le chemin du retour. Je glisse une main dans mon sac, prête à ressortir mon téléphone, et mon application poképhone en prime, mais Lux me tape légèrement mon poignet en signe de désapprobation. Je sais, je sais. C'est inutile. D'ici peu, je pourrais voir mes protégés courir au grand galop dans le salon et constater qu'ils auront brouté tous mes pots de coriandre et de basilic fraîchement plantés d'hier. Preuve que, pour être tout à fait honnête, j'accorde moins ma confiance à Jane qu'à mes autres pokémons, et dans une moindre mesure à Vikai. En concours, ils sont pleins de bonne volonté, mais au quotidien, ils peuvent… Manquer de discernement ? Disons plutôt qu'ils n'ont pas les codes pour vivre en intérieur, mais Jane a pris goût au confort et je n'ai pas le cœur de la mettre dehors. Et Vikai la suit quoi qu'elle fasse.

Je n'ose pas regarder par la fenêtre et me faire à nouveau réprimander par ma petite. Au moins, elle était intacte. Bon, ce n'est pas non plus comme si je gardais des réserves de dynamite prêtes à exploser à la moindre maladresse. Le risque principal serait plutôt la chute d'un meuble ou d'un vase dans un angle fâcheux et improbable. Mais ça reste un soulagement passager. J'ouvre la porte avec impatience. Le moment de vérité est arrivé. Je m'annonce et pénètre dans le salon sans tarder, et… surprise. Tout est encore en place. Vraiment ? Rien de cassé ? Je fonce à la fenêtre qui abritait mes jardinières de plantes aromatiques. Impeccable ? C'est trop beau pour être vrai. Mes pokémons seraient-ils prêts à prendre leur envol ? A ce que je les laisse seuls plus régulièrement ?

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Entraînement : Mucuscule niv. 29 (1), Ouralin niv. 46 (2)
Reproduction : Zorua