Non, j’ai clairement surestimé mes capacités. Qu’est-ce qui m’a pris de croire que je pouvais être d’une quelconque aide face à cette catastrophe naturelle ? C’est de l’arrogance, relevé d’une touche de naïveté. Quand j’ai entendu parler de ce qui se passe à Cromlac'h, j’ai immédiatement pris le premier monorail pour porter assistance. Même si je n’ai pas de pokémon pouvant éteindre efficacement un feu ou suis fort physiquement, je me disais que je pourrais au moins m’occuper des pokémons. J’ai un peu d’expérience en la matière avec tout ce temps passé dans la pension de Kuku, mais j’ai manqué de clarté. Peu importe mes capacités, aux yeux des autres je ne suis qu’un gamin. Qui va me prendre au sérieux si je dis que je peux préparer des remèdes pokémon qui sont aussi efficaces que ceux d’un professionnel ? Même si c’est la vérité, je n’ai pas vraiment de preuve à présenter pour l’étayer. J’ai bien les recettes de Kuku qu’elle a accepté de me donner étant donné les circonstances, mais ça ne prouve rien. Pour quelqu’un qui ne s’y connaît pas en remède pokémon, ces recettes n’ont rien d’impressionnant. Mon dieu, je vais être relégué à transporter des boîtes alors que je pourrais faire tellement plus. J’imagine que je n’ai pas d’autres choix. J’allume mon téléphone et lance l’appel en prenant de grandes inspirations pour me préparer à cette conversation.

- Allo ?
- Allo, Kuku, c’est moi. Voilà, j’étais en train de réfléchir…
- Qu’est-ce que je t’ai déjà dit à ce sujet ? Évite de trop le faire, ça ne te réussit pas.
- Oui, tu as raison. Si je t’appelle c’est parce que je me suis rendu compte que personne ne risque de me prendre au sérieux sur le site.
- Tu viens de réaliser ça que maintenant ?
- Attends, tu le savais déjà ?!
- Bien sûr. Tout le monde n’est pas aussi tête en l’air que toi, certain l’on encore sur les épaules. Ne te fais pas de mouron, va ! J’ai déjà pris des dispositions pour toi.
- Sérieusement ?! Oh, tu ne peux pas savoir comme ça me rassure !
- J’imagine bien. Écoute, l’ami d’un ami est sur place en train de s’occuper de l’aide humanitaire. J’ai certifié de ton expérience et de tes compétences, donc tu pourras te mettre aux fourneaux dès que tu arrives.
- Merci beaucoup.
- Ne me remercie pas. Je n’ai plus la force de voyager aussi loin pour donner un coup de main, alors tu as intérêt à bosser pour deux.
- D’accord, je vais essayer.


Je suis descendu du monorail tout ragaillardi par l’appel que j’ai eu dedans pour rapidement déchanter une fois à Cromlac'h. J’avais vu quelques images du désastre aux informations, mais elles ne rendent pas justice à l’horreur de la chose. La vision reste sensiblement la même, il y a des relents dans l’air qui vous prend à la gorge. En plus de l’odeur de brûlé âcre à laquelle on peut s’y attendre, il y a aussi des effluves nauséabondes qui traînent. Sans doute du soufre ou du sulfure. Tout ça rend l’air piquant pour les poumons et les yeux. J’ai la bouche toute sèche à cause du stress qui revient et sans doute aussi à cause de la chaleur environnante. Heureusement que je n’ai qu’une chemise sur le dos, je pourrais ainsi facilement défaire un bouton ou deux s’il le faut. J’espère sincèrement que la température ne va pas monter davantage, je n’ai vraiment pas envie de tomber la chemise devant une foule d’inconnue.

Un aspect que j’avais négligé avant de m’approcher du site, c’était le bruit. Les alentours du désastre pullulent de monde qui s’agite dans tous les sens, résolvant un problème pour en découvrir deux autres. Je n’essaye même pas de comprendre ce qui se passe dans chaque coin pour ne pas avoir le tournis. Déjà que les odeurs remuent suffisamment mon estomac, je n’ai pas envie d’en rajouter. À cause du chaos ambiant, j’ai du mal à trouver le contact de Kuku. La moitié des personnes que j’ai arrêtées pensent que c’était pour leur faire coucou. Elle ne porte vraiment pas un surnom très simple ma grand-mère de cœur. Quand finalement j’ai réussi à trouver celui que je cherchais, les choses n’ont pas ralenti d’un pouce. Il m’a rapidement jaugé du regard de haut en bas avec un air sceptique à peine voilé pour immédiatement me conduire dans un coin qui ressemble à une cuisine de fortune. Après m’avoir indiqué où trouver des ingrédients, il file s’occuper d’autre chose en laissant derrière lui une liste de remèdes à faire en priorité. Merci Kuku pour l’introduction, je n’ose même pas imaginer comme j’aurais été reçu si j’avais débarqué comme une fleur au milieu de tout cela. Enfin bref, il faut que je me concentre. Je dois me vider la tête et remplir des fours. Ces poffins ne vont pas se faire tout seul.

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'Dé 12 faces' :

Elle n’était pas du genre à faire dans le bénévolat, mais quand même.

Cette histoire, qu’elle avait vu comme bon nombre de personnes sur le journal et dans les médias, l'avait tracassée. Cela parlait de fissures dans le sol et de magma qui jaillissaient des entrailles de la terre. Les images à la télévision étaient saisissantes et malgré les aides et soutiens de chacune des personnes sur place, le cataclysme ne semblait pas connaître de répit. Une espèce d’entraide sur le terrain s’était mise en marche, avec déjà beaucoup de rangers qui oeuvrent sur le terrain - quelles personnes extraordinaires quand même, quand ils ne se confrontaient pas au feu directement, ils faisaient en sorte de limiter les dégâts autour de l’environnment - mais pas que : des civils essayaient de porter assistance à ces combattants du feu, en emportant des livres, voir en les préparant. De ses souvenirs d’enfants, elle ne connaissait le site de Crom’lac seulement par le fait qu’à côté du gigantesque cristal un peu mystérieux qui s’était épanoui comme une fleur depuis les entrailles de la terre se trouvaient toute une série de tombes qui, d’un point de vue archéologique, avaient une valeur inestimable puisqu’ils dateraient de plus de 3000 ans, date à laquelle l’ancien roi de Kalos, AZ, aurait régné et permis de pacifier cette région qui était alors en guerre.

Cette histoire, cela la travaillait. Pas autant que l’état de santé de son fils qui était toujours dans le coma - bon gré mal gré, son état n’empirait pas et mieux valait qu’il prenne le temps qu’il faut pour se remettre - et ses filles lui rejettent en bloc son état sur son dos, faisant qu’elles lui défendirent de venir le voir “pour son propre bien”. La colère de Layna était assez surréaliste à bien y repenser, mais qu’importe, cela lui passera. En tout cas, si elle avait un message à leur faire passer, le mieux était de respecter leur volonté et de montrer qu’elle aussi, elle espérait que son fils irait mieux. Même si la situation lui déchirait le coeur, elle n’était pas en position de force. Du coup, elle tournait en rond chez elle, voyait tout le temps cette catastrophe naturelle et reflétait son regard sur les terres sauvages, ne pouvant s’empêcher de faire des parallèles douteux. Et si cela arrivait aujourd’hui ? Ici ? Est-ce qu’elle resterait assise sans rien faire, comme elle était obligée de faire vis à vis de l’hopital ? A défaut d’y aller, elle appelait. Tous les jours. C’était ça aussi d’être mère, présente pour ses enfants. Peut-être que Layna avait raison quelque part, peut-être qu’elle était une personne égocentrique.

Aussi la décision fusa. “Sebastian… Je n’en peux plus de voir ces gens en difficulté…” Elle n’en pouvait plus de rester enfermée dans ce manoir sans rien pouvoir faire d’utile de ses dix doigts. Ils demandaient de l’aide telle qu’elle soit, n’est-ce pas ? “Nous allons les aider” Le majordome, debout à ses côté, vrilla sa tête avec une tête presque incrédule. Abigail ? Aider ? C’étaient deux mots qui ne pouvaient se relier ensemble dans une même phrase. Pourtant, la maîtresse de maison était décidée et, pour l’occasion, enfila ses plus beaux vêtements tape à l'œil et mit sur elle son parfum le plus puissant qui soit.


La situation était encore plus catastrophique que ce qu’elle pensait. Sebastian et Abigail avaient opté pour une aide en arrière et soutenir les équipes qui affrontaient le feu. Elle sut instinctivement qu’elle avait fait le bon choix, cette oppression qui la tenait se dénouant sous la vue de ces bras de magma d’où sortaient des geysers de magma. Plusieurs personnes essayaient déjà de refroidir la lave en surface mais l’eau n’était pas toujours assez froide pour tenir avant de s’évaporer. Alors, ici et là on voyait des combinaisons d’attaques plus ou moins originales d’eau et de glace avec des effets pas toujours escomptés. On voyait surtout de la fatigue sur le visage de certains : depuis combien de temps ils étaient là, à lutter contre ce désastre ? Le temps devait s’étioler comme un fil de soie qu’on casse et qu’on renoue sans cesse. L’aide lui semblait être une évidence.

“Ah vous voilà, merci à vous Madame pour votre don mais vous n'auriez pas du vous déplacer !”

Elle remercia la coordinatrice du terrain, mais en vérité ce n’était rien, surtout que cet argent, qui appartenait à son feu mari, elle n’en faisait rien du tout. Autant que ça puisse servir un peu. Elle avait débloqué de l’argent pour que des gens puissent cuisiner sur place et préparer des plats et des boissons. Pour contrer la fatigue des combattants du feu.

Elle n’était pas du genre à faire dans le bénévolat, mais quand même.

Le chaos était sur place que de son petit pas tranquille, en tenue extravagante de robe à plumes comme si elle allait danser sur scène, sa canne l’aidant à passer le terrain accidenté. Elle vit alors un jeune homme en train de courir à droite et à gauche pour faire quoi… Des poffins ? “Jeune homme ! Abigail Wickwood pour vous seconder !” Comme une parfaite mise en abîme, la catastrophe que représentait Abigail dans cette scène catastrophique ne laissait présager rien de bon. Elle avait des yeux d’une curiosité sans faille alors qu’elle étudiait la composition du mélange. “Oooh, serait-ce des poffins ? Vous pensez les faire à quoi ? Moi j’adore quand ils sont à la pomme.” Il faut dire que la mamie avait la dent sucrée et un flair intarissable pour tout ce qui touchait à la pâtisserie. Sans crier gare, au dessus du sourire infini d’Abigail - qui, soyons franc, pouvait effrayer tant les traits étaient distordus - se trouvait la mine sombre de Sebastien, le majordome, qui lui lançait un regard inquisiteur en évaluant certainement la qualité de la préparation. “Sebastian, mon majordome va vous aider à préparer vos gâteaux, il sait y faire !” Il y avait de la fierté dans sa voix, comme si elle exposait son bien le plus précieux. Et le plus utile dans le cas présent, ce dernier attrapant une gamelle et commençant déjà à préparer de la cuisine. Un cake.

“Vous êtes ravissants tous les deux” Mais, cette énergie créatrice lui donna envie de faire aussi un peu à manger. Qu’est-ce qui lui donnait le plus envie de manger ? Avisant la préparation et repensant au plaisir de manger un poffin aux pommes, elle se disait qu’elle pouvait essayer de faire une bonne tarte aux pommes, non ?

Les mamies étaient expertes en tartes aux pommes non ? La question était de savoir si Abigail était une authentique mamie gâteau.

Et la réponse était non, évidemment.

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'Dé 12 faces' :

Malgré tout ce tohu-bohu environnant, j’arrive tout de même à me concentrer sur ce que je suis en train de faire. En fait, c’est plutôt parce que je dirige toute mon attention sur ce que je fais que j’arrive à ignorer tout le chaos qui m’entoure. Je n’ai pas trop le choix en même temps. Avec toutes les odeurs désagréables qui flottent dans l’air, je ne peux jamais vraiment savoir si quelque chose est cramé ou non. Ce n’est pas comme si je pouvais ouvrir chaque four toutes les deux minutes pour vérifier la cuisson. C’est bien simple, sans minuteur je ne pourrais tout simplement pas m’en sortir. En plus il faut que je fasse attention à bien synchroniser les temps pour ne pas avoir besoin d’être à deux endroits en même temps. C’est assez épuisant mentalement, mais au moins ça occupe l’esprit.

En fait, j’arrive tellement bien à occulter ce qui m’entoure que je ne remarque qu’au dernier moment qu’on s’adresse à moi. Quand je lève la tête de mes fourneaux pour adresser la situation, un des rouages dans ma tête a dû sauter de la machine. Je reste sans dire un mot en battant plusieurs fois des paupières, comme si ça allait permettre à mes pensées de redémarrer. Je n’arrive tout simplement pas à comprendre ce que j’ai sous les yeux. Une vielle dame dans une tenue extravagante accompagnée d’un… majordome ? Je ne suis pas expert en la matière, mais l’attitude et les habits de l’homme crient « majordome ». Je ne savais pas que ça exister pour de vrai, de nos jours en tout cas. Quoi qu’il en soit, je n’arrive pas à comprendre ce que ce duo fait ici. La seule explication que je peux trouver est qu’ils étaient sans doute en train de se rendre à une soirée mondaine, mais la faille a bloqué le chemin et ils ont décidés de donner un coup de main puisqu’ils sont là. À part ça, je ne vois pas d’autres explications à la tenue de la madame.

Un ding sonore derrière moi me fait sortir de mes pensées avec un petit sursaut. Je ne perds pas une seconde et fonce vers le four qui vient de sonner pour en sortir les poffins qui viennent de finir de cuir. Je viens de me rendre compte que j’ai réagi par pur réflexe en entendant la sonnerie et que j’ai du coup totalement ignoré les deux personnages mondains. Quand je reviens vers eux, je me retrouve accueilli par deux expressions différentes qui me déstabilise. Un sourire chez l’aïeule que je n'arrive pas à interpréter et une mine chez le majordome que je ne comprends que trop bien. Je ne sais vraiment pas sur quel pied danser avec ces deux-là.

Pendant que je suis désarçonné, madame fait plusieurs commentaires en mettant son serviteur à l’œuvre. Je tique quand j’entends la mention de gâteaux. C’est vrai que techniquement les poffins sont des friandises, mais je ne veux pas qu’elle croit que je m’agite autant pour de simples pâtisseries. Je dois bien avouer que je suis le premier de ce sursaut d’orgueil, je ne savais pas que j’avais ça en moi.

- En fait, ce ne sont pas de simples entremets que je fais. Je suis une recette de ma grand-mère éleveuse pour faire des poffins qui sont aussi des remèdes pokémons. Elle les a perfectionnées au fil du temps et comme elle est viell- Euh, non, enfin je veux dire qu’elle a beaucoup d’expérience et qu’elle a déjà prouvé l’efficacité de ses recettes. Je ne voulais pas dire que…

Je vais me taire maintenant. Tais-toi et retourne à tes casseroles avant d’en dire trop. Pourquoi ça n’arrive qu’à moi ce genre de truc ? Je ne pense pas avoir dit quelque chose de vraiment blessant, mais il suffirait de ça pour heurter une personne susceptible. Il faut que je rebondisse, que je ne reste pas sur cette dernière note.

- Bonjour, au fait. J’ai loupé le timing tout à l’heure parce que j’ai beaucoup à penser, mais mieux vaut tard que jamais, comme on dit.

Pendant que je commence les préparations pour une nouvelle fournée de poffins médicinaux, je ne peux m’empêcher de remarquer les gestes du majordome qui travaille à côté. En voyant ses gestes, j’ai à nouveau une réalisation. Si plus tôt on ne pouvait penser qu’à « majordome » en le voyant, là rien d’autre ne vient à l’esprit que le mot « chef ». Comme si je n’avais pas assez de soucis en tête, maintenant je vais complexer sur ma technique de pâtisserie.

- Vous cuisinez vraiment bien, monsieur… ? Et du coup aussi madame… ? Moi c’est Nicholas, ravi de vous rencontrer.

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'Dé 12 faces' :

Quand elle vit les poffins sortir du four et la bonne odeur qui allait avec, elle se disait que ce jeune gamin semblait vraiment savoir y faire. L’envie d’en manger un lui faisait envie - elle avait découvert ça lors d’une Tea Party, un drôle de mets qui venait de Sinnoh il lui semblait apportée par son ennemie de toujours, Pétunia. Mais, force est de constater que sous ses airs de vieille peau, cette dame avait du goût et les poffins qu’elle avait mangé - un mélange de baies avec un arrière goût de rhum qui lui semblait ? Enfin, il y avait un autre arôme qui ressemblait à de l’alcool - restaient une des rares choses qu’elle pouvait lui donner à crédit. En tout cas, et cela se voyait, ceux-là lui semblaient bien réussis mais un peu moins beaux visuellement que ceux que Pétunia avait ramené (elle avait dû les acheter dans une épicerie fine à tous les coups). Elle se rappelait qu’elles avaient parlé pâtisserie cette fois-là, une discussion fort intéressante. La fois suivante, elle avait fait elle-même un beau gâteau à la crème. Son regard était indéchiffrable.

Mais ses rêveries prirent une tournure mélodramatique quand elle sut la vérité. Alors qu’elle était en train de préparer la pâte à tarte, elle se figea à l’attention de son interlocuteur quand à la mention des poffins qui sont des remèdes pokémons. L’information eut du mal à remonter dans ses vieilles neurones et son costume de plumes et de froufrous lui donnait encore plus cet air idiot qui se dessinait sur son visage ridé. Un remède pokémon ? Pétunia aurait… Oh la garce ! fut sa première pensée et pour accompagner le geste, elle tapa brutalement du poing la pâte à tarte comme si c’était une argile difficile à modeler. Elle eut l’impression d’écraser la tête de cette fausse aristocrate et plus elle malaxait la pâte, plus on sentait un énervement lent et sûr qui crispait le visage de la vieille dame petit à petit, revoyant le déroulé des évènements comme elle contemplait un film. “Alors comme ça… Au moins je ne saurais pas venu pour rien. Je vous remercie jeune homme pour votre savoir. Vous êtes… ?” La pauvre pâte à tarte prit de nombreux coups de poings dissimulés et son sourire de facade donnait l’impression qu’elle allait mettre à mort son fond de tarte lorsqu’elle étala la pâte avec un rouleau à pâtisserie. Il finit par se présenter. Nicholas. C’était un joli prénom, un peu roturier mais moins que les Kevin et Michel qui se comptaient par millier. Il fit allusion au fait qu’ils cuisinaient bien. C’est à ce moment là qu’elle vit l’état de sa pâte à tarte, toute bosselée et franchement pas belle.

Peu importe, du moment que cela se mange… Sebastian souffla de dépit en voyant sa maitresse de maison trottiner vers la réserve de pommes. Elle était excessive parfois. Et très mauvaise cuisinière, Nicholas s’en rendrait vite compte mais encore faudrait-il que le jeune homme ne le lui fasse pas remarquer sous peine de se prendre un coup de rouleau à patisserie sur la tête. “Merci Monsieur Nicholas. Il est vrai qu’en tant que majordome de la maison Wickwood, il est de mon devoir d’assurer les repas de Madame…” Et dire qu’elle était difficile était un euphémisme. Mais bon, elle ne semblait pas spécialement s’en plaindre non plus. Il se défendait bien en cuisine mais il y en avait des bien plus doués que lui. De son côté, il avait opté pour la préparation d’une pâte à crêpes. Simple, rapide, efficace, les gens aimaient manger des crêpes et il avait une bonne recette. “Je ne connais pas trop la nourriture spécialisée pour les pokémons. Comment avez-vous conçu ces poffins ? Ca m’a l’air bien plus complexe que ça en a l’air…” D’une manière générale, tout ce qui touchait aux pokémons l’intéressait de près ou de loin. Il en avait déjà entendu parler mais ces recettes étaient, en général, jalousement gardées par ceux qui les pratiquaient. Puis le côté soin sur les pokémons était tout aussi important. “Vous êtes originaire de Kalos ? Ou bien d’ailleurs ?” Il voulait surtout mettre à l’aise Nicholas. Après tout, ils allaient devoir travailler ensemble. Le fouet battait à une vitesse plus que convenable et sa pâte à crêpes ne laissait pas apparaître de grumeaux. Rapidement, il commença à faire chauffer une poêle sur le feu tandis qu’il ajouta une larme de rhum dans la pâte. “Pas trop non plus, avec cette chaleur...” Il eut un drôle de sourire de conivence vis à vis de Nicholas, pour la simple raison que Sebastian ne savait pas sourire et qu'on avait l'impression que son visage de pierre se déformait hideusement. En vrai, il se sentait plutôt bien.

Son erreur fut toutefois de laisser en pâture la bouteille et de la laisser visible à la vue de tous, notamment Abigail qui revenait avec plusieurs pommes entre les bras.

Elle était encore vexée et son épluchage, approximatif, ne prenait pas en compte que les pommes n’étaient pas très juteuses, comme si sa main s’hasardait à prendre les pires du lot. Au début, elle voulut s’appliquer à les couper en tranches fines mais le couteau n’était pas bien aiguisé et sa patience plus qu’émoussée. Alors, elle coupa des morceaux grossiers et les fit revenir dans une casserole pour les réduire. Revenus à la poêle, on l’entendait marmonner des mots pas très jolies, faisant caraméliser les morceaux de pomme. Puis elle prit le rhum, en mit beaucoup trop dans le contenant en fer et jeta la flamme d’une allumette dedans, mettant le feu dans la casserole. “Qu’elle aille au diable comme ces pommes”

Nul doute que cette recette était un vrai massacre. Sans vergogne, elle renversa le tout dans son fond de tarte, étala avec ses doigts et quand ça ressemblait à peu près à une tarte, elle l’enfourna dans le four. Sebastian était médusé. “Madame…?” Elle avait chaud et, à contre coeur, elle enleva le boa de plumes qu’elle avait autour de son cou. “J’ai besoin de me désaltérer” Elle lorgnait sur la bouteille de rhum, comme si c’était la meilleure chose à boire pour se désaltérer. “Nicholas, voulez-vous boire quelque chose ? Il fait une de ces chaleurs...”

De la nourriture pokémon. Cette Pétunia avait vraiment dépassé les bornes de la bienséance. Enfin, elle en avait déjà marre de faire de la cuisine, aussi elle se concentra sur le nouveau commis de cuisine. "Que faites-vous dans la vie jeune homme, à part cuisiner des poffins ?"

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'Dé 12 faces' :

C’est tout de même une chose incroyable que le cerveau humain. Moi qui un instant plus tôt avais l’esprit totalement occupé par toutes mes préparations, voilà que j’arrive maintenant à gérer la même quantité de travail tout en faisant attention à deux autres personnes. Je ne comprends vraiment pas comment c’est possible. Est-ce que l’attention peut augmenter comme ça, si spontanément et rapidement ? Sans doute, puisque ça vient d’arriver ! Une fois de plus, je ne comprends absolument rien à moi-même.

Quand le majordome m’appelle « monsieur Nicholas », je dois bien avouer que je ne sais plus où me mettre. Ça fait tellement cérémonieux et ça me donne l’air plus important que ce que je ne suis. Les « monsieur » et « madame » sont pour des personnes mûres et distinguées ces deux gens, pas pour un jeunot maladroit comme moi. Je reprends bien plus de contenance quand il s’intéresse à mes poffins. Je me sens bien plus à l’aise quand je dois expliquer quelque chose qui me passionne.

- Eh bien, c’est assez simple en réalité. Comme d’ordinaire les poffins sont simplement des pâtisseries pour pokémon, le choix des baies utilisées n’est qu’une question de goût. De plus la cuisson à 180°C élimine tous les bons éléments des fruits, ne laissant que de bons gâteaux sans aucune vertu médicinale. Moi, je suis une recette qui utilise une combinaison précise de baies. C’est de la chimie et je n’y comprends pas grand-chose, mais en gros même dans des baies qui ne soignent pas, il y a des molécules qui peuvent protéger celles qui soignent d’autres baies de la chaleur, dans une certaine mesure. Ça plus une cuisson basse vapeur qui ne dépasse pas les 100°C et voilà, des poffins médicinaux tout chaud !

Dans mon enthousiasme de partager un peu de connaissance, je me suis oublié. J’ai sans doute trop parlé et suis allé trop loin dans les détails. Sans doute qu’il n’a montré de l’intérêt que pour se montrer poli. C’est un majordome, l’incarnation vivante de l’étiquette. Ça doit en faire partie de témoigner de l’intérêt envers l’activité d’une autre personne. Ne pas faire de commentaire aussi. Peut-être d’ailleurs qu’il va se sentir obligé d’enquérir encore plus sur le sujet ? Je n’y connais rien aux habitudes des nobles, mais ça ne me surprendrait pas. Il faut que je prenne l’initiative pour clore le sujet.

- Au final je ne fais que suivre les recettes de ma grand-mère. Avec un peu de pratique, n’importe qui peut faire pareil. C’est elle l’experte et je suis là uniquement parce qu’elle ne peut pas faire le voyage.

Voilà, ça devrait suffire. De cette façon, c’est bien clair que mon expertise n’est que fortuite et que je ne peux pas continuer sur le sujet puisque ce n’est pas moi l’inventeur de ces poffins. La seule chose que j’ai c’est un peu de pratique parce que je fabrique régulièrement ma propre nourriture pokémon pour mon équipe et que j’ai eu l’occasion d’aider à la pension de Kuku. Au final je n’ai pas plus de talent que les autres, simplement plus d’opportunités. Je ne voudrais pas recevoir des fleurs pour quelque chose que je n’ai pas fait. Ah, on dirait que ma stratégie a fonctionné. Sebastian me questionne à présent sur d’où je viens plutôt que sur les poffins. Bien joué.

- Je suis de Sinnoh, plus précisément de Floraville. Et vous ? Vous devez sans doute faire partie de la noblesse tous les deux.

Finalement ce n’est pas désagréable de cuisiner en entretenant une conversation. Ça permet d’ignorer la faille d’une manière plus saine que le déni. D’ordinaire je ne serais pas très chaud pour parler puisque je dois faire quelque chose qui demande beaucoup de concentration, mais on dirait que le professionnalisme du majordome est contagieux puisque je n’ai pas de problème à être multitâche. Je dois bien avouer que je ne m’attendais pas ça en me levant ce matin. Chaque fois que j’essayais de m’imaginer ce qui allait se passer, je n’arrêtais pas de me voir échouer ou bien être débordé de travail. Visiblement j’étais loin de la réalité.

Un phénomène qui arrive dans le coin de mon œil attire mon attention et me sort de mes pensées. On dirait bien que madame se sert du rhum que Sébastian a mis dans sa pâte à crêpes. Il me semble que la technique qu’elle est en train d’utiliser est celle du flambage. Il me semble qu’elle était en train de travailler de la pomme et qu’elle en faisait caraméliser à la poêle. On dirait bien que le majordome n’est pas le seul chef dans le coin. En plus de cela elle fait le tout avec tellement d’assurance, on dirait qu’elle n’a aucun doute concernant le succès de sa recette. En deux temps trois mouvements, la tarte aux pommes est dans le four. C’est vraiment quelque chose d’autre, les nobles.

Il semblerait que ce flambage ait donné chaud à la dame, puisqu’elle enlève son boa. Ça me rassure, je dois dire. Je n’étais pas très à l’aise avec le fait qu’elle porte quelque chose d’aussi inflammable dans une cuisine. Elle me demande ensuite si je souhaite boire quelque chose en commentant sur la chaleur. C’est vrai qu’il serait bon pour moi de me boire un peu. Avec la température constante et tout ce que j’ai à faire, il est très facile de ne pas remarquer les signes de déshydratation. Il faut que je prenne soin de moi avant de prendre soin des autres.

- Pourquoi pas. Si vous voulez, je peux nous faire un petit cocktail de baie bien rafraîchissant ! Ça devrait aider à supporter la chaleur. Concernant votre deuxième question, je suis coordinateur pokémon à plein temps. Je voyage un peu partout dans la région de Sinnoh avec mes pokémons. Comme j’aime bien manger frais et que c’est difficile sur les routes, je cueille souvent des baies que je trouve par-ci par-là. C’est sans doute pour cela que je m’y connais un peu en la matière. Et de votre côté ? J’imagine que vous devez avoir plein d’histoire à raconter !

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'Dé 12 faces' :

Dieu Arceus qu’il faisait chaud. Même en avant enlevé son boa multicolore d’autour de son cou, elle avait encore diablement chaud et ils étaient assez éloignés du brasier. Est-ce que c’était normal qu’il fasse aussi chaud que cela ? Il fait même plus chaud que chez la mémère apopo - pour les intimes - qui à elle seule serait capable de causer un réchauffement climatique. Une vieille peau fripée toute flasque qui n’arrêtait pas de dire qu’elle avait froid. Normal, elle ne foutait rien de ses dix doigts ! Elle au moins elle se bougeait le croupion et aidait à l’allégresse générale. Volcan en éruption, séisme, tornade, raz-de-marée ! Elle se voyait déjà au micro des journalistes faire une interview dramatique de mamie éplorée un peu pieuse en disant n’importe quoi pour se rendre intéressante. Et faire un dab de la victoire en coulisse pour les copines de la Tea Party. En tout cas, elle avait bien mis assez de rhum et se lécha bien les doigts après avoir réparti sa mixture et enfourner la tarte. D’ailleurs, pour des économies d’énergie, ils auraient carrément pu tenter de cuire la tarte à même la lave tiens. Comment ils cuisinaient dans l’enfer distorsion, eh ?

Forte de cette réflexion philosophie à laquelle même Giratina n’aurait pas eu le luxe de penser, elle flâna en écoutant la conversation entre ses deux boys. Oui, ce petit Nicholas avait quelque chose de très doux et attachant. Peut-être était-ce lié à son jeune âge, un âge encore plus pur que celui qu’avaient ses parents. Il semblait hésitant au début mais finit par se faire à la présence de Sebastian et lui servit une dithyrambique litanie sur les poffins. passant outre le détail que c’était bel et bien des biscuits pour pokémon, elle aimait bien l’honnêteté du jeune homme, se bornant à expliquer ce qu’il savait sans s’aventurer en terre inconnue. Abigail eut un regard tendre. Ce garçon ne faisait pas semblant. Dans son entourage, c'était rare. Même, d’une manière générale, ce type de comportement n’était pas aussi répandu que cela. “C’est honorable de votre part Nicholas que de perpétuer la volonté de votre grand-mère. Je suis sûr qu’elle serait fière de vous” En tout cas, moi j’aimerai bien qu’une telle chose arrive. Il est vrai qu’elle avait encore de l’énergie à revendre, mais jusqu’à quand ? Et puis, il faut dire qu’elle a pu faire le déplacement uniquement grâce à la présence de Sebastian. Il avait beau être corvéable à souhait, il restait un homme qui avançait dans l’âge et qui, un jour, ne pourrait peut-être plus être autant en forme qu’elle. Oui, un jour, elle deviendrait comme toutes ces vieilles de la Tea Party, cynique et aigrie - ne commençait-elle à l’être ? Elle préféra taire cette dernière question, estimant qu’il était temps d’aller chercher les ingrédients pour faire des jus de baies rafraichissants.

Sebastian de son côté versait une quantité de pâte assez précise et prenait soin à ne pas faire trop déborder la pâte de sa crêpière. Il est vrai qu’il aurait été mieux de laisser reposer la pâte mais ils n’avaient pas ce luxe. “Nous venons de Galar, à côté de la ville de Kickenham.” Il est vrai que l’accent n’était pas très marqué pour Sebastian, et Abigail n’était pas originaire de cette région, ce qui pouvait brouiller les pistes. Lorsqu’il prononça le mot noble, il eut un regard fugacement furtif avant de se reconcentrer dans la cuisson de sa crêpe. Lui, un noble ? Il en était absolument hors de question, même pour tout l’or du monde. Le voir à table avec tous ces affreux enfants Wickwood ou à prendre le thé avec ces autres personnes de la noblesse, très peu pour lui. Majordome était bien mieux comme statut, même si cela demandait de sacrifier un peu sa propre vie et sa vie… “Je ne suis pas un noble et Madame Wickwood ne l’est que par le mariage de son mari, décédé hélas. C’était une bien belle personne, je pense que vous l’auriez appréciée” …Tout ne s’était pas aussi bien depuis la mort de Georges, tout avait été remis en cause et il ne savait pas combien de temps il allait rester dans ce costume, dans cette situation. Enfin… Il imprima une sèche secousse à sa poêle et vit voler la crêpe dans les airs avant de la réceptionner, sans accrocs. “Je connais un peu Sinnoh, ses mythes et mystères. Surtout Voilaroc.” Il connaissait quelqu’un là-bas et dans son esprit, l’image d’une femme blonde platine se forma dans son esprit. Mais rien de spécialement troublant. Par contre, il ne connaissait pas spécialement Floraville, aussi préféra-t-il se taire.

Abigail revint avec une tonne de baies de quasiment toutes les couleurs possibles. On aurait dit qu’elle avait un arc-en-ciel entre les bras et ce simple détail pouvait faire penser à cette vieille âme d’artiste qui sommeillait en elle. Les couleurs étaient très important pour elles, comme le sang qui circule dans son corps. Un élément vital qu’elle ne pouvait s’empêcher d’exposer à la vue de tous. “J’ai trouvé tout cela, est-ce que cela irait ? Après avoir vu d’aussi beaux poffins, je me demande ce que vos mains pourraient faire d’aussi exquis ?” Abigail avait le compliment facile, et si elle pouvait voir le jeune homme être gêné par cette remarque, elle n’en serait que plus comblée. Elle avait cette fâcheuse manie d’aimer mettre les gens mal à l’aise, comme une vilaine seconde peau qu’elle n’arrivait pas à se défaire. Un de ses nombreux défauts, assurément. Si elle s’écoutait, elle aurait à redire de la tenue de Nicholas qui manquait clairement de couleurs et de fééries mais elle se garda bien qu’en faire la remarque. “Tout ce que je demande, c’est que ce ne soit pas trop fade” La mamie avait la dent sucrée et vu comment elle tenait la garde à cette bouteille de rhum, nul doute qu’un peu d’alcool dans le breuvage sucré le transformerait dans son palais délicat en divin nectar.

Enfin, il fit une remarque qui piqua pour de bon sa curiosité. Un coordinateur ! Voilà quelque chose de palpitant, une vie de coordinateur ! “Racontez donc, Nicholas ! Vos exploits !” Elle voulait dire par là si le jeune homme avait réussi à gagner des rubans ou non. Elle repensa à son exécution pittoresque - cinglante ! - lors d’un concours. Juste pour voir. Les lumières de la scène, l’attention des spectateurs, le jeu d’acteur… C’était quelque chose qui la faisait vibrer comme rarement elle pouvait l’être. Mais à son âge, c’était certainement un peu tard. “Vous savez, je suis une dame âgée, je ne vois plus mes enfants et je m’ennuie dans mon manoir. Les jeunes ont des rêves plein la tête et c’est clairement plus inspirant que les ragots d’une quasi-septuagénaire. J’aurai bien voulu être coordinatrice, être au contact des pokémons…” C’était pour elle un crime que d’avouer que ce contact avec la scène avait été son plus beau moment de sa vie, une aussi grande consécration que quand elle avait épousé Georges. “J’ai eu une trajectoire de vie différente, rencontré des gens formidables et regardez, j’en rencontre encore ! La vie n’est-elle pas ironique ?” fit-elle dans un petit rire cristallin qui sonnait comme un crachat d’acide caustique. Oui, la vie est une chienne d’absurde, mais il faut continuer à avancer, sourire, et attendre que les orages passent. Aider son prochain dans ce genre de catastrophe. Et son fils qui était à l'hôpital dans le coma. Quelle mère était-il pour quitter la région et aider des inconnus alors que la chair de sa chair pouvait se réveiller à tout moment ?

Sebastian fit sauter une nouvelle crêpe. D’une voix distante, il conclut. “Vous savez Madame, je vous l’ai déjà dit mais les pokémons ne sont pas que pour les petits jeunes”. La crêpe retomba dans un petit silence, comme pour appuyer le fait qu’ils en avaient déjà parlé et que rien n’était figé dans le marbre. Mais comment faire comprendre à une convertie qu’elle avait elle aussi droit d’avoir et de s’occuper de pokémons, qu’importe son âge ?...

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'Dé 12 faces' :

J’avais donc bien raison, ils font tous les deux parties de la noblesse. Même si Sébastian met un point d’honneur à souligner qu’il n’en est pas un, il sert une femme noble. De mon point de vue, il fait tout de même parti de ce monde. Mon dieu, je viens de réaliser. Je suis actuellement en train de cuisiner avec quelqu’un qui possède un titre de noblesse. Il y avait un temps où une telle scène serait inimaginable. Est-ce que du coup je ne devrais pas faire encore plus attention à ce que je dis et fais ? Je ne pense pas que de nos jours les nobles ont beaucoup de pouvoir et d’influence dans le monde, mais peut-être que je me trompe. Non, il ne faut pas que je commence à me monter la tête. Ces deux-là ont été plus que sympathique jusque-là, il n’y a pas de raison pour que la situation s’envenime. Il faut que je me concentre plutôt sur la situation présente, à savoir un tas de baies ramené par madame.

C’est vrai que je lui ai proposé de faire un cocktail rafraîchissant, mais maintenant que je dois actuellement le faire, je commence un peu à stresser. Je ne doute pas de mes aptitudes, j’ai l’habitude de manipuler des baies, mais est-ce que je vais réussir à satisfaire leur palais ? Des nobles doivent être habitués à une cuisine d’une qualité bien supérieure à ce que je peux offrir. J’imagine que je vais devoir compter sur leur indulgence puisque ce n’est pas comme si je peux me défiler.

Maintenant il reste à savoir quoi préparer comme boisson. La seule instruction que j’ai reçue est que ça ne soit pas trop fade. Ça devrait aller à ce niveau-là comme la plupart des baies ont des goûts assez riches. À part si je le fais exprès, je ne devrais pas me retrouver avec une boisson fade. L’autre problème maintenant est l’alcool. J’ai bien remarqué toute l’attention que porte madame à la bouteille de rhum, mais je doute pouvoir l’incorporer dans ma préparation. Je ne connais pas assez bien le goût et je ne sais pas du tout avec qu’elle sorte de baie ça se marierait bien. Mieux vaut ne pas tenter le diable en faisant des expériences et rester sur ce que je fais le mieux.

Après quelques instants de réflexion, je me suis finalement décidé sur plusieurs recettes qui mettent l’accent sur une saveur différente. De cette façon au moins, je suis presque sûr de faire mouche. Ça va me permettre en même temps de tester l’efficacité de ces boissons par cette chaleur. S’il y a des résultats satisfaisants, peut-être alors que je préparerais des litres de boissons pour ceux qui sont sur le front.

Quelques coups de couteaux et des tours de mixers plus tard, voilà que sont alignés plusieurs verres contenants chacun une combinaison différente de baies. J’y ai mis des glaçons pour que ce soit frais, mais avec cette chaleur ambiante je doute qu’ils durent longtemps. Je tends le cocktail que je juge étant le plus goûtu à madame.

- Voici, j’espère qu’il vous plaira. Par contre comme je n’ai pas l’habitude de boire, je ne sais pas s’il va bien s’accorder avec ce rhum que vous lorgnez. En temps normal j’aurai bien fait des tests, mais je préfère garder l’esprit le plus clair possible comme je dois suivre des instructions très précises pour faire mes remèdes. Vous aussi monsieur, prenez un verre. La déshydratation peut être insidieuse et on peut facilement rater les signes quand on est concentré à faire quelque chose. J’en parle d’expérience.

Suivant mon propre conseil, moi aussi je prends quelques gorgées d’une de mes préparations. Plus d’une fois j’ai oublié de boire et manger jusqu’à l’étourdissement tellement j’étais distrait par autre chose. Je ne peux pas me le permettre ici. En plus, je ne vais jamais le dire à haute voix, mais l’âge avancé de mes deux compagnons doit les rendre particulièrement sensibles à la température.

- Concernant mes exploits… Je dois dire que je ne sais pas si j’ai quoi que ce soit qui peut porter ce nom. J’ai participé à des concours. J’en ai gagné quelques-uns et perdu encore plus. À part ça, je ne fais que traîner dans la région. En fait, s’il y a bien une chose dont je suis fier, c’est de mes pokémons. C’est peut-être étrange de dire ça puisque je n’ai rien fait d’exceptionnel avec eux, ils sont ce que j’ai de plus cher. Plus que des compagnons, ce sont des amis. J’ai toujours été plus à l’aise avec les pokémons que les êtres humains, ils sont faciles à comprendre. Attention, je ne suis pas en train de dire que les pokémons sont simplets et sans profondeur, juste qu’ils sont moins… nuancés que les gens. Ils sont plus directs dans leurs intentions et surtout moins hypocrite. D’ailleurs, ça me fait penser…

Parler de mes camarades me rappelle justement celui qui traîne dans mes poches. J’y plonge ma main pour attraper sa pokéball et m’étonne de la trouver presque chaude. Je ne devrais pas être étonné avec la température ambiante et ma chaleur corporelle, mais ça ne m’empêche pas de m’inquiéter pour celui qui réside à l’intérieur. Je ne sais pas si ça l’affecte réellement, mais dans le doute je devrais mettre sa pokéball au frigo quand j’aurais fini. Un flash rouge plus tard et voilà qu’apparaît sur la table Yuki, le goupix d’Alola.

Un air frais m’atteint rapidement grâce à sa présence, mais je remarque rapidement par ses mimiques qu’il n’est absolument pas à l’aise. C’est bien normal, le pauvre a déjà chaud quand le climat est doux, alors ici ça doit littéralement être l’enfer pour lui. Ça me peine de devoir lui faire subir ça, mais j’ai besoin de lui pour aider efficacement les autres pokémons présents. Il doit y avoir beaucoup de type eau et glace rassemblés ici dans l’espoir d’éteindre cette faille et eux aussi ne doivent pas apprécier la chaleur. Contrairement à mon bonhomme, ils doivent être suffisamment entraînés pour pouvoir la supporter, mais ça doit tout de même être très taxant physiquement. Même si mes poffins peuvent aider, un jus de bais bien frais serait un réconfort plus immédiat et agréable. C’est pour cela que j’ai besoin de Yuki, pour qu’il fasse le goûteur et me montre quel cocktail de baie est le plus efficace contre cette chaleur.

Je lui sers donc une de mes préparations dans une soucoupe et attend de voir les résultats. Une affreuse pensée vient alors de traverser mon esprit. Je viens de servir la même boisson à mon pokémon et à une noble. Est-ce que c’est une gaffe ? Je veux dire, moi je ne vois pas le problème, mais je suis quelqu’un qui a l’habitude de manger de la nourriture pokémon. Je sais que ça c’est étrange, mais est-ce comparable à un cocktail de baies ? Je n’en sais rien. Sans doute qu’il faudrait que j’éclaircisse la situation avant de blesser quelqu’un.

- Désolé de vous avoir servi la même chose que Yuki, je n’ai pas réfléchi. J’ai tellement l’habitude de manger la même chose que mes pokémons que je ne me suis pas demandé si ça ne vous dérangerait pas. J’ai simplement besoin de savoir l’effet de ces préparations sur les pokémons pour savoir laquelle produire en masse pour ceux qui s’attaquent à la faille. Bien souvent les baies ont plus d’effet sur les pokémons que sur les humains, donc je ne peux pas me baser uniquement sur nos propres avis. J’ai une idée pour me faire pardonner !

Je verse un autre verre de cocktail aux baies et me munis d’une longue cuillère. Je viens ensuite enfoncer le verre dans la fourrure de la queue de Yuki. Celui-ci s’étonne de mon geste et cesse de laper un instant pour voir ce qui se passe. Je le rassure avec quelques caresses et il retourne rapidement à sa soucoupe. Heureusement qu’il est docile et coopératif. Me servant de ma cuillère, je commence à remuer la boisson avec des mouvements verticaux. Le verre est bien enfoncé dans la fourrure et pourrait presque disparaître dans ces poils blancs. En plus d’être doux, ils sont également très froids et entourent uniformément le récipient, ce qui fait qu’au bout d’un moment le liquide commence à devenir de plus en plus pâteux à mesure que je remue. Une fois que la consistance me satisfait, je présente le verre à madame.

- Voici pour vous un granité ! Je vous conseille de vite le manger parce que je ne pense pas qu’il va durer longtemps.

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'Dé 12 faces' :

Abigail fixa du regard Sebastian, étonné de cette remarque. Pour une raison qu’elle ignorait tout bonnement, le majordome semblait de plus en plus insistant - mais toujours courtois - sur le fait qu’il fallait qu’elle ait des pokémons avec elle. Était-ce un véritable conseil qu’il lui donnait ou bien cela desservait un plus sombre dessein ? Depuis quand se montrait-il aussi avenant concernant les pokémons ? Elle ne le savait pas, aussi, compte tenu des mystères qui entourent son employé, elle préféra ne pas donner suite et laisser sa parole en suspens. Un cadeau en somme, mais le piège se refermera sur lui tôt ou tard. Et si elle devait avoir des pokémons avec elle, ne serait-ce pas là un sacré désavantage pour lui ? Plus elle essayait de cerner Sebastian, moins elle comprenait ce qui pouvait motiver une telle demande… De son point de vue.

Finalement, Nicholas avait décidé de se lancer dans la composition des jus de baies. Peut-être était-ce là une passion secrète qu’elle ne s’avouait pas, mais voir les deux hommes en train de préparer à boire et à manger avait quelque chose de très satisfaisant. L’un faisait voler la crêpe, l’autre découpait avec précision les baies et les mettaient dans un mixer… D’ailleurs, le jeune garçon était vraiment habile, quoique un peu stressé selon elle. Était-ce la prestance de Sebastian qui l’inquiétait ? Le risque de comparaison ? En tout cas, et de manière assez surprenante, Nicholas ne lui proposa pas un mais bien trois jus de baies différents. La bouche d’Abigail s’arrondit en un rictus de sorcière, satisfaite de voir un jeune homme dépasser ses attentes qu’elle n’avait pas encore formulé. “Hohoho, c’est comme les mignardises du café gourmand” Il y en avait un rose, un rouge et un autre tirant sur le vert. On lui proposa le jus rose et elle fut évidemment ravi : tout le monde sait que le rose est la couleur la plus ravissante qui soit. Et quelle couleur ne pouvait pas sied à la plus ravissante des dames matures que cette terre ait portée. “Votre galanterie m’honore jeune homme” Sebastian n’en fit aucun cas alors que les lèvres ridées de la mamie burent goûlument - avidement - les trois breuvages.

D’abord le rose. Fantastique ! On aurait dit un bonbon, mais avec un petit quelque chose en arrière goût qui semblait calmer l’apport colossal de sucre, marchant comme une note de fond. On apprécie le goût puissant du sucre des baies sur le coup, mais celui en arrière-plan, presque floral, contrebalance l’ensemble et avait quoi ? Un effet apaisant ? Comme si elle plongeait lentement dans l’eau d’un lac glacé, ce qui était fortement agréable avec cette chaleur environnante. Les glaçons devait aider. “Sebastian, venez goûter, c’est vraiment charmant”. Elle voyait bien que le majordome, malgré son sérieux, accusait le coup de la chaleur. Il avait bien le droit à une petite collation, d’autant plus qu’il avait déjà fait pas mal de crêpes. Il avait choisi celui qui était vert et, autant que pour le rose, le majordome semblait conquis - étonné ? Il jaugea le verre comme s’il essayait d’en évaluer la consistance. “Je crois bien qu’il va falloir que vous reveniez au manoir un de ces quatre. Nous avons des baies du monde entier et je suis certain que notre collection privée saura vous intéresser”. Bon, elle exagérait un peu mais elle avait quand même quelques spécimens de baies rares et peu répandues. Elle raffolait des baies Abrikot notamment, elle en avait trois arbres. Là n’était qu’un prétexte et une manière de faire bien aristocratique pour dire Vous êtes mon nouvel ami. Ou une curiosité. Mais quand même, une sympathique curiosité et espérait qu’il rebondirait quand même dessus. Se faire inviter par un noble n’était pas une chose dont tout le monde pouvait se vanter non ?

Enfin… le coordinateur relata ses quelques expériences qui, somme toute n’étaient pas aussi croustillantes qu’elle ne l’aurait souhaité. A moins que ce ne soit la retenue du jeune homme qui n’en explique qu’elle n’était pas transcendée. Il parlait de pokémons, qu’ils avaient des sentiments et tout… Abigail était plutôt étonnée de ce constat. Pour elle, les pokémons vivaient en dehors du manoir, dans les terres sauvages. Elle concevait bien que certains pokémons étaient attrapés mais de là à parler de sentiments… Elle avait l’impression qu’on voulait donner une personnalité à des… Des animaux ? C’était, selon elle, ce qui se rapportait le mieux à un pokémon. On voyait bien des gens ici et là devenir célèbres grâce au dressage des pokémons mais cette science lui paraissait tellement obscure qu’elle n’en avait même pas envie d’y prêter grande attention. Mais elle écouta poliment son interlocuteur et fit mine d’être intéressée jusqu’à ce qu’il lui apparaisse une nouvelle créature.

Elle avait beau être habituée à voir de nouvelles espèces depuis la présence de Sebastian, les limites de son imagination étaient toujours repoussées. Le pokémon était absolument adorable avec son pelage blanc comme la neige. Même Sebastian regarda le pokémon et fit une mine étonnée. “Voilà un pokémon fort rare et précieux que vous avez là” Sebastian s’y connaissait en pokémons. Et ce n’était pas à Sinnoh que cette espèce venait. Avec la mondialisation, il y avait de plus en plus d’échanges de pokémons dans le monde et voir des pokémons ailleurs que là où ils vivent n’était pas si étonnant. “Madame, il s’agit d’un goupix d’Alola, qui provient de l’archipel qui porte ce même nom” On aurait dit une enfant attentive à de nouvelles choses. Elle regardait le pokémon avec un attendrissement certain et se disait que si le pokémon avait décidé de suivre le jeune homme aussi loin de son lieu de vie que ce n’était pas innocent. Si le dressage du pokémon restait un complet mystère pour elle, ce lien d’amour unissant un dresseur à son pokémon lui parlait et lui sautait aux yeux.

Enfin, sa rêverie retomba directement quand il donna la même chose à boire que ce qu’elle et Sebastian venait de voir. Si pour ce dernier ce n’était pas gênant, Abigail tiqua fortement. Manger la même chose que les animaux ? Etait-ce vraiment là que sa théologie de dresseur pokémon se posait ? En tout cas, il demanda l’avis sur les jus de baies. Elle ne pouvait nier que ces jus étaient excellents mais les savoir destinés à des pokémons avait entamé son enthousiasme d’aristocrate face à la curiosité de la plèbe. “Hum… Le mien est rafraîchissant tout en étant doux en bouche. Et toi Sebastian ?” “Tonique, ça me donne un bon coup de fouet”. Elle ne savait pas si cela répondait à ses interrogations, en tout cas il était clair que l’un comme l’autre n’avaient pas les mêmes effets mais qu’ils pouvaient tous les deux être utiles sur le front. Après tout, ils n’étaient pas des pokémons mais des humains. A quel point leur remarque pouvait servir d’indicateur ?

Des gens commencèrent à venir vers eux, mais ils étaient encore loin. Nicholas était, de son côté, en train d’utiliser les ressources glacées de son goupix d’Alola pour tourner le troisième jus de baie expérimental (le rouge) en… Une soupe glacée ? Un granité ? A vrai dire, elle avait déjà bien vu mais, entre le fait que cette boisson avait touché le pokémon - il semblait propre - et qu’il souhaitait lui donner à boire, il y avait une limite à ne pas dépasser non plus ! D’ailleurs, elle n’avait pas fini son verre qu’on lui donnait un autre dessert. Dans d’autres circonstances elle aurait plus apprécié. Mais là… Il y avait quelque chose de dégoutant dans son esprit, comme une limite tacite qu’elle ne pouvait se résoudre à passer. Vivre au rythme d’un pokémon, partager ses repas avec lui, ect… C’était peut-être trop lui demander pour l’instant. Mais son salut arriva de ces gens qui n’avançaient pas vers eux, mais qui couraient et allaient même les dépasser. Elle vit qu’il y avait de plus en plus de monde qui arrivait, comme une vague. Elle aurait bien voulu leur dire de faire la queue de manière civilisée, mais quand l’un d’entre eux leur dit “Fuyez”, elle eut à peine le temps de réaliser qu’un puissant tremblement suivi d’un geyser de flammes se forma pas loin de là où ils se trouvaient. Sebastian avait vite agi en se mettant dos à l’explosion souterraine, son corps contre Abigail comme le ferait un garde du corps. Il avait, dans la foulée, fait appel à son fidèle Sarmuraï qui, grâce à ses épaisses plaques de protection, fut en mesure de protéger Nicholas et le Goupix grâce à sa carrure.

Ils virent alors un spectacle étonnant. Devant eux se tenait une grande et majestueuse créature - bien qu’un peu jeune ? - qui les regardait fixement tour à tour . La vue de ce lion, nimbé de flammes et de laves avait quelque chose d’assez édifiant. Mais curieusement, Abigail n’avait pas peur. N’ayant rien à faire de ce pokémon dangereux, elle n’avait qu’yeux que pour sa tarte aux pommes qui était en train de cuire paresseusement, sans prendre compte de ce qui se tramait autour d’eux. La mamie commença à grommeler. “...N’a pas intérêt à pourrir ma tarte ou il connaîtra la même fin de ces pommes” Et dans son esprit, l’image de la vieille ennemie de toujours, Petunia, se superposa à celle du pokémon légendaire.

Elle avait son vieil air revêche de mamie passée de date. Noblesse ou non.

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