On n’oublie pas ce qu’on est. Peu importe le temps, la situation, la fuite, le changement d’identité (encore), et la dissimulation. Iago n’a jamais eu une trajectoire très « normale », dans sa vie. Ce qu’il a réalisé, la plupart du temps, a finalement été le fruit d’une impulsion, d’une chance ou d’un hasard. Il a connu des tournants, beaucoup de tournants. Désormais, il a parfaitement conscience d’être une espèce d’équilibriste perché sur un fil, entre deux immenses buildings. Il suffit d’un rien : un coup de vent, un Nirondelle qui viendrait voler d’un peu plus près, pour qu’il se casse la gueule. Que tout se casse la gueule. Définitivement, cette fois. D’aussi haut, difficile de se relever, ensuite. Rien n’est simple, dans sa situation actuelle, et il se plaît à la compliquer chaque jour un peu plus, malgré lui.

La preuve : lorsqu’un flash info est soudainement matraqué sur tous les écrans, il ne peut pas s’empêcher de regarder. Ou du moins, Elijah, en plein coaching pokémon, ne peut s’empêcher de s’interrompre un instant. Son élève, une quarantenaire qui veut retrouver les sensations de dressage pokémon de ses jeunes années, à reprendre de bons réflexes en la matière, également. L’information ne laisse aucun doute : la terre a tremblé sur Kalos, une faille serait même désormais visible sur Cromlac’h, avec des dégâts matériels et possiblement humains importants. Mais il est trop tôt pour dresser un bilan et les forces de l’ordre font appel à toutes les bonnes âmes pour aider, que ce soit financièrement ou en venant directement sur place.

Sans qu’il s’en rende compte, son visage s’est assombri, soucieux. C’est d’ailleurs Lauriane, la femme blonde face à lui, qui l’interroge : « Elijah ? Vous avez… vous avez de la famille par là-bas ? ». Il relève ses yeux sombres et réalise qu’il n’est pas seul. Elle le fixe avec attention, de même que son Léopardus, à côté d’elle. Alors il se racle la gorge :

« Pas à Cromlac’h mais… pas loin. Ma sœur vit sur Yantreizh, à quelques kilomètres plus au Nord. » Il balaie à nouveau du regard l’article qu’il a affiché sur son téléphone. Il se concentre essentiellement sur les dégâts dans la ville la plus à l’Ouest de la région…

« Appelez-la, ou rejoignez-là ! » Lauriane paraît sincèrement angoissée pour lui et il la remercie brièvement, avant qu’elle ne s’éclipse, lui faisant promettre de lui donner des nouvelles. Pour le coup, il ne ment pas, il n’invente rien. Il est réellement inquiet pour Romy et Olivia. Seulement, il ne peut pas les contacter comme ça. Il s’est promis, autant que possible, d’éviter de prendre le moindre risque pouvant les mettre en danger. Cependant, la situation paraît critique sur Cromlac’h et c’est l’âme de l’agent de Police et du champion (ex-champion) qui prend le dessus. Même si c’était avec un sens du sacrifice ou de la prise de risque toujours poussé à l’extrême, Iago a toujours eu cette volonté d’aider et de ne pas rester bêtement le bras ballants.

Ça ne change pas. Sur place, il pourra savoir véritablement ce qui se passe, et s’il doit remuer ciel et terre pour s’assurer que sa sœur et sa nièce sont en sécurité. Alors il n’attend guère plus longtemps avant de se glisser dans le premier train pour la région voisine : Kalos.

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(insertion de l’œuf de Picassaut S)

L’axe ferroviaire qui relie Unys à Kalos est, sans surprise, particulièrement rempli. La nouvelle du séisme est sur toutes les lèvres et, debout dans un coin d’un wagon bondé, Iago croise un grand nombre de regards angoissés. Des gens avec des proches sur la zone du séisme, ou bien des kalosiens qui retournent chez eux la boule au ventre. Il faut dire qu’on n’est que peu de choses face aux catastrophes naturelles d’une telle ampleur. Enfin, difficile de bien savoir pour le moment, tous ne peuvent qu’attendre, les yeux rivés sur leurs téléphones tout le temps du trajet. Au bout d’une heure, un jeune enfant se met à pleurer et personne n’en dit rien, trop concentré à essayer de voir et d’entendre les informations qui circulent.

A Illumis, il lui faut prendre un autre train en direction de Relifac-le-Haut et c’est un bus qui lui permettra de relier les derniers kilomètres jusqu’à Cromlac’h. Un bus obligé de rouler au pas en approche de la petite ville. « Désolé, je peux pas faire mieux ! Je sais même pas si on va me laisser entrer... » Fait remarquer le chauffeur à ses quelques passagers. En se redressant pour voir, Iago remarque l’interminable file de voitures, sans doute filtrée à l’arrivée sur la ville. Des bus de secouristes et autres ambulances sont aussi visibles, de là où il se trouve. « Je vais y aller à pied, merci à vous. »

Avec ces mots, il initie un mouvement collectif chez les autres présents qui décident de le suivre. Plus ils s’approchent de la ville, plus un nuage de fumée est visible, dans l’air, de même que des stigmates presque anormaux. Des bâtisses fragilisées, des voitures arrêtées sur le bas côté et un camion de pompier, sirène hurlante, qui entre dans la ville. L’ambiance n’est pas rassurante et Iago observe en silence. Il a fait le choix de venir sur Cromlac’h pour voir s’il pouvait être utile, et avoir éventuellement des infos sur les conséquences du séisme. Une seule secousse localisée sur cette petite ville ? C’est peut-être parce qu’il culpabilise un peu de s’intéresser avant tout au devenir de sa sœur, sur Yantreizh, qu’il compense en ce disant qu’il vient quand même aider. Parce qu’il n’est pas dans sa nature de rester sans rien faire, dans tous les cas.

Qui peut être insensible face à pareils dégâts ? De par son vécu, Iago n’est pas un homme particulièrement attaché à une quelconque possession terrestre. Il n’a pas vraiment d’endroit qu’il considère vraiment comme sa maison, son « chez lui ». Il en a trop bougé, il a eu des « chez lui » de circonstances, d’autres de dissimulation. Des lieux l’ont marqué, bien entendu. Il y a les logements de ses parents, l’appart de Yanis, il y a eu le 47 à l’époque (même si ce n’est pas un souvenir dont il devrait être fier), puis son squat chez les Marabuntas, aussi. Et la Ligue. Son appartement au Stadium était peut-être ce qui a le plus ressemblé à son chez lui… mais ça aussi, c’est derrière lui. Et désormais, l’appartement qu’il occupe est avant tout celui d’Elijah. Celui où le coach pokémon reçoit parfois ses élèves. C’est différent.

Cela ne l’empêche pas, pour autant, de saisir toute la détresse des habitants qu’il croise et dont, pour certains, la maison a été ravagée par le séisme. Il y a des murs transformés en tas de pierres, des toitures qui se sont écroulées sur elles-mêmes… des situations face auxquelles toutes les prouesses de l’humain paraissent bien dérisoires.

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Dans la zone qu’il traverse, c’est le chaos. Des gens qui pleurent, d’autres qui semblent accablés par la situation. Des habitants qui ne réalisent pas bien ce qui s’est passés, et d’autres qui parlent, parce qu’ils ont besoin de parler, à qui veut bien les entendre. « Ça a commencé tout doucement, on n’a pas compris de suite. Et puis… j’ai pas compris, il y a eu un gros bruit, j’ai à peine eu le temps de serrer ma femme contre moi et le plafond de notre salle à manger s’est… s’est ouverte en deux ! » Dans son exclamation, il est facile de sentir le traumatisme et l’incompréhension. On s’imagine jamais que ça puisse nous arriver, ce genre de chose. Et quand ça nous tombe au coin de la gueule – c’est le mot -, quand on est devant le fait accompli, on se retrouve les bras ballants, les yeux ronds, à chercher dans les gens autour de soi de quoi se raccrocher.

Iago ne sait pas bien quoi lui dire, à cet homme. Il a un simple acquiescement de la tête. Il n’est pas dit que cela traduise bien son intention, il faut dire que l’empathie n’est pas forcément son fort. Il comprend, pourtant. Il se doute que tout cela doit être horrible… il faudra reconstruire, se refaire d’autres souvenirs, et prendre les choses telles qu’elles sont. S’ils ont subi un séisme et l’effondrement de leur maison, ils y ont aussi échappé. Ils sont debout, vivant. Tant que ses habitants sont debout Cromlac’h le restera tout autant, non ? Bof. Discours aux relents de positivisme exacerbé qui ne lui convient pas non plus.

Déjà, du coin de l’oeil, il remarque deux silhouettes qui se précipitent vers l’homme abasourdi qu’il vient de dépasser. Une journaliste et son cameraman. C’était prévisible, les chaînes d’infos sont probablement les premières sur le coup et vont en faire leur journée (pourquoi pas leur semaine). Par réflexe, le Fitzroy rentre sa tête dans son cou et presse le pas. Il ne faut pas que les caméras le captent d’une quelconque manière. Ce serait prendre un risque inutile.

Seulement, il n’a pas fait dix pas de plus qu’une petite voix l’interpelle. « Monsieur ? »

Il cherche du regard et, sur le côté, une toute jeune adolescente aux cheveux attachées l’observe. « Vous pouvez… Est-ce que vous pouvez nous aider ? » Trop occupé à la fixer, il n’a pas réalisé de suite, derrière elle, un petit groupe essayant de déblayer ce qui ressemble à l’effondrement d’un énième bâtiment.

« On cherche Spot. On essaie de creuser, il faut qu’on le trouve. » Sa voix est tremblotante et Iago comprend sans difficulté que ce Spot est quelqu’un d’important.

« Spot ?
- Notre Couafarel. C’est un mâle, il a quatre ans. »

Il n’a rien demandé mais là encore, le besoin de parler est plus fort. Comme si elle le suppliait presque. Iago n’a pas besoin de ça, il remonte ses manches et lance une pokéball. C’est Veeti, la Charibari, qui en sort.

« On va le trouver. »

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Il est là pour ça, après tout. Qu’est-ce qu’il viendrait faire au plus près du cœur du séisme si ce n’était pas pour aider, ou soulager à sa façon les habitants et les victimes ? Il n’est pas naïf au point de croire, toutefois, que personne ici n’est présent dans un simple goût du morbide et voir le désespoir sur les visages des gens. Il repense aux journalistes et, même s’il espère que ce n’est pas forcément le cas, il sait que certains se gaveront autant qu’ils le pourront de sensationnalisme. Ainsi va le monde, malheureusement.

En attendant, il n’hésite pas à répondre à la demande de l’adolescente. Il siffle entre les dents et Veeti, facilement distraite, se reconcentre et le suit. A petits pas, ils s’avancent entre les décombres, et quelques adultes, un peu plus loin, observent leur avancée. La famille de la jeune fille, à n’en pas douter. Certains sont déjà affairés, à genoux, à retirer des objets en tout genre, comme pour chercher à créer un chemin. D’autres se prennent dans les bras, secoués.

« Vous avez une piste ?
- Par là. Il est craintif, il s’est agité avant qu’on ressente quoique ce soit. »

Rien d’étonnant à ça, bien des créatures ont un sixième sens quand il s’agit de ressentir le danger.

« On a cherché de l’autre côté, ça n’a rien donné... »

Iago acquiesce. Comme il le fait souvent, désormais, il parle en peu de mots et n’use de sa voix avec des inconnus que lorsqu’il n’en a pas le choix. Ses cheveux en pétards sous son éternel bonnet, il n’attend pas plus de précisions et s’avancent vers un pan de mur écroulé. « Veeti, on va soulever ça. »

Pour la Charibari, c’est presque un jeu. Elle est brave, vaillante, du genre à se complaire dans l’effort et c’est ce qui en a fait une vraie surprise, dans l’équipe actuelle de Iago. Il n’avait pas d’attente particulière la concernant, et elle s’avère être un véritable couteau-suisse à elle toute seule. Pleine de ressources inattendues. La preuve, à l’aide de sa trompe, la voici qui s’avance et s’accroche au pan de mur, dans un mouvement brusque, elle le déloge et le projette plus loin.

Les adultes, des voisins aussi, regardent, curieux. La plupart semblent épuisés, il est bien normal qu’ils aient besoin d’aide. Guidant sa créature, Iago s’abaisse aussi en tendant l’oreille, essayant de repérer un bruit, un son… quelque chose. Il n’est pas le seul et l’un des présents - « Richard, le père. » Comme il se présente rapidement, redirige vers là où se trouve la Charibari son M.Mime. Toujours bizarre comme créature, mais souvent apprécié des ménages.

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La manœuvre n’est pas évidente. Ce qui reste du bâtiment menace de s’effondrer un peu plus, et s’enfoncer plus profondément dans le seul, à tout moment. Iago en a conscience, mais cela ne l’empêche pas de guider sa Charibari autant qu’il le peut. Celle-ci fait preuve de bonne volonté, comme toujours, et malgré une attitude légèrement maladroite, elle fait au mieux. S’il n’est pas de suite convaincu par la présence du M.Mime, qui se positionne au plus près de Veeti comme s’il était collé à elle par de la super glu, Iago finit par y trouver un intérêt lorsque son dresseur annonce : « Bouclier, puis Garde Large sur le Charibari. »

Du bout des lèvres, Iago retient un absurde « la Charibari », qui n’aurait aucun intérêt sur l’instant. Un simple réflexe. Il n’empêche qu’en assurant les arrières du duo, ces derniers peuvent y aller un peu plus franco dans leurs mouvements. Les humains, eux, se sont écartés légèrement car en un mouvement brusque, Veeti étire sa trompe et déloge une cloison qui fait trembler toute la structure avec elle. « Doucement Veeti, doucement. » Plus facile à dire qu’à faire, sans doute.

Pendant de longues minutes, les éléments sont retirés et lancés plus loin, pour dégager la vue, la zone. Et à chaque fois qu’ils progressent et qu’un espace conséquent est libéré, le même : « Schhhhhh. » La famille se met le doigt sur la bouche et tend l’oreille, tout comme Iago. Un souffle, un bruit de grattement, n’importe quoi... Pendant plus d’une heure, ils progressent ainsi. Quand les pokémons ne suffisent pas, ils sont plusieurs à tirer ici, déloger là, pour accélérer la progression. Dans des situations comme celles-ci, les premières heures sont toujours vitales. Hors de question de dormir ou de rester les bras ballants. Il faut agir et espérer, c’est essentiel.

Ce n’est pas sa ville, ce n’est pas son Couafarel (il n’aura jamais de Couafarel, de toute façon, ce n’est pas une espèce pokémon qui l’attire particulièrement), mais ça ne fait rien. Tout cela lui rappelle ses jeunes années dans la Police, quand il voulait tout faire, partout, tout le temps. Comme s’il craignait alors qu’un châtiment divin ne s’abatte sur lui ou ses proches, s’il ne faisait rien. Alors il a toujours fait. Parfois trop. Tout le temps trop, en vérité. Dangereusement et sans forcément penser aux conséquences (ou trop tard). Il ne fera même plus semblant de dire « j’arrête ». Il est à un stade où il ne peut plus arrêter, de toute manière. Fausse vie, fausse identité mais toujours cette volonté d’agir quand il le peut. Même s’il prend des risques, dont celui d’être reconnu.

Ce n’est pas le cas dans l’immédiat, fort heureusement, et il continue. « Par là, Veeti ! » Une autre cloison, conséquente, que la Charibari tire à elle dans un fracas de bruits métalliques et de verres. Sans trop qu’il ne sache pourquoi, une des femmes présentes se remet à sangloter fortement. Pour lui, il n’y a aucune valeur dans ce qu’il remue, il ne le vit pas comme eux, ce n’est pas son passé, son présent et son futur qui ont été bouleversé. Pour autant, le voilà qui soupire, presque dédaigneusement. Il a envie de leur dire de s’éloigner, de partir. A quoi bon s’infliger ça si certains parmi eux n’ont pas la force de rester ? Si cela leur fait trop mal ? Le pathos ne fait pas avancer. Le pathos et les larmes ne sauveront pas Spot.

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Iago est tout concentré à sa tâche. Il s’est porté volontaire pour aider cette famille, c’est ce qu’il fait. Même si cela doit être long. Ils progressent, pourtant. Veeti comprend facilement l’exercice et même si elle n’est pas d’une grande délicatesse, elle fait ce qu’on lui demande. Le M.Mime à ses côtés permet de temporiser un peu… comme par exemple au moment où, dans un mouvement un peu trop brusque pour dégager un « quelque chose » de difficilement identifiable (un meuble ? un reste de statue ?) quelque chose de lourd, tout du moins, elle lance l’objet derrière elle, légèrement en biais.

« Hé, Veeti, attention ! » Sauf qu’elle, elle percute pas vraiment. C’est le pokémon Psy qui, les deux mains tendues en avant, dévie la masse lourde qui allait percuter un homme présent sur le côté, occupé à fouiller un autre coin du bâtiment (ou du moins ce qu’il en reste). Et il faut dire qu’ils sont déjà suffisamment secoués pour ne pas en ajouter. C’est pourquoi quand l’une des femmes un peu plus loin réagit vivement, d’un : « Non mais ça va pas ?! Manquerait plus qu’on se blesse ! » Iago ne réagit pas. Elijah ne réagirait pas plus mais se contente tout de même d’un geste de la main, accompagné d’un « Désolé. » Nul besoin d’en faire plus.

Il fait tout de même un signe en direction de sa Charibari et lui souffle « Fais attention à ce qui se trouve derrière toi. » C’est un peu vache, elle a déjà suffisamment à faire avec ce qui se trouve devant (ou plutôt dessous), mais bon. Iago n’a pas particulièrement envie de blesser quelqu’un au passage. Dans les minutes qui suivent, tout le monde est assez tendu, dans l’attente toujours, mêlée d’un peu de désespoir. Si le Couafarel était dans le coin, on l’entendrait, non ? Même le Fitzroy se mord légèrement la lèvre, pour éviter de dire ce qu’il pense. Il n’est pas là pour apitoyer ces gens, et même si c’est un cadavre de pokémon qu’ils délogent, cela leur permettra toujours de faire leur deuil. Il paraît que c’est important, ces choses-là. Pour certains plus que d’autres, peut-être.

Iago a vu des gens mourir et des pokémons tout autant. Des créatures que personne ne considérait, qui étaient utilisées comme des outils ou des armes. Lui-même ne peut pas se prétendre être un modèle du genre. Il a eu plusieurs pokémons, certains qu’il a oubliés en route (ou qu’il a dû oublier). Certains qu’il a préféré laisser chez d’autres pour une vie meilleure, et certains qu’il a récupéré (on va dire ça) pour l’aider à avancer dans sa quête, à mettre un terme à sa situation. Il n’est pas parfaitement altruiste concernant ses pokémons et n’est pas forcément de ceux qui considèrent les pokémons comme étant des membres de sa famille, des enfants même, comme il peut l’avoir vu parfois. Des compagnons de route, tout du moins, ça oui. Et des créatures pour qui il a un véritable respect, et qu’il essaiera toujours de laisser dans de bonnes conditions. De là à dire qu’il ne profite pas de leur force ou de leur puissance, c’est faux, toutefois.

La réflexion le parcourt un instant l’esprit, tandis qu’il retire un énième truc de l’amoncellement sans fin de plâtre, de cloisons, de meubles, de métal et d’objets en tout genre. C’est alors que d’un coup, le M.Mime s’agite, brusquement. Il remue les bras comme un fou et pointe du doigt en direction de Veeti, et de ce qu’elle a retiré de son côté. Richard fait résonner sa voix : « CHUT. SILEEEEENCE ! »

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La voix grave et son cri pousse tout le monde à se taire, dans la seconde. Chacun est tourné vers la Charibari, vers le M.Mime qui s’agite. Richard et Iago sont les premiers sur le coup, à s’accroupir et tendre l’oreille. En effet, il y a… du bruit. Comme si on grattait la terre !

« Ça bouge là-dessous. » Il le murmure, tel un constat, et sait que cela va aussi faire grandir l’espoir des présents. Alors, rapidement, il laisse le M.Mime passer et souffle à Veeti : « Sors ce qui se trouve là, doucement. Tout doucement, Veet’. » Ils ne peuvent pas prendre de risque supplémentaire. A trop s’agiter brusquement, il manquerait plus qu’ils fassent tomber d’autres trucs sur le Couafarel (s’il s’agit bien de lui).

Derrière Iago, les autres personnes veulent aider, se massent… il se tourne et lance un « Reculez-vous, ça sert à rien d’être 36 ! ». On peut dire qu’il est assez sec et ça déplaît. Mais il peut compter sur le dénommé Richard pour l’appuyer : « Il a raison, avec la Charibari, on va déblayer ça au plus vite, ça sert à rien d’être trop nombreux. »

L’adolescente venue vers lui à l’origine est là, raide, angoissée, elle serre sa veste et lance des « Spot ? Spot ? » c’est sans doute inconscient, vu son attitude, mais s’il l’entend cela peut tout à fait motiver le pokémon englouti.

Les minutes sont longues et éprouvantes, durant lesquelles Veeti et le M.Mime soulèvent ce qui se trouve devant eux. Iago et Richard font en sorte de les aider, dégager les petits objets et leur permettre de progresser plus rapidement. D’autres derrière écartent plus encore ce qui s’accumulent pour libérer le chemin, et d’autres enfin attendent, dans un silence de cathédrale, simplement perturbé par le bruit de ceux qui œuvrent et progressent.

Et puis, d’un coup… un jappement. Distinct, plus fort. Ils sont arrivés jusqu’à l’animal, par un petit trou pour commencer. Pour l’adolescente, c’est plus fort qu’elle, elle se précipite sur les débris, Richard la soutient pour qu’elle se casse pas la gueule et Iago observe de son côté. Elle a les larmes aux yeux, se penche vers le trou : « Spot, mon chien, on est là, on arrive ! »

Les petits jappements reprennent de plus bel. La suite ? Encore plusieurs minutes à creuser, à déblayer et « On l’a trouvé ! », « On le tient ! ». En effet, le pokémon à l’épaisse fourrure blanche est allongé sur un soutient précaire, une cloison pas entièrement démolie. A sa posture, il est évident qu’il est blessé, sans doute aux pattes.

« Amenez-lui de l’eau ! »

Iago s’engouffre dans le trou jusqu’à la taille, il étire les bras et murmure au pokémon « Ça va aller mon gars, t’as tenu jusque-là, encore quelques instants et tu retrouveras ta maîtresse. » Il pouvait s’y attendre, la truffe s’agite, les pattes avant continuent de gratter mais le pokémon ne parvient pas à se mouvoir de lui-même.

« Faut que je descende plus, il peut pas bouger. »

Richard l’aide, mais c’est surtout Veeti qui fait le plus gros du boulot. Elle glisse sa trompe autour de la taille de Iago et l’accompagne dans sa descente, comme le meilleur des harnais. Alors, prudemment, le brun progresse. C’est irrespirable là-dessous, la poussière en tout sens lui pique les yeux, il a juste remonté son t-shirt sur son nez mais ça n’est pas suffisant. Tant pis, il faut faire vite.

Par chance, la créature semble avoir compris qu’il était là pour l’aider, car lorsque Iago fait glisser sa main sur sa tête, puis sur son corps, il ne dit rien. « Bien, je t’attrape et je te sors de là. » Le pokémon fait bien son poids mais le Fitzroy serre de toute ses forces et lance : « C’est bon, je l’ai ! »

De concert, la Charigari et les autres présents aident à le ramener à l’extérieur. Des secondes éprouvantes mais ça fonctionne, et, bientôt, Iago peut reposer au sol, sur une couverture étalée là, l’animal. Le blanc de sa fourrure est noircie en tout point et, maintenant qu’il le voit à l’air libre, il est évident qu’il a les pattes arrière de cassées.

Ça ne fait rien, il est en vie. La jeune fille se précipite pour enlacer la créature tandis que Iago se recule et ne peut contenir une quinte de toux. La poussière recouvre son visage et tout son corps. Richard s’avance alors vers lui et lui serre la main : « Un immense merci mon gars, je sais pas si on aurait réussi à le trouver à temps sans toi. »

Iago préfère jouer les modestes et souffle un « C’est bien normal. Ravi d’avoir pu le sortir de là entier.» Entier ou presque. Vu tous ceux qui entourent l’animal désormais, on peut dire qu’il comptait.

Iago serre des mains qui lui sont tendues en remerciement et finit par s’écarter. Autour de lui, d’autres maisons en ruines, des gens en pleurs ou en recherche… s’il peut en aider d’autres, il le fera. Alors il siffle entre ses dents et Veeti revient à son niveau, de son pas lourd. « Merci ma belle, t’as été parfaite. On va voir si d’autres ont besoin de nous. »

La journée est loin d’être finie.

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