Gourmandise et friandises

C’était un jour de fête. Une fête aux couleurs pastelles et aux arômes sucrés. Une fête consacrée aux gourmands et je crois bien en faire partie. En revanche, le doute n’était pas permis au sujet de certains de mes Pokémon, et l’opportunité de visiter Romant-sous-Bois, ville mythique pour les passionnés de type Fée après Luminith, a achevé de me convaincre de me rendre sur place. Kalos n’était qu’à quelques centaines de kilomètres de Galar, après tout, et je fus accueillie par les arbres géants, couverts de champignons, et les drôles de maisons de bois bleue que l'on voit sur les cartes postales.

Lux avait des étoiles dans les yeux. Dès qu’elle aperçut les premières affiches de l'événement, elle devint incontrôlable, débordant d’énergie. Elle sautait, courait, tourbillonnait partout. Cela ne m’aurait pas dérangé si elle ne percutait pas les passants. Soudainement, je remis en question l’idée de la laisser manger des pâtisseries. Heureusement, la brochure présentait plusieurs ateliers pauvres en sucre. J’espérais également que de participer à la confection, à la force de ses maigres bras, épuiserait son surplus de vigueur, afin que la soirée se passe dans le calme.

Arrivée sur place, cependant, ma Kirlia cessa ses bêtises pendant quelques minutes. Nous arrivions tard et bon nombre de participants étaient déjà dans les allées du parc et sur les premiers ateliers. Trop de monde pour qu’elle se comporte comme une enfant turbulente, donc, et elle se contentait de marcher en silence à mes côtés en regardant de tous les côtés. Puis le naturel revint au galop et elle se mit à tirer sur ma manche pour m’emmener voir un stand exposant des sculptures en chocolat.

Je dois avouer que c’était de véritables œuvres d’arts. Les chocolatiers s’étaient surpassés pour donner vie à leurs idées. Un travail éphémère qu’il serait sacrilège de manger. De petits chevalets associaient à chacune un chiffre et je remarquais quelques mètres plus loin des bulletins et une urne. Je décidais de me prêter au jeu et j’explique à Lux la nature du concours, afin de recueillir son avis. Incontestablement, c’est une sculpture abstraite qui recevait son vote, une sorte de jet d’eau ou de vague, avec une fluidité et un mouvement retranscrits étonnamment bien au travers de la matière, prouvant la technique de son créateur. Ma préférence quant-à-elle allait pour un Lackmécygne en chocolat blanc, plus élégant encore que les originaux.

En me dirigeant vers le responsable du sondage, mon regard fut attiré par une assiette remplie de morceaux de chocolats. Non pas des carrés d’une tablette, mais des volumes ciselés. Je supposai rapidement à une chute. Après avoir rempli les deux bouts de papiers et fait tamponner ma grille de participation, j’en saisi quelques-uns, le bras plus rapide qu’un serpent qui chasse sa proie, surjouant volontairement la gourmandise. Le sourire de ma protégée me fit comprendre que j’avais atteint mon but et je lui tendis sa part avec satisfaction. Je me rendis compte que ma culture des concours s’était aventurée hors de la scène et commençait désormais à influencer mon comportement en public, m’encourageant à me donner en spectacle. À moins que j’ai toujours été ainsi sans m’en apercevoir, ou voulu l’être sans oser briser mon image ?

C’était désormais mon tour de choisir où nous nous rendrions et je jetai mon dévolu sur un atelier de confection de profiteroles vantant une recette au faible indice glycémique. Si cette journée était un à-côté, j’aimerais pouvoir en garder des recettes adaptées à mes Pokémon, afin de l’adapter au mieux à leur métabolisme si particulier pour une alimentation sur le long terme. Ainsi, limiter certains ingrédients était essentiel pour préserver leur santé et les profiteroles me semblaient un aliment parfait pour adapter la recette en fonction de la toxicité et de leurs besoins nutritionnels sans renier leur plaisir.

Certains avaient déjà commencé, mais il y avait suffisamment d’emplacements pour que nous en trouvions un disponible. Un instructeur vint à notre rencontre immédiatement, ce que j’appréciai grandement. Bien que j’estimais que Lux était assez grande pour utiliser le four si je la surveillais, je ne lui laissais que quelques tâches près du feu, préférant lui confier les mélanges froids. Nous avons mis une quarantaine de minutes à préparer le tout mais nous n’avions pas vu le temps passé. En revanche, la demi-heure de cuisson allait se faire sans nous, quelques plats refroidissaient sur le plan de travail, avec des étiquettes au nom de leurs propriétaires, attendant qu’ils reviennent les placer dans de jolis sachets transparents, avec un ruban plus grand que les choux.

Que faire, donc, pendant ce temps ? Lux avait bien plus d’une réponse à cette question et, hésitante au milieu de tant de tentations, elle se laissa finalement tenter par un stand présentant des dragées de tous les goûts et de toutes les couleurs.

La créativité du confiseur ne semblait pas avoir de limite. Plutôt que de se cantonner aux recettes traditionnelles, il les déclinait sous d'innombrables variations, sucrées comme salées. J'appréciais énormément l'attention portée aux ingrédients, exclusivement naturels. Pas de colorant ou exhausteur de goût créé de toutes pièces en laboratoire, bousillant notre santé sous prétexte de belle apparence, synonyme de vente. Non, l'artisan prouvait que les fleurs et les baies pouvaient sans mal provoquer des couleurs aussi intenses, réduites en un glaçage pour enrober le tout, même si les prix s'en trouvaient impactés. Maigre contrepartie pour le soin apporté à ses confiseries, fabriquées localement.

Lux n'eut pas besoin de beaucoup insister pour que je me laisse tenter à en acheter un assortiment. En revanche, j'avais du mal à choisir. Trop de possibilités étendues devant moi, j'aurais aimé pouvoir les goûter toutes, une à une. Chasser la gourmandise fut plus difficile que prévu. Le confiseur me prodiguait des conseils avec passion mais, ne parvenant toujours pas à me décider, je lui demandai finalement de me remplir une boîte de dragées comme il l'entendait. J'aurais ainsi la surprise lors de la dégustation, même si je doutais de parvenir à identifier les différents parfums.

En réaction à ma remarque, l’homme me proposa de rejoindre un autre atelier, un blind test spécial pâtisserie. Puisque ce stand était payant et que, par conséquent, il ne possédait pas de tampon afin de permettre à tous, y compris aux enfants, de profiter de la fête dans les mêmes conditions, je suivais son conseil. Le temps passait rapidement et si je voulais participer à la loterie finale, j’avais tout intérêt à en profiter pour faire le maximum d'activités. Je suivais donc ses indications afin de trouver les lieux du jeu.

Il y avait un peu d’attente cependant, mais on m’affirma que la partie en cours n’allait pas tarder à s’achever. Aussi je restais dans les environs pour ne pas manquer le début de la suivante. Seuls les Pokémon pouvaient participer, et je m'interrogeais sur la différence de perception des goûts. Lux avait des facultés étonnantes pour ressentir les émotions des autres mais en contrepartie, certains de ces autres sens en étaient diminués. Je supposais que c’était le cas de son ouïe, d’après certains comportements qu’elle avait pu avoir par le passé, mais il me semblait que son odorat et son goût étaient assez semblables à l’être humain.

Autour de nous se trouvaient de nombreuses autres espèces de Pokémon. Leur forme changeait du tout au tout, certains étaient humanoïdes, d’autres des quadrupèdes, d’autres encore avaient des pattes en plus ou en moins, certains n'avaient même pas de forme nommable comme les Mucuscule, assez présents dans les marais se trouvant sur les routes alentour et adoptés par certains des habitants. Imaginer les capacités olfactives de chacun d’entre eux relèverait du miracle. Seules quelques espèces étaient universellement reconnues pour leur odorat hors du commun. Les Pokémon canidés, principalement, sont souvent employés dans la police pour cette raison. Pour les autres, les chercheurs ne communiquent que peu sur les résultats de leurs études.

Pourtant, des Pokémon sont réputés particulièrement gourmands. Cela peut même faire partie intégrante de leurs noms, comme les Rongourmand de Galar, ou Goinfrex. En revanche, leur capacité présumée à identifier les goûts n’avait pas pu être confirmée, et je doutais qu’ils pensent au-delà que de manger un maximum. C’était une question de survie plus que de préférence : se nourrir, amasser des nutriments à transformer en énergie, afin d’être en mesure de combattre ou de fuir. Dans le cas contraire, ils meurent et ne peuvent transmettre leurs gènes de gourmets. L’usage des Pokémon par l’homme leur assurent désormais la sécurité mais était trop récent pour avoir réellement impacté les populations sauvages dans leur ensemble. Savoir déterminer si la nourriture est comestible ou non était la seule chose dont ils avaient besoin.

En définitive, nous ne savons pas beaucoup de choses sur l’odorat des Pokémon. Ni donc par extension par les goûts qu’ils peuvent reconnaître, puisque le second dépend presque exclusivement du premier. Lux pouvait très bien avoir ses chances ou bien être dans une compétition biaisée dès le départ, je ne pouvais le savoir qu’en assistant à sa performance. La maigre palette de pâtisserie que je savais cuisiner lui portait en revanche préjudice, ainsi que la différence culturelle entre Galar et Kalos. L’image de ce dernier que étant un pays gastronomique n’était certainement pas venue de nulle part et il est vrai que le mien n’était pas parvenu à atteindre son niveau, que ce soit pour la qualité ou la variété. C'était même à la réflexion probablement tout aussi décisif que le facteur génétique. Nous ne partions pas vainqueures, mais ce n’était pas une raison pour ne pas espérer remporter la victoire, peu importent nos chances.

Les conditions de jeu étaient pour le moins chaotiques. Comment coordonner des créatures si différentes, avec qui la communication est difficile ? Entre celles qui ne comprennent pas les consignes, les facultés particulières… En tant que spectatrice, je ne voyais pas grand-chose. Les Pokémon étaient gardés dans la pénombre, afin que nous ne puissions pas distinguer les gâteaux, et les possibilités, projetées sur un écran, nous était cachées. C’était paraît-il une restriction nécessaire pour ne pas avantager les Pokémon doués de télépathie. J’imagine qu’ils prennaient également des mesures pour les organisateurs eux-mêmes. Aussi je préférais regagner les cuisines pour sortir du four nos profiteroles.

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Les intervenants s’y étaient déjà attelés lorsque je suis arrivée. Les gâteaux étaient encore chauds sur le plan de travail, ce qui m’obligea à attendre qu’ils refroidissent avant de les emballer. L'air soulevait une odeur de sucre et de cannelle, plus qu'appétissante. Elle me fait penser aux pâtisseries de noël. La gourmandise me donnait envie d'en manger un, juste un seul, mais je me devais de résister. Lux m'en voudrait si je ne l'attendais pas, même si avec toutes les pâtisseries qu’elle a englouties avant et pendant le jeu, elle ne devait plus avoir vraiment faim pour la suite. Enfin… Non, elle serait bien capable de trouver une petite place pour ces jolis choux. D'autant plus une fois que j'aurais fait le glaçage. Et je ne la blâmerais pas. Qui résisterait à un beau profiterole bien décoré ? Avec tous ces toppings multicolores, absolument horribles pour la santé mais délicieux pour les papilles.

Je passe sur les différents nappages prévus. Les sauces chocolat et caramel avaient eu un succès impressionnant mais qui ne surprenait personne. Rares sont ceux qui ne les apprécient pas et je n'en fais pas partie. Mais je m'efforce de ne pas trop suivre ces envies néfastes. Je suis bien trop consciente de leurs effets sur notre santé pour me mettre la tête dans le sable comme une cléopsytra. Non, j'ai plutôt jeté mon dévolu sur d'autres sucreries : les confitures et sirops de baies. Ce n'est pas l'idéal, bien sûr, mais une addiction si bien construite par la société ne passe pas si facilement et en comparaison, c'est tout de même beaucoup mieux.

Malheureusement, les tubes étaient remplis de sauces ultra-transformées et bourrées de produits chimiques. Je m'y serais prise plus tôt, j'aurais sans doute pu lancer une préparation pendant la cuisson des choux. Ce n'est pas si compliqué, un simple jus de baies orans bien réduit fait des miracles, pour peu de ne pas le laisser trop caraméliser. J'en fais régulièrement, mais là, c'est un peu tard… Lux va m'attendre. La décoration se limitera à un ruban lavande autour du sachet et quelques autocollants sélectionnés avec soin. Et le résultat n'est pas si mal, en fin de compte. Plus élégant, il nous invite à l'ouvrir sans qu'on s'en mette plein les doigts. Et si quelque chose pouvait gâcher une dégustation, c'est bien d'avoir les mains collantes après une seule bouchée ! Mais peut-être que, si elle est sage, j'accepterais de lui faire un coulis une fois de retour à Galar.