Ce soir-là, dix ans plus tôt, le festival où le honofuku, « la bénédiction du phœnix », était consommé, le festival de la résurrection des trois bêtes légendaires, prenait lieu. Les familles d’Asuka et de Tori s’étaient réunies dans la maison de ce dernier, autour d’un dîner un peu précoce afin de pouvoir profiter des festivités de la soirée. Le honofuku soba, servi devant chaque personne, avait été cuisiné par les soins des deux adolescents, à l’aide du fameux livre de recettes et d’ingrédients achetés prêts à l’emploi. Le résultat ne manquait pas de goût, mais pâlissait en comparaison d’un honofuku cuisiné selon les méthodes traditionnelles, comme de ceux qui pouvaient être dégustés sur place, au sein du festival. Enfin, ce n’était pas si sept personnes avaient la possibilité de s’installer dans un de ces stands bondés. Tori était malgré tout fier du résultat ; après tout, les nouilles et tout ce qui les accompagnaient étaient parfaitement mangeables et le goût satisfaisant en bouche. Et si l’expression qu’arborait Asuka était d’une quelconque indication, il était tout aussi content. Bon, nettoyer la cuisine après l’élaboration du plat avait été une vraie corvée, mais le fait d’être à deux avait au moins eu l’avantage de rendre l’obligation moins ennuyante.

La voix fluette de la mère d’Asuka – le doux timbre de son ami venait bien de quelque part – recentra Tori sur l’instant présent. « Qui c’est qui a donc fait ces tempura ? Ils sont étonnamment croustillants. »

La mère du rouquin ne lui laissa pas le temps de savourer le compliment et répondit à sa place : « C’est ma fille. » Tori se recroquevilla, toute bonne humeur sapée de lui en un instant. Il n’avait plus qu’une envie : celle de ramper sous terre, creuser sa propre tombe et de ne plus jamais ressortir. Sa mère avait même appuyé sur le terme, quelque chose qu’elle n’avait pour ainsi dire jamais fait, jusqu’à son coming-out. Au moins, elle ne s’était pas mise en tête de le forcer à porter l’uniforme de l’école. Petite victoire. Asuka lui jeta un regard compatissant depuis son siège. Tori n’eut pas en lui la motivation de lui signaler qu’il appréciait le sentiment. Son père ne semblait pas trop où se mettre ; l’envie de défendre son fils était clairement affichée sur son visage, mais il n’osait probablement pas amorcer un sujet fâcheux en ces temps de fêtes. Tori se déconnecta volontairement de la situation.

Les dîners avec les invités, c’était toujours comme ça. On parlait de lui à la troisième personne, au féminin, et cela le rendait misérable. Il préférait les repas en petit comité, avec son oncle, son père et sa mère. Là, au moins, ils se tutoyaient. Mais depuis son coming-out, même ces moments de répits n’en étaient plus vraiment, avec l’acharnement de sa mère. Asuka lui avait dit de lui donner du temps ; Tori espérait qu’il avait raison.

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(485 mots)

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« Je vois… J’aurais probablement fait de même à leur place ; je n’aime pas vraiment la foule. » Joffrey ne se sentait jamais mieux qu’au milieu de la nature, auprès des Pokémon, à observer leur train-train quotidien. Il s’attendait à un sentiment partagé de la part de Tori, étant donné le domaine de ses études, bien qu’il n’eût pas encore l’occasion de le voir à l’œuvre... En oubliant son aventure dans la Mer Verte. Joffrey n’avait pas pour habitude de parler ouvertement de ses goûts, mais il pouvait reconnaître les efforts qu’exerçait Tori pour briser la glace et rendre leurs quelques heures ensembles agréables. L’employé Æther ne tirait pas de plaisir de voir le rouquin se démener socialement, simplement pour se prendre un mur ; il tendait donc le rameau d’olivier et réciproquait, du moins, un petit peu. Les festivals ne l’avaient jamais attiré, trop de bruit, trop de monde, sauf peut-être pour les hypnotiques danses du feu ; son propre Ossatueur d’Alola provenait d’un ancien danseur ayant pris sa retraite. Joffrey laissait généralement les missions « publicité » de la Fondation, qui consistaient à occuper un stand au cours de festivités, à d’autres. Il ne gardait pas non plus beaucoup de souvenirs de son enfance en lien avec de telles fêtes. Étant installée au Village Flottant, sur l’île la plus sauvage et reculée de l’archipel, sa famille pouvait difficilement justifier le déplacement alors que les revenus de ses parents couvraient tout juste leurs besoins et les dépenses liées à l’école. Pas que cela lui eût beaucoup manqué. Tori, de toute évidence, n’avait pas la même relation aux festivals de Johto. Pas que ce fût surprenant.

Tori se tut un certain temps, alors qu’ils descendaient l’avenue et se rapprochaient à vue d’œil de la tristement célèbre Tour Cendrée. Ce silence de la part du rouquin était inhabituel, de ce que Joffrey avait déjà pu constater. Leur discussion avait, sans doute, ramené au premier plan de son esprit un souvenir d’enfance. Si ses lèvres pincées étaient d’une quelconque indication, la pensée avait un arrière-goût amer. Le rouquin était certainement un homme plein de vie, sa présentation enthousiaste de la ville et son ardeur au combat de la veille en étaient le testament. Il ne manquait pas de se faire remarquer, mais ne semblait pas éveiller la suspicion de ceux qui l’entouraient. Somme toute, Tori se lisait comme un gars bien inoffensif. Il avait la figure parfaite pour rejoindre la Fondation Æther, et constituait une recrue de haut potentiel pour la branche scientifique de l’organisation. Et ils avaient terriblement besoin de nouvelles têtes. Non seulement les chercheurs actuels étaient débordés, mais la Team Flare venait d’effectuer un « don » à l’ordre de la fondation ; des résultats étaient attendus pour un futur proche.

Ils s’arrêtèrent au pied de la Tour Cendrée.

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(470 mots)

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Le chemin jusqu’au pied de la Tour Cendrée n’avait pas été long, et l’égarement de Tori dans ses pensées n’avait aucunement joué dans sa perception du temps. Les deux bâtisses n’étaient pas qualifiées de « jumelles » pour rien : elles avaient été construites proches l’une de l’autre, selon les mêmes plans architecturaux. Toutefois, là où l’une demeurait le diamant taillé et flamboyant de Rosalia, l’autre avait été réduite rang de mémorial carboné, maintenue dans un état à la frontière entre ruine et œuvre d’art moderne au lieu d’être restaurée à l’image de sa sœur. Tori désigna la tour de la main et brisa le silence qu’il avait laissé s’installer par mégarde : « Et voici la fameuse Tour Cendrée, initialement consacrée au légendaire Lugia. Joffrey suivit du regard sa main. Elle a été détruite par un incendie, il y a, quoi, cent cinquante ans ? Il n’en reste plus que le rez-de-chaussée et le sous-sol, et eux aussi sont voués à disparaître si les autorités s’obstinent à ne faire aucune réparation. » Tori soupira. Il ne parvenait pas à comprendre la logique de laisser le monument se réduire en poussière, sous prétexte que la Tour Cendrée mettait ainsi en valeur la Tour Carillon. À ses yeux, cela avait autant de sens que d’acheter une boisson gazeuse pour ne la boire qu’une fois les bulles parties.

« Peut-être qu’ils veulent une excuse pour obtenir un nouveau terrain constructible, commenta Joffrey tout en s’approchant de la barrière qui séparait les ruines des visiteurs. Le bois carbonisé était loin de supporter autant de contraintes que le marbre des monuments historiques de Sinnoh.
— Ce serait vraiment stupide de leur part.
— Je n’affirme pas le contraire. » Le visage de l’employé Æther resta de marbre alors qu’il prit appui sur la barrière avec ses bras. Tori ricana de bon cœur. Il savait qu’il avait affaire à la marque de fabrique de l’humour à la Joffrey. Ou du moins, il l’espérait.

Tori le rejoignit contre la barrière. « Je ne sais pas si tu le sais déjà par osmose, mais la légende raconte que Ho-Oh aurait ressuscité trois Pokémon qui auraient péri dans les flammes, donnant ainsi naissance à Raikou, Suicune et Entei. Joffrey émit un simple son en guise de réponse, évasif comme toujours. Cette histoire était ma favorite, quand j’étais enfant. Et je ne dois pas être le seul, parce qu’ils continuent de vendre des peluches à leur effigie dans les boutiques de cadeaux qui parsèment la ville. Tu voudras en acheter une ? »

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Éclosion de l'œuf de Picassaut
Éclosion de l'œuf de Frissonille
Éclosion de l'œuf de Dodoala

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