La formation est sur le point de se terminer. Décidément, pour lui tout se déroule en accéléré. Les forces de l’ordre sont pressées d’avoir un nouvel inspecteur dans leur rang, et les Rockets sont pressés de pouvoir compter sur un autre agent pour les couvrir... Khaba a parfois du mal à suivre la cadence, tout comme il a du mal à se faire à ce nouveau quotidien, surtout à côtoyer Owan. Puis mentir à sa sœur, le pire de tous les changements. Elle n’envisage pas une seconde que son aîné puisse être autre chose que le gentil de l’histoire, celui qui fera tout pour mettre aux arrêts tous les criminels. Quand il y songe, ça le rend malade. Cependant, il est impératif qu’elle n’apprenne jamais la vérité. Du moins, qu’elle ne l’apprenne pas avant d’être majeure. Il se doute qu’Orion ne la tiendra pas complètement à l’écart quand ce cap sera franchi. Cela dit, le jeune adulte a tout le temps d’y penser; des années séparent sa cadette de ses dix-huit ans. Puisque le coordinateur déteste vivre dans le futur, devoir faire des plans qui ne sont pas dans l’immédiat l’insupporte. Un jour, peut-être réussira-t-il à regarder les bons côtés d’une vie active, même s’il ne s’agit pas d’une vie qu’il a choisi.

Aujourd’hui, le petit prince se dirige vers sa mission — pourquoi Owan utilise-t-il ce mot pour désigner leurs fonctions? D’ailleurs, il est plutôt passager dans la voiture de son mentor, à observer le décor. Sa tâche lui a déjà été expliquée, et s’il y a un moment pendant lequel il peut être tranquille, c’est bien quand le vieux conduit. Ce dernier se concentre sur la route, mais il doit certainement songer à ses prochaines actions, à ce qu’il doit enseigner. À dire vrai, Khaba n’a pas la moindre idée de ce à quoi pense son formateur et il n’a pas envie de le savoir. En tout cas, lui réfléchit à ce qui se passera dans quelques minutes puisqu’il s’agit d’une première affectation double : qui servira donc tant la police que les Rockets. Se voir lancer dans le bain si rapidement lui cause une part d’angoisse, comme celles qu’il vit lors des tempêtes tropicales. Pour les secondes, l’aîné Sahir peut les fuir, vivant dans un coin loin des berges des îles. Ici, il est attendu de lui qu’il fonce tête première.

Le but est simple sur le papier, mais dans la réalité c’est tout autre. La part inspecteur devrait être facile, la part criminelle l’est tout de suite moins. Le coordinateur espère que le cours d’action qu’Owan a élaboré fonctionne sans embûche. Il est censé être un professionnel, n’est-ce pas? Sur ce coup, devoir lui accorder sa confiance le contrarie. Cependant, il se fait encore moins confiance pour y parvenir seul donc il n’a pas d’alternative. Bref, cette mission consiste à se rendre sur un site archéologique puisqu’il y a eu un incident causant la mort d’un des archéologues. Ça, c’est le côté policier de la chose. Le côté Rocket est de faire disparaître la preuve qu’il s’agit d’un bris mécanique volontairement causé. Comment pourront-ils tromper des spécialistes en la matière? Les investigations ne sont-elles pas déjà amorcées? Khaba ne peut s’imaginer comment ils procéderont. Owan s’est contenté de lui expliquer les faits, de l’informer de la nature du bris et de ce qu’ils recherchent en particulier. Pour résumer, la théorie. La pratique sera tout autre et c’est ce qui le rend nerveux. S’il faut qu’il se plante dès le départ...

« N’oublie pas que tu es à l’entraînement. J’attends de toi que tu observes. » Est-ce que l’inspecteur Shah ressent son malaise? Quoi qu’il en soit, l'Alolien échappe un soupir de soulagement non feint. En cas d’échec, Owan tombera, pas lui.

HRP:

Le futur inspecteur a pu se détendre pour le reste du trajet. Ne plus avoir les pensées qui tournent en rond à cause de l’ignorance du terrain lui fait du bien. Toute sa posture s’est relâchée, il a même fermé les yeux pendant un moment. D’habitude, il est en confiance seulement lorsque son chauffeur privé le conduit à sa destination. Les autres conducteurs l’idée de ne plus regarder la route ou de dormir ne lui vient pas à l’esprit. Jusqu’à présent, les performances d’Owan derrière le volant sont bonnes. Aucune manœuvre dangereuse, rien comme Rhys lui avait fait vivre... Cela dit, ils n’ont jamais reçu un call en même temps. Cela risque de changer la donne. Avec un peu de chance, cela ne surviendra pas avant que Khaba obtienne son permis. Dans le cadre de ses fonctions, être le conducteur lui semble préférable. Moins honteux aussi. Dépendre du vieux fumeur de cigares sur ce point le rend maussade.

Pour être honnête, tout le rend maussade dès que ça a un lien avec cet emploi forcé. Le jeune coordinateur ne parvient pas à chasser cette colère d’être utilisé, cette colère de savoir que sa sœur pourrait être prise pour cible s’il échoue ou s’il se dérobe. Les paroles d’Orion lui reviennent en tête, celles qui ont été de trop. Quand cela survient, il tente de se concentrer sur la résolution; soit ce coup de poing salvateur. Des années de reproches libérées de cette façon, et il en aurait encore en réserve.

Maintenant que le duo débarque de la voiture pour se rendre à leur destination, une certaine nervosité reprend le contrôle chez Khaba. Certes, il n’a qu’à observer pour le moment, mais s’il ne mémorise pas bien l’information, s’il doit passer un test par la suite et qu’il échoue... Dans n’importe quelle autre situation, il s’en foutrait. Gérer une part d’anxiété est plutôt nouveau pour lui. C’est dire à quel point sa vie était insouciante, naïve même. Désormais, il n’y a que Nefertiti qui peut poursuivre ainsi. L’aîné ne lui retirera jamais ce privilège. Elle n’aura pas à vivre comme lui. Après tout, dès sa naissance il s’est engagé à la protéger quoiqu’il en coûte. Bref, après une profonde respiration, l’Alolien regarde les alentours. Plus ils avancent et plus ils se rapprochent de ce qui semble être le site de fouille. Il y a de gros équipements dont il ne connaît rien, puis plusieurs personnes qui semblent déjà amasser les indices. Oh, dans ce cas..., n’arrivent-ils pas déjà trop tard pour jouer leur rôle? Le jeune adulte jette un coup d’œil à son mentor, mais ce dernier fume son cigare sans laisser paraître une émotion. Difficile de le déchiffrer ainsi.

C’est sans doute mieux, sinon l’aîné Sahir risquerait d’afficher sa propre nervosité. Néanmoins, dans son cas, cela pourrait passer crème puisqu’il est en formation. Une bonne raison à yeux de n’importe quel autre professionnel qui a été dans ses chaussures avant lui. À coup sûr, si quelqu’un lui dit ces mots, il en échapperait un rire sans joie. Non, personne ne peut réellement comprendre sa situation. Dans un sens, tant mieux pour les autres et tant pis pour lui. Dans son esprit, les agents doubles ont choisi cette voie. Clairement, Owan ne semble en rien y être obligé et paraît y prendre plaisir. Donc forcément, c’est ainsi pour la grande majorité. Il est le malchanceux dans cette histoire. Bref, pour le moment, il se contente de suivre son mentor et espérer qu’ils pourront mettre la main sur l’élément compromettant sans attirer l’attention. D’ailleurs, le petit prince observe méticuleusement chaque personne, chaque geste posé, chaque expression. Après tout, il devra bientôt interroger des suspects et il doit parvenir à déceler le vrai du faux dans leur discours, et cela passe par le langage non verbal. Savoir diriger les questions afin d’obtenir le maximum d’information est essentiel.

Malheureusement pour Khaba, il s’agit d’un art qu’il n’a jamais eu à maîtriser par le passé. À dire vrai, avec son tempérament peu ouvert sur les autres et son désir de garder en majorité des relations superficielles ne l’aident en rien pour accomplir cette tâche.

HRP:

Pour bien accomplir le travail qu'on attend de lui, Khaba devra s'adapter à presque tous les niveaux et apprendre à gérer son stress d'être démasqué. En tout cas, il n'en viendra jamais à fumer le cigare, ça c'est garanti. Les sports de combat demeureront son moyen d'évacuer la pression. Maintenir son apparence est essentiel pour lui, puis honnêtement il se sent toujours plus détendu après le sport. C'est sans doute ce qu'il fera après avoir récupéré ce qu'ils doivent récupérer ici. Le voici avec un but pour terminer sa mission : rentrer chez lui, éviter sa sœur et se défouler.

Les présentations sont de mises avec les responsables du site. Le futur inspecteur reste silencieux quand Owan le nomme, hochant simplement la tête de façon polie. En ce moment, son aisance sociale s'est fait la malle. Une aisance qui est nécessaire dans le cadre de leur fonction. Un inspecteur doit questionner, vérifier les témoignages, découvrir le vrai du faux, amasser les preuves... Rien de cela ne peut se faire sans parler à qui que ce soit. Pour aujourd'hui, il peut sans doute se le permettre. Bientôt, ça ne sera plus le cas. Combien de temps reste-t-il à son entraînement? Khaba l'ignore. Il n'y avait pas un temps déterminé inscrit à son dossier, ce dossier dont la moitié des informations sont inventées de toute pièce. Quelques heures seulement pour en apprendre tout le contenu et le mémoriser afin de ne pas dire de bêtises, de ne pas vendre la mèche. Son côté spontané n'apprécie pas, tout comme ce sentiment de ne pas être intègre. Forcé de devenir un corrompu... jamais il ne pardonnera Orion pour cela.

Bref, le petit prince ne se souvient même plus des noms des responsables du site archéologique tant il était concentré sur ses pensées. S'il doit leur parler, il demandera. Une autre erreur qu'il peut mettre sur le dos d'être en apprentissage. Son formateur attire son attention d'un large geste de la main. Bon, c'est maintenant que tout commence. Owan les guide jusqu'à l'équipement ayant causé le meurtre. Oui, il n'y a pas d'autres façons de définir ce qui s'est passé à cet endroit. Khaba sait qu'il y a un Rocket fautif derrière le tout..., mais il doit faire en sorte que l'on croit à un bris non volontaire. Il s'imagine seul ici et il en a la nausée. Le jeune homme espère qu'il aura toujours un partenaire dans le cadre de son travail, quelqu'un pour rattraper ses erreurs. Il sait qu'il en fera, parce que maintenant qu'il fait face à cette machine qu'il ne comprend pas, il ne voit pas comment il peut berner qui que ce soit. Est-ce qu'en plus de devoir apprendre le métier d'inspecteur, il doit apprendre toute sorte de connaissances générales qui lui serviront que dans le cadre d'une enquête? Ce qu'il ignore, c'est que son mentor a reçu un dossier détaillé de la part des Rockets, lui expliquant tout ce qu'il a besoin de savoir pour berner même les spécialistes.

Pour la réussite de cette mission, ces documents sont essentiels. L'inspecteur Shah n'est pas laissé à lui-même, contrairement à ce que pense l'agent en formation. Bientôt, il comprendra la raison de cet omission, et il ne sera plus laissé dans l'ombre pour les prochaines affectations. Pour cette fois, il se sent complètement dépassé et incompétent. Toutes ses années d'étude à domicile ne l'ont pas préparé pour ce métier, pour le terrain.

HRP:

Owan demande à être seul avec Khaba afin d’être tranquille pour cette formation. Bonne excuse, mais cette dernière ne pourra pas être exploitée éternellement. Sincèrement, le jeune adulte n’a pas l’envie de passer pour un bleu à jamais. À ce moment, il ne sait pas qu’il est destiné à devenir lui-même formateur, donc quand il aura assez d’expérience et de succès, il prendra la suite de son mentor. Autant dire que cette perspective l’effraierait, il vaut mieux qu’il reste dans l’ignorance. Maintenant qu’ils sont seuls, ils peuvent se permettre de parler plus librement, bien qu’il leur faut toujours faire attention à ce qu’il n’y ait pas d’oreilles indiscrètes dans les parages. S’ils devaient se faire entendre, ils ne feraient pas long feu... Il y a un moment de silence avant que le plus jeune murmure quelques mots. « J’aimerais savoir de quelle façon tu comptes tromper des experts en machinerie. » C’est l’interrogation qui lui tourne en tête. Cet homme ne peut pas détenir toutes les connaissances pour n’importe quelle situation qui lui tombe dessus. Bref, pour première réponse, l’inspecteur Shah rit. Un rire qui offusque de suite le petit prince. Sa question n’était pas stupide! Pendant qu’il se tourne la langue sept fois pour ne pas dire de bêtises, Owan observe rapidement autour d’eux. Il y a des caméras de surveillance. Elles sont censées avoir été désactivées par un pro, est-ce vraiment le cas? C’est important de s’en assurer. « Aucune mission n’est réalisée à l’aveuglette. » Aussi un murmure plus mâché, pour bouger le moins possible ses lèvres.

Le mentor indique à son apprenti de rester à cet endroit et de distraire quiconque s’approchant trop de la machinerie. Tromper les experts ne peut se produire s’ils parviennent à investiguer avant eux. Ils comprendront que l’incident n’est pas accidentel et l’enquête deviendra plus ardue pour eux. Certes, il y a d’autres moyens de mettre ensuite des bâtons dans les roues, sauf que c’est plus simple en sabotant directement l’enquête. Pour cette fois, Owan n’a pas à tenter de mettre ce crime sur le dos d’autrui. Ces affectations-là sont tout de suite plus délicates. Envoyer un novice pourrait facilement tout faire planter. Ce dernier a besoin d’entraînement, sans être trop facile, pour parfaire ses méthodes et apprendre rapidement. Les prochaines semaines seront intenses pour lui, intenses comme jamais.

Bref, Khaba observe de loin l’inspecteur. Il entend des bribes de sa conversation avec l’un des responsables du site. Ils parlent des caméras de surveillance. Une chance pour lui, Shah a une voix qui porte contrairement à son interlocuteur, cela permet donc au novice de comprendre qu’elles ne sont pas fonctionnelles. Qu’importe comment cela est arrivé, il s’agit d’une très bonne chose pour eux. Puis, la pensée que c’est l’œuvre des Rockets lui vient en tête. Sans aucun doute, ils en sont responsables. Cependant, il souhaite que les caméras n’aient pas cessé de fonctionner que le temps de l’incident, cela attiserait les soupçons. Et si cela fait plusieurs, c’est un expert qui s’est occupé de cette tâche. Justement, Khaba capte que les responsables du site ont embauché une personne pour tenter de rétablir la situation. Il en vient à se demander qui peut être si doué du côté de l’organisation criminelle. Dans un sens, c’est rassurant de savoir qu’ils ont les ressources pour aider leurs agents doubles. Il a reçu des explications plutôt sommaires sur les capacités des Rockets. Désormais, il peut partir du principe qu’ils ont tout en main pour les aider, n’est-ce pas? Il aimerait vraiment avoir plus d’information et ne pas devoir jouer le rôle de distraction pendant que l’inspecteur ne lui apprend rien. Cela dit, il porte attention autant qu’il le peut à l’échange, tentant d’analyser les questions et la manière de les poser. Tout ce qui peut lui être utile.

De longues minutes s’écoulent avant qu’Owan revienne vers son apprenti. « C’est en ne me laissant pas assister à un interrogatoire que je vais devenir un pro, évidemment. » Cette fois, Khaba ne se préoccupe pas du volume de sa voix. Ses paroles n’ont rien à voir avec leur petit secret, donc il se permet. « Quand tu auras les ordres de mission entre les mains, tu comprendras. » Un ton plus rude et direct que précédemment. Les petits caprices du coordinateur commencent à lui taper sur les nerfs. Le plus âgé n’attend pas de réactions ou de réponse avant de reprendre. « Je vérifiais que les informations contenues dans ledit ordre sont exactes. Ne jamais faire entièrement confiance à ce qui est écrit. » La dernière phrase est clairement un avertissement, peut-être du vécu? En tout cas, cela ne rassure pas le futur agent...

HRP:

À vrai dire, Khaba ne sait pas quoi répondre, alors il se tait. Cette nouvelle information le perturbe, mais il finit par la comprendre. Oui, travailler pour une organisation criminelle est à double tranchant. S'ils ne sont plus satisfaits de son travail, ils peuvent très bien organiser un coup monté pour piéger l'inspecteur. Par contre, même en déjouant ledit plan, comment pourrait-il poursuivre sa vie comme si de rien n'était? Ses désormais ennemis ne lâcheront pas l'affaire si facilement... Bref, il vaut mieux que le jeune adulte ne poursuive pas sa réflexion. Il pourrait s'imaginer toutes sortes de scénarios puisqu'il n'y connaît rien. « Conseil de pro. Il vaut mieux avancer un pas à la fois. Je sais ce que je fais. » Il y avait de nouveau une part de rudesse, accentuée sur la dernière phrase. Pour réponse, le coordinateur hoche simplement la tête. Il a compris, il a très bien compris. Cela l'agace, mais il doit avoir confiance en la formation qu'Owan lui donne. D'un autre côté, est-ce une vraie formation? Ne désire-t-il pas mettre dans l'embarras sa famille? Une des premières affirmations de l'inspecteur fut de lui faire comprendre que son arrogance est de famille et qu'il n'apprécie pas ce trait de caractère... Donc il peut avoir confiance jusque dans une certaine mesure, tout en gardant une part de méfiance.

« Les caméras ont été désactivées deux jours avant l'incident. Même avec un expert sur place, ils sont incapables de reprendre le contrôle. C'est donc notre chance de détruire la preuve. » C'est sans doute un peu moins suspect, maintenant il faut que cette panne se poursuive ou du moins, qu'elle ne s'arrête pas à un moment trop évident par rapport à leur visite sur les lieux. « Savent-ils que cette panne est volontaire? » En ayant cette donnée en main, ils peuvent aisément pousser l'enquête vers un meurtre. « Non, leur fournisseur leur indique qu'il s'agit d'une panne et qu'ils travaillent sur le problème. Mais entre toi et moi », continue-t-il à voix basse, « je crois que leur expert est affilié aux Rockets. » La surprise, puis le côté logique revient. Oui, s'ils souhaitent mettre toutes les chances de leur côté pour que cet incident soit vu comme un accident involontaire, ils doivent mettre la main à la pâte. Pourquoi n'ont-ils pas ramassé eux-mêmes la preuve? « Enfile tes gants. » Ah, Khaba se souvient. Il ne faut pas laisser d'empruntes digitales sur les lieux. C'est l'une des premières choses qu'il a apprises dans la théorie.

Maintenant que leurs mains sont protégées, c'est le moment de tout observer et d'amasser des preuves. Cela dit, c'est plutôt pour donner un plan d'action à l'équipe terrain et médicale, experts dans leur domaine. Ce n'est donc pas seulement les experts en machinerie qu'ils doivent tromper... et cela l'intimide beaucoup.

HRP:

Khaba observe surtout comment son mentor manipule les objets, ce qu’il regarde. Puis, après quelques minutes, trouve la pièce dont ils doivent se débarrasser. Heureusement, ce n’est pas un énorme morceau. Comment auraient-ils pu le dissimuler? Il espère que l’organisation criminelle aide toujours dans l’ombre dans ce genre de cas. Après cette mission, le petit prince aura une foule de questions pour Owan. « Je vais distraire ceux qui nous observent, tu dois prendre cette pièce », lui indique-t-il, « et la dissimuler jusqu’à ce que nous quittions le site. » Ah. AH. Pourquoi? Honnêtement, il n’est pas sûr de pouvoir distraire correctement s’il prend cet autre rôle. Cependant, avoir la pression d’être celui qui cache la preuve le rend nerveux. Il a intérêt à ne pas la perdre, à ce qu’elle ne soit pas visible afin d’éviter des interrogations embarrassantes. Du coin de l’œil, il s’assure que l’inspecteur Shah effectue sa part avant de finalement s’emparer de la pièce de machinerie sabotée. Maintenant, il doit agir de façon normale, comme il le faisait jusqu’à présent. Ne laisser aucun indice de par son attitude. L’aîné Sahir prend de profondes respirations puis il continue ses observations. Cette machinerie est imposante, il est nécessaire de l’analyser sous toutes ces coutures. Cela dit, il n’y comprend rien. Contrairement à l’agent expérimenté, il n’a pas eu accès au plan de construction et tout ce qui s’y rattache quant à son fonctionnement. Voilà pourquoi il parvient à tromper des experts. Peut-être que ces informations auraient pu être transmises avant de se rendre sur les lieux.

Owan revient vers son apprenti, accompagné de deux personnes portant chacun une grosse valise argentée. Ils sont habillés... en médecin? « Viens, ils nous mènent au corps. » Comment ça, le corps? Leur mandat va jusque-là?! Le coordinateur va réellement faire face à un corps qui est mort depuis quoi, quelques heures? C’est logique, le travail des inspecteurs est de mener leurs enquêtes pour le département criminel. Il y aura donc des homicides dans le lot. Oh non, il n’est pas prêt pour cela! Néanmoins, il lui est imposé de suivre, de découvrir cet univers dans lequel il travaillera pour de nombreuses années. Et s’il n’a pas ce qu’il faut pour se trouver à proximité d’un mort? La crainte de devenir lui-même un corps le fait s’en mordre la lèvre. Ses pas sont lourds, sa motivation n’y est plus. Khaba ne porte pas attention au chemin qu’ils empruntent, au fait qu’ils ont grimpé quelques escaliers. Ils ont désormais un tout autre angle de vue sur la machinerie. Et sur le pauvre type à moitié décapité. Cette vue, combinée à l’odeur, lui lève instantanément le cœur. Il doit se retenir pour ne pas vomir. C’est dégueulasse! Pour l’instant, il s’éloigne de quelques pas pour que le tout devienne gérable.

Puis, plusieurs rires retentissent. Des rires qui le prennent pour cible. « Un bleu? » L’un des coroners pose la question à l’inspecteur Shah. Ce dernier ne tarde pas à prendre le bout du bâton. « Première fois oui. Pauvre âme sensible. » Le futur agent serre la mâchoire. « Ne me fais pas croire que tu n’as pas eu la même réaction la première fois. » Ouvrir la bouche n’était pas une bonne idée, le voici de nouveau penché vers l’avant, à se retenir de rendre le contenu de son estomac. On repassera pour la crédibilité. Il y a de nouveau des rires qui ne lui plaisent absolument pas. Le petit prince n’a pas l’habitude de se retrouver dans une situation comme celle-ci; où il ne contrôle rien, pas même ses propres réactions. Comment peut-il s’habituer à cela? S’il ne s’est pas aventuré dans la médecine, ce n’est pas pour rien. Il ne s’agit pas d’un domaine qui l’intéresse, et justement il ne tient pas à vivre ce qu’il est en train de vivre en ce moment. « Si ça te permet de mieux dormir la nuit. » Quelle est cette expression? Le coordinateur ne la comprend pas, et honnêtement il n’a aucune envie de demander. Cependant, à l’entendu du ton employé, la moquerie demeure. Dans d’autres circonstances, il se reprendra pour cette humiliation! C’est la plus honteuse de sa vie. Le vieux comprendra que ce temps est révolu.

« Prends quelques minutes et reviens. Tu as besoin d’entendre ce que l’équipe médicale a à dire. Cela fait partie de l’enquête. » En effet, Khaba s’en doute. Pour apprendre les rouages, il s’agit d’un passage obligatoire. Cette pensée lui donne aussi la nausée. Bref, il s’éloigne avec plaisir, en profitant pour respirer et reprendre son souffle. Le pauvre n’a pas la moindre idée de comment il peut y retourner et regarder en détail ce corps. Le voilà à maudire davantage Orion. Il en mériterait un poing sur la gueule...

HRP:

Même avec cet éloignement, la pensée de devoir s’approcher de nouveau du corps le rend mal. Khaba a envie de demander à abandonner cette mission, à se reprendre lors d’une suivante. Cela dit, il est capable de prédire la réponse de son mentor et celle-ci ne sera pas positive à sa requête. Ses poumons prennent tout l’air au maximum de leur capacité avant de le relâcher doucement. Ses pas le ramènent à destination. Le coordinateur a certes la capacité à retenir son souffle pendant un bon moment, mais certainement pas assez pour survivre à l’autopsie du cadavre. Ou qu’importe ce que l’équipe médicale ou de coroners s’apprête à faire. Il n’a pas l’envie que ces derniers s’attardent en long et en large et qu’ils donnent tous les détails. Il aimerait plutôt les lire sur un rapport. Ne sont-ils pas faits pour cela? Bref, son regard navigue partout sauf là où il le devrait. Le problème de l’odeur reste. Elle va s’atténuer, n’est-ce pas? À force de rester à côté? Ce type est mort depuis combien de temps? Il s’agit d’une information qu’il obtiendra sous peu.

Quand l’un des deux médecins, coroner, il ne sait pas leur titre exact, annonce que la mort est causée par décapitation, le petit prince échappe un court rire sans joie. Oui, cette information est des plus évidente, merci de le confirmer, personne ne s’en doutait! Ils poursuivent leurs explications dans un langage qu’il n’est pas certain de comprendre entièrement. Ils sont là, tout près du corps, à pointer ce qui cloche, à analyser comment cet homme a pu se retrouver dans cette situation. Que des gens puissent accomplir ce travail avec une telle aisance le dépasse complètement. Heureusement qu’il y en a, mais ce n’est pas pour lui. Il en apprend des noms de muscles, d’os, de choses dont il ignore tout. Il y a des cartons (?) avec des numéros un peu partout autour. Il voit Owan tenter de reconstituer la scène avec l’aide des autres équipes. Il voit, sauf qu’il a de grandes difficultés à suivre, à garder le contrôle. Sa réalité devient irréelle, digne de celle qui existe seulement dans les films.

« Agent Sahir, porte attention. » La voix d’Owan tire Khaba de ses réflexions. Il a presque envie de rire de nouveau. C’est plus facile à dire qu’à faire, de porter attention. Cette scène est vraiment dégoûtante, et à tous les niveaux. « Il t’est obligatoire d’apprendre à travailler avec les équipes médicales. » Pas trop souvent, il espère...

HRP:

Avec l’état du cadavre et on ne sait quoi comme autre preuve, l’équipe médicale détermine que la mort remonte à la nuit passée entre vingt-trois heures et une heure du matin. Maintenant, ils savent donc quelle heure demander pour alibis. Même si c’est ridicule de questionner à ce sujet, mais passons. L’aîné Sahir a conscience qu’ils se doivent de procéder ainsi, de respecter toutes les étapes et tous les protocoles même en sachant qui a commis le crime. Ils sont présents pour le couvrir après tout, pour le rendre accidentel. Ces personnes ne savent pas expliquer quel a été le problème de la machinerie, mais ils peuvent affirmer que c’est le bras gauche de la victime qui a été coincé en premier, entraînant la réaction en chaîne. Ce type a dû souffrir comme jamais avant de mourir. Ce constat donne froid dans le dos au jeune adulte. Voilà une preuve de plus qu’il est obligé de bien faire son travail s’il ne veut pas finir ainsi... ou que les menaces à l’égard de sa sœur se concrétisent. L’idée même que ces criminels soient capables de s’en prendre à des enfants lui ramène la nausée.

Les experts en machinerie les rejoignent. Tous ont besoin de leurs lumières pour la poursuite de l’enquête. Cela dit, c’est difficile pour eux de vraiment effectuer leur travail pour le moment, ils ne doivent pas altérer la scène de crime, ils ne doivent pas effacer des empreintes, ou qu’importe qui est difficilement visible actuellement. Dans un sens, Khaba espère presque qu’ils ne feront pas attention, ça les aiderait dans leur tâche. Bousillez tout ce que vous voulez. Le reste de l’enquête tombe à l’eau et le voici libéré. En tout cas, le bon côté, c’est que le petit prince remarque que ces hommes ont aussi l’envie de vomir très visible sur leur visage. Ah, il n’est pas le seul. Pourtant, personne ne se moque d’eux.

Donc, pour le moment, ils croient qu’il y a eu un problème avec un des éléments de sécurité, ce qui a occasionné la chute et le bras coincé en premier. Le reste du corps a suivi. Eurk. L’employé a pu être identifié grâce au registre des travailleurs cette nuit. À vrai dire, sans cela le coordinateur n’a pas la moindre idée de comment ce type aurait pu être identifié. Disons que sa tête est elle aussi bien broyée... Est-ce que ses dents sont intactes? Bien qu’il n’y connaisse pas grand-chose, il sait que l’identification dentaire est la meilleure qui soit. Il sait aussi comment les archéologues datent les fossiles, mais on ne parle pas d’un fossile ici. Bien qu’ils soient effectivement sur un site archéologique. Quelle ironie. En tout cas, il entend Owan dire des choses comme « nous avançons » « nous allons trouver le ou les coupables » et encore une fois, Khaba retient ses rires sarcastiques. Il a beaucoup à apprendre quant au contrôle de ses émotions et de son langage non verbal. Le sarcasme n’a pas sa place. Mentir, même à des étrangers, vient heurter ses valeurs.

« Merci pour votre temps, nous vous laissons maintenant travailler en paix. » Ce qui reste du corps sera rapatrié, les coroners effectueront une série de tests pour déterminer si la victime était sous l’influence de drogues ou d’alcool. Si tel est le cas, ça serait parfait pour eux. La machinerie sera aussi analysée puis la conclusion de la pièce manquante viendra sur le tapis. C’est à double tranchant. Autant cela peut éveiller les soupçons que c’est intentionnel, autant cela peut leur servir pour les conclusions de l’accident et que la compagnie de la machinerie, tout comme l’employeur, paient une somme exorbitante à la famille du décédé. Au moins, ils auront ça pour se consoler... Sauf que ça ne remplace pas le disparu. Puis, lui qui a tout l’argent dont il a besoin et même plus, recevoir une somme en compensation le rendrait plus en colère contre les responsables.

En s’éloignant, Khaba parvient à mieux respirer. Maintenant, il doit s’enlever ces images de la tête, se concentrer sur la suite. Il ne pourrait pas dire qu’elles sont les prochaines étapes pour eux. Probablement interroger, rencontrer toutes les personnes gravitant autour de ce type pour trouver un bouc émissaire.

HRP: