Revenir dans ces lieux lui foutait les jetons plus que les raisons qui l'ont à nouveau conduit ici.

La Mirabella, imposante forteresse qui se dresse en plein milieu de l'océan, est un édifice parmi les plus connus puisqu’il s’agit d’une prison hautement sécurisée qui gardait les plus grands criminels actuels. Sa réputation précédait de loin ceux qui œuvrent dans la pègre et autres gangs de malfrats même si, pour atterrir ici, il faut être plus qu’une petite frappe. En tout cas, les gens sont vraiment expérimentés, tant dans l’administration que parmi les flics gardiens, rodés à beaucoup de choses. On pouvait un peu considérer ce lieu comme une sorte de Damnatio Memoriae des temps modernes car, dès l’instant où un criminel met le pied dans une de ces cellules, la personne était comme bannie de la société, réduite au plus simple conditionnement d’un numéro de prisonnier, n’ayant même plus de nom. Ce genre d’endroit était donc auréolé de drôles d’histoires, tant du côté des agents que du côté des sbires et criminels : pour ces derniers, atterrir ici était le signe évident d’avoir mené une bonne carrière de malfaiteur au point que la société cherche à vous éradiquer de la surface - et en général, cela pouvait donner de l’importance à certains groupuscules en quête de pouvoir - mais aussi du côté des flics qui, tous sans exception, ne veulent pas venir ici. Il y avait entre ces murs épais le poids de l’histoire et de la tradition, ce lieu a été considéré comme “imprenable” et n’ayant connu aucune autre fonction que celle de garder des prisonniers. Dans les cellules les plus anciennes (aujourd’hui inutilisées), on pouvait retrouver des témoignages de scènes atroces qui pouvaient facilement penser à des séances de tortures. Ces endroits sinistres, qui empestent le sang, n’étaient pas connu et même les nouvelles recrues n’étaient pas forcément au courant de leur existence.

Et pourtant…

L’endroit était complètement délabré et on aurait bien du mal d’imaginer que quelqu’un ait pu prendre le temps de faire toute cette mise en scène macabre. SUr une ancienne table de torture avait été écartelé un des gardes de la Mirabella - Seamus Joyce, 28 ans. Ce n’était vraiment pas beau à voir car, outre les membres sorti du corps du tronc, les yeux, qui témoignaient d’une souffrance absolue, avaient été sorti de leur orbite et reposaient dans sa propre mare de sang. Sur le mur, il y avait un tag sinistre qui laissait quasiment peu de doutes sur la destination de ce message macabre : “Tu vas bientôt mourir Stel…”. Enfin - et fallait dire que c’était mieux de se rassurer comme ça - c’était difficile à dire exactement si ce message lui était réellement destiné : à côté du premier E du nom il semblait y en avoir un deuxième, si bien qu’on pouvait croire à un mot comme Steel. Il fallait également noter qu’après le L, il semblait y avoir une suite prévue mais que, pour une raison inconnue, l’assassin présumé avait dû stopper son oeuvre. En tout cas, entre l’exact même âge qu’avait Stelkin et le fait que son prénom, singulier quand même, se retrouve dans une telle scène de crime (et dans un tel lieu) avait de quoi faire peur.

Son Noctunoir, qui le suivait partout, semblait plus en forme que jamais, comme si pour la première fois, il sentait réellement la peur de son maître. Stelkin n’était pas du genre à avoir peur d’affronter un danger, encore préférait-il quand il le voyait plutôt que par message interposé. “Je ne m’attendais pas à cela…” Mais en même temps, qui pouvait s’attendre à une telle barbarie ? L’homme a été vraisemblablement torturé de manière inhumaine, si bien qu’on pouvait se demander si cela ne ressemblait pas à un défoulement caractérisé. La mise en scène était bien là, le message était pour lui mais Stelkin n’arrivait pas à comprendre. “Une vengeance ?” Tout dans cette salle respirait le règlement de comptes, mais pourquoi lui spécifiquement ? Et à quoi devait-il réellement s’attendre pour la suite des évènements ? “Ca ne te dit vraiment rien tout cela ?”

L’agent Mark Tyson était, disons-le, plus une connaissance qu’un camarade mais, pour des raisons assez complexes et liées à l’enquête menée sur le majordome de la maison Wickwood, le hasard a voulu qu’ils se rencontrent et finissent par travailler ensemble sur la même affaire. A vrai dire, qu’il finisse par s’enfoncer dans des histoires de plus en plus rocambolesques ne l’étonnait pas, mais cela commençait à faire beaucoup autour de ce Sebastian qui n’avait ce nom que parce que Abigail Wickwood l’avait eu de sa bouche. Il était impossible de remonter sa trace, malgré la recherche coordonnée des ressources sur le plan national. Et, en général, quand une personne cherche à masquer délibérément son identité, c’était pour des raisons encore plus graves et obscures - comme peut le témoigner certains des résidents de la Mirabella. “Je te l’avais dit que tu n’aurais pas dû venir” Il avait cet accent Unysien qui le changeait grandement de son train-train autour de Galar. Évidemment, il ne pouvait pas surveiller tout le temps les allées et venues de ce Sebastian mais il doutait qu’il disparaisse pile aujourd’hui alors que personne n’avait encore eu vent de cette sombre histoire. Au-delà de ses propres compétences d’agent qui l’ont mené au poste de haut-commissaire de Volucité, c’était aussi lui qui avait un lien (surnaturel ? Immatériel du moins) avec Nicki. Et Nicki qui semble lié à Sebastian. Le problème était que cette femme était aussi insaisissable qu’une brise de vent et semblait au courant que Stelkin cherchait à la rencontrer… Par le biais de l’aura.

En tout cas, voilà un nouveau mystère qui venait épaissir le dossier. Il ne savait pas si, dans ce genre de cas, il pouvait faire réellement confiance à Mark, d’où le fait qu’il le catégorise plus dans la case des connaissances. Néanmoins, son instinct lui disait qu’il pouvait lui faire confiance, au moins sur cette affaire. “Le directeur ne va pas tarder.” Et il allait certainement lui dire qu’il ne souhaite pas que cette affaire s’ébruite. Mais Stelkin était déjà ailleurs. Il ne saurait le dire comment, mais quelque chose clochait dans cette mise en scène. Comme s’il manquait encore quelque chose.

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“Monsieur Lindovano ?” C’était comme revoir une ombre du passé. Hardward Jell, le directeur de la Mirabella avec qui il avait déjà eu l’occasion d’échanger avec par le passé lors de la bataille de la Mirabella. Cette fois-là, il avait bel et bien cru qu’il y serait passé avec un double piège sous forme d’une prise d’otage inutile, jouant sa vie comme on pouvait faire un bluff dans une partie de poker. Si sur le coup, cela fit son effet et que ses révélations n’avaient que pour but de provoquer une déroute plus importante dans la façon de verrouiller les possibilités de succès de la mission des sbires. Mais en y repensant… “Oui je me souviens bien de vous… Vous nous avez aidé à repousser une attaque coordonnée de plusieurs sbires…” Au moins, il n’était pas calé en combat de ligue pour remettre un nom exact sur lui et cette vie-là était pour ainsi dire de l’histoire ancienne. Tout comme le fait de mettre sa vie en ligne. Depuis cet instant, Arkh ne le quittait plus d’une semelle et à vrai dire, il n’avait pas envie de se battre ainsi à découvert. Comme quoi, à force de côtoyer les ténèbres, elles finissaient par devenir amicales et rassurantes - ce qui n’était pas le cas du directeur, mal à l’aise en voyant l’énorme cyclope sortir des ombres et le fixant comme il sait si bien le faire avec n’importe quel humain un peu nouveau : Stelkin s’y était habitué mais les autres se faisaient inéluctablement avoir.

Il tourna la tête et vit la scène de crime. Tous les trois étaient en train d'échafauder de nombreuses hypothèses : l’un se demandait pourquoi cela se passait ici, dans sa Mirabella et à cet endroit, l’autre partait plutôt sur le choix surprenant de l’utilisation de ce corps (ou ce qu’il en restait) plutôt qu’un autre sans compter la façon dont cela s’était déroulé. Et puis Stelkin se disait de plus en plus que ce message ne lui était pas destiné. Car, à moins qu’il ne s’agisse d’un quelconque déséquilibré, si un tant soit peu qu’on le connaisse, lui faire une menace vue de tous n’était clairement pas la meilleure façon de faire. Mais qui d’autre pouvait s’appeler Stel ? Ou Stelkin ? En voyant l’écriture, il avait vraiment l’intime conviction que la preuve se trouvait sous ses yeux mais à l’instar d’un souvenir fugace dont on ne pouvait se souvenir, c’était là le cas d’un indice qui ne lui sautait pas aux yeux. “Pensez-vous qu’il s’agit d’un aigri qui n’a pas pu partir de la Mirabella ?” Mark haussa un oeil interrogateur, observant Stelkin et le directeur l’un après l’autre. Il est vrai que le résultat de cette mission fut plus catastrophique qu'il n’y paraissait : pas de morts du côté des agents mais surtout plusieurs sbires dont certains extrêmement vicieux et depuis ce jour, il avait carrément abandonné sa carrière de dresseur pour se consacrer uniquement à la traque de ces criminels. Certes, il aimait toujours la stratégie et les combats, mais coffrer les criminels le faisait vraiment vibrer. C’était pour cela qu’il était fait et aussi pour cela qu’il aimait malgré tout ce métier. Son sens de la tactique s’étant étendu sur le terrain d’affrontement et lors des investigations, il était devenu au fil du temps plus utile qu’il ne le fut autrefois dans ce corps de métier.

“Cela n’expliquerait pas tout” Le regard du directeur s’assombrit mais Marc ne pouvait que opiner de la tête. Le problème dans ce tableau, c’était le garde qui n’avait aucune histoire. “Vous pourriez nous en dire plus sur Jackson ?” Malheureusement, autant au courant qu’eux, ils n’avaient pas grand-chose à dire sur ce garde si ce n’est qu’il avait le même âge que lui. Encore une fois, on aurait pu croire à une attaque ciblée, mais il y avait d’autres gardes ayant le même âge. Pire encore, il n’était pas prévu pour être intégré tout de suite dans le corps de garde de la Mirabella. Il y avait eu un désistement un mois avant, une histoire administrative. Non, tout cela n’avait aucun sens. Et Stelkin en était sûr que tout était lié à ce message. Tout le monde l’interprétait mal, mais il ne voyait pas ce qu’il fallait lire et comprendre.

“De toute façon, si on est logique, cela vient forcément de l’intérieur de ces murs.” Les caméras étaient formelles. A part eux, depuis la découverte de l’incident et au moins une semaine avant, toujours d’après ces mêmes caméras de surveillance, personne n’était entré ou sorti de la Mirabella. Un membre du personnel ? Un autre prisonnier ? Cette option lui paraissait beaucoup moins probable mais en revanche, il fallait souligner la barbarie de ce message et l’horrible soin apporté à toute cette mise en scène. “Il faudrait interroger tout le monde en fait… Hum…” Stelkin regarda Marc avec un air interloqué. Il devait y avoir plus de 200 gardes et membres du personnel, cela semblait chercher une aiguille dans une botte de foin. Mais déjà cela semblait impossible compte tenu du niveau de sécurité imposé par la Mirabella, mais en plus, devoir recouper tous les emplois du temps et témoignages de chacun lui semblait être une perte de temps dans une investigation classique. Et cette affaire semblait tout sauf classique.

Elle avait, à ce titre, des relents de l’histoire sordide de ce majordome fantôme. Cette affaire allait lui prendre du temps, aussi il espérait que la vieille dame s’en sortirait avec lui dans sa mission de surveillance. Il ne pouvait s’inquiéter de savoir qu’elle pouvait courir un danger important mais il n’avait même pas une piste que la forme que cela pouvait avoir. Comme pour cette scène de crime. Il aimerait être plus clairvoyant.

Son sang se glaça quand une idée saugrenue lui vint en tête.

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Oui voilà, être clairvoyant. A vouloir faire beaucoup d’effets, on en oublie les fondamentaux. Arkh, qui était spécialisé dans tout ce qui avait attrait à la manipulation des ombres, pouvait peut-être arriver à voir quelque chose. Mais il allait lui donner un coup de main également avec Samaël, son Alakasam. Les deux, en plus d’être extrêmement forts, sont aussi de fins limiers pour retrouver des traces. Si l’un invoqua les ombres et semblaient se mouvoir comme si c’était un corps vivant, le pokémon psy puisa dans le pouvoir pour canaliser une attaque œil magique : tel un phare, il semblait révéler tout ce qui devait l’être. Mark, qui était plutôt étonné par un tel dispositif, croisa les bras et laissa faire l’agent son boulot : trouver des infos. Les deux semblaient, ensemble, ratisser large la scène de crime, comme si les ténèbres et les résidus de pouvoir n’avaient plus nul part où se cacher. Samaël fut le premier à trouver une piste, là où l’œil se fixa devant le message porté. Il y avait là des résidus de pouvoir. S’il existe en lui-même et n’avait pas d’identité propre pour les pokémons psy, la manipulation était telle qu’il y avait toujours des traces. Un peu plus loin, il semblait y avoir un agglomérat de pouvoir résiduel, un peu plus ancien toutefois. Arkh, maître des ombres, usa des ténèbres pour les façonner, leur redonner une forme originelle. Malgré son corps massif, son expertise dans cet art obscur donnait l’impression de voir quelqu’un tricoter des fils noirs. Petit à petit, une silhouette était en train de se manifester, sans volume et sans formes précises. Le pokémon qui avait fait les activités.

L’un révélait, l’autre modélisait. Leurs actes combinées donnaient l’impression qu’ils remontaient dans le temps et que la silhouette d’ombres bougeait toute seule alors qu’Arkh ne faisait que remonter la trace des bribes de pouvoir. Mark et le directeur sifflèrent d’admiration. L’agent Lindovano n’avait pas volé son titre de limier parmi ceux qui étaient dans le milieu : sa façon de faire était tellement originale et précise qu’on en restait bouche bée, à se demander s’il n’était pas un magicien ou un sorcier. Pourtant, il semblait plus jeune que le haut-commissaire. Qu’avait-il donc pu vivre pour se comporter ainsi ? Les deux spectateurs étaient mal à l’aise. Stelkin, de son côté, observait avec un grand intérêt ce qui était en train de se passer, et prenait des notes alors qu’ils remontaient dans le temps de ce qui s’était passé ici. “Là !” Sa voix surprit tout le monde alors qu’il se figeait et regardait en direction de l’unique ouverture de la salle. Une vague noir énorme se matérialisa ensuite. Voir une attaque psyko se matérialiser était quelque chose d’étonnant. On se figure que c’est une force mystique qui se met en place, d’un coup et qui paralyse toute retraite. Alors que là, des milliers de fils apparaissaient dans un enchevêtrement complexe, comme si un Saquedeneu s’était mis en mouvement - mais en plus monstrueux. Voilà la véritable nature du pouvoir que tous les pokémons psy canalisent, un secret du monde parmi d’autres qu’il avait appris à appréhender à Oracion. Les deux hommes, encore une fois, furent mal à l’aise devant cette nouvelle bizarrerie. Même Mark avait la main sur la pokéball de son Lucario, les deux connectant leur aura pour mutualiser leur sérénité : l’un prenait la crainte, l’autre envoyait la confiance.

Mais Stelkin s’intéressait à la forme de la silhouette de vide qui se formait. Il continuait de prendre des notes, semblait prendre des mesures avant de donner l’ordre à ses pokémons de continuer leur traçage des évènements. Cette silhouette avait été posée de force sur l’ancien système de torture et… Il leur demanda de passer vite sur les évènements, pourtant, à un moment, le pouvoir allait révéler une histoire capitale dans cette sordide affaire. Visiblement, le tortionnaire avait demandé à son pokémon d’utiliser ses pouvoirs psy pour écrire le mot sur le mur. Il ne voulait laisser aucun indice à l’équipe scientifique. Dommage pour lui car sa technique permettait de révéler des choses qui auraient du ne pas être visibles. On voyait alors le flot de pouvoir écrire lentement des lettres. On s’attendait à voir seulement quatre lettres comme prévu mais une surprise de taille allait tous les alerter. “Stelstrike ?” Arrêt sur image. Même l’agent incriminé semblait franchement surpris - et en même temps c’était logique, on n’allait pas l’afficher ouvertement comme ça. Stelstrike. Qu’est-ce que ça voulait bien dire ? Le directeur fut le premier à rompre le silence “Je vais te tuer… Stelstrike ? A ma connaissance, personne ne porte ce nom ici… Agents comme prisonniers. ” Les deux agents prirent des notes, et chacun nota ce qui était le plus important dans cette affaire. Pourquoi strike a été effacé du nom complet ? Et comment ? Y avait-il quelque chose qui pouvait dissoudre les résidus de pouvoir ? Visiblement, l’auteur du message ne le savait pas mais la personne qui arriva par la suite, oui.

“C’est encore plus bizarre. Parce que ça veut dire qu'il n'y a pas une mais deux personnes qui sont venus ici et qui ont participé à tour de rôle au crime” Si la menace de mort était réelle, quelqu’un d’autre semblait avoir cherché à maquiller le message pour qu’on en comprenne un autre : lui, comme si quelqu’un cherchait à l’atteindre directement. Une personne qui connaissait autant l’auteur du message, ce Stelstrike et lui. Par quelle probabilité cela se pouvait-il alors que lui-même ne connaissait aucun Stelstrike ? Mieux encore, qui tait cette deuxième personne et comment elle est rentrée ? Malgré les efforts d’Arkh et de Samaël, il n’y avait aucune trace d’un autre utilisateur de pouvoir.

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