En tant que garde du corps de Ruven Baldwin, un des champions de la Ligue Pokémon, il arrive que tu te retrouves au milieu d’événements qui te dépassent. Les combats officiels contre des challengers par exemple. C’était une première pour toi d’assister à un match de Ligue et tu le vivais de l’intérieur. Tu restais cependant inquiète quant au manque de contrôle que tu as sur la situation. Tu ne peux absolument rien faire, le stade est rempli. Si quelqu’un tentait quelque chose, il y a de grandes chances pour que personne ne le remarque avant qu’il soit trop tard. Cela t’agaçait. Grandement. Tu n’avais rien d’autre à faire que de rester en haut à observer le combat puisque « c’est au service de sécurité de gérer ça, et ils savent ce qu’ils font. » En effet, tu l’as un peu mal pris. Mais ce n’est pas ce qui te gêne le plus. Tu aurais préféré pouvoir être sur le terrain, enfin, non loin de Ruven. Là, tu te retrouves dans une pièce avec l’agent de Ruven, même si vous restez dans une indifférence professionnelle totale l’un vis-à-vis de l’autre, mais aussi Lizbeth Grandt, une autre championne de la Ligue Pokémon. Ce n’était peut-être pas le pire dans l’histoire. Alyssa est ici. La fille de Ruven. Elle te met mal à l’aise. Ce n’est pas contre elle, loin de là, elle semble être une jeune fille adorable, c’est juste qu’elle ne partage pas le caractère de son père. Donc c’est compliqué pour toi. Elle semble toute timide et tu ne sais pas interagir avec les gens. Ruven, c’est à part, il ne te laisse pas vraiment le choix et semble tout faire pour te mettre à l’aise. Tu parviens à laisser tomber quelques barrières de formalités au fur et à mesure, mais cela reste difficile. Alors face à Alyssa, tu préfères éviter de vous gêner mutuellement et restes dans un coin, à l’opposé de tout ce petit monde. Sans compter que la jeune fille semble être accompagné d’un ami. De toute façon, en dehors des politesses, rien de plus ne s’est dit de ton côté.
Voilà donc l’entrée des combattants du jour, acclamés par la foule. C’est impressionnant. Vraiment. Tu ne t’imaginais pas qu’il y avait autant de monde et que ce monde faisait autant de bruit. En premier lieu tu regardes le terrain. Pas de doute sur la spécialité du champion. Ruven et ses types feu et acier. C’est aussi la première fois que tu le vois combattre dans un tel cadre. Et c’est étrange. Tu connais le Ruven qui abaisse son niveau pour t’aider avec tes Pokémon, qui te donne des conseils à l’occasion mais tu ne connais pas le Ruven sur ce stade. Tu te demandes si la différence est flagrante ou non. Tu es curieuse. Le challenger est le premier à faire son entrée dans le stade, sous l’ovation générale. Lucas Emerillon. Tu tiques. Ce nom ne t’est pas inconnu. Tu n’y avais pas prêté attention jusqu’à ce que le speaker l’annonce, mais là, c’est évident, tu as déjà entendu ce nom quelque part, sans pour autant être en mesure de mettre le doigt dessus. Ce qui s’avère être agaçant. Qu’importe, c’est au champion de prendre place. Et la mise en scène est soignée. Des flammes qui s’élèvent au fur et à mesure de sa progression. La Ligue a le sens du show, même si tu trouves cela superflu, tu comprends que le spectacle attire les foules. En même temps, il s’agit de la Ligue, il faut bien que cela ait un certain prestige. Tu es curieuse du combat, de voir ce que cela va donner. Il est certain qu’en Ligue 2, le niveau sera un cran au-dessus que lorsque ce sera à ton tour de venir, pour autant, cela te donnera un avant-goût de la réalité de ces combats. Enfin pour cela, il te faudrait une équipe de six Pokémon, or tu n’es parvenue qu’à te décider que pour deux de tes compagnons. Tyson et Asmo. Les deux premiers. Tyson est le plus puissant de ton équipe et il aime les combats, et puis il a appris grâce à Ruven, alors ce serait un bon retour des choses. Et Asmo, c’est ton premier Pokémon, même si tu l’as rendu et que vous êtes restés une longue période séparés. Sans compter son combat d’arène contre Koga qui lui a permis d’évoluer en Herbizarre. Il t’a montré qu’il avait sa place dans cette équipe de Ligue à laquelle tu réfléchis.
Le combat commence alors. Le hasard n’avait pas l’air en faveur de Ruven vu que c’était à lui de démarrer et donc de dévoiler son jeu en premier. Ce n’était pas l’idéal, c’est certain. Il appelle alors Lear et Etna. La Darumacho est à son niveau de combat, la Ligue 2, cela signifie qu’elle n’aura pas à se retenir, ce qui devrait lui faire plaisir. Quant au Lucario blanc, tu restes toujours aussi perplexe. Il t’ignore. Tout simplement, alors tu as décidé de faire de même. Tu ne tiens pas à te prendre la tête pour ça. Tu dois protéger Ruven, tu n’as pas à avoir l’aval de ses Pokémon sur la question. Sans doute qu’il estime que tu viens empiéter sur le rôle qu’il se donne auprès du champion. Cela serait compréhensible. Sauf que ta présence est non-négociable et il serait temps que le type combat se fasse à cette idée. Face à eux se dressent un Dracaufeu, lui aussi chromatique, ainsi qu’un étrange Insécateur. On dirait un robot. C’est assez déroutant, un cyborg Pokémon. Tu ne savais même pas que cela existait. Et pourtant tu en as un sous les yeux. Tout le monde l’a sous les yeux. C’est cependant en voyant le dragon rouge du challenger qu’une idée te vient. Pourquoi tes Pokémon ne pourraient pas assister au combat eux aussi ? Enfin, pour cela, il faudrait que tu demandes aux autres personnes en présence de la loge si cela les dérange. Et cela te gêne grandement. Tu ne veux pas les déranger, tu n’es pas ici pour te faire remarquer. Tu ne le sais que trop bien. Alors tu te tais. Le départ va être donné pour le combat. Tu ne sais pas quoi faire.
Tu hésites quelque peu à laisser sortir tes Pokémon pour regarder le match, c’est un fait. Mais tu finis par te permettre de le faire. C’est le meilleur moyen de leur faire voir ce qui va les attendre. Déjà, au vu du Dracaufeu sur le terrain, il te semble évident de faire sortir Tyson. Après, tu ne sais pas vraiment. Asmo oui. Mais pour les autres… Tu as peur de laisser des Pokémon qui manquent de self-control en libre circulation dans la loge VIP. Tu es en présence d’une autre championne et de la fille de Ruven, donc tu ne peux pas te permettre le moindre écart. Cela signifie que tu laisseras dans leurs pokéballs Morty, Eiphilos et Aeron. Il ne te reste qu’Ugo, le Persian nouveau venu. Tu te demandes s’il restera sagement là, à observer le combat et si cela aura un intérêt pour lui. Dans le pire des cas, il se couchera à tes pieds et patientera jusqu’à la fin du combat. C’est pourquoi tu te décides pour ces trois-là. Le Dracaufeu apparaît devant toi et tu lui fais comprendre qu’il doit se tenir à carreau s’il veut voir le match en entier. Pour les deux autres, tu t’inquiètes bien moins. Le Persian s’assoit à côté de toi et tu prends l’Herbizarre – malgré son poids – sur tes genoux. Vous êtes prêts à regarder cet affrontement.
Cela aurait pu commencer très fort, sauf que non. Sous l’attaque Eboulement du Lucario de Ruven, le challenger temporise. C’est compréhensible compte tenu de l’erreur stratégique que cela représente d’envoyer deux Pokémon possédant une double faiblesse commune. Il essaie de gagner du temps, et de faire au moins quelques dégâts. Et si Etna touche une première fois le fameux Insécateur, elle est bien vite envoyée au tapis par l’attaque Tunnel de ce Dracaufeu. Tu soupires un peu. Elle qui pouvait enfin se lâcher en Ligue 2, elle se retrouvait hors combat on ne peut plus rapidement. Dommage pour elle. Mais ce qui s’en suit est largement au-dessus de tout cela. L’attaque Eboulement, le retour. Lear qui élimine ses deux adversaires d’une seule attaque. C’est vraiment impressionnant. C’est du spectacle, c’est aussi Ruven. Un nouveau Pokémon de son côté du terrain. Un Lancargot. Tu n’as pas vraiment beaucoup eu l’occasion de le voir à l’œuvre, ce qui t’empêche d’estimer le style de combat qu’adopte le champion avec lui. Et de l’autre côté, le premier que tu vois apparaître est un Métalosse, et le second… Tu n’en sais rien. Tu ne connais pas ce Pokémon, mais ce qui t’inquiète le plus, c’est que Ruven semble troublé lui aussi. Tu le vois à son attitude à défaut de pouvoir directement voir son visage. Et l’assaut est donné, visant le Lucario chromatique.
Bon, l’attaque Crocs Feu de ce Pokémon inconnu terrasse Lear. C’est inquiétant. Qu’est-ce donc ? Tu ne sais pas vraiment. Et de l’autre côté, le Lançargot de Ruven attaque le Métalosse. Pas mal. Cela signifie que le quatrième Pokémon du champion va être envoyé sur le terrain. Et… Wow. Tu ne l’avais jamais vu. Tu ne savais même pas que Ruven était en possession d’un tel spécimen. Un Pyrax chromatique. Magnifique. Tu ne t’attardes pas souvent sur la beauté de ce que tu vois, car tu considères cela d’une futilité affligeante, mais tu es forcée de reconnaître que ses couleurs lui vont très bien. Et ce n’est pas la seule qualité du type insecte apparemment. Car il lui suffit d’une seule attaque pour que ce fameux Pokémon inconnu, puissant et rapide soit mis hors combat. Une seule attaque Bourdon et s’en était fini de lui. Le niveau dans un stade de Ligue 2, c’est tout simplement saisissant. Tu te demandes si tu parviendras un jour à un tel niveau, à force d’entraînement. Tu te demandes si ton équipe suivra, si ce qu’ils voient les motivent. Pour ton Dracaufeu, ça ne fait aucun doute, tu lèves la tête une seconde et l’observe, il est totalement absorbé par ce qu’il se passe dans le stade. D’ailleurs, c’est la même pour Ugo. Tu n’étais pas certaine qu’il y accorderait la moindre attention étant donné son caractère doux. Il reste Asmo, il regarde, mais tu ne le sens pas vivre le truc pour autant. Il est placide. Comment savoir avec ça ? Le mettre en situation ? Et bien en combat, il fait tout ce qu’il faut, même s’il reste peu énergique.
Le combat se poursuit. Et le challenger fait appel aux soigneurs pour utiliser un rappel sur son Dracaufeu. Tu n’aimes pas ça. Tu n’aimes pas du tout ça. C’est ta vision des choses, mais tu trouves cela déloyal d’utiliser les contraintes des champions à son avantage pour ramener un Pokémon qui n’était plus en état de se battre. Avoir un peu d’honneur ne ferait pas de mal à certaines personnes. Voilà un K.O. en règle annulé pour Ruven. Cela te dépite. Quand on vient en tant que challenger de la Ligue 2, on doit tout de même avoir un minimum d’honnêteté envers soi-même pour obtenir une victoire méritée, non ? Il ne semblerait pas, et c’est bien dommage. Qu’importe. Le combat continue. Ruven doit faire avec dans tous les cas. Et puis de toute façon, de ta place, tu peux être aussi révoltée que tu le veux, cela ne change absolument rien. Le challenger envoie alors un Kaimorse sur le terrain et le plongea bien vite sous une attaque Surf. Pour autant, le Pyrax du champion démontra une fois de plus sa puissance en frappant d’une Canicule ses deux adversaires. L’un tombe et l’autre est brûlé. C’est suivi de près par une puissante attaque combat du Lançargot qui finit le Kaimorse, ou tout du moins qui laisse à la brûlure le soin de le terminer. Un nouveau double K.O. Ruven lui montrait comment combattre avec l’art et la manière. Parce qu’il n’avait eu que deux Pokémon tombés pour l’instant de son côté.
Le Dracaufeu rougeoyant du challenger fait son retour sur le terrain, là où c’est un Monaflémit qui l’accompagne. Un Pokémon puissant que voilà. Du genre gros bourrin. Tu n’aimes pas vraiment, ce n’est pas raffiné. Enfin, dans le sens où il n’y a pas besoin de technique pour dresser un tel Pokémon. Juste lui faire taper fort, sans vraiment mettre au point de stratégie, c’est la seule façon d’exploiter le potentiel de ce Pokémon. C’est d’ailleurs le seul potentiel qu’il ait. Une brute épaisse. Tout ce que tu n’apprécies pas. Sous l’impulsion du champion, le Pyrax retourne dans sa pokéball après une attaque sur le type normal et dans un même temps, le challenger fait attaquer son Monaflémit avec Déflagration. Un passage en force. Comme tu t’en doutais. Ruven préféra rappeler son Pokémon et céder le K.O. plutôt que de le laisser encaisser cette attaque et aboutir au même résultat. C’est tout à son honneur. Il doit à présent envoyer deux nouveaux Pokémon sur le terrain. Et ce fut à son Steelix et à son Boumata de faire leur entrée. Cependant, le type sol n’a le temps de rien faire avant d’être battu. Il a dû subir les deux attaques de l’adversaire. Une cible directe à éliminer. Stratégiquement parlant, ça se comprend. Le dragon attaque alors le Dracaufeu, mais tu comprends bien vite que ce Pokémon est plus tourné vers la défense que vers l’attaque. Pour autant, le Dracaufeu se retrouve une nouvelle fois mis à mal. C’est à ce moment que Ruven prend le soin qui lui est accordé par l’utilisation du rappel du challenger. Ce n’est pas vraiment égal comme traitement, mais soit, c’est le règlement de la Ligue. Le champion fait donc soigner son Pyrax qu’il vient à peine de rappeler.
Il reste deux Pokémon de chaque côté. L’insecte est envoyée à l’assaut du Dracaufeu chromatique, mais il est bien vite arrêté lorsque ce dernier l’embarque dans les airs. Alors, au même titre que ce gars au tout début du match, Ruven temporisa en demandant à son Boumata de se protéger. Cela te fait sourire de le voir reproduire les mouvements que son adversaire a choisis plus tôt. Tout cela n’allait rien changer autre que de repousser l’inévitable. Le Pyrax allait sortir le Dracaufeu. Et c’est exactement ce qu’il se passe. A ce moment précis dans l’affrontement, Ruven a mis hors combat six Pokémon adverses. Sans ce rappel, il aurait gagné. Malheureusement, ce n’est pas la réalité. Il reste le Monaflémit, qui en bonne brute vient marteler le sol pour créer un nouveau Séisme. Il n’y a vraiment aucune technique là-dedans, cela te dépite. Le Boumata ne peut pas encaisser davantage. Il ne reste donc plus que le Pyrax chromatique, le Pokémon du match sans aucun doute. Le problème c’est qu’elle est mal en point, là où le type normal se porte bien mieux. Ce qui te surprend, c’est que le champion ordonne une nouvelle attaque Boutefeu. Tu ne t’attendais pas à l’utilisation de cette capacité une seconde fois étant donné l’état de son Pokémon. Puis tu comprends. Il souhaite partir en beauté, il souhaite clore ce match avec une preuve de sa puissance, pour marquer les esprits plutôt que de laisser à son adversaire la possibilité de porter le dernier coup et battre son Pyrax. Il préfère la faire partir d’elle-même. Cela te tire un sourire. C’est Ruven et son sens du spectacle. Et aussi sa subtilité. L’affrontement se termine, même si l’issue n’est pas vraiment celle qui devrait être. Pour autant, tu en retires quelque chose. L’envie de faire partie de ces challengers. Et puis l’envie d’affronter Ruven dans ce même contexte, aussi. Même si rien n’est moins sûr. Tu poses Asmo au sol et te lèves.
Toi : Alors, vous en dites quoi ?
Pour ton Dracaufeu, c’est évident. Lui aussi veut aller dans le stade et se battre. Il te le fait clairement comprendre, mais il y a autre chose. Il se rapproche de toi pour te demander de le rappeler. Etrange comportement. Tu te demandes bien ce qui le pousse à cela. Tu accèdes cependant à sa requête. Tu as du mal à savoir ce qui lui passe par la tête parfois. Peut-être qu’au-delà du combat et de la volonté d’y prendre part, il n’a pas trop apprécié la présence d’un autre représentant de son espèce. Aucune idée. Et tu as peu de chances d’en savoir davantage. Tu préfères le laisser tranquille. Ensuite Asmo. Rien. L’Herbizarre s’est couché par terre, et c’est tout. Tu ne sais même plus si tu dois en rire ou en pleurer. Il t’exaspère par sa non-réactivité à tout ce qui l’entoure. Peut-être qu’il se réveillera un de ses jours. Tu le rappelles également dans sa pokéball. Il ne reste plus qu’Ugo. Il vient ronronner en se frottant contre ta jambe. Tu n’as pas l’habitude des marques d’affection, pour autant, cela ne te dérange pas. Tu le laisses faire. Il a regardé l’ensemble du combat avec attention, mais tu ne sais pas pour autant si cela lui a plu et si cela le tente. De toute façon, tu n’as pas le temps de développer, ton portable sonne. Ruven.
Ruven : Salut Mev, tu veux bien me rejoindre dans le stade s’il te plait ? Je vais aller vers le public une quinzaine de minutes. On parlera de tes impressions sur le match après ?
Toi : Pas de souci, j’arrive. On en discutera après si tu veux, oui.
Tu fais simple et concis, comme à ton habitude. Tu sors alors de la loge en saluant poliment Lizbeth Grandt et la fille de Ruven, ton Persian toujours à tes côtés. Tu es là pour faire ton travail et non regarder des combats de Ligue après tout. Et c’est l’occasion d’initier Ugo à tout cela. Après tout, il doit être celui qui connait le mieux tout cela étant donné qu’il a été formé pour aider les agents en mission. Cela ne devrait pas tant le changer. Tu descends donc en direction du stade. C’est tout de même assez grand et tu as beau être ici depuis quelques temps, il n’est pas évident de trouver sa route sans avoir ses petits repères. Il te faut un peu de temps avant de vraiment rejoindre le champion et de le féliciter rapidement avant de t’affairer à tout ce qui est sécurité. Il est hors de question qu’il lui arrive quelque chose en allant voir son public et c’est à toi de veiller à cela. Donc tu ne négliges rien et tu resteras auprès de lui le temps que cela durera. Avec Ugo, vous devrez vous concentrer pour tout observer. Tu constates alors que tu es bien contente de ne pas être à sa place. Tu ne supporterais pas cette proximité et cette familiarité avec la foule. Durant plusieurs minutes, tu as surveillé toutes les personnes s’approchant de Ruven. De toute façon, avec les protocoles anti-attentat en vigueur, les gens ont été fouillés à l’entrée, donc tu n’as pas vraiment de raison de t’inquiéter d’un tir comme mademoiselle Grandt a pu être victime, a priori. Il n’en reste pas moins qu’une agression est possible. Pour autant, tout se déroule sans le moindre accroc. Ruven fait un dernier signe à ses supporters, vous allez pouvoir y aller.
Mev et moi quittâmes le stade pour entrer dans les coulisses. Malgré ma défaite, j'étais d'une humeur excellente et affichais un sourire joyeux, satisfait d'avoir bien fait mon travail. Bien sûr j'aurais préféré gagner, d'autant que j'estimais le mériter, mais une partie du public le pensait aussi et cela me suffisait bien. D'ailleurs Mev m'avait aussi félicité en me rejoignant dans l'arène. Était-ce de la pure politesse ? De la flatterie envers son employeur ? Ou bien le pensait-elle vraiment ? J'étais curieux de lui poser la question. Mais pour l'heure, j'avais une autre priorité en tête.
« Tu veux bien m'accompagner jusqu'au centre de soins ? Je suis inquiet pour Lear. Je ne sais pas trop ce que ce silvatruc lui a fait mais il avait l'air de souffrir beaucoup. »
Mev accepta. Au sein de la Ligue Pokémon elle n'était pas obligée de me suivre, l'endroit était suffisamment sûr pour que je puisse y évoluer sans garde du corps, mais juste après les matchs il y avait des civils qui trainaient dans le bâtiment principal et l'un d'eux pouvait tout à fait échapper à la vigilance de la sécurité. Je sais que Mev était sensible à cette donnée et qu'elle m'aurait accompagné de toute façon ; la question était plus pour ne pas lui forcer la main. Nous nous dirigeâmes vers l'aile où les infirmiers pokémon s'occupaient de nos champions. Je ne parlais pas à Mev car j'étais trop occupé à taper des SMS en marchant : un pour Alyssa, pour lui demander si elle avait apprécié le spectacle et l'informer que je la rejoindrai plus tard, un pour Liz, pour me plaindre de l'injustice de ce rappel et lui demander si elle était au courant pour ce pokémon inconnu, et enfin un pour Haby qui avait pour unique but de savoir si elle allait bien. J'avais hâte d'aller la voir, elle commençait à me manquer sérieusement.
Arrivés au centre de soins, je me signalai à l'infirmier de garde. Il m'apprit que Lear était encore en train d'être ausculté par l'équipe et que j'aurais des nouvelles d'ici un quart d'heure environ. Quant à mes autres pokémons, ils se remettaient tranquillement.
« OK, merci. On va attendre là. »
Joignant le geste à la parole, j'invitai Mev à s'asseoir dans un canapé où nombre de challengers et de champions s'étaient installés en attendant leurs précieuses pokéballs. Il ne ressemblait pas du tout aux banquettes inconfortables qu'on trouvait dans toute salle d'attente à l'hôpital ou au centre pokémon ; c'était un vrai sofa en tissu, certes un peu vieux mais de très bonne qualité. Je m'enfonçai dedans en poussant un soupir de contentement – mine de rien, ce match m'avait bien fatigué et je n'étais pas mécontent de me poser enfin.
« Bon alors. Ton premier match live dans le stade de la Ligue Pokémon. Qu'est-ce que tu en as pensé ? Tu peux être tout à fait franche avec moi, tes impressions m'intéressent sincèrement. »
Tu te demandes comment Ruven pouvait être aussi enthousiaste après cette défaite, surtout vu la manière dont le challenger a remporté ce combat. C’est assez impressionnant de le voir souriant, comme s’il avait été victorieux en fait. Tu ne sais pas vraiment sur le compte de quoi le mettre. Est-il simplement professionnel pour le public venu le voir, satisfait de ce qu’il a pu proposer, ou bien est-ce autre chose ? Tu n’en sais rien, tu l’aurais mal pris, ça, c’est évident, mais tu as du mal à t’imaginer ta réaction si tu avais été à sa place. Après, c’est Ruven. C’est une donnée à prendre en compte. Vous ne fonctionnez pas du tout de la même manière, vous ne voyez pas les choses de la même façon.
Tu veux bien m'accompagner jusqu'au centre de soins ? Je suis inquiet pour Lear. Je ne sais pas trop ce que ce silvatruc lui a fait mais il avait l'air de souffrir beaucoup.
Bien sûr. Je comprends, je n’aurais pas aimé que cela arrive à l’un de mes Pokémon.
Ruven sait très bien qu’il peut circuler au sein de la Ligue sans toi. Pour autant, il te propose de l’accompagner, une étrange attention. Tu l’aurais suivi dans tous les cas, qu’il te le demande ou non. Une question de responsabilité, il y a des gens qui traînent ici, et aussi sécurisé que soit le lieu, il y a toujours des failles, surtout dans les moments d’affluence. Tu ne peux t’empêcher de rester sur tes gardes. De toute façon, le champion n’engage pas la discussion, il semble occupé à envoyer des messages. Soit, tu ne le déranges pas et marches à ses côtés, portant davantage ton attention sur Ugo. Le Persian vous suit tranquillement, même si tu remarques qu’il est intrigué par Ruven, et qu’il hésite à s’approcher. Tu laisses volontairement ta main tomber pour lui faire signe de s’approcher, et il vient glisser sa tête dans ta main. Tu n’as vraiment pas l’habitude de ce genre de proximité et d’échanges affectueux avec tes Pokémon, Ugo est le premier à agir de la sorte et à réclamer de telles attentions.
Vous finissez par arriver au centre de soin, normalement, il n’y a pas de risque de menace ici. Tu laisses donc Ruven s’avancer et s’informer sur la situation. Tu n’es pas du genre à t’immiscer là-dedans par curiosité. Ce ne sont pas tes affaires, et Ruven n’a clairement pas besoin de toi pour gérer ça. Ce passage après le combat doit être devenu une sorte de formalité pour lui. Toi, tu ne connais même pas le lieu. Donc bon, tu te contentes de suivre le mouvement, de suivre le champion. D’ailleurs, ce dernier t’invite à t’asseoir sur ce canapé sans doute présent pour faire patienter les gens le temps des soins, compréhensible. Tu prends donc place, Ugo venant se coucher à tes pieds. Ta main continue de caresser sa tête, et tu commences à l’entendre ronronner de contentement. Cela te tire un sourire. Mais ton attention est bien vite ramenée à Ruven lorsqu’il s’installe à son tour, lâchant un soupir. Un combat à la Ligue semble vraiment être quelque chose d’intense, tant pour les Pokémon que pour leur dresseur. Le voir t’en fait prendre la mesure. Ce qui t’amène à une conclusion évidente : il n’y a pas que tes Pokémon qu’il faut préparer, tu dois également le faire.
Bon alors. Ton premier match live dans le stade de la Ligue Pokémon. Qu'est-ce que tu en as pensé ? Tu peux être tout à fait franche avec moi, tes impressions m'intéressent sincèrement.
Tu le fixes, interrogative. A la façon dont il te pose cette question, tu te demandes bien ce qu’il veut y entendre. Après, cela te fait rire intérieurement. Comme si tu te serais gênée si tu avais quelque chose à redire sur la manière dont Ruven a géré son combat. Bon, après, tu es bien loin de son niveau, c’est un fait. Mais tout de même. Tu n’aurais eu aucun problème à émettre une critique si le besoin s’en était fait sentir.
Et bien, c’est impressionnant. Vraiment. Tous ces spectateurs, projecteurs, écrans, le speaker. C’est un environnement de combat particulier, avec une ambiance tout aussi particulière. J’avoue que d’un côté, ça m’a un peu refroidie, je n’aime pas spécialement être au centre de l’attention. Mais de l’autre, ça semble si galvanisant…
Tu as du mal à dissimuler cet enthousiasme en toi, même si c’est une réalité, tu ne te vois pas sous les feux des projecteurs. Tu as toujours tout fait pour rester dans l’ombre, pour ne pas être vue, ne pas être reconnue. Bon, après, en étant garde du corps d’un des maîtres de la Ligue Pokémon, tu te retrouves avec une certaine exposition médiatique. Et pas la meilleure, mais c’est autre chose. C’est assez fou de te dire que toi, sortie des rues de Céladopole, tu t’en retrouves à vouloir relever le défi de la Ligue. Et même s’il s’agissait aujourd’hui d’un combat de Ligue 2, cela t’a permis de savoir ce qui t’attendra, concrètement. Après, pour le combat entre Ruven et son challenger, tu as quelques commentaires à faire, c’est certain. Et tu comptes bien en faire part au principal concerné.
Sinon, quel combat ! Je dois t’avouer que ça m’a permis de savoir ce que je veux pour quand je viendrai, et surtout ce que je ne veux pas. Si je dois gagner contre vous, hors de question que ça soit grâce aux avantages laissés aux challengers. Pas d’échange, et pas de soin. Un combat à la régulière. Ce rappel, franchement, je… non. Juste non. C’est trop facile sinon. Tu avais clairement l’avantage, et tu aurais sans doute gagné. Enfin, tu as quand même fait deux doubles K.O. durant ce combat, ça veut un peu tout dire.
Oui, tu t’emportes, et honnêtement, tu t’en fiches un peu. C’est Ruven. Et encore, là, ce n’est rien, tu étais bien plus remontée et indignée là-haut, dans la loge. Tu te contenais, parce que tu avais Alyssa et Lizbeth Grandt non loin, et que cela n’aurait pas été d’un très bon genre de jurer ou simplement de pester. Mais il n’en était pas moins que tu trouvais cela aberrant, et que c’est toujours le cas. Au moins, Ruven t’a demandé ton avis et sans filtre, donc tu te permets de le partager. De toute façon, tu as d’autres choses à dire. Peut-être un peu plus calmement.
Après, je ne savais même pas que tu avais un Pyrax. Et juste, wow. Lear a fait un excellent boulot, mais ton Pyrax, c’était assez magistral. Par contre, je suis un peu dégoûtée pour Etna, elle qui pouvait enfin se lâcher à son niveau, elle n’a pas vraiment eu l’occasion de combattre. Et peut-être encore pire pour ton Steelix. Ah, et puis un autre truc, je trouve ça un peu dommage que ton Boumata soit seulement défensif, il pourrait avoir un potentiel offensif intéressant à exploiter. Mais si on doit prendre en compte que tu as dû faire face à un Pokémon juste inconnu, en plus du reste… Je comprends enfin pourquoi tu es maître de la Ligue !
Malgré le ton sec de ta voix et ton visage sérieux jusque-là, tu adresses un clin d’œil et un léger sourire au champion. Cela ne t’arrive pas souvent de plaisanter, vraiment pas souvent, mais voilà, une fois de plus, c’est Ruven. Tu sens que tu peux te le permettre. En évoluant à ses côtés, tu sens que tu peux te permettre ce genre de propos, cette attitude. Non seulement vis-à-vis de lui, mais également vis-à-vis de toi. La Mev que tu étais serait restée froide et n’aurait rien fait de plus qu’une analyse des faits sur ce combat. Là, tu avais des choses à dire, tu avais un ressenti, au-delà des simples faits. Tu ne sais pas vraiment ce que va en penser Ruven. Au moins, il devrait comprendre que ce que tu lui as dit, ce n’était pas pour lui passer de la pommade. S’il avait fait un mauvais match, tu lui en aurais fait la remarque, même si tu ne doutes pas une seule seconde qu’il sait très bien s’auto-évaluer. C’est pour toi une compétence nécessaire pour le rôle qu’il tient. A voir ce qu’il répond à toutes les remarques que tu viens de faire.
Mev me fixa avec une expression un peu étonnée. Trouvait-elle étrange que je lui pose ce genre de questions ? Elle commençait à me connaitre pourtant, elle savait que non seulement j'étais bavard mais qu'en plus j'accordais de la valeur à ce qu'elle pensait. Je lui avais déjà maintes fois prouvé que je ne la considérais pas simplement comme ma garde du corps et que j'avais une sympathie sincère pour elle. Ce n'était pas la première fois que je lui demandais son avis. En plus, j'avais des raisons professionnelles pour être intéressé par son analyse du match : en tant que future challengeuse, il me fallait la jauger.
« Et bien, c’est impressionnant. Vraiment. Tous ces spectateurs, projecteurs, écrans, le speaker. C’est un environnement de combat particulier, avec une ambiance tout aussi particulière. »
Je hochai la tête. C'est vrai, les combats dans le stade de la Ligue n'avaient rien à voir avec les autres. J'avais déjà eu l'occasion d'affronter des challengers dont les compétences étaient par ailleurs reconnues mais qui avaient été paralysés par cette mise en scène extraordinaire. La pression du spectacle était clairement une difficulté supplémentaire à gérer.
« J’avoue que d’un côté, ça m’a un peu refroidie, je n’aime pas spécialement être au centre de l’attention. Mais de l’autre, ça semble si galvanisant… » Je laissai échapper un sourire amusé. Mev, ne pas aimer être le centre de l'attention ? Sans blague. Elle avait un métier où elle était littéralement l'ombre de quelqu'un d'autre. Je suis sûr que si je n'avais pas été clair dès le début sur le fait que je voulais que l'on se parle et que l'on ait une vraie relation, elle se serait tout à fait accommodée de me suivre en silence. Je notai toutefois qu'il y avait de l'enthousiasme dans son ton, ce qui signifiait que les conditions du stade lui plaisaient plus qu'elles ne la rebutaient. Intéressant.
« Ça l'est. » confirmai-je vivement. « Si tu arrives à dépasser le trac et la pression des milliers de regards posés sur toi, le stade te transcende. Tu deviens une autre personne, une personne invincible et sûre d'être là où elle doit être. Plus rien ne te fait peur et tu as l'impression de pouvoir déplacer des montagnes. En ce qui me concerne j'aime beaucoup être cette personne-là. »
Mev me donna ensuite un avis plus précis sur le déroulé du match en lui-même. Je ressentis une fierté immense quand elle m'annonça que les handicaps des champions l'écoeuraient et qu'elle se jurait de ne pas en profiter. Peut-être que me fréquenter avait joué dans cette vision des choses : elle connaissait l'homme derrière le champion, le lien que j'entretenais avec mes pokémons et les personnalités de ces derniers... Me voir perdre avec mon équipe ne devait pas lui faire le même effet qu'aux autres spectateurs, qui pour la plupart me voyaient comme un simple mur à abattre. Toutefois, quand bien même être ma garde du corps avait influencé son avis, je ne le trouvais pas moins formidable. Cela demandait un tel cran d'abandonner volontairement des avantages qui nous sont dus, surtout dans un contexte avec tant d'enjeux !
« J'apprécie ta droiture, Mev. J'avoue que cela ne m'étonne pas vraiment venant de toi, je me doutais que tu trouverais ça injuste. Pour ma part, ce n'est pas le fait de perdre qui me dérange, c'est plutôt le fait que les challengers ne sont pas jugés dans des conditions équitables. Comment peut-on consacrer maitre de la même manière une personne qui a abusé du switch et utilisé une cargaison de potions et quelqu'un qui n'a utilisé ni l'un ni l'autre ? Les deux dresseurs n'ont clairement pas la même valeur, et pourtant ils sont traités de la même façon. »
Je jetai un coup d'oeil autour de moi pour m'assurer que personne ne nous écoutait, puis repris en baissant la voix :
« Je pense aussi que, dans des conditions équitables, j'aurais gagné. Le score a parlé et Lucas Emerillon va progresser dans sa Ligue 2, mais si tu me demandes mon avis de champion ce jeune homme n'a pas le niveau. Enfin, on verra bien demain, peut-être qu'il me détrompera. » Mev s'appliqua ensuite à commenter la performance de mes pokémons durant ce combat. Je lui jetai un petit sourire malicieux quand elle parla de Rosalind. "Hey, tu croyais vraiment que je t'avais montré tous les atouts dans ma manche ?", disait-il. Mais c'est vrai que j'étais plutôt content pour ma reine, elle avait fait forte impression aujourd'hui et était peut-être ce que l'on retiendrait le plus du match, avec ce silvatruc. J'écoutais le reste de l'avis de Mev avec attention, remarquant avec amusement qu'elle se permettait de critiquer la manière dont j'avais entrainé mon boumata. Je ne saurais dire si c'était surtout sa franchise naturelle ou bien son aisance avec moi, mais peu de gens osaient redire quelque chose à ma façon de faire devant moi. J'avais plutôt l'habitude qu'on me passe de la pommade, en fait. J'allais dire quelque chose à ce sujet, mais Mev me prit de court.
« Je comprends enfin pourquoi tu es maître de la Ligue ! »
Je rêve ou elle venait de me tacler là ? Avec un clin d'oeil en plus ? Que l'on me rende ma garde du corps, j'avais une imposteur en face de moi !
« Tu critiques ma stratégie et en plus tu me colles un coup derrière la nuque ? Tu prends la confiance toi ! » m'exclamai-je en riant. Il n'y avait aucun sous-entendu là dedans : Mev savait très bien que je ne me considérais pas vraiment comme son employeur et que je ne la trouverais jamais insolente avec moi. « Pour rebondir sur ce que tu as dit à propos d'Alcibiade, c'est vrai, il a un potentiel offensif que je pourrais exploiter. Si je ne le fais pas c'est pour des raisons d'équilibre de l'équipe. Je ne sais pas si tu as déjà commencé à réfléchir à ça, cela vient avec un peu d'expérience mais... Une équipe de Ligue, ce n'est pas six pokémons excellents individuellement que tu alignes les uns à côté des autres. Chacun a son rôle à jouer dans la dynamique de groupe et dans les différentes phases d'un match. Si ça t'intéresse, je t'expliquerai tout ça plus en détail la prochaine fois que tu m'accompagneras à un entrainement. Je sais que tu n'es pas encore fixée sur les pokémons que tu emmèneras à la Ligue, cela pourrait t'aider de prendre ça en considération.
- Ruven ? »
Je reconnus la voix de l'infirmier en chef et me relevai prestement. A peine eus-je tourné les yeux vers lui que je me sentis rassuré : son expression était tout à fait calme.
« Alors, comment va Lear ?
- Bien. La brûlure était intense, mais rien que l'on ne puisse soigner.
- Vous êtes des chefs. »
Il accepta le compliment avec un sourire et me tendit les pokéballs de mes compagnons. Je les rangeai à ma ceinture le temps d'aller dans le quartier des champions, là où je pourrais les libérer dans un environnement calme et loin des civils. Même s'ils avaient été bichonnés entre les mains des soigneurs de la Ligue, ils n'en avaient pas moins besoin de repos.
« Des recommandations particulières ?
- Oui, passe-lui un peu de pommade à l'endroit où il a été mordu s'il se plaint de douleurs. Ça pourrait le relancer pendant quelques temps.
- D'acc, j'ai ça en réserve. Merci. »
Il partit sans s'attarder. Je me tournai vers Mev avec un sourire rassuré.
« Bien, on peut y aller du coup. Direction le bâtiment privé, je pense que Liz et Lyssa y sont déjà. »
Lorsque tu partages à Ruven ta vision d’un match de Ligue dans un stade, il t’explique ce que ça lui fait ressentir. Et ça semble être quelque chose de vraiment fort pour lui. Alors cela te permet de réaliser qu’il n’est pas simplement champion de cette Ligue parce qu’il est un des meilleurs dresseurs qui soit. Il est bon dans sa fonction parce qu’il apprécie pleinement ce qu’il fait, et qu’il se retrouve à la fois dans le combat et dans le spectacle. Ruven a définitivement le sens du spectacle. Il fait le show et aime ça. Pour autant, tu doutes que cela puisse t’affecter autant que lui. Tu n’es pas sensible aux mêmes choses que lui. Tu n’es pas sensible.
J’ai le sang-froid nécessaire pour gérer ça, et je pense que tu le sais. Je l'ai peut-être même un peu trop. Je vais aborder ça avec pragmatisme. Et puis, si être vue par tant de gens me posait problème, je n’aurais pas accepté ce travail. Ce qui est plus difficile, c’est de me dire que je serais connue et reconnue pour la personne que je suis, et pas juste comme la garde du corps de Ruven Baldwin.
La discussion se poursuit, sur le combat contre ce challenger. Sur cet avis que vous partagez. Ce gars ne méritait pas sa victoire. Les mots sont peut-être durs, mais ils reflètent une réalité qui doit l’être encore plus. La Ligue sacre des dresseurs qui n’ont pas le niveau pour l’obtenir de manière légitime alors qu’elle est supposée certifier du niveau d’excellence de ces mêmes dresseurs. Tu sais pertinemment que ces décisions ne sont pas du ressort de Ruven, mais du Comité de la Ligue. Et tu as beau être totalement contre leur posture sur le sujet, cela ne changera rien. Si Ruven n’a déjà pas son mot à dire, ce n’est pas toi qui aura l’occasion de faire bouger les choses là-dessus. Et les compliments du champion sur ta prise de position de confortent là-dedans, en plus de te faire plaisir. Cela ne fait aucun doute, aucun changement, et aucune potion. C’est aussi simple que ça. Si tu dois perdre, alors tu perdras, c’est que tu n’as pas le niveau. Tu t’entraîneras avec encore plus d’ardeur et reviendras à la charge. Et lorsque tu parles à Ruven de ses Pokémon et de sa gestion du combat, tu te permets une remarque sur son Boumata et te permet de lui lancer une petite pique. A laquelle il répond.
Tu critiques ma stratégie et en plus tu me colles un coup derrière la nuque ? Tu prends la confiance toi !
Tu l’as fait rire, il y réagit donc bien. Cela ne te surprend pas, c’est même pour cela que tu t’es permise ce genre de chose. Pour autant, le champion ne s’arrête pas là, il t’explique la raison de l’entraînement de son Boumata. Il va même plus loin en parlant de stratégie de combat de manière assez globale. Tu n’es pas certaine d’en saisir tout la teneur pour autant. Il n’a d’ailleurs pas tort lorsqu’il parle de la composition de ton équipe encore très vague pour la Ligue. Tyson, c’est certain. Asmo combat bien, mais impossible de savoir si cela lui plaît. Ugo est un bon Pokémon pour un agent, mais voilà, tu n’en sais pas plus que son intérêt d’aujourd’hui pour le match. Eiphilos pourrait très bien faire le boulot, mais le Roigada est ce qu’il est et tu ne parviens pas à voir si tu pourras pleinement exploiter son potentiel. Il reste aussi Aeron, avec qui il faut faire plus ample connaissance, voir comment il s’intègre à ton équipe aussi. Il a été entraîné par Koga, pour combattre en arène, donc il sait ce qu’il doit faire sur un terrain. Mais même avec eux tous, tu n’arrives pas à six Pokémon. Et il est hors de question d’envoyer Morty ou un des Pokémon de Danny. Ruven te propose de t’expliquer cela plus précisément lors d’un prochain entraînement et tu t’apprêtes à lui répondre lorsque l’infirmier appela le champion. Il se leva et ils échangèrent. Prendre des nouvelles de Lear, savoir ce qu’il faudra faire pour lui. L’échange est bref, et l’infirmier rend ses pokéballs à Ruven.
Bien, on peut y aller du coup. Direction le bâtiment privé, je pense que Liz et Lyssa y sont déjà.
Parfait. Je te suis donc, comme toujours.
Maintenant, il faut raccompagner Ruven jusqu’aux quartiers réservés aux champions. Ce qui signifie repasser par la partie accessible à tout le monde. Même si l’affluence a bien dû diminuer depuis la fin du combat, tu devras rester vigilante, tout comme Ugo. Tu te lèves à ton tour et le Persian se redresse. Vous pouvez donc partir. Mais également reprendre votre discussion, ou tout du moins répondre au champion concernant sa proposition pour t’en apprendre davantage sur tout ce qui touche à la stratégie et à la manière de penser une équipe.
Et quand tu voudras, pour parler de dynamique de groupe et ce qui va avec.
Je lançai un sourire amical à la jeune femme alors qu'elle se levait. J'étais vraiment content que cela se passe si bien entre elle et moi. Mon précédent garde du corps, en plus d'avoir été malhonnête en volant des images compromettantes de Lizbeth et moi, ne m'inspirait pas tout à fait la même sympathie. Il n'avait jamais cessé de me voir qu'en simple client, me faisant comprendre que mes tentatives de discuter avec lui le dérangeaient et qu'il s'en fichait totalement de me connaitre. Cela aurait peut-être convenu à d'autres, mais pas à moi. Être suivi en permanence par un inconnu silencieux me gonflait prodigieusement. Alors que là, avec Mev, je tolérais bien plus facilement de ne jamais pouvoir être seul. C'était un peu comme être toujours en compagnie d'une bonne collègue. Nous étions prêts à partir, et tant mieux parce que j'avais hâte de me poser dans la salle commune des champions pour décompresser.
« Et quand tu voudras, pour parler de dynamique de groupe et ce qui va avec.
- OK. Je vais essayer de prévoir un programme d'entrainement qui me permettra de t'illustrer tout ça. »
Comme d'habitude je passai devant et Mev suivit. Pour aller au bâtiment des champions depuis l'infirmerie pokémon il fallait atteindre l'aile administrative, et donc traverser une partie de la zone ouverte à la presse et aux spectateurs. Je ne serais exposé au public que deux trois minutes à peine, mais c'était bien assez pour qu'une personne mal intentionnée puisse me faire du mal. Je restai donc silencieux pour que Mev puisse se concentrer et marchai sans trainer. Cela faisait une petite heure que le match était terminé et la zone publique s'était bien dépeuplée. Evidemment il restait toujours un peu de monde, la plupart du temps des gens qui cherchaient à entrer en contact avec le challenger ou avec le champion. Il n'y avait presque plus de journalistes aujourd'hui ; sûrement parce que j'avais pris le temps de leur donner mes impressions dès la fin du combat. Quand je fis mon apparition il y eut des réactions immédiates et un petit groupe se forma à une distance respectueuse. Je reconnus des visages que j'avais déjà vus tout à l'heure au pied des gradins.
« Hey. » saluai-je avec un sourire gentil. « Je suis un peu pressé, mais je veux bien donner un autographe à ceux qui n'ont rien eu tout à l'heure. »
Il y eut un peu d'agitation, un mélange d'excitation et d'agressivité alors que certains cherchaient à gruger. Je m'en détournai pour regarder Mev.
« Je fais très vite, je signe et c'est tout. Pas de photo ni de blabla. »
Je savais que ce n'était pas très prudent de laisser les fans m'approcher d'aussi près et que Mev n'aimait pas ça, mais dans l'enceinte de la Ligue il y avait quand même peu de risques. Après tout les sacs étaient fouillés à l'entrée et les corps passés au détecteur de métaux. Je sortis le feutre fin que j'avais toujours sur moi pour ce genre de cas. La petite foule se fit plus pressante alors que j'approchais et j'indiquai avec mon bras que je voulais quand même une distance de sécurité, comme Mev me l'avait demandé. Dès que je fus proche il y eut une cacophonie de clics alors que les portables me mitraillaient à tout-va ; je les ignorais et gardais la tête légèrement baissée, concentré sur les objets que l'on me tendait et sur lequel j'apposais ma signature. Je ne prenais pas le temps de regarder les visages tournés vers moi, me contentant de lâcher quelques mots rapides en rendant les papiers. La fatigue du match commençait vraiment à peser et je ne rêvais que de rejoindre la salle commune au plus vite. Heureusement, ce ne serait l'histoire que d'une minute ou deux.
Une fois levés, Ruven et toi quittez les lieux. Tu n’es pas encore à l’aise avec toute cette zone du quartier général de la Ligue, par manque de repérage préalable. Tu pallieras cela bien vite. Tu n’aimes pas avoir le contrôle absolu sur la situation, et même si le fait de travailler auprès de Ruven implique un peu plus d’imprévu que tu ne l’aimerais, il y a certaines cartes que tu aurais pu avoir en main à cet instant. C’est juste que tu n’avais jamais eu l’occasion d’accompagner Ruven pour ses matches officiels face à un challenger, et qu’on avait pu te faire comprendre qu’il n’y avait pas d’utilité à un garde du corps pour le champion ici étant donné que la sécurité y était renforcée. Tu as fait l’erreur de ne pas vouloir jouer les fortes têtes, pour une fois. Tu as pris sur toi et n’as pas rétorqué, acceptant le fait que la sécurité de la Ligue suffirait. Tu n’aurais pas dû materner leur ego. Tu n’as que faire de l’ego de petits responsables de la sécurité qui n’ont aucune idée de la réalité du terrain et se contentent sans doute de regarder des écrans dans leur bureau. D’ailleurs, cela n’a rien à voir avec leur capacité à faire leur travail, c’est simplement qu’ils ne peuvent pas être partout, et surtout, ne peuvent pas être là spécifiquement auprès de Ruven, mais pour gérer l’ensemble de la foule dans le stade.
Lorsque vous faites votre apparition dans la zone accessible au public, la réaction des quelques spectateurs encore présents fut immédiate. Forcément, cela éveille ton attention, ce n’est pas comme au sein de leurs appartements. Ici, même s’il s’agit toujours du QG de la Ligue, les champions ne sont pas à l’abri. Tu dois être particulièrement vigilante, tout autant que lors des sorties officielles du champion. Il y a trop de variables à prendre en compte, ce qui veut dire que rien ne doit te distraire. Ton attention ne doit pas être détournée par ce qui n’est pas pertinent, et cela demande un effort continu très coûteux. C’est également pourquoi Ugo t’accompagne. La vue du félin est particulièrement aiguisée, tout comme la plupart de ses autres sens. « Hey. Je suis un peu pressé, mais je veux bien donner un autographe à ceux qui n'ont rien eu tout à l'heure. » Cela n’était pas prévu. Surtout qu’il n’y a là aucune barrière pour mettre de la distance entre Ruven et le groupuscule d’admirateurs. Après, l’attitude du champion ne te surprend pas complètement, tu sais qu’il est dévoué aux personnes qui le suivent et qu’il aime ce contact avec eux. Il se retourne alors vers toi. « Je fais très vite, je signe et c'est tout. Pas de photo ni de blabla. » Il ne servirait à rien d’essayer de le raisonner, tu en as déjà fait l’expérience. Il a cette candeur que tu ne peux pas te permettre d’avoir dans ton travail. Tu as appris à faire avec. Après tout, Ruven a également appris à composer avec toi à ses côtés. Il a bien compris que ce genre de situation te déplaisait, et même s’il tient à faire cela pour eux, il va également faire en sorte que ça ne dure pas trop longtemps pour toi. Il crée le compromis de lui-même, ne te laissant aucune possibilité de lui refuser cela. « D’accord, mais fais attention à ne pas trop t’approcher. » Tu tiens à pouvoir voir ce qu’il se passe.
Il ne faut pas longtemps avant que les personnes présentes s’attroupent autour de Ruven, pour lui tendre des photos, carnets, et même peluches à signer. Tu vois alors le champion signaler à ses admirateurs qu’il fallait maintenir une certaine distance. Cela te tire un sourire discret. Il est interpellé, pris en photo, tu entends des cris, des rires, des sanglots même. C’est fou que les gens puissent se mettre dans un état pareil pour une simple signature, tu ne comprends vraiment pas. Au-delà de l’admiration pour son statut, Ruven n’avait pas grand attrait pour toi avant de faire sa rencontre. Alors ces gens qui ne le connaissent pas, pourquoi s’attachent-ils autant à lui ? Tu n’en sais rien. Un mouvement près de toi attire ton attention. Ugo. Ton Persian a la queue qui fouette l’air, ce qui signifie qu’il sent une tension dans l’air. « Ugo, qu’est-ce qu’il y a ? » Tu te rapproches alors d’un pas ou deux vers Ruven, par précaution. Tu ne sais pas exactement ce qu’a ressenti ton Persian, mais ce n’est pas normal. Il semblerait que la séance d’autographes se termine. Tu repères un homme, au milieu de la foule, dont l’attitude diffère des personnes autour de lui, tu ne saurais dire, il n’est pas dans le même élan d’excitation. Ou bien il ne l’est plus. Tu fronces les sourcils et l’observes plus attentivement, malgré les personnes devant lui qui le cachent. Tu remarques alors le stylo bille dans sa main, il ne le tient pas comme on tient un stylo, mais comme on tient une arme blanche. Les traits de son visage sont fermés et il s’approche de Ruven d’un pas décidé. Ugo avait vu juste, tu dois intervenir.
L’homme donne quelques coups d’épaule pour passer tout devant, et fait un pas de plus, rompant la distance de sécurité que le champion avait instaurée. Ruven est bien trop concentré sur ce qui doit être son dernier autographe pour le voir venir. L’individu lève alors le bras, pour asséner son coup, sans doute au niveau de la gorge. Tu n’auras pas le temps d’intercepter le mouvement, mais tu peux déplacer la cible. Sans ménagement, tu attrapes Ruven par l’épaule et le tire vers toi. Ce n’est pas délicat, mais c’est tout ce que tu peux faire. La frappe se fait et tu entends un bruit de déchirement. Qu’importe. Tu dois neutraliser le danger. Sans te préoccuper du champion sur l’instant, tu bondis sur l’homme en question. Tu saisis son poignet et le serres pour qu’il lâche son arme improvisée. Tu tapes alors avec ton pied derrière son genou pour le faire plier et ramener son bras dans son dos. Une clé de bras, manœuvre de base de l’immobilisation. Tu le plaques au sol, la clé toujours maintenue. Tu hèles alors un agent de sécurité qui avait accouru, sans doute en entendant les cris de stupeur des autres fans de Ruven. « Hey toi, appelle le responsable de la sécurité, maintenant ! » On peut sentir l’urgence dans ta voix, et la colère aussi. Le gars, étendu par terre, éclate alors en sanglots. Tu es quelque peu décontenancée par cette réaction. « Je suis désolé. Monsieur Baldwin, je suis vraiment désolé, je ne voulais pas… » Il semble cruellement sincère, et cela te fait relâcher toute la crispation en toi. Ces gens-là finissent par développer une admiration maladive pour les célébrités, et voilà où ça les conduit. A en devenir dérangés. Sur un coup de folie, il aurait tué la personne qu’il admire tant, il aurait tué Ruven. A cette pensée, un frisson te parcourt. Cela te fait chercher le champion du regard. « Tu n’as rien ? »