La présence de Vaheana dans son quotidien avait rendu une certaine joie de vivre à Caihong. Ce n’était pas grand chose, car le fait d’avoir une amie restait écrasé par le reste de ses problèmes et ses mensonges, mais constituait tout de même un satellite de lumière dans sa vie. Elle s’était surprise à attendre, de nombreuses fois, leurs sorties entre filles malgré son budget très serré. Plus d’une fois elle s’était demandée comment elle allait boucler son mois et avait sauté des repas pour assumer ces petits moments de joie. Elle n’avait cependant aucun regret, surtout que cela lui avait permis de découvrir qu’elle n’avait pas forcément besoin de déjeuner, de dîner ou même de prendre un petit-déjeuner. Cela se conjugeait bien avec son désintérêt de la nourriture.
Puis, un jour, son amie avait rencontré un homme. Au départ, Vaheana ne faisait qu’en parler de temps en temps, puis de plus en plus. Caihong avait pu deviner tôt les sentiments éprouvés et l’attitude de cet inconnu, selon ce qui lui était rapporté, lui laissait entendre que c’était réciproque. Ils s’étaient bientôt mis en couple et, rapidement, son amie était tombée enceinte. Caihong avait trouvé ça très rapide, et s’était longuement questionnée sur le fait qu’ils ne vivaient même pas encore ensemble à ce moment-là, mais n’avait rien dit. Vaheana avait l’air heureuse. Elle avait ensuite démissionné de son travail dégradant chez Crab’hitation, car son compagnon, dresseur professionnel, gagnait assez pour subvenir à un mode de vie modeste à trois. Puis ils s’étaient mariés et Vaheana avait donné naissance à To’Rico.
Autant d'événements qui avaient, progressivement, par la force des choses, contribué à rendre les deux amies plus anecdotiques dans la vie de l’une et de l’autre, par manque d’occasion de se voir et de centre d’intérêt et priorités sur lesquels Caihong ne pouvait pas mentir et faire semblant de partager. Elle n’avait pas d’enfant et, si elle était prête à faire beaucoup de choses pour satisfaire les personnes qu’elle aime, suive son amie dans ce domaine lui aurait paru absurde et aurait eu de grandes chances de lui faire questionner sa santé mentale. De plus, Caihong n’a rien contre les enfants, mais elle n’a encore jamais éprouvé l’envie d’avoir le sien. L’obligation à travers les discours de sa famille, par contre, oui. Elle se demandait d’ailleurs parfois jusqu’à quand elle allait pouvoir faire la sourde oreille, car répondre à cet impératif allait s’avérer un lourd problème. Elle préférait ne pas y penser pour le moment, considérant qu’elle avait encore le temps. Sa mère commençait à s’inquiéter car elle avait atteint la trentaine, mais Caihong considérait qu’il lui restait encore au moins deux ans avant que sa génitrice ne voit venir avec horreur une subjective date de péremption sur le marché de la parentalité de sa fille.

Chaglam découvre une Baie Maron en taillant les haies.

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Un Larveyette sauvage niv.10 se dore la pilule en plein milieu du Jardin.

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Que souhaitez-vous faire ?

Pour résumer les choses, avec Vaheana, Caihong avait vu défiler devant ses yeux une vie bien plus réussie que la sienne en quelques années seulement. Si l’on oubliait le côté professionnel des choses, son amie avait eu une partie du rythme et du cadre de vie que sa famille lui espérait. Pourtant, Vaheana n’avait jamais au ni de très bonnes notes en classe, ni poursuivi de grandes études, ni n’avait jamais dû sacrifier ses loisirs et ses relations sociales au profit d’une potentielle réussite. Alors, bien qu’elle appréciait beaucoup son amie, Caihong devait tristement réprimer des pointes de jalousie qu’elle pouvait ressentir à son égard.
Enfin, aujourd’hui, elle trouvait qu’elle le gérait plutôt bien.

Au bout de la promenade, les deux femmes décident de s’installer à la terrasse d’un café en bord de plage. Les prix de l’établissement sont gonflés à cause de son emplacement, mais Vaheana trouve que la vue en vaut la chandelle. Il est vrai que, d’ici, elles peuvent observer la mer qui s’étend à perte de vue et scintille sous les rayons du soleil. Par un temps clair comme celui-ci, la terrasse permet aussi de bien voir l’un des phares de Ho’ohale, celui qui est le plus ancien et a été classé il y a peu de temps comme un monument historique. A chaque fois que Caihong a voulu prendre l’initiative de le visiter à l’occasion de journées proposant la gratuité, c’était complet. Ce lieu attise encore aujourd’hui sa curiosité. Toujours est-il que la vue paraît être un argument assez raisonnable pour ne pas contredire son amie et souffrir en silence du prix d’une boisson. Surtout qu’il serait mal vu, ici, de commander un simple soda et non une de leurs boissons originales. Caihong est toujours persuadée qu’elle a une réputation à tenir, même si elle ne sait pas auprès de qui.

- Regarde ce bateau !, s’exclame Vaheana en lui pointant un petit navire de plaisance à l’air luxueux. Je l’ai jamais vu, tu crois qu’il appartient à qui ?
- Il faudrait sûrement passer du temps au port pour en entendre parler, répond simplement Caihong qui se fiche bien de savoir qui est le propriétaire de ce nouveau bateau, mais fait mine de partager l’enthousiasme de son amie.

Tout ce qu’elle en pense, c’est que cette tache blanche et exubérante a quelque chose lui gâche la vue de la mer. Alors que la vue ne devrait qu’offrir la possibilité d’apprécier cette immensité d’eau. D’apprécier sa surface, imaginer ses profondeurs et la possibilité de s’y enfoncer jusqu’à ne plus avoir de souffle. Caihong aime regarder l’océan car elle peut imaginer s’y perdre parmi les écayons, être entraînée dans les profondeurs par les moyades, puis être guidée jusqu’à la paix éternelle par les loupios. Là-bas, peut-être qu’il n’y aurait plus rien et qu’elle deviendrait une sirène.

Elle n’a jamais eu l’occasion de l’exprimer à voix haute, mais Caihong aime beaucoup les sirène. La première fois qu’elle en a vu dans un livre d’image, elle a été fascinée par ces femmes dont la moitié du corps était remplacée par celui d’un pokémon aquatique. Pas n’importe lesquels, en plus, seulement ceux qui ne faisaient qu’ajouter à leur beauté. Elle se souvient de celle, dessinée avec un effet de vitrail, qui avait une queue de mosaïque imitant celle d’un milobellus. Cette sireine avait une soeur, qui elle avait une queue chromatique, et toutes deux vivaient dans la mer à proximité d’Algatia dans la région d’Hoenn. Ensemble, elle exploraient les profondeurs à la rencontre des loupios jusqu’à ce qu’elle croisent une de leur congénère, qui elle avait la queue d’un lanturn. Cette histoire, faite d’exploration et de belles créatures, avait fasciné Caihong qui l’avait lue de nombreuses fois lorsqu’elle était enfant. Jusqu’à ce que sa mère juge qu’elle était trop grande pour ce type de lecture.
Depuis, Caihong s’était renseignée, de son côté, sur ces fascinantes créatures de légende. Dans les livres pour enfant, elles n’étaient montrées qu’hybridées avec des pokémons qui augmentaient leur beauté, mais il existait des sirènes de tout type. Certaines étaient même très laides et ressemblaient à des monstres, comme celles avec des queues de cravarechs. En grandissant, c’est celles que Caihong s’était mises à apprécier le plus : celles qui ressemblent à des créatures de cauchemars. Ce n’est pas tant par attrait pour leur apparence, mais plutôt car il lui semble que, si les sirènes existent, sûrement que leur apparence se rapprochent plus de celles qui sont laides que de celles qui sont belles. Si ces créatures sont encore des mythes, c’est qu’elles vivent dans les profondeurs, et les créatures aquatiques qui vivent au plus profond de l’eau ne sont pas réputées pour être les plus belles. De ce qu’elle sait, c’est par exemple là qu’on trouve les serpangs et les relicanths, deux pokémons qu’elle ne connaît qu’à travers ses recherches sur les sirènes et qu’elle ne trouvent pas vraiment esthétiques.

- Caihong ? T’es avec moi ?, rit son amie tandis qu’elle la rappelle sur terre.
- Ah ! Oui, oui. Je regardais la mer, désolée, elle se disait qu’elle aimerait que les sirènes existent. Que disais-tu ?

Plutôt que de revenir directement à son sujet initial, Vaheana s’épanche sur comment elle songe que son amie doit être fatiguée car ça ne lui ressemble pas de rêvasser ainsi. Caihong s’en défend dans un rire doux, disant que n’importe qui pourrait se perdre face à une vue aussi belle que celle qu’elles ont devant les yeux.

A défaut d’être dans l’eau, Caihong a au moins le plaisir d’être assise autour d’une table, avec une amie, devant un mélange de jus élaborés qui la seule, le temps de quelques gorgées, de la chaleur estivale d’Alola. Elle trouve seulement dommage que, pour ce faire, la quantité de liquide soit partiellement remplacée par encore plus de glaçons d’eau du robinet. C’est le genre de moment où elle aimerait moins avoir conscience de ce genre de choses, afin de ne pas avoir vaguement l’impression, en plus du prix gonflé, de se faire arnaquer.
Heureusement, son amie est là pour la distraire. Vaheana, dont l fils dort toujours, lance la discussion sur une série qu’elles regardent toutes les deux. Lorsqu’elles travaillaient ensemble, la première saison était en train de sortir et, il y a quelques semaines, la deuxième a débuté. A raison d’un épisode par semaine, il y a de quoi garder le suspens et des sujets de discussions pendant un certain temps. Les derniers rebondissements tiennent d’ailleurs Vaheana en haleine. Elle ne cesse d’y revenir pour élaborer des théories. Caihong, de son côté, pense avoir deviner où va le scénario, mais n’impose pas son opinion, se contentant de commenter ceux qui lui sont donnés. Bien que la série soit appréciable, elle trouve que son écriture et son scénario sont loin d’être très recherchés : elle a déjà lu ce qu’il s’y déroule plusieurs fois, jusque dans de mauvaise histoires qu’inventent les internautes. L’intérêt vient, comme souvent, de l’enrobage. Des plans magnifiques, des acteurs compétents… De quoi oublier certaines facilités scénaristiques.

- En parlant de plot twist, commence Vaheana. Ca se passe comment au travail ?

Caihong grimace face à la question pas si innocente que ça de son amie. Cette dernière le sait bien et c’est pour cette raison qu’elle fait tourner machinalement son doigt sur le bord de son verre. Elles n’osent pas se regarder en face. Bien sûr, Vaheana fait référence au scandale auquel a été confronté, tout récemment, la société d’assurance pour laquelle travail Caihong. Crab’hitation, à force d’adopter des pratiques assez limites auprès de ses clients, a eu ce qu’on pourrait appeller un bon retour de bâton. Leurs pratiques abusives, consistant souvent en un discours trop alarmiste pour être correct et dont chaque phrase pré-apprise par les agents visait à de la fine manipulation hérissaient déjà les poils de plusieurs personnes. En faisant des recherches sur internet, Caihong avait vu quelques articles et vidéo à propos de son employeur dont le but était de dénoncé cette pratique.
Plus récemment, une autre a été mise en lumière : le manque d’honnêteté. Tout est toujours écrit sur le contrat, bien sûr, en petits caractères, et Crab’hitation ne sera ni la première ni la dernière compagnie à employer cette méthode, mais disons qu’ils l’ont poussé un peu trop loin. Quand elle est arrivée, il a été interdit à Caihong de mentionner certains points du contrat à l’oral et, si le client insistait, il fallait s’appliquer à détourner son attention. Le mensonge était également autorisé, car il est connu que, dans les centres appels, les agents peuvent dire un peu tout et son contraire sans risquer de grandes répercussions. Il est donc considéré, par Crab’hitation, que cette pratique est correcte car ce n’est que mettre en scène un phénomène dont les clients ont l’habitude.
Bien sûr, Caihong a été rebutée par tout ça après son embauche. Mais cela faisait plusieurs mois qu’elle était sans emploi et le mode de vie auquel elle devait prétendre ne pouvait être satisfait sans un salaire, même minimal. Alors elle s’était tût et était restée. Puis, il s’est avérée douée et a été plusieurs fois félicitée par ses supérieurs. La gratification que lui apportent ces rares moments a pris le pas sur tout le reste.

A cause de tout ça, Caihong met un certain temps à répondre. Son amie, sachant qu’il s’agit d’un sujet difficile, ne lui en tient pas rigueur.

- Ca va plus ou moins bien, elle cherche ses mots pour qu’il restent bien pesés. Il y a eu des licenciements économiques, bien sûr, car nous avons perdu beaucoup de clients. Je pense que le Siège ne va pas tarder à fermer certains petits sites qui font office de centres d’appels. Comme le nôtre. Pour économiser.
- Ah merde ! Ca craint… Tu risques de perdre ton job, alors ?, Caihong commence par simplement hausser les épaules.
- Peut-être…, cette perspective l’angoisse plus qu’elle ne veut bien l’admettre. Mais je ne m’en fais pas trop. Je continue à faire de très bons chiffres par rapports aux collègues. Même si le site ferme, je pourrai sûrement demander à travailler depuis chez moi même s’il faut me rattacher ailleurs, elle veut croire que son talent pour le mensonge, qui a été si bénéfique à la boîte, vaudra pour quelque chose. Et puis, mon discours est peut-être alarmiste. Rien ne dit que le centre de Ho’ohale va fermer !

Elle tente d’afficher un sourire sur lequel serait inscrit un minimum de confiance, mais n’est pas certaine d’y parvenir. Face à Vaheana, il est plus difficile de maintenir son image de perfection étant donné que Caihong ne vit que dans une part de mensonge fac à elle. Ce ne sont pas les paramètres avec lesquels elle a l’habitude de jongler.

- Je te le souhaite. Tu as un plan de secours au cas où ? Ce serait peut-être bien de commencer à t’en préparer un. On sait jamais ce qu’il peut se passer !, Caihong hoche doucement la tête. En plus… Franchement, tu vaux mieux que Crab’hitation !

Comme elle ne s’attendait pas à ce compliment, elle se crispe sur sa chaise. Elle n’a jamais été douée pour les recevoir. De plus, le fait de s’entendre dire qu’elle mérite mieux que ce qu’elle a à tendance à la ramener aux discours de sa mère, même si les proportions n’ont rien à voir.

- T’es intelligente, t’apprends vite, t’as fait de bonnes études… Je comprends vraiment pas ce que tu fais encore là.
- C’est tombé comme ça, et puis c’est pratique., se défend Caihong. Tu sais que mon cv ne correspond pas à mes études, en plus.
- Oui, mais tu pourrais refaire une petite formation pour prétendre à mieux.

Une conversation dans laquelle Vaheana s’exaspère doucement de la situation de son amie tandis que cette dernière se défend en toute modération s’en suit, jusqu’à ce que le fils de la première se mette à s’agiter dans sa poussette. Il vient de se réveiller et offre une distraction bienvenue. Caihong a beau savoir que son amie est pleine de bons sentiments à son égard, ce type de sujet la met toujours très mal à l’aise.

Bravo, votre oeuf éclot, et un joli Etourmi S en sort ! Prenez-en soin !

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Pendant ce temps, c'est un autre pokémon qui projette de devenir chromatique en votre compagnie...
Il s'agit d'un Larveyette sauvage LV.11.

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On lui donne un Sérum-S à celui-là ou bien ?

Si, auparavant, les deux amies pouvaient passer des heures à discuter au bord de la plage, jusqu’à ce que la nuit commence à tomber, ce n’est plus le cas. Désormais, Vaheana doit rentrer plus tôt afin de s’occuper de son fils. Caihong ne peut que comprendre, car elle a conscience de ses obligations et du fait que To’riko est encore un tout petit. Elle accompagne son amie jusqu’à la station de tramway la plus proche qui lui permet de rentrer chez elle. Caihong ne peut pas l’emprunter, car elle n’habite pas sur la ligne, alors c’est ici qu’elles doivent se séparer. Vaheana lui promet qu’elles se reverront vite avant que les portes se referment. C’est sûrement un mensonge, vu le rythme auquel vont les choses, mais aucune ne se sent légitime à blâmer l’autre pour ça.
Caihong regarde le tramway partir et le suit du regard, depuis le quai, jusqu’à ce qu’il disparaisse.

Dès lors que son amie n’est plus visible, elle laisse retomber son sourire, reprenant une expression égale et emprunte de résignation. Cette après-midi l’a plus fatiguée qu’elle le pensait. Bien qu’elle ait passé l’après-midi avec une personne qu’elle apprécie beaucoup, force est de constater qu’elle n’est plus aussi sociable qu’avant. Ou, plutôt, elle n’arrive plus aussi bien à faire semblant de l’être. Pourtant, Vaheana est une des rares personnes avec qui elle peut se montrer un minimum sincère. Elle devrait trouver ces moments plus libérateurs que toutes ses autres interactions. Peut-être ce changement est-il provoqué par la présence d’Haoyu dans sa vie. Ses intéractions avec un poichigeon n’ont rien à voir avec celles qu’elle pourrait avoir avec un humain, mais avec lui elle n’a rien à cacher car, sans qu’elle ait eu rien besoin de lui dire, il sait déjà tout. Et, pour autant, il ne la juge pas. Caihong se sent stupide de réfléchir ainsi, mais c’est comme ça.
Elle appréhende la suite, surtout le week-end prochain, qui posera de nouvelles problématiques. Il est prévu qu’elle aille sur Akala pour rendre visite à ses parents à Malié. Cette visite a de nombreuses implications, dont peu ne sont pas une source de stresse pour elle. Le seul véritable point positif qu’elle trouve à ce voyage, pourtant régulier, est la perspective de revoir ses proches. Au téléphone, ce n’est pas pareil. En face, elle pourra constater la santé de son père, l’état de fatigue de son frère, la potentielle croissance de sa soeur et à quel point ont grandi son neveu et sa nièce.

Ce week-end chez ses parents la préoccupe pour de nombreuses raisons matérielles. Par exemple, elle se demande si son choix de boucle d’oreilles sera convenable. Elle a commandé des contrefaçons, dont elle prie qu’elles arriveront avant, qui elle espère seront d’assez bonne qualité pour faire illusion et aller avec ses tenues durant les deux jours. Sa mère l’examinera sans doute sous toutes les coutures, comme elle a l’habitude de le faire. L’apparence de sa fille est un sujet important pour elle et Caihong doit avoir l’air de ce qu’elle prétend être.
Elle s’inquiète aussi de ce qu’elle fera de son poichigeon. Ce week-end sera la première fois qu’elle le laisse seul pendant plus longtemps que la durée d’une journée de travail ou d’une sortie. Il n’a pas l’habitude et plusieurs questions d’ordre pratique se posent à elle. La première étant la capacité d’Haoyu à se nourrir seul. Elle se doute qu’il mangera n’importe quoi, vu ses habitudes, et a peur qu’il s’empoisonne en ingérant un aliment qui n’est pas du tout adapté à son estomac ou qui traînerait sous elle ne sait quel meuble depuis trop longtemps. Il pourrait aussi se blesser en volant n’importe comment et en cognant un meuble si elle n’est pas là pour l’occuper. Par-dessus tout, elle craint qu’il lui en veuille. S’il prenait mal son absence, le vivait comme un abandon, et qu’il ne l’aimait plus, elle ne sait pas si elle serait capable de le supporter. Peut-être que la douleur, une bonne fois pour toute, l’encouragerait à se débarrasser de cet être qui perturbe son quotidien, mais elle ne peut s’y résoudre. Elle y est déjà trop attachée.

Elle croise les bras et se renferme tandis qu’elle déambule au hasard des rues de Ho’ohale. Au départ, elle se rendait bien en direction de l’arrêt de bus pour rejoindre son domicile, mais force est de constater qu’elle ne s’est pas que perdue dans ses problèmes. Heureusement, ce quartier est un endroit sûr. Ca lui arrive, de se perdre comme ça. De temps en temps. De plus en plus souvent. Ce n’est pas important pour le moment. Elle est occupée à se demander comment font les autres détenteurs de pokémons. Elle ne doit pas être la seule à en posséder sans qu’ils puissent toujours les accompagner. Caihong sait déjà qu’il est hors de question qu’elle ramène un pokémon dans la maison familiale : sa mère a horreur des pokémons. Elle ne tolère que ceux de sa plus jeune fille, enfant reine par excellence. Ses pokémons ont le mérite d’être beaux, gracieux, et disciplinés. Tout le contraire d’un poichigeon qui sera sans nul doute considéré uniquement comme une sale créature de gouttière.
Il faut qu’elle réfléchisse et trouve vite une solution.

Elle sait que des pensions peuvent s’occuper des pokémons pendant quelques jours, même s’il ne s’agit que d’un week-end. Le problème, c’est que c’est une solution onéreuse et elle doute que les créatures non-vaccinées soient acceptées. Elle ne peut pas non plus demander à qui que ce soit de le garder : elle n’a que peu de relations sociales et personne n’est au courant de l’existence d’Haoyu. De plus, elle craint toujours qu’il s’enfuie si elle le sort de l’appartement.
Ce n’est qu’après avoir tourné et retourné cette question dans tous les sens qu’elle se songe qu’une pokéball pourrait être la solution à ses problèmes. Il paraît que les pokémons peuvent rester assez longtemps à l’intérieur sans se sentir mal, mais elle ne sait pas si c’est une vraie information ou de l’exagération pour soulager la conscience des personnes qui les utilisent. Elle réfléchit encore quelques instants avant de conclure qu’elle n’a sûrement pas le choix. C’est à contre-coeur qu’elle se dirige donc vers le centre pokémon le plus proche en espérant qu’une pokéball ce ne soit pas trop cher.

A mesure qu’elle avance, elle se souvient qu’à une période elle avait lu divers articles sur le dressage, car la pratique était liée à des affaires de cryptides qui l'intéressaient, et elle avait conclu que, de nos jours, beaucoup de choses concernant les pokémons sont faites pour se déculpabiliser en tant que dresseur. La question éthique de certains objets, notamment les pokéballs, se pose souvent tout en étant sans-cesse étouffée. Elle espère que ce n’est pas aussi mauvais qu’elle le pense, bien que son esprit rationnel en doute fort. Comment enfermer des êtres vivants dans des sphères métalliques, même dans un état de stase, pourrait être bon pour eux sur le long-terme ? Comment peut-on accepter qu’un humain ait le droit de mettre arbitrairement en pause la vie d’une autre créature vivante ? Encore plus depuis que l’on a découvert que tous les pokémons sont des êtres sensibles et doués d’émotions complexes. Elle secoue la tête pour essayer de chasser ses craintes et ses préjugés. C’est bien pour les éviter qu’elle a décidé de se rendre au centre pokémon. Là-bas, ils sauront la renseigner correctement et lui dire ce qu’il en est. Même s’ils vendent certains objets pour les dresseur, leur but premier doit rester la santé des pokémons, n’est-ce pas ? Caihong ne peut s’empêcher de se trouver très naïve lorsqu’elle se fait cette réflexion.
Bientôt l’établissement de soin est en vue et elle décide de presser le pas, comme si elle était capable de semer ses questionnements en marchant plus vite.