Les Néo-énarques du dressage Pokémon.

« Neo-artikodins, z'ont des têtes de Ponchien. »
« Neo-sulfuras, qui puent le Rattata. »
« Neo-électhor, plus bêtes que des Chartor. »

Si les rimes sont bien maigres, il n'en va pas de même pour les profondes rivalités qui opposent les trois grandes Écoles de l'Élite du dressage pokémon. Les Neo-Écoles. Des académies dont la réputation va bien au-delà des simples frontières d'Unys. Des lieux à l'éducation extrêmement rigide et rigoureuse, dont les frais d'inscriptions scandaleusement élevés s'accordent parfaitement avec les portes-monnaies des familles pouvant y placer leur progéniture. Quand on entre à NeoSulfura, NeoArtikodin ou NeoElecthor, c'est qu'on n'est pas n'importe qui, en règle générale, vous voyez ? Et quand on sort, on a de grandes, très grandes aspirations... des générations de Rangers réputés, dresseurs d'Élite et autres champions d'arènes voire quelques champions de la Ligue sont passés dans les murs de ces établissements.

Cela en fait des lieux qui fascinent autant qu'ils créent la polémique. L'apprentissage du dressage pokémon doit-il forcément se faire dans une ambiance semblable à un camp militaire ? Faut-il nécessairement rester coincé entre les hauts murs de ces bâtiments vétustes ? Être soi-disant entourés des « meilleurs » stratèges pokémons, médecins pokémons, poképsychologues est-ce ce qui permet d'appréhender les pokémons dans leur milieu naturel ? De développer des règles de savoir-être et de savoir-vivre auprès de ces créatures, ou plus généralement auprès d'autres amateurs de dressage ou combat pokémon ? La question est entière. Qu'en est-il également de la gestion et de la santé financière de ces institutions pour le moins ambiguës ? Les familles aisées ainsi que toutes sortes de donateurs sont prétendument à la source du confort propre aux trois établissements. Pour autant, lorsqu'on essaie de prendre contact avec les doyens, les réponses restent pour le moins superficielles. Voilà qui aurait de quoi alimenter bien des enquêtes.

Mais non. Ce serait ne pas comprendre l'influence – dissimulée ou non – de ces académies. Si vous cherchez à vous renseigner sur les Néo-Écoles, vous tomberez sur des interlocuteurs sachant parfaitement quoi vous dire, et comment, pour contourner toutes les questions un peu litigieuses. On vous dira combien ces établissements sont « parfaits ». Parfaits dans leurs résultats, parfaits dans l'éducation transmise et dans les professeurs qui dispensent leurs cours, parfaits également dans les locaux et autres infrastructures mises à la disposition des étudiants. Trop parfaits, me direz-vous. C'est sans compter bien entendu sur la glorification des résultats et des « Majors ». Petits dieux parmi la plèbe des étudiants, ces numéros 1 de chaque promotion d'étudiants ont quant à eux droit à bien des égards et à leur propre classement, entre majors. Parce qu'être Major de son école est une chose. Être le Major qui bat les Majors des autres écoles est bien mieux. Battre les Majors des autres promotions, c'est très bien aussi. C'est ce qui est attendu, dans cette course sans fin vers la gloire, la réussite et la reconnaissance.

Enfin... c'est ce qui nous a été indiqué, c'est ce que vous lirez et verrez si vous vous perdez sur les sites internet des établissements, sur les réseaux sociaux et les traitements médiatiques bien encadrés. Alors que si on arrive à gratter la surface... si on arrive à s'emparer d'un Eipam (Electronic Intuitive and Personal Assistant with Multitask), outil de communication propre aux trois académies... on en apprend un peu plus. On apprend qu'à la NeoSulfura, plus ancienne des trois écoles, le dernier Major, « L'Empereur Akaba » (oui oui, vous ne rêvez pas, il se fait appeler L'Empereur), s'improvise en chef incontesté, entouré d'une troupe d'hommes de main, le « Quintet ». Tout cela à la vue et à la connaissance du corps professoral qui ne fait qu'accentuer ce culte de l'image et cette idée d'une cour bien obéissante. Est-ce là un apprentissage que vous voudriez donner à vos enfants ? Pas moi, je vous le dis de suite. Le jeune homme se pâme d'avoir su vaincre Luther, le Major de la NeoElecthor, lors de la dernière rencontre entre les Majors de la même promotion. Rencontre lourdement altérée par l'absence du troisième Major, celui de la NeoArtikodin. Et ça, c'est en contournant les discours bien lisses que vous finirez par le savoir. Le dénommé Nilo Lannister, Major albinos à l'apparence bien reconnaissable (et qui rappelle étrangement celle du second de l'Empereur Akaba, le Professeur – on parle bien d'un autre élève, hein), ne s'est pas présenté à l'invitation officielle pour le grand Match traditionnel entre Majors. Voilà qui fait jaser et qui écorche des institutions bien huilées.

Sans doute que lorsque la plupart des étudiants des Neo-Écoles s'entretiennent les uns auprès des autres, jusqu'à développer une communauté d'énarques qui parviennent à intégrer bien des sphères du pouvoir par la suite, quelques rares irréductibles – dont ce Nilo Lannister – finissent par comprendre que la vie, la vraie, ne s'apprendra jamais autrement qu'en mettant un pied devant l'autre pour affronter l'inconnu dans un monde qui s'étend bien au-delà du décor bien propret de ces trois écoles, dont les archétypes de référence (Sulfura, Artikodin et Electhor) sont ironiquement localisées bien au-delà des frontières d'Unys.