«
Oumpf. » Quand une mission m’a amené devant une vieille bâtisse délabrée à la limite de la ville, je pensais que ce serait vite réglé : soit un Pokémon farceur à délogé, soit un Pokémon qui s’est perdu et a besoin qu’on le sorte de là et qu’on le ramène dans son milieu d’origine. Je ne m’attendais pas à ce que la porte d’entrée se ferme sous mon nez, que je ne puisse plus l’ouvrir, et que j’aie à escalader la façade, tant bien que mal, pour me faufiler par une ouverture à l’étage, là où jadis se trouvait une fenêtre, mais où seule une planche maladroitement fixée barricade désormais l’ouverture.
Mais évidemment, comme il fait tout noir à l’intérieur, je crois mettre les pieds sur une surface solide, et en fait les poutres et les planches sont visiblement plus que vermoulues, et je me retrouver à passer à travers et à dégringoler à l’étage du dessous avec pertes et fracas. Plus de peur que de mal, quand même.
« Hinhinhinhinhin »
Alors ça, ça ne me plaît absolument pas. Je tourne la tête dans tous les sens, mais je ne vois rien. Il n’y a que quelques rayons de lumière du lampadaire de la rue en face qui filtrent à travers les planches qui barricadent les autres fenêtres bien comme il faut. Je ne compte pas traîner longtemps ici. J’ai un mauvais souvenir des bâtisses où je me suis aventuré par le passé à cette date-là. «
C’est là que le voile entre les mondes est au plus fin ! » La voix de Sigrid s’immisce dans mes pensées. Qu’est-ce qu’elle dirait pas pour me foutre la frousse celle-là ! Normalement, ça ne marche pas, je sais bien qu’elle bluffe et qu’elle n’y croit pas elle-même, mais évidemment toutes ces fadaises font écho au pire des moments…
Je me relève et je m’époussette comme je peux, mais au vu de l’odeur de renfermé et du nuage de poussière que j’ai soulevé en tombant, je suis bon pour laver tout mon ensemble de travail en rentrant. Heureusement, j’ai pensé à amené une lampe torche avec moi. Lorsque je l’allume, faisceau vers le plafond avant de balayer autour de moi, je sursaute lorsque je vois une énorme silhouette blanche juste devant moi, avant de réaliser qu’il s’agit simplement de meubles qui ont été recouverts d’un drap blanc. «
Tu parles d’un ranger. Faut se ressaisir là. » Je me marmonne à moi-même alors que mon cœur tambourine toujours dans mes oreilles. Avec précaution, je commence à m’aventurer dans la maison, d’abord vers la porte d’entrée, juste par acquis de conscience, pour essayer de voir si je vais pouvoir sortir de là plus facilement que pour entrer, mais évidemment, c’est bel et bien fermé, impossible de passer par là.
« Tsk tsk tsk »
Comme quelqu’un qui signalerait son désaccord, juste derrière mon épaule. Je fais volte-face. Mais rien. Maintenant, j’en ai la chair de poule. J’aurais dû venir avec Seoyong. Elle aurait joué les bulldozer là-dedans, au moins, je n’aurais pas eu le temps de me monter le bourrichon et de me faire peur tout seul. «
Josepha, fais-le tour. Vois si tu trouves quelque chose. » La Goinfrex apparaît et me fixe jusqu’à ce que je lui donne un petit en-cas. Heureusement que je garde des poffins bourratifs sur moi à tout moment de la journée… Elle n’a pas la meilleure vision nocturne, mais elle a une très bonne ouïe et surtout un excellent odorat. Elle saura trouver si quelque chose n’est pas à sa place. Pour l’instant, je n’entends rien qui sorte de l’ordinaire si on oublie les deux fois où une voix a résonné juste derrière ma tête. Il paraît qu’être dans le noir et le silence trop longtemps rend les gens fous et qu’ils se mettent à voir et entendre des choses. C’est peut-être le début. Même si je ne suis là que depuis quelques minutes. Et puis je suis tombé d’un étage quand même. Pas sur la tête mais qui sait, peut-être qu’il y a des séquelles.
Je continue mon enquête et passe dans des pièces ô combien flippantes avec tous les draps blancs qui recouvrent chaque meuble. Et quand je passe le faisceau lumineux sur eux, cela projette des ombres qui me donnent l’impression de quelque chose qui bouge à la périphérie de ma vision. Je déteste ça. Je passe dans une vieille cuisine, ce qui est sans doute un salon, une salle à manger, et un petit bureau. Rien au rez-de-chaussée. Et vu que je suis passé à travers le plancher de l’étage, je crois que ce sera tout pour moi. D’autant que je n’ai rien vu d’anormal. Libre à quelqu’un d’autre de faire un tour si des rapports de choses étranges abondent à nouveau sur ce lieu.
Mais au moment où je me mets en quête d’une fenêtre par laquelle sortir puisque la porte est complètement bloquée, je vois Josepha passer devant moi, les yeux fermés, et se diriger vers l’escalier.
Directement, je sais que quelque chose se trame car elle ne peut pas s’être endormie naturellement comme ça. Il y a sans doute une entité avec nous, comme je le soupçonnais. Par précaution, je me mets une protection sur le nez et la bouche, pour éviter de respirer des spores. S’il s’agit d’un spectre en revanche, comme je le redoute, alors il faudra que je sois assez rapide pour détourner le regard. Je suis Josepha comme une ombre, et elle monte les escaliers un à un, sans se presser, puis disparaît à l’étage. Je jure dans ma barbe, avant de poser un pied sur la première marche qui grince comme pas possible, ce qui ne me rassure absolument pas. Et je sens un souffle glacé dans ma nuque. Mais évidemment, quand je me retourne, rien.
L’ascension me semble prendre une heure, tant j’ai peur de passer à travers une marche et de me retrouver avec une jambe coincée. Mais c’est pire en haut, où le plancher n’a pas du tout l’air solide. J’aimerais bien appeler Josepha, mais la Goinfrex est dans une sorte de transe, donc impossible de l’en sortir ainsi. Heureusement pour moi, je n’ai pas besoin de réfléchir longtemps. Josepha se tient au bout du couloir en haut des escaliers. À droite et à gauche, toutes les portes sont fermées. La Goinfrex est tournée vers moi, les yeux toujours fermés. Derrière elle, au mur, un tableau que je discerne mal mais que j’éclaire de mon faisceau lumineux. Une espèce de silhouette noire et blanche. Comme quelqu’un qui porterait un chapeau et une longue tunique.
Lorsque je balaye le faisceau vers le sol pour voir si je peux m’avancer sans trop risquer quelque chose, je voix deux points rouges s’illuminer dans le noir, et je sens une aura menaçante émaner du bout du couloir. Je cligne des yeux plusieurs fois lorsque la lampe torche semble faire disparaître ce que j’ai cru voir. Il n’y a que Josepha, et ce tableau sans visage. Mais la deuxième fois que la lumière quitte le tableau, je revois les mêmes points rouges et comme deux mains griffues noires se poser sur les épaules de ma Goinfrex. «
Josepha ! »
Je ramène le faisceau lumineux, et si les points rouges disparaissent, la silhouette, elle demeure. Comme sortie du tableau, les deux mains griffues sur les épaules de la Goinfrex. Je serre les dents et le poing. Encore un coup d’un Pokémon spectre, mais je ne peux pas m’en occuper seul. Alors que je place ma main à ma ceinture pour me munir d’une nouvelle pokéball, la créature ouvre ses deux yeux rouges sang dans ma direction puis un hurlement retentit alors que la silhouette s’élance vers moi à toute vitesse. J’ai le réflexe de me saisir de la pokéball de Josepha pour la rappeler, puis je recule, oubliant que je suis en haut des escaliers.
Je dégringole lourdement, mais l’adrénaline suffit à me permettre de me relever pour me précipiter vers l’entrée, pensant déjà à l’élan nécessaire pour essayer d’enfoncer la porte. Cependant, lorsque j’arrive devant l’entrée, je suis stoppé net par une femme aux cheveux bleu clair accompagnée d’un Magirêve. Je crois vaguement la reconnaître, mais je ne m’éternise pas plus longtemps en entendant l’entité arriver derrière moi. La femme me prend par le bras pour me pousser derrière elle, et je prends la poudre d’escampette alors que le Magirêve inonde la pièce d’une lumière aveuglante et que la silhouette infernale se dissipe en fumée. (1431 mots)