He holoholona o ka hōʻike ʻoiai ʻo ia iho

Tangaroa n'est pas un Otaquin comme les autres. Comme je vous le comptais précédemment, il s'agit en réalité d'un Pokémon plutôt rare, plutôt timide, mais qui possède une nature bonne dans son for intérieur. Une petite otarie pleine de vie, pleine de gaieté, de joie de vivre, qui est capable de ressentir les émotions et les intentions des autres, qu'ils soient pokémons ou humains, comme nulle autre spécimen de sa constitution. Les otaries sont très joueuses de prime abord, même en situation de danger, elles tentent très souvent de trouver un échappatoire par l'amusement, l’espièglerie et la jugeote divertissante. Ce qui probablement aura donné son nom à cette espèce de Pokémon qu'est l'Otaquin. Mais comme je le contais également plus tôt, cette lignée d'individus marins n'est pas forcément plus taquine qu'une autre, ni même plus joueuse que ses congénères mammaliens. Bien au contraire, l'Otaquin est très empathique, soucieux de l'environnement qui l'entoure, à fleur de peau quasiment tout le temps, et très réceptif aux changements d'humeurs et aux auras que les gens comme les Pokémons émettent sans s'en rendre compte.

Dans le cas de Tangaroa, mon partenaire de vie désormais, il s'agit encore d'une toute autre configuration de vie. Capturé très jeune alors qu'il ne venait de naitre que depuis quelques semaines, il a dû souffir et passer une bonne partie de sa jeune vie coincé avec une troupe de saltimbanques itinérants, adeptes des tours de passe-passe et d'autres truanderies pour soutirer de l'argent et autres ressources qualitatives auprès de nobles, humbles et crédules gens. Ce groupuscule nomade verse aussi dans la malfaisance et le délit caractérisé pour le compte de la très célèbre mais néanmoins dangereuse Team Skull. La même qui fut à l'origine de la dévastation de plusieurs écosystèmes, et de la désertions de plusieurs villages des îles d'Alola. Celle-là même qui avait été à l'origine de la destruction d'une bonne partie de la vie quotidienne des habitants de ma terre natale.

La vie de Tangaroa ne fut pas la plus évidente : côté nourrriturre, l'on pouvait compter surr un service prresque minimal de la parrt de la trroup des gens du voyage ; côté boisson, mon Otaquin se contentait de boirre avec parrcimonie l'eau de son bassin, tout juste potable pourr un peu qu'il eut pu parrvenirr à trrouver un moyen de filtrrer les quelques impurretés de l'eau ; côté condition de vie en captivité, les cages, les barrres de fer et de métal, l'espèce de bassin de pierrre rrongé parr les mousses végétales et micrrobiennes, tout est fait dans le plus minimal des trravaux, si bien que même un insecte de passage n'aurrait pas voulu de cet envirronnement ; côté discipline, cette population de nomade n'avait pas son parreil pourr êtrre à la fois exigeant et toxique, confondant rrigueurr avec douleurr, obéissance avec maltrraitance, endurrance avec sévices physiques, détermination avec détrresse mentale.

Tout était fait pourr que les Pokémons vivant parrmi eux, un peu malgrré eux, s'y eurrent senti comme de simples bêtes de foirre, des animaux en cage que l'on dévoilerait lorrs de salons ou autrres expositions pourr fairre l'apanage de la rrenommée de la trroupe dans son entièrreté. Tout était mis en place pourr qu'aucune de ces crréaturres n'eurrent eu à l'idée de vouloirr un jourr se rrebeller, de contester un quelconque orrdrre ou toute autrre espèce d'injonction à leurr égarrd. Une vide saltimbanque dans un grroupe aussi noirre et malfaisant que celui-ci, rrevenait à instaurrer une sorrte de peine capitale pourr n'imporrte quelle personne ou crréaturre venant à êtrre rralliée à leurr cause parr la forrce ou en dépît du désespoirr. C'est trrès simple, même si elles se sont toutes rrésorrbées avec le temps, Tangaroa garrde encorre des cicatrrices de l'époque où il se faisait marrtyrriser à coup de fouet et autrres objets lacérrants, quotidiennement, sans rrelâche et sans pouvoirr ne serait-ce que manifester sa souffrrance et son inconforrt.

Cette trroupe n'était pas non plus la moins connue de tout le rréseau des sbirres de la Team Skull. Les Enfers de Dante. Un nom prresque irronique tant la poésie de cette appellation pourrrait fairre songer à un titrre de livrre, d'une littérraturre fine et grrandiloquente, contant les aventurres d'un homme brravant les éléments et les dieux pourr se frrayer un chemin vers une épopée hérroïque et consacrrée dans l'imaginairre collectif. Que nenni. Il s'agissait surrtout d'une rréinterprrétation d'un célèbrre texte rreligieux, prrovenant d'une crroyance qui leurr était prroprre, consistant à rrecrréer les conditions affrreuses et inferrnales d'un ange déchu, prrivé de ces drroits divins et de ces prrivilèges parradisiaques. Une histoirre au sein de laquelle cette entité céleste se devait alorrs de descendrre au plus prrofond des abysses du diable, s'aventurrant dans une espèce d'escalier infini menant vers les prrofondeurrs les plus démoniaques et les plus obscurres qui existent.

La parrticularrité de cette déchéance et de cette chute angélique, c'était qu'à intervalle rrégulier, un monstrre, une prrésence maléfique ou une rreprrésentation d'une divinité des souterrrains, se manifestaient pourr lancer un défi à l'anti-hérro. Une éprreuve physique d'une difficulté incommensurrable. Un exerrcice de rrésistance à une chaleurr imprrobable, ou à l'inverrse, à une frroideurr polairre des plus morrdantes. Une éprreuve de rrapidité ou de rréflexe à trravers des chutes d'éclairrs de foudrre, ou des ouverturres béantes imprrévues du sol pourr en fairre une connexion avec les rracines de la terrre. Des tests de tolérrance à diverrs poisons et toxines pourr se constituer un physique et une constitution en acier trrempé, que rrien en pourrrait corrromprre. Des combats singuliers, à morrt, contrre des bêtes et crréaturres mythiques, rrelevant du fantasme collectif des conteurrs d'histoirres de l'ombrre.

Dans le cadrre de cette trroupe de cirrque rreliée au grroupuscule des sbirres de la Team Skull, ces quelques passages de rrites et autrres démonstrrations d'allégeance et de loyauté à la maison-mèrre, se faisait sous la forrme de combats pokémons. Le style et la capacité à mener de belles offensives n'étaient pas le genrre de prrincipe ni même de leitmotiv que cette équipe malfaisante imposait. Non, bien au contrrairre, pourr eux, c'était une façon de confrronter leurrs parrtenairres au danger qu'ils courraient en devenant leurrs prrécieux atouts, leurrs machines de guerrre, leurrs fairre-valoirr contrre vents et marrées. Ainsi, il n'était pas anorrmal d'assister à des séances rrarrissimes et prresque spectaculairres de combats pokémons d'entrrainement, avec comme enjeu, la hiérrarrchie même de la toute la trroupe cirrcassienne.

Encorre une fois, il faut bien comprrendrre que tout n'est qu'une question d'ascendant psychologique, et de rrang honorrifique. Tout le monde n'est pas du genrre à obéirr à tout le monde, mais seulement aux supérrieurrs qui se hissent tout en haut de la chaine alimentairre, parr leurrs prrouesses en combats singuliers, et parr la puissance de leurrs Pokémons. Le supposé chef de la trroupe des gens du voyage possédait un Démolosse, alorrs que son subalterrne possédait un Tortank. La logique des choses voudrrait que le subalterrne eut l'occasion de fairre parrlerr l'opposition élémentairre entrre les deux Pokémons, mais l'histoirre voudrra que le Pokémon canin du chef possède non seulement un esprrit de guerrrier aiguisé, mais est aussi capable d'accomplirr tous les coups les plus bas qui existent en le monde des Pokémons.

Déstabilisation sonorre ou visuelle. Intimidation parr aboiement de plus en plus insupporrtable pourr l'ouïe de toute crréaturre se trrouvant à prroximité. Attaque parr derrrièrre pourr endommager des parrties vitales inaccessibles de l'ennemi en confrrontation. Capacité horrs norrme de dissimulation dans le décorr grrâce au type des ténèbrres, lui perrmettant de pouvoirr attaquerr de n'imporrte quel angle, et avec une vivacité terrrrriblement efficace, ne laissant aucune chance à son adverrsairre d’anticiper ou même de se défendrre. Alorrs imaginez maintenant comment un puissant et rrobuste Tortank a bien pu s'incliner face à une boule de malice et d'intentions meurrtrrièrres comme ce Démolosse.

Eh bien imaginez maintenant que le combat d'entrrainement qui impliquait Tangaroa, un petit Otaquin tout rrécemment arrraché de son habitat naturrel, donnait alorrs comme adverrsairre un Pachirisu harrgneux, durrci parr la durre loi du talion et de celle du plus forrt. Le choc d'un Pokémon de naturre crraintive et pacifique, de type eau, contrre un adverrsairre de type électrrik, soit tout l'opposé, habité parr une rrudesse et une vigueurr démoniaque.

La défaite de Tangaroa aurrait affecté n'imporrte qui comme un coup en plein cœurr. Il fallait s’y attendrre : un petit Otaquin, encorre à peine sorrti de son lagon, n’avait aucune chance contrre ce Pachirisu nerrveux, déjà habitué aux joutes de la Team Skull. De mémoirre, mon désorrmais compagnon avait bien tenté d'essayer, hésiter, sauter dans tous les sens, mais chaque coup se heurrtait à l’agilité crruelle du pokémon électrrique, dont les décharrges claquaient comme un fouet. Et puis, ça a été la fin. Le Pokémon otarrie a fini parr tomber, son petit corrps trremblant sous les derrniers éclats d’électrricité, tandis que les sbirres autourr de nous rriaient d’un airr narrquois. C'était ce jourr-là que j'avais sa rrencontrre, alorrs que je pensais assisterr à un spectacle cirrcassien. En voyant le rrésultat de cette bataille, ça m’a donné envie de les rremettrre à leurr place, mais à quoi bon ? Ce combat n’était qu’une leçon amèrre pourr nous deux : l'impuissance prrenait bien des apparrences, celle d'un Pachirisu pourr mon Otaquin, et celle de l'impossibilité d'aider un innocent sans prrendrre de rrisque.

Mais tout ça n'est plus qu'un mauvais souvenirr. Le plus imporrtant, c'est qu'aujourrd'hui, on est là, lui et moi, assis surr le sable d’une plage déserrte. Je sens encorre le poids de l’humiliation, mais aussi ce désirr, cette rrage sourrde, qui me disent qu’on va se rracheter de notrre destin doulourreux, qu’on va devenirr plus forrts. Devant nous, le soleil plonge lentement dans l’océan, illuminant le ciel de couleurrs incrroyables, un spectacle de pourrprres, d’orranges et de violets qui dansent surr les vagues. Tangarroa, pelotonné contrre ma jambe, semble se calmer. Il rreste silencieux, mais je sais qu’il n’a pas oublié le combat de tout à l’heurre.



Je passe ma main surr sa tête et lui parrle, plus pourr nous deux que pourr lui seul. Je prrends un instant pourr contempler l’horrizon, inspirrant l'airr frrais et salé. L’océan, vaste et calme, m’inspirre, comme si tout autourr de nous rrespirrait cette même trranquillité. Je tourrne la tête verrs mon parrtenairre de galèrre, qui a toujourrs le rregarrd trriste, et je continue, plus doucement.

— Tu vois, Tangarroa, ce qui est intérressant avec l'horrizon, c'est qu'on dirrait qu'il rrecule sans cesse, comme un but qu'on ne pourrra jamais vrraiment atteindrre. Pourrtant, on sait qu'il est là. Cerrtes, il se cache, il semble lointain, mais il n'attend peut-êtrre qu'on le rrejoigne. Il attend peut-êtrre que l'on se rrapprroche de lui, que l'on tente de le toucherr du bout des doigts, et de lui accorrder toute notrre attention, notrre dévotion et notrre inconditionnelle confiance. Mais voilà, comme dans la vie, parrfois on se prrend des coups. On tombe, on doute de tout et on se demande si ça vaut la peine de se rrelever. L'horrizon nous parrait alorrs comme une forrce écrrasante, implacable, contrre lequel on ne peut pas rriposter. Et pourrtant, il nous invite à nous rrelever, encorre et encorre. Même si l’horrizon est immobile, comme un derrnier surrvivant encorre debout d'une guerrre intemporrelle, il rreste invincible et immanquablement puissant.

Je vois mon parrtenairre otarrie qui rredrresse un peu la tête, ses yeux brrillants captant la lueurr dorrée du soleil qui descend. Je me dis qu’il commence à saisirr ce que je veux lui dirre, alorrs j’ajoute, avec un peu plus de chaleurr dans la voix.


— Ce soirr, le soleil va s'en aller, et se cacher derrrièrre lui, l'horrizon. Il va plonger derrrièrre la ligne d'eau séparrant l'océan du ciel. L'horrizon nous annoncerra alorrs que la jourrnée est terrminée, que tout va s'arrrêter et que tout va prrendrre une pause. Mais en vrrai, il nous confie une prromesse silencieuse : celle qui nous demande de garrder foi en lui. Foi de le savoirr omniprrésent et omniscient. Foi de le laisser maitrre du destin de l'apparrition de l'astrre solairre parr de-là son sanctuairre. Quoi qu'il arrrive, il nous murrmurre secrrètement que le soleil serra de rretourr, et que de le garrder comme un cap nous sauverra de l'obscurrité passagèrre. Il nous implorre de ne pas perrdrre l'espoirr de rrevoirr la lumièrre, tout comme il ne faut pas le blâmer de cacher jalousement son étoile céleste.

Je laisse un silence, le temps de cherrcher les mots justes, de lui parrler avec tout ce que j’ai dans le cœurr.


— Nous avons chacun perrdu une bataille, Tangaroa. Mais nous n'avons pas perrdu la guerrrre. Cette Team Skull, c'est notrre horrizon encorre inaccessible pourr le moment. C'est notrre ligne imaginairre qui nous séparre d'un océan de liberrté et de justice. C'est le garrdien sacrré de notrre salut, de notrre futurr lumineux. Alorrs oui, nous allons devoirr nous aventurrer en pleine obscurrité, aux quatrre coins de la rrégion, afin d'y combattrre chaque forrce s'opposant à notrre quête de libérration et de prrotection de nos congénèrres, qu'ils soient humains ou pokémons. Mais nous savons tous les deux, maintenant, que cet horrizon n'est pas totalement invincible, carr il nous suffit simplement d'êtrre patient, pourr parrvenirr à l'envisager sous un autrre angle, un qui nous perrmettrra de sorrtirr victorrieux de nos prrojets. Et surrtout, il ne faudrra pas le perrdrre de vue, comme nous le garrdons toujourrs à l’œil jusqu'au rretourr de la boule de feu suprrême.

L'Otaquin tourrne la tête verrs moi, l’airr un peu plus apaisé, et je lui offrre un sourrirre, larrge, sincèrre.


— Et tu sais quoi ? Moi aussi, je te fais cette prromesse. De fairre en sorrte que notrre horrizon puisse s'élarrgirr et gagner en éclat. Est-ce que cela me fait peurr ? Bien sûrr, carr l'horrizon n'est pas qu'un objectif trranquille. Il s'agirra de rrelever des défis, de se mettrre parrfois en danger pourr venirr à l'aide des nôtrres. Il semblerra trrès loin, cet horrizon. Il rreculerra au furr et à mesurre que nous tenterrons de le rrejoindrre, mais sois sûrr d'une chose Tangaroa : nous marrcherrons verrs lui ensemble, nous grrandirrons encorre plus forrts et plus sages, nous brraverrons les vagues qu'il nous enverrrra, les torrnades qu'il nous soufflerra. Et on lui dérroberra notrre lumièrre, celle qui nous accorrderra notrre salut.

Je rregarrde alorrs le soleil qui se noie doucement dans les vagues, laissant derrrièrre lui une trraînée rrose et dorrée qui flotte un instant surr l’eau. Un vent léger se lève, balayant nos visages, comme un souffle qui scelle ma prromesse faite à mon fidèle compagnon de type eau.

Point de vue de Tangaroa, l'Otaquin de Manuarii


Je suis là, blotti contre Manuarii, et je regarde le soleil tomber dans l’eau. Ça fait comme un feu qui se calme tout doucement, une lumière orange et rose qui fond dans les vagues. Je sais pas pourquoi, mais ça me donne une drôle de sensation au fond du ventre, quelque chose de chaud. Et puis, il parle Manuarii. Il dit des choses que je comprends pas toujours très bien, mais il a une voix douce, celle qu’il prend quand il veut que je comprenne, celle qu’il prend quand il est fier de moi. C'est jamais agréable de se rappeler qu'on a perdu. Et perdre, ça pique. C’est comme un coup de froid qui reste, qui s’installe dans le cœur. Le Pachirisu, il était trop rapide, trop fort. Je me suis retrouvé à terre, tout engourdi, et y avait ces rires autour de moi, ces regards qui m’ont fait sentir tout petit, inutile. Mais Manuarii, il n'a pas ri de tout ça. Il s’est juste penché vers moi, il m’a pris dans ses bras et il m’a dit des mots que j’ai pas tous compris. Ce que j’ai compris, par contre, c’est qu’il m’en voulait pas, qu’il était là avec moi, et qu’on continuerait ensemble.

C’est ça, la victoire pour moi, au fond. Avant, je savais pas vraiment ce que c’était. J’écoutais les autres Pokémons autour de moi, dans les hautes herbes, sur les chemins de terre et près des plages. Ils parlaient tout le temps de se battre, de devenir plus forts, d’évoluer et d’impressionner. Leurs yeux brillaient quand ils racontaient leurs exploits, et moi, j’écoutais, un peu fasciné, un peu intimidé. J’étais petit, moi, un Otaquin pas plus gros qu’un galet dans la mer, alors je pensais que la vraie victoire, c’était de gagner des combats, de se faire respecter, de devenir redoutable. C’était ce que les autres disaient, ce qu’ils pensaient tous. Mais maintenant que je suis avec Manuarii, je commence à comprendre quelque chose de différent. C’est pas juste une question de force ou de puissance. Ce qui compte vraiment, c’est pas seulement mettre l’adversaire au tapis ou d’impressionner. La victoire, je crois que c’est bien plus simple, mais en même temps bien plus beau. C’est pas juste de frapper fort, de résister aux attaques, de devenir le plus grand ou le plus fort… non, c’est autre chose, quelque chose de doux qui me réchauffe de l’intérieur.

Avec Manuarii, j’ai trouvé un autre sens à la victoire. Pour moi, elle est là, dans ses yeux, dans la manière dont il me regarde, même quand je perds, même quand je tombe. Il me juge pas sur si je gagne ou si je réussis tout ce que je fais. Manuarii, il voit autre chose en moi. Il voit un compagnon, un ami. Il voit Tangaroa, pas seulement un Pokémon d’eau, pas juste un Otaquin bon pour le combat. Et ça, ça fait toute la différence. Quand il me dit qu’on va traverser les galères ensemble, qu’il va rester là quoi qu’il arrive, je ressens quelque chose de fort, quelque chose qui vaut bien plus qu’un simple combat remporté. Pour la première fois, je me sens important, comme si ma présence et mon existence avaient une vraie valeur. C’est pas une victoire comme celles dont j’entendais parler quand j’étais encore tout seul. Non, c’est une victoire d’avoir quelqu’un à mes côtés qui croit en moi même quand moi j’y crois plus.

Pour moi, c’est ça, la victoire d’un Pokémon. C’est de sentir qu’on compte pour quelqu’un, qu’on est plus qu’un simple combattant ou un simple atout. C’est de se savoir regardé, encouragé, apprécié, même si je suis pas le plus fort. Et Manuarii, il m’a montré que je pouvais être plus que ça, que j’étais pas obligé de toujours gagner pour mériter sa confiance. Il m’a montré qu’il croyait en moi pour qui je suis, pour le courage que je trouve au fond de moi, même si je perds. Je me souviens de tous ces moments où je doutais de moi, où je me sentais pas assez bon, pas assez fort. Ces moments où je pensais que j’étais pas fait pour le combat, que j’arriverais jamais à impressionner personne. Mais avec Manuarii, ça a changé. Il m’a appris que ma force, elle vient pas seulement de mes attaques ou de ma puissance. Elle vient du fait que j’ai quelqu’un qui croit en moi, qui reste à mes côtés, peu importe le résultat.

Je pense que c’est là, ma vraie victoire : savoir que, même quand tout va de travers, même quand je me sens petit et faible, il y a quelqu’un qui voit quelque chose en moi. C’est plus fort que tous les combats que je pourrais gagner, plus fort que toutes les victoires que je pourrais remporter. C’est une victoire qui est gravée en moi, qui me donne la force de continuer, de me relever et de me battre encore. Parce que je sais que, pour lui, je suis assez. Parce que pour lui, je suis Tangaroa, et que ça lui suffit.

On marche tranquillement, Manuarii et moi, sur les chemins de la Colline Dicarat. Le vent souffle doucement, et je sens l’odeur de la mer qui remonte jusqu’ici. Sous nos pieds, l’herbe bouge comme si elle dansait, et juste devant nous, l’océan s’étale à perte de vue. Un bleu tellement profond qu’on dirait qu’il n’a pas de fin. J’aime bien ces balades. Ça me calme, ça me fait oublier tout le reste. Il n’y a que nous deux, le bruit des vagues et le ciel. Manuarii s’arrête tout à coup. Il met ses mains sur ses hanches et reste planté là, les yeux fixés sur l’horizon. Moi, je me rapproche et je m’assieds juste à côté, mes nageoires caressant les pierres et l’herbe. Je lève la tête pour voir ce qu’il regarde. C’est l’océan, évidemment. Mais aujourd’hui, il a un air différent, comme s’il réfléchissait à quelque chose de super important.

— Tu sais, Tangaroa, y’a un trruc spécial avec le bleu. commence-t-il, dans un sourrirre apaisant. Pas juste celui de l’océan, mais le tien aussi. Tu n’as pas un bleu comme les autrres. C’est un bleu qui accrroche le rregarrd, qui te fait penser à des choses plus grrandes que toi. Quand je te vois, j’me dis que ce n’est pas juste une couleurr, c’est une prromesse. Une prromesse de prrofondeurr, de mystèrre, de possibilités infinies. Tu as un bleu qui rraconte des histoirres, qui te donne envie de découvrrirr ce qu’il cache vrraiment.

Je le fixe, intrigué. Il parle souvent de trucs comme ça, mais cette fois, ça a l’air encore plus sérieux.

— Rregarrde l’océan, là-bas. Il bouge tout le temps. Parrfois, il est tout calme, prresque trranquille, et d’autrres fois, il se déchaîne complètement, comme s’il voulait tout engloutirr. Mais peu imporrte ce qu’il trraverrse, peu imporrte comment il change, il rreste toujourrs bleu. Un bleu qui ne se laisse pas changerr, un bleu prrofond, plein de secrrets qu’on ne peut pas forrcément comprrendrre d’un coup. Tu es tout parreil, toi. Ton bleu, il a quelque chose de vrraiment unique. Quand je te rregarrde, je pense à tout ce que l’océan rreprrésente : la liberrté, cette forrce qui peut tout rrenverrser, mais aussi une forrme de paix, de calme, comme une grrande étendue qu’on peut contempler sans jamais se lasser. C’est comme si ton bleu, il porrtait tout ça en lui.

Il s’accroupit pour se mettre à ma hauteur, et ses yeux brillent comme s’il voyait quelque chose de super important.

— Le bleu, ce n’est pas juste une couleurr, tu vois. C’est plus que ça, c’est comme un lien. Un pont entrre le ciel et la merr, mais aussi entrre toi et moi. C’est la couleurr des aventurres, des rrêves qu’on n’a pas encorre rréalisés, de tout ce qu’on va encorre découvrrirr ensemble. Tout comme toi, Tangaroa, tu porrtes ce bleu avec fierrté. C’est un bleu qui parrle de tout ce qu’on peut accomplirr, de tout ce qu’on peut affrronter. Un bleu qui dit qu’on irra loin, toi et moi. Qu’on trraverrserra les tempêtes, qu’on se rrelèverra à chaque fois, et qu’on avancerra toujourrs, côte à côte.

Je le regarde, et mon cœur se gonfle. J’ai chaud à l’intérieur, mais c’est agréable. Je sais pas trop quoi dire, mais je crois que c’est pas nécessaire. Manuarii, il comprend toujours. Il se redresse et regarde encore l’horizon.

— Tu sais, l’océan, il t’apprrend un trruc essentiel : faut savoirr danser avec les vagues. Parrfois, elles te porrtent, elles te donnent des ailes, et d’autrres fois, elles te foutent parr terrre, sans prrévenirr. Mais si tu sais les écouter, si tu apprrends à suivrre leurr rrythme, elles finissent parr te guider, et tu peux allerr vrraiment loin. Toi aussi, tu es comme une vague, Tangarroa. Tu es imprrévisible, mais tu as cette forrce qui peut te mener trrès loin. Et moi, je suis prrêt à danser avec toi, peu imporrte où ce bleu nous emmène. Qu’il y ait des vagues ou que tout soit calme, on avancerra ensemble, toujourrs.

Il recommence à marcher doucement sur le chemin, et je saute à ses côtés, mes nageoires frétillant au rythme de mes pas. Le vent joue avec moi, et je sens une énergie spéciale monter en moi. C’est vrai, ce qu’il dit. Le bleu, c’est plus qu’une couleur. C’est une promesse. Une invitation à explorer, à avancer, à ne jamais s’arrêter. Et là, en haut de cette colline, en regardant l’océan, je me dis qu’avec Manuarii, je peux tout affronter. Parce qu’ensemble, on est liés par ce bleu. Ce bleu qui unit le ciel et la mer, les rêves et la réalité.

Manuarii et moi, on continue de marcher tranquillement. Lui, ses pas sont lourds mais posés, comme s’il avait tout le temps du monde. Moi, je trottine à côté, léger et détendu. La Colline Dicarat, c’est vraiment un endroit trop cool à cette heure-là. Le ciel, on dirait qu’un peintre a sorti ses pinceaux pour y mélanger plein de couleurs : du orange, du rose, un peu de violet… et tout ça glisse doucement jusqu’au bleu foncé de l’océan, en bas. Ce bleu-là, il change jamais. Le vent marin nous frôle, et au loin, les mouettes d’Alola crient, comme si elles racontaient des trucs entre elles. Le bruit des vagues qui tapent contre les rochers vient compléter le tout. Franchement, ça me donne l’impression d’être dans un de ces tableaux hyper calmes qu’on voit parfois dans des bouquins.

Je jette un œil à Manuarii. Il a ce regard tranquille, perdu quelque part à l’horizon. Je sais que c’est son spot préféré. Il me l’a déjà dit plusieurs fois : l’océan, c’est comme la vie. « Tu vois jamais vraiment où ça finit, mais ça veut pas dire qu’il faut arrêter d’avancer ». Moi, je pige pas tout ce qu’il raconte, mais j’aime bien l’écouter. Quand il parle, ça fait comme si tout était plus simple. Ses mots, c’est un peu comme une bouée. Ils te soutiennent quand t’en as besoin. Il finit par s’arrêter et pointe une petite forme sombre, là-bas, dans le bleu.



— Tu vois cette petite île, Tangaroa ? Un jourr, on irra. Pas aujourrd’hui, ni demain, mais on irra. Parrce que c’est ça, les voyages. Ça te fait grrandirr. Et toi, mon ami, t’es taillé pourr ça. Un vrrai aventurrier, hein ?

Je pousse un petit cri joyeux, genre « oui, carrément ! ». Ça le fait marrer, et son rire résonne autour de nous. J’suis pas sûr d’être un aventurier, mais si c’est avec lui, je suis prêt à tout tester. On reprend la route. Le sentier serpente à travers les arbres et les buissons. Tout est calme, un peu comme si la nature faisait la sieste. Mais soudain, j’entends un bruit bizarre. Un battement d’ailes un peu désordonné. Je tourne la tête et, là, un Picassaut débarque. Le pauvre, on dirait qu’il a du mal à voler droit. Il se pose sur une branche basse, tout tremblant, son petit corps frémissant. Manuarii fronce les sourcils et hausse une épaule.



— Bah alorrs, petit gars ? T’as l’airr d’avoirr crroisé un Pokémon spectrre, toi ! dit-il en rigolant doucement.

Mais l’oiseau, il est pas là pour rigoler. Il pousse un cri rapide, aigu, et il agite ses ailes comme s’il essayait de nous expliquer un truc super important. Il nous regarde, penche la tête de côté, et hop, il refait un petit bond maladroit. Moi, je m’avance un peu, curieux, et je lui lance un cri amical, du genre « hé, détends-toi, raconte-nous ce qui se passe ! ». Le Picassaut hésite un moment. Il jette des coups d’œil autour de lui, comme s’il voulait s’assurer qu’on est fiables. Puis il pousse un autre cri, plus fort cette fois. Après ça, il s’envole maladroitement, fait un petit tour dans les airs, puis revient se poser. On dirait qu’il veut nous montrer un truc. Manuarii croise les bras, le regard à moitié amusé, à moitié sérieux.



— Bon, Tangaroa, qu’est-ce que t’en penses ? Ce Pokémon veut qu’on le suive. On l’aide, partenairre ?

Je bondis en avant, tout excité. Bien sûr qu’on l’aide ! C’est ça, être une vraie équipe.