La vie n’a pas toujours été facile dans ce petit village perdu au milieu de la forêt. Ici tout parait compliqué, autant la récolte des ressources primaires qui nous permettent de construire et de réparer nos maisons que les tâches quotidiennes qui sont obligatoires pour tout le monde. Tout le monde met la main à la pâte, même les plus jeunes qui souvent aident leurs mères et la suivent partout où elle va. Nous avons affrontés des catastrophes naturelles au cours des dernières années, aucune d’entre elles n’a vraiment été mortelle pour nous, mais les tremblements de terre ont toujours eu raison de nos maisons et cela nous force constamment à devoir reconstruire. Pareil pour les cas d’inondations. Les dernières avalanches nous auront bien fait flipper, mais jamais cela n’aura eu un impact majeur sur le village.

Toutefois, nous étions loin de nous douter que cette potentielle malédiction allait empirer. Depuis quelques mois déjà, tous les nouveau-nés du village ne survivent pas plus de quelques heures, s’ils ne sont pas déjà morts après la naissance. C’est quelque chose qui peut se produire normalement pour diverses raisons, mais de là à ce que tous les enfants passent par-là, peu importe l’origine des parents... il faut être réaliste. Ce n’est pas normal. Les soigneurs ont beau se pencher sur la question, personne n’arrive à échapper à la mort. D’ailleurs, suite à son mariage, j’ai une amie qui a mis au monde son fils il y a peu de temps, mais ce dernier a subi le même sort tragique que tous les autres avant lui. Si aucun enfant n’arrive à survivre, il n’y aura plus de futur pour notre clan. Nous devons à tout prix faire quelque chose pour que notre village retrouve sa gloire d’antan.

Dans mon cas, je suis née ici, dans une petite maison légèrement à l’écart du centre du village et j’ai été forcé de suivre le parcours de mes parents qui descendent tout deux d’une longue lignée de mineur. En tant que famille nombreuse, j’ai deux grands frères, un petit frère ainsi qu’une petite sœur que je ne peux m’empêcher de protéger. J’aimerais l’empêcher d’aller dans les mines, mais je sais aussi qu’il s’agit de notre destin et qu’elle va devoir suivre nos traces pour apporter l’honneur à notre famille. Chez nous, la force physique et mentale est démise, rien ne peut nous égaler quand il s’agit de creuser et de mettre la main sur des minerais rares. Je dois admettre que c’est un travail que j’aime bien faire et j’aime bien me mettre en compétition face à mes frères ainés qui passe beaucoup de temps à creuser. On ne va pas se mentir, les métaux sont très importants pour notre société. Bâtisseurs et forgerons en réclament quotidiennement pour pouvoir travailler de leur côté, alors il faut savoir répondre à la demande.

En attendant, je suis loin de me douter que le chef s’apprête à faire une importante déclaration par rapport à tout ce qui s’est passé récemment. Ce matin-là, après avoir terminé mes préparatifs, je sors de la maison avec ma pioche sur l’épaule afin de rejoindre la mine qui se trouve un peu plus haut dans les montagnes. Il est encore tôt, mais je sens déjà la chaleur de l’été qui commence à envahir les environs et il me tarde déjà de rejoindre la fraicheur de la mine. J’y serais beaucoup plus confortable.

Confiante, j’avance tranquillement sur la route qui me mène à mon gagne-pain sans vraiment faire attention à ce qui m’entoure. À l’exception du chant des oiseaux qui m’entoure, il n’y a que le bruit de pas de mon Escroco qui se fait entendre derrière moi, puisqu’il me suit docilement comme chaque matin. Cela fait déjà plusieurs années que nous travaillons ensemble et nous sommes très soudés. Je suis vraiment contente d’être tombée sur lui et qu’il ait accepté de venir avec moi.

- Tu es bien silencieux aujourd’hui mon cher ami.

Intrigué, le crocodile lève un regard perplexe vers moi, sans pour autant s’arrêter de marcher. Il reconnait bien ce ton de voix et bien qu’il ne le montre pas, intérieurement, ça l’amuse. Il est persuadé que sa dresseuse va le mettre au défi pour la énième fois aujourd’hui.

- Que dirais-tu de faire la course jusqu’à la mine ? Ouais, non... me rattrapai-je presque aussitôt. Il fait trop chaud. Mieux encore. Que dirais-tu de nous mettre au défi tout les deux ? Celui qui récoltera le plus de minerais aujourd’hui remporte la victoire. Qu’en pense-tu ?

Un large sourire malicieux apparait alors sur le visage de la créature et je pense qu’il n’a jamais refuser une occasion de se mettre en compétition avec quelqu’un d’autre. C’est un point que nous avons en commun tous les deux et je suis toujours reconnaissante envers les dieux de m’avoir offert un partenaire comme lui. Il faut savoir que dans notre village, il est coutume de n’avoir qu’un seul pokémon avec qui nous devons affronter toutes les étapes de la vie. Nous ne nous encombrons pas d’une trop grosse équipe puisque la place dans le village est limité. Au début de l’adolescence, les habitants sont envoyés seuls en forêt et c’est à ce moment qu’ils doivent trouver leur partenaire à l’état sauvage avant d’être autorisé à rentrer au village. Du coup, tout ceux qui reviennent nous ramènent parfois des surprises et c’est excitant de pouvoir observer les pokémons qui rejoignent la tribu. Ils sont tous aussi différents les uns que les autres.

Je me souviens que du haut de mes treize ans, j’étais partie en direction de la montagne pour essayer de trouver un pokémon qui serait capable de creuser et donc de m’aider dans la mine où je travaillais déjà. À peine avais-je atteint les falaises que j’étais tombée sur un mignon petit Mascaiman et ce dernier avait rapidement accepté de m’accompagner. En rentrant au village, l’enthousiasme était palpable et ma famille était heureuse de l’acquisition que je venais de faire. C’était un bon pokémon bien vigoureux, robuste et puissant malgré sa taille. De plus, cela augmentait au cours de l’évolution, alors je crois que je n’aurais pas pu trouver mieux en terme de partenaire. Depuis ce jour, Escroco et moi formons une parfaite équipe et nous faisons tout ensemble.

Sans savoir que quelque chose d’important est en train de se mettre en place au centre du village, je poursuis ma route en compagnie de mon pokémon sans ressentir le besoin de me retourner. Je suis persuadée que cette journée se déroulera comme toutes les autres avant elle et je me vois déjà sortir de la mine en fin de journée avec un charriot rempli de minerai en tout genre. Il faudra encore que je les peaufine et que je les nettoie de toutes impuretés une fois rentrées à la maison, mais je trouve que c’est la tâche la moins chiante de tout le processus. Une fois le produit brut prêt, il nous restera plus qu’à le vendre à un forgeron ou à un joailler s’il s’agit d’une pierre précieuse. Je ne fais pas la fine bouche quand je suis dans les mines et je prends tout ce qui me tombe sous la main, même s’il s’agit d’un métal qui ne se vend pas cher. Mieux vaut ça que rien du tout si je souhaite aider ma famille.

Soudain, j’entends des pas précipités derrière moi, mais je ne m’en inquiète pas plus que ça au début. Cela doit être un autre mineur qui s’est levé un peu trop tard aujourd’hui et qui tente de rattraper son retard en courant vers la mine. Je risque de le voir me dépasser à tout instant en compagnie de son partenaire, mais contre toutes attentes, j’entends alors mon nom être crié. Intriguée, je me retourne alors pour me rendre compte que les pas précipités venaient de mon petit frère qui fait de son mieux pour me rattraper. Que fait-il là ? N’avait-il pas eu la permission de notre père pour prendre un peu de repos étant donné qu’il a bien bossé ces derniers jours ? Je n’y comprends plus rien.

- William ? Que fais-tu là ? Qu’est-ce qui se passe ?
- Emily, je t’ai cherché partout. Le chef est sur le point d’annoncer quelque chose au centre du village et tout le monde est attendu sur place. On m’a demandé de venir te chercher le plus vite possible.

Une réunion au cœur du village ? Pourquoi faire ? Cela fait longtemps que ça ne s’est pas produit et quand cela arrive, c’est toujours pour quelque chose d’important qui concerne potentiellement tous les villageois. Serions-nous en guerre contre un clan adverse ? Le moment serait mal choisi pour ça vu notre situation actuelle avec les dernières récentes.

- Ah bon ? Et tu sais de quoi il s’agit ?

Toujours à bout de souffle, le jeune homme me répond par un simple haussement d’épaule, tout aussi ignorant que moi. Sans perdre davantage de temps, nous rebroussons alors tous chemin en direction du village et j’espère intérieurement que nous arriverons à temps. Le chef n’est pas du genre à être très patient. Intérieurement, je suis inquiète et Escroco aussi même s’il ne le montre pas. Ce n’est pas une situation à laquelle nous sommes habitués et je crains le pire.

Le pas est pressé pour le retour et le trajet me semble beaucoup moins long qu’à l’aller. C’est peut-être aussi parce que nous sommes en terrain descendant que cela me semble plus rapide... Dans tous les cas, une fois que nous avons atteint le village, je suis grandement étonnée de voir tous les gens qui se trouvent déjà sur la place centrale. Le clan Dialga est assez étendu, nous devons facilement avoir plus d’une centaine d’habitants, mais de voir tout le monde réuni au même endroit est assez impressionnant. Toujours en compagnie de William, je tente de me faufiler parmi la foule afin de retrouver ma famille ou bien d’avoir une bonne vue sur l’estrade où le chef se trouve. Je veux être certaine de ne pas manquer une miette de son annonce imminente.

Escroco joue des coudes avec les villageois et je suis obligée de faire de même jusqu’à ce que l’on puisse atteindre la fontaine. À cet endroit, il y a étonnamment un peu moins de monde et l’atmosphère est tout de suite plus respirable ici qu’ailleurs. Je pense que nous allons rester ici le temps qu’il faudra, inutile de s’enfoncer davantage dans la foule pour rien, surtout que le tout ce beau monde risque de créer des bouchons quand le feu vert sera donné et que tout le monde pourra reprendre ses activités. Je n’ai pas spécialement envie de rester coincée au milieu de la foule, même si je risque de croiser des gens que je connais.

- Il a déjà fait son annonce tu crois ?

Perplexe, nous jetons un œil à ce qui nous entoure. Les gens autour de nous discutent et s’interroge sur la raison de leurs présences ici, les plus jeunes commencent à s’impatienter à force d’être obligé d’attendre et le chef est bien en vu sur l’estrade ne bois qui surplombe la place. Ce dernier semble être en train d’échanger avec l’un de ses conseillers et l’air grave qu’ils abordent n’a rien de rassurant. Je me demande bien pourquoi ils ont fait venir tout le village ici.

- Hmmm, non, je ne pense pas. Les gens auraient déjà commencé à se disperser si l’annonce avait déjà été faite.
- Oui, tu as surement raison.

Désormais, mieux vaut prendre son mal en patience. Tout en soupirant, je m’apprête à prendre place près de la fontaine lorsque mon regard croise celui d’un autre villageois, ou devrais-je, le regard vide d’un autre villageois. Il est là, pas très loin de nous, visiblement perdu et inquiet. En même temps, je crois que nous n’avons qu’un seul aveugle dans le village, alors c’est assez simple de le reconnaitre. Owen, car c’est ainsi qu’il s’appelle, vit pas très loin de chez moi et je suis un peu surprise de le voir là, au milieu de tout les autres qui pourraient facilement l’écrabouiller. J’ai toujours été très intriguée par lui et tandis que je le dévisage longuement, William ne semble pas faire attention à mon comportement qui pourrait être déplacé.

Ayant tous les regards braqués sur lui, le chef sent que les villageois commenceront bientôt à s’impatienter si rien ne ce passe, alors il tente d’accélérer les choses avec son conseiller en interrompant brusquement leur conversation. Heureusement, ce dernier ne prend pas la mouche et comprend très bien l’empressement de son supérieur. D’un bref hochement de tête, il accepte sa situation et s’éclipse rapidement pour laisser la place sur l’estrade en bois. Désormais seul, le chef peut alors procéder à l’annonce que tout le monde attend avec impatience, même s’il appréhende déjà leurs réactions. Tout en prenant une grande inspiration, l’homme s’avance alors pour faire face aux habitants de son village qui sont tous prêts à l’écouter.

- Mes chers citoyens, je vous ai fait venir ici car l’heure est grave. Je veux que nous soyons tous préparer à affronter notre destin.

Si quelques personnes étaient encore en train d’échanger des murmures dans leurs coins, tout le monde se tait soudainement lorsque la voix du chef se fait portée sur toute la place centrale. Personnellement, je sens que je vais avoir du mal à tenir en place si il ne se décide pas rapidement à cracher le morceau.

- Oui, vous m’avez bien entendu, poursuit-il. Je parle du destin car il semblerait que les dieux soient contre nous. Voyez-vous... nous avons encore perdu un enfant aujourd’hui. Un enfant dont le développement s’est bien passé et dont tout semblait normal jusqu’au tout dernier instant... Les dieux ont refusé de lui donner la vie.

Les murmures qui s’étaient arrêtés reprennent alors de plus bel et de ma position, je crois percevoir des pleurs discrets, plus loin parmi la foule. J’imagine que la famille endeuillée est présente quelque part sur la place, même si cela doit être atroce pour eux de devoir assister à cette réunion. Le fait de parler de leur enfant décédé ne doit pas non plus les aider à accepter cette perte inattendue.

- Donc, comme les dieux semblent fâchés contre nous, j’ai élaboré un plan pour tenter de nous faire pardonner auprès d’eux. Que diriez-vous de construire une immense statue en l’honneur de notre dignité, le grand Dialga ? Un monument à son effigie devrait lui faire plaisir et cela nous permettrait de regagner notre honneur.

Alors là... j’en reste sans voix. Nous nous doutions tous que nous avions été maudits d’une quelconque façon, mais de là à construire une statue pour nous faire pardonner... ? Et puis quoi encore ? Le chef nous a vraiment fait venir ici pour nous annoncer ça ? Il a perdu la tête ou quoi ? Comment espère-t-il construire un truc du genre, pas avec du bois et des métaux j’espère ? Moi qui croyait que nous allions déclarer la guerre à un autre clan, me voilà bien étonnée. D’ailleurs, je ne suis pas la seule à être surprise puisqu’un lourd silence pesant s’installe de nouveau dans la foule. Beaucoup de regards sont tournés vers le chef, mais aucun d’eux n’osent parler. Le chef aurait-il tenter de nous faire une mauvaise blague ?

On pourrait entendre une mouche voler tellement personne n’ose plus faire le moindre bruit et je ne saurais pas dire combien de temps ce silence perdure. Ça me parait être une éternité. Tout ce que je sais, c’est que je commence à être mal à l’aise. Que faire pour rompre ce moment gênant ? Je ne vais quand même pas me mettre à gueuler pour essayer de réveiller les gens autour de moi, cela ne mènerait à rien. En soit je serais capable d’ouvrir ma bouche, tout le monde sait que j’ai un caractère bien trempé et que je peux faire valoir mes idées sans difficulté, mais là... je n’ai aucun bénéfice à prendre la parole pour essayer de sauver l’honneur de notre chef. Après avoir été personnellement choisi par les villageois, il est capable de se débrouiller.

- Qu’en pensez-vous ?

Suite au flop de son annonce, l’homme se demande s’il n’est pas aller trop loin. Il croyait que son idée était parfaite et que cela plairait forcément aux gens, mais il semblerait qu’il se soit trompé vu le silence qu’on lui adresse en retour. Pour le coup, il ne sait plus trop quoi dire pour tenter de motiver ses citoyens.

- Écoutez... n’en avez-vous pas marre de souffrir ? Toutes ces catastrophes, toutes ces pertes matérielles et humaines... il faut que ça cesse. Nous ne sommes pas de vulgaires pantins avec qui l’on peut s’amuser. Une malédiction est toujours réversible, alors, qui est avec moi ?

Tout en disant cette dernière phrase, le chef lève le bras et pointe son poing fermé en direction du ciel. Quelques secondes s’écoulent sans que rien ne se passe et je commence à craindre un nouveau silence pesant lorsque, tout à coup, des bruits de répercutions faites en rythme commencent à se faire entendre. Tout autour de la place, certains villageois équipés de leurs fourches ou de leurs lances commencent à marteler le sol pour appuyer les paroles du chef et l’engouement s’intensifie rapidement. Ceux qui n’ont pas d’outil à disposition pour frapper le sol essaie alors de se joindre aux autres en frappant des mains ou des pieds. Le spectacle va crescendo et bientôt, une véritable hymne de guerre est crée au centre du village.

- Le clan Dialga mérite mieux que ça ! crie le chef pour essayer de faire percer sa voix à travers le bruit qui ne cesse d’amplifier, toujours le poing en l’air. Nous sommes forts et nous allons prouver aux dieux que nous sommes capables de nous battre ! Qui est avec moi !?

Cette fois-ci, une immense acclamation lui répond. Tous les villageois hurlent et se motivent les uns les autres à faire encore plus de bruit. De mon côté, j’utilise ma pioche pour frapper le sol au rythme des autres et Escroco ne manque pas l’occasion de pousser son rugissement le plus menaçant. Peu importe ce qui se passera, le chef aura toujours son village derrière lui, prêt à l’épaule en cas de besoin. Nous ne nous laisserons pas faire aussi facilement.

L’état d’urgence est déclaré au sein du village et les gens le perçoivent presque comme s’il y avait une guerre. Dans un sens ce n’est pas totalement faux, sauf qu’au lieu d’être en guerre contre un autre clan comme la plupart d’entre nous le croyions, nous le sommes contre les dieux et ils ont qu’à bien se tenir car notre statue sera la plus grande et la plus impressionnante qu’ils n’auront jamais vu. Je me doute bien que les divinités sont difficiles à impressionner, mais j’essaie quand même d’y croire. Après tout, nous n’avons plus rien à perdre suite à tous les malheurs que nous avons vaincu au cours des derniers mois. Cela nous donne à tous un but à accomplir, une raison de se lever le matin et avec un peu de chance, cela nous aidera à passer à travers l’été.

- Ils ont vraiment l’intention de construire une statue ? demande alors William qui n’a pas encore réussi à détacher les yeux de l’estrade, là où se trouve encore le chef. Et ont est censé faire quoi exactement ?
- Bah, le chef a été clair. Il nous faut une équipe de bucheron pour ramasser du bois et une équipe de forgeron pour confectionner du métal. En tant que mineur, nous pouvons fournir les forges avec ce que nous trouvons, alors je pense que notre tâche dans ce bordel est déjà toute tracée.

Perplexe, mon frère me jette alors un regard en coin, peu convaincu. En soit, cela ne change pas beaucoup de notre routine quotidienne, nous avions déjà l’habitude d’aller vendre nos minerais aux forges environnantes une fois nos trouvailles bien nettoyées. Je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus pour apporter mon aide aux autres, car il est hors de question que je reste là les bras croisés tandis que les autres se démène pour construire une statue. Je n’ai pas encore bien compris l’utilité de celle-ci, mais si tout le monde est motivé, alors je le suis aussi.

- Quoi ? Chercher du métal ne te suffit plus ? Qu’est-ce que tu veux faire de plus ? Aller chercher du bois peut-être ?

Fidèle à mes habitudes, je confronte mon cadet qui se contente de rester silencieux.

- William, je te rappelle que tu es un fils de mineur, comme je le suis aussi. Notre destin est de creuser sous terre, loin des rayons du soleil. Je ne vois pas en quoi tu voudrais te reconvertir juste pour essayer d’honorer les dieux.

Autour de nous, les discussions reprennent un peu partout dans la foule et chacun semble établir sa propre stratégie pour essayer d’être le plus productif possible. Il nous ait demandé de faire au plus vite pour rapporter les matériaux nécessaires à la construction, alors les villageois ne vont pas trainer. Ou du moins, ils vont faire de leur mieux. Dans mon cas, je pense que je vais simplement reprendre mon rythme de travail habituel et me rendre à la mine tous les jours avec Escroco, tant pis si je récolte moins que d’autres. J’aurais bien aimé transformer cette guerre en une grande compétition, mais je suis aussi réaliste et je sais que je n’ai pas les équipements qu’il faut pour extraire de gros minerais. La compétition serait perdue d’avance pour moi.

Décidément, je ne sais pas du tout ce qui peut bien tracasser mon frère. Jusque là, il semblait avoir accepté son destin en tant que mineur, bien que le fait de creuser ne l’ait jamais vraiment excité plus que ça. Il n’a jamais démontré la moindre joie à l’idée de creuser et de remplir un charriot de toutes ces trouvailles, mais il a toujours fait ce qu’on lui dit de faire sans rechigner. Il est clairement le mouton noir de la famille. En soit, le fait d’être mineur n’est surement pas le meilleur boulot qui existe, mais c’est hélas tout ce que nous savons faire dans la famille. C’est un honneur pour moi de reprendre le flambeau de mes parents, comme c’est aussi le cas de mes frères ainés, mais pour William, c’est différent. Peut-être voit-il une chance de tester autre chose avec cette course à la statue.

- Bon... il vaudrait peut-être mieux rentrer. J’avais l’intention d’aller miner, mais je crois que père voudra nous parler de ce qui vient de se passer avant de nous laisser aller à notre guise.

Et puis, ça ne serait pas la mort si je prenais exceptionnellement un jour de congé, pas après ce qui vient de nous tomber sur la tête. Après tout, je ne serais pas étonnée que les adultes élaborent un plan pour rendre la récolte et la production plus aisée, donc il vaut mieux attendre les instructions avant de faire n’importe quoi. Si je rapport du métal, c’est pour qu’il serve à la statue et rien d’autre, pas pour qu’il soit perdu dans le néant. Suite à mes dernières paroles, je commence lentement à bouger, Escroco toujours sur mes talons, mais je remarque que mon frère ne me suit pas. À peine ai-je le temps de le remarquer qu’il ouvre déjà la bouche en me voyant m’éloigner.

- Part devant, je te rejoindrai.
- Tu ne viens pas ?

Surprise, je me retourne vers lui, mais William ne me regarde pas. Au contraire, son regard est plutôt attiré vers quelque chose d’autre, soit un groupe d’hommes qui s’est amassé un peu plus loin, près de la taverne. Ceux-ci semblent êtres plongés dans une importante discussion et il est évident qu’ils sont en train de prévoir leurs actions pour aider au mieux les autres villageois. Dans le groupe, je reconnais rapidement un visage familier puisqu’il s’agit d’un ami proche de notre père, mais les autres ne me disent rien. Je ne sais pas trop pourquoi nous les dévisageons comme ça, mais si William a envie de les rejoindre, ce n’est pas moi qui l’en empêcherais.

- D’accord, fait comme tu veux.

Résignée, je reprends ma route pour rentrer à la maison. Malgré les apparences, je suis encore un peu bouleversée par les récents évènements et j’espère de tout cœur que cette statue saura être ne mesure de tirer notre révérence. Je ne veux pas entendre une autre famille pleurer la mort de leur nouveau-né, alors il vaut mieux que l’idée du chef fonctionne, même si cela semble farfelu. Il me tarde d’entendre les avis de mes autres frères ainsi que de mes parents, car si cela se trouve, ils auront des informations en plus à nous transmettre.