Chapitre 2 : Première mission éthologique — La Grotte Argentée

Je crois que je ne me rends pas encore bien compte de la tournure que la situation a prise il y a peu. Quelques jours en arrière, j'étais encore sur Irisia, chez mes parents, profitant de mes derniers moments de vacances avec Chantico, mon Héricendre. Mais à l'heure actuelle, je me trouve aux abords de la Grotte Argenté, sur les sentiers escarpés tout autour de ce monument troglodyte de Johto, la pierre angulaire de tout dresseur expert qui se respecte, un lieu recelant de pokémons puissants. C'est mon tout premier ordre de mission pour le compte de la celulle des éthologues de l'île de Puwaï, sur Alola. Effectivement, depuis que je vous en ai parlé, j'ai reçu la lettre en recommandé avec accusé de réception, le statut final de ma candidature pour devenir une membre honoraire du groupe internationale des éthologues. J'ai été accepté avec quelques compliments sur mon papier, mentionnant toutefois qu'il me faudrait encore plus d'expérience dans le domaine et visiter de nouvelles contrées de ma région pour réellement faire mes preuves. Mais il n'avait fallu qu'un simple entretien exceptionnel en visioconférence pour recueillir l'avis du jury de sélection des candidatures, et de pouvoir mettre la main sur toutes les modalités requises pour commencer le travail d'éthologie sur le terrain.

Pendant cet entretien, on m'avait fait part des risques que je pourrais possiblement rencontrés sur mon chemin : les terrains accidentés, les facéties de la météo, la présence d'une faune et d'une flore sauvage menaçante. Ils en ont profité également pour m'énoncer tout ce qu'il y avait de plus important pour mener à bien une mission éthologique en milieu naturel : s'assurer des provisions en nourriture, en pokéblocs, en eau et en matériel médical de premier secours. Ils n'ont pris qu'un court instant pour me rappeler que la différence entre un explorateur éthologue de terrain, et un éthologue laborantin, c'est la teneur en découverte et la qualité des observations : le laborantin va se baser sur des données provenant du terrain, pour ensuite les retranscrire sous forme de théories sur papier, qui deviendront toute la base des développements et des écrits empiriques consignés à même les plus grands manuels et encyclopédies du monde ; tandis que l'explorateur, lui, s'impliquera physiquement à la récolte de données de terrain, à l'élaboration des idées et des hypothèses de départ, tout en préparant le terrain pour commencer quelques récoltes de pistes ou de preuves pouvant aller dans le sens d'une problématique de départ, ou au contraire, participant à la déconstruction d'une préconception et aboutir à une nouvelle conclusion.

En résumé, cette visioconférence avait été faite pour me faire part du b.a.-ba de la branche, des points importants à garder en tête en toute circonstance, et de s'assurer que lia nouveau collègue ne se lançait pas à l'aveugle, au petit bonheur la chance, sans prendre en considération tous les aléas qui pourraient se présenter à ellui. Mais cette entrevue avait également servie de raison pour me faire part de ma toute première mission de terrain, celle qui mènerait sur le sentier de la Grotte Argentée, autrefois appelée Mont Argent, en référence à l'aspect presque grisée de la neige qui se trouve au plus proche de son sommet. Cette exploration serait un préambule d'un début de recherche éthologique sur la population pokémon gravitant autour du lieu d'importance notoire pour la région de Johto, et comment ils se sont adaptés à la faune locale de très haut niveau, risquant à tout moment de souffrir du rapport de domination naturelle entre les espèces. Le côté humain ne serait cependant pas de l'intrigue éthologique, le lieu étant dépourvu de construction humaine, si l'on exceptait les modifications topologiques intra-muros de la grotte en elle-même.

- Ajoraaaaaaa ! Attends-mwouaaaaaa ! hurle une voix au loin.
- Oh c'est toi Capucine ?! réponds-je aussi fortement.

Pour cette première exploration officielle, et comme je le lui avais promis à Floraville lors de l'évènement du printemps dernier, je suis accompagnée de ma nouvelle amie, Capucine de Fortemps. Un charmant brin de jeune femme, dans les alentours de mon âge, peut-être même un peu plus jeune ? C'est son apparence physique naturelle qui fait que je me pose toujours la question, elle qui est toute pimpante, pétillante d'énergie et d'un optimisme contagieux qui conserve des rides d'expressions négatives. Sa présence ici n'est pas qu'un heureux hasard, elle m'avait expressément fait la remarque qu'elle voulait elle-même devenir une grande dresseuse pokémon. Et que pour parfaire ses connaissances de ces créatures, et dans le but mieux les comprendre pour pouvoir en tirer le meilleur des partis en combat, elle ne pouvait pas se refuser à m'accompagner dans ma quête de découvrir les routes de tout Johto. D'y faire des recherches et autres découvertes toutes plus originales qu'abracadabrantesques les unes que les autres.

Qui sait, peut-être même qu'elle pourrait capturer des spécimens rares qu'elle n'aurait jamais pu apercevoir si elle avait été sur les chemins par elle-même, sans toutes les compétences requises pour pouvoir s'aventurer en milieu hostile, ou en le sein d'endroits escarpés, tortueux ou difficiles d'accès. Tout de même, sa comparse pokémon avait de quoi mettre tout le monde d'accord en termes de puissance et de charisme. Halicarnasse, son Emplifor femelle, a tout du Pokémon plante combattif : des lianes puissantes, un sens de l'odorat développé - malgré son énorme bouche florale située au-dessus de son corps principal - lui permettant de détecter la position de ses ennemis ainsi que de ses alliés. Et une capacité étonnante à pouvoir libérer des spores de compositions diverses et variées, pouvant entrainer bon nombre d'altérations d'états bien encombrantes, tel que le sommeil, le paralysie partielle, l'empoisonnement graduel ou encore le brouillage des sens et des phéromones, charmant les pauvres victimes vers leur propre défaite.



Ainsi donc nous étions réunies, toutes les deux, pour un duo qui pouvait s'apparenter à du « Girl Power » dans le jargon de toutes les femmes émancipées et égéries des nouveaux grands courants de pensée sociétales. A nous deux, nous n'aurions pas trop de difficultés à commencer nos recherches autour de la Grotte Argentée. Il n'y a pas tant de diversité floristique et faunistique, donc on en ferait certainement le tour assez rapidement. Mais notre mission était surtout dans les détails : être à l'affût de la moindre anomalie dans le paysage, de la moindre observation quelque peu inhabituelle parmi le peuple pokémon, floral, sylvestre, rocheux ou encore aqueux, si tant était qu'un cours d'eau pouvait s'y trouver.

Avant même de pouvoir ouvrir le bal de l'exploration, je fais moi-même appel à deux autres Pokémons - en plus de Chantico, mon inséparable Héricendre femelle - de mon équipe, qui seront, je le pense très sincèrement, utile à cette première exploration officielle en tant qu'éthologue. Tout d'abord, Pili, cette détonante Embrylex qui n'a pas froid aux yeux et qui ne recule devant aucun obstacle malgré sa toute petite stature, que j'avais reçue d'un échange interrégional par assistance technologique de transfert dématérialisé. Et puis il y a également Cocijo, un Élekid tout à fait brillant, mais quelque peu survolté en énergie, lui aussi issu d'un échange par voie de la technologique de ces ordinateurs et ces machines de transferts dans les centres pokémons de la région. Et pour marquer l'introduction de cette aventure, j'ouvre mon carnet, et je gratte avec l'assistance de Capucine, quelques mots d'intronisation à nos recherches éthologiques.

L'angle d'attaque pour commencer cette exploration est donc clair, net et précis : scanner les environs, récolter des échantillons végétaux, minéraux, poussiéreux, des fruits qu'ils soient entiers ou partiellement consommés. A vrai dire, tout élément du décor pouvant nous amener sur un début de piste de résolution au problème initialement posé par la cellule éthologique de l'île de Puwaï : comment expliquer la faible influence des constructions humaines ou des passages humains dans cette partie de la région. Pour commencer, j'ordonne à mes trois compagnons, mon Héricendre mon Élekid et mon Embrylex de quadriller trois zones distinctes de leur position respective. Étant maintenant habitués à savoir ce que je veux précisément dans un cas comme celui-là, les trois Pokémons s'exécutent et partent chacun vers un point cardinal. Quant à moi, j'intime Capucine à me suivre, nous allons couvrir la dernière zone, à savoir celle revenant sur nos pas, sur le sentier même d'accès aux alentours de la Grotte Argentée.

- Dis Ajora, tu penses trouver quoi exactement ? questionne Capucine, un peu penaude.
- Pour te dire franchement, le contenu de cette exploration est tellement vague, que je ne serais pas étonnée de trouver tout et n'importe quoi. lui réponds-je tout aussi fébrilement.
- Eh bah on en fait un beau de duo de bras cassées...
- Pffeuh ! Parle pour toi, miss boulette !
- Comment oooooooo~oses-tu te servir de ma maladresse contre moi ?! s'indigne la rouquine. Jamais je n'accepterai que tu m'appelles comme ç-ççççççaaaaaaaa *bonk*
- Tu vois ce que je te disais ? Une vraie miss bou- … attends, c'est quoi ça ?


Dans sa chute malencontreuse, Capucine vient de dénicher une brindille de bois provenant d'un arbre que je ne reconnais pas immédiatement. Plutôt souple, encore fraiche, elle doit être tombée depuis peu. Était-ce un signe d'une activité quelconque dans le coin ? Je n'en suis pas certaine. Mais ce qui me fait légèrement me poser des questions, c'est que je ne vois aucun arbre devant nous, ou du moins, sur le sentier plus en arrière. La démarcation entre le paysage pédestre et celui plus fourni proche de la grotte est si prononcée que cela ? Il y a comme quelque chose qui ne va pas dans cette découverte. Un si petit bout de végétation sylvestre, en plein coeur d'un paysage de graviers et de pelouse.

- Fichu nid-de-poule ! Qui est l'idiot qui a eu la riche idée de vouloir creuser par ici ?! vocifère Capucine.
- Mais oui c'est ça ! Capu ! T'es trop forte ! la congratulé-je alors, galvanisée par une découverte cruciale.
- Hein ? Quoi ? Qu'est-ce que… Ahem ! se racle-t-elle la gorge. Bien sûûûûûûûûûû~ur que je suis une génie ! Que crois-tu, mam'zelle parfaite… prononce-t-elle en tirant la langue.
- Oui, bon, d'accord… tu es très maligne quand tu le veux. lui accordé-je par dépit en levant les yeux en l'air.


Non seulement sa maladresse quotidienne l'a mise sur un élément du décor totalement incongru et inexplicablement présent, mais elle a également émis l'hypothèse la plus vraisemblable pouvant expliquer une telle différence de topologie entre le sentier menant à la Grotte Argentée et son extérieur immédiat. Il est possible que, par ce trou dans le sol, que l'Homme ait tenté de faire quelques excavations dans le paysage, afin de rendre le sentier plus praticable. Cela aurait eu pour effet de fluidifier le cheminement vers la montagne la plus haute de Johto, mais cela aurait également pu densifier les passages, à pied comme en véhicule, de la population anthropomorphe.

Mais alors. Pour quelle raison s'être arrêter en si bon chemin ? Pourquoi ne pas avoir tenter de rallonger ce sentier plus haut en direction du paysage montagneux ? Faute de moyens ? De temps ? De conditions météorologiques ? Mince... encore plus de questions que de réponses ne se cumulent dans ma tête. Il va falloir tirer ça au clair.

En revenant sur nos pas, Capucine et moi observons de plus en plus de traces de passages dans le sol graveleux. Des cratères de tailles différentes signifiant une insistance dans le cheminement et dans la trajectoire adoptée pour évoluer sur ce sentier. Le temps et les aléas de la météo font que ces traces ne sont pas identifiables à première vue, mais la profondeur et la largeur de ces dernières permettent d'écarter de nombreuses espèces animales, dont l'Homme. Trop profondes pour être du règne des félins. Trop larges pour être représentatives du règne des oiseaux. Trop sèches dans la qualité du sous-sol immédiat pour orienter sur une ère amphibienne. Il ne reste alors que très peu d'option, et celles-ci orientent soit vers une présence reptilienne de grande envergure, ou alors, une catégorie mammalienne que l'on oublie assez souvent, les pachydermes. Cela dit, on ne sous-estime que trop souvent la force d'empreinte de la race bovine de gros gabarit, alors je garde également cette piste en tête.

Toutefois, ces cratères n'apparaissent pas seuls. La plupart du temps, on peut observer quelques jeunes pousses herbeuses, comme si de l'eau avait été apportée de par les jours, les mois et les années de traversées constantes du paysage. Là aussi, tout dépend de la qualité des graines, des pollens ou des germes tractés dans le mouvement de l'espèce en question, mais une fois de plus, l'aspect plutôt sporadique et irréguliers de ces touffes herbeux indique que le responsable de cette végétalisation capricieuse doit avant tout posséder un physique imposant, s'étalant autant sur la hauteur que sur la longueur. Ce qui exclue donc la plupart des amphibiens. Ne restent donc plus que les reptiles, les pachydermes et les bovins de grande stature. Capucine ne semble pas comprendre l'importance de ces quelques détails.


- Ajo. m'interpelle-t-elle. Pourquoi est-ce que tu te focalises sur de minuscules éléments du décor plutôt que de partir à la recherche de la faune cible directement ?
- Ton raisonnement pourrait tenir, Capucine. confirmé-je. A la seule condition que nous sachions déjà le type de spécimens qui nous entoure. Hors là, nous ne savons rien ni de la population animale et ou Pokémon, ni de toutes les modifications de terrain pour comprendre le processus de désertisation du site. achèvé-je.
- Ça me parait tellement être comme une perte de temps monumentale...
- On appelle ça de l'impatience ma chère, hé hé ! plaisanté-je. Mais plus sérieusement, reprends-je avec sérieux, c'est là toute la différence entre un explorateur lambda, en quête de découvertes mineures pour alimenter un album photo récréatif, et un explorateur éthologue, qui se doit de se focaliser sur toutes les traces et les interactions possibles entre la nature et ses occupants. démontré-je.
- Mais dans quel but ? s'interroge Capucine.
- Du point de vue pratique de la profession, pour en déduire des schémas comportementaux de la part de l'humain comme de l'animal, mais aussi, pour expliquer les raisons principales de certains mouvements de population et des modifications sous-jacentes du paysage. justifie-je. Je suis prête à parier que si la faune locale n'était pas aussi hostile et intimidante, l'humain n'aurait eu aucun mal à se développer le long de ce sentier, et d'en faire un lieu hautement touristique comme le Lac Colère par exemple.
- Le Lac Colère tu dis ?
- Exactement ! enchainé-je. Si l'homme n'avait pas exploité l'aspect finie, bordurée et manipulable de cette étendue d'eau au contact d'une forêt dense et grouillante, argumenté-je avec conviction, alors nous ne pourrions pas le visiter aussi sereinement, et la population de pokémons insectes se serait probablement imposée en tant qu'espèce souveraine en tandem du règne des Léviator présente dans les eaux du lac.
- Oh je vois ! réagit la rousse. L'équilibre entre les espèces peut être parfois possible grâce à l'intervention d'une tierce présence, rajoutée, ubiquiste.
- Je te demande pardon ? Ubiquiste ? sourcillé-je.
- Baaaaaa~ah, qui est répandue dans le monde entier, non ? Ça ne veut pas dire ça ? doute Capucine.
- Si si. Tu as raison. reviens-je à mes sens. Je suis étonnée que tu connaisses ce mot si spécifique au domaine de l'éthologie.
- Preuve que je suis un génie, non ? Bleeee~eh ! me provoque-t-elle en tirant la langue.

Outre ses traits d'humour, l'addition de la présence de Capucine à mes côtés est d'une fraicheur incomparable. Être seule avec Chantico, ainsi que de mes nouveaux compagnons, c'est chouette tout autant, mais il y a ces fois où je préfère m'entretenir avec une autre personne, humaine, plutôt que de me faire la conversation en tête à tête avec moi-même, m'inventant pseudo-interprète avec mes compagnons. Là au moins, j'ai de la répartie en retour, il y a de l'humour tordant et cynique, il y a une amitié évidente qui passe aux travers de nos conversations. Elle et moi, on se comprend, on se complète et on s'apprécie pour nos différences, nos forces, nos qualités et nos faiblesses. Ce qui fait de notre connexion un lien insolite, c'est que nous ne sommes pas du même milieu elle et moi. Capucine de Fortemps, issue d'une riche famille de la région d'Hoenn. Moi, une simple citadine d'Irisia, née d'une famille modeste. Et pourtant, nous sommes habitées de la même simplicité de vie, de la même envie de se révéler au monde et de se faire un nom par nous-mêmes, avec la force de nos convictions et de nos exploits. Elle, s'illustrerait en tant que dresseuse pure, future championne d'une élite de combat ; moi, je m'illustrerais sur la voie de l'exploration, pour entrer dans l'histoire des documents, des traces sur papiers ou supports numériques.

Alors que je flâne encore dans mes pensées, un grondement se fait sentir sur le côté, dans les fourrées situées à l'orée de la partie latérale, plus touffue et plus sombre, de la forêt bordant le chemin menant aux abords de la Grotte Argentée. Je ne saisis pas réellement la mélodie sombre et sourde de cet espèce de râle. Tout comme je ne perçois aucune silhouette dans les environs immédiats du chemin où nous nous trouvons Capucine et moi. Et pourtant, je sens que nous sommes observées. Jaugées sur la distance. Évaluées sur nos mouvements et nos intentions inconscientes. Puis un nouveau râle, cette fois-ci beaucoup plus facile à l'audition, légèrement plus aigu que le précédent. Puis une légère secousse tellurique. Puis un bruissement aérien parcourant les branchages et les feuillages de la végétation arboricole à proximité. Un nouveau râle maintenant, accompagné d'un nouveau tremblement léger de la terre. Cette présence qui nous cloue sur place Capucine et moi, semble se rapprocher, indubitablement, inexorablement.

- Ajoooo~o ? Dis-moi qu'on est en sécuritéééééé~é ? s'inquiète Capucine, les yeux remplis de peur, le sourire crispé.
- Désolé Capucine, j'aimerais te confirmer cette réponse, mais ça ne me dit rien qui vaille. annoncé-je dans un léger stress.
- Mais on fait bien de rester sur le sentier au moins ? Hein ? Diiiiii~is ! insiste la rouquine.

Si seulement j'étais doué de clairvoyance et d'extralucidité, alors je pourrais la rassurer au mieux, tout en identifiant la source du bruit et des secousses. Hélas, je ne peux qu'assister, tout comme elle, impuissante au spectacle malaisant qui se trame dans cette masse sylvestre sombre. Et inlassablement, alors que je tente de maitriser ma respiration, de déglutir sans trop de précipitation ma salive en abondance dans ma bouche, sous le coup d'une montée d'adrénaline improbable, le bruit se rapproche. Les petites secousses se multiplient. La mélodie qui s’élève des bois s'intensifie. Nous aurions pu nous enfuir depuis belle lurette, mais la peur nous paralyse sur place. Et instinctivement, je me rappelle des dires de Rurha, à Célestia, en lien avec la dangerosité d'une situation si tant était que je n'étais pas prête pour la mener à bien. Suis-je déjà dans une situation périlleuse, de laquelle je ne me sortirais pas à indemne ? Quelques secondes encore, et je vais découvrir l'objet de ma torpeur physique.



Mais d'un coup d'un seul, les secousses s'arrêtent nettes. Le râle s'est éteint. Les feuillages tout proche de nous se stabilisent dans leur mouvement. Sommes nous tirées d'affaire ? Avons-nous échapper au pire ? Le prédateur embusqué aura trouvé un autre sujet d'attention en cours de route ? Je lâche un soupir de soulagement presque malgré moi, accompagnée par Capucine qui fait de même. Mais cette dernière pousse alors un cri strident tandis que le bosquet situé juste derrière commence à bouger de plus belle. Des yeux semblent apparaitre de depuis les hautes herbes en bordure du chemin. Puis le retour des secousses. Et enfin... le moment le plus absurde de l'histoire de l'exploration. Nous assistons, bouches bée, idiotes et circonspectes, à l'apparition d'un... trio de Phanpy ?

- Vraimeeeeeeeeeeeeeeeeeee~ent ?! s'exclame Capucine. Vous m'avez fait peur les gars ! C'est pas coooooooo~ol !
- Pwouaaaaaaa~ah ! soufflé-je de tous mes poumons. Un peu plus et je faisais un arrêt ! Ha ha ha ! ricané-je alors, me rendant compte du ridicule de la situation. Tout ça pour ça, ha ha ha !
- Arrête Ajo ! C'est pas marrant ! On aurait pu moins bien s'en sortir ! rappelle la rousse.
- Oui tu as raison. acquiescé-je. Bien, revenons à notre découverte du jour.

Si Capucine n'était pas ravie de s'être fait prendre au piège de l'intimidation d'un groupe de trois Phanpy, je n'en étais pas moins étonnée du pouvoir de persuasion de ces petits Pokémons éléphanteaux. Malgré leur petite taille d'à peine un demi-mètre, leur poids généreux d'une bonne trentaine de kilogrammes à première vue, au bas mot, fait toute la différence lorsqu'il s'agit de se déplacer en bande organisée. Les pachydermes non-évolués sont très souvent en harde, afin de se déplacer avec plus de sureté, notamment pour ce qui est de ratisser les environs hostiles et les lieux peu sujets au passage de différentes espèces, dont celle des humains. au final, on ne peut pas leur en vouloir de protéger leur territoire, ni de tenter l'intimidation pour faire fuir certains prédateurs non-avertis de leur présence. Après tout, nous faisons pareil, en inventant des pièges toujours plus sophistiqués, en bâtissant des infrastructures toujours plus imposantes tels des monstres de pierre et de ciment, de fer et d'acier parfois.

Mais ce qui reste intéressant pour cette exploration, c'est que, de facto, et par extension subtile, on peut aisément se dire qu'un groupe de Donphan se trouve non loin des petits, ce qui peut également expliquer le faible taux d'apparition des humains dans la zone de la Grotte Argentée. Un tel spécimen de Pokémon inspire le respect et la force, et bien évidemment que personne n'a envie d'être la victime d'un piétinement groupé d'éléphants de mauvaise humeur. Cela mérite tout de même une petite écriture dans mon carnet.

Fortes de cette observation et de cette première découverte, nous décidons Capucine et moi de reprendre notre exploration, en prenant cette fois-ci le chemin emprunté par Cocijo, mon Élekid téméraire et plein d'énergie. Histoire de voir où il en était, et ce qu'il avait pu découvrir des lieux. Cependant, un bruit persistant et semblant nous suivre, se fait remarquer derrière ma comparse rouquine. Nous nous arrêtons.

- Capucine. dis-je en jetant un bref coup d’œil dans ma vision périphérique droite, pour voir ce dont il s'agit. Ne te retourne pas tout de suite, mais je crois que l'un des Phanpy nous suit.
- C'est vrai ? répond-elle avec un questionnement trahissant une joie palpable. Trop mignooooooo~on !
- Tu crois qu'on fait comme si de rien n'était et on continue notre chemin ?
- Je meurs d'envie de me retourner et de lui faire un câlin ! trépigne-t-elle sur place. Mais je pense que tu as raison Ajo'. Faisons mine de ne pas l'avoir vu, et voyons jusqu'où il décide de nous suivre.
- Pourquoi j'ai l'impression que cette situation t'enchante plus qu'il n'y parait ?
- Parce que ce Phanpy est trop chouuuuuuu~u !

Sur ces entrefaites, notre duo d'exploratrice sur leur première mission continue d'avancer sur la route nous ramenant vers la Grotte Argentée, mais légèrement plus à l'Ouest. Le terrain semble également boisé, à la manière de la zone des pachydermes pokémons. Soucieuse de savoir si mon partenaire s'en sort, je crispe légèrement ma mâchoire, et manque de me mordre la lèvre inférieure. Non pas que je suis extrêmement inquiète, mais je suis plutôt dans l'appréhension de savoir si oui ou non cette boule électrique est capable de se comporter en explorateur, et non comme un Pokémon semi-sauvage débordant d'énergie. Ah oui, sans compter la présence du petit éléphanteau rencontré précédemment qui se fait l'ombre de nos pas. Quelque chose me dit que c'est ma partenaire à la chevelure de feu qui risque de très vite adopter un comportement autre que celui d'exploratrice...

Nous parvenons à rejoindre le secteur de recherche de mon petit Cocijo, ce charmant Élekid adopté il y a peu via un réseau d'échange interrégional. Son ancien propriétaire semblait ne pas avoir réussi à lui trouver une place de choix dans son équipe ni dans son quotidien, alors plutôt que de l'abandonner lâchement, il a préféré le donner à quiconque montrait le sérieux et l'envie nécessaire pour s'en octroyer la compagnie. Apparemment, nous n'étions pas foule à vouloir se targuer d'une telle présence, mais toujours fut-il que mes références ont plu à l'ancien dresseur de Cocijo, faisant de moi l'heureuse bénéficiaire de cette petite boule d'électricité, dont l’énergie à revendre est parfaite pour notre passion désormais commune de l'exploration éthologique. Son infatigable endurance, sa témérité et son opiniâtreté à vouloir aller jusqu'au bout de sa mission, font de ce partenaire pokémon un véritable atout. Avec lui, je me sens forte d'un renfort en plus de Chantico, et en combinant sa force brute avec la finesse stable de Pili, mon Embrylex, je peux enfin élargir mes zones de recherches, sans avoir à demander trop d'efforts à mon Héricendre, ni sans avoir à fatiguer le regard clairvoyant d'Ehecatl mon Hoothoot, ni sans avoir à use de trop d'ultrasons provenant de Camazotz mon compagnon Nosférapti.

Arrivées à sa hauteur, toujours accompagnées non plus de un mais de deux Phanpy au final, nous ne mettons pas trop de temps à réagir aux trouvailles de mon partenaire de type électrik. Il tient dans l'une de ses petites pognes, une sorte de plumes d'oiseau, de couleur noire, jaune et rouge par endroits. Simon Élektek semble ne pas comprendre la raison d'une telle présence volatile, c'est sans doute car il ne connait pas l'espèce en question dont provient cet échantillon de plumage. Si mes observations sont bonnes, il doit s'agir d'un bout d'aile de Natu, un petit Pokémon oiseau de type vol ainsi que de type psy. Je ne fais pas montre de comprendre le pourquoi du comment de cette présence, mais intérieurement, je bous déjà d'envie de consigner ma nouvelle observation concernant l'une des raisons pour lesquelles les hommes ne s'aventurent plus dans ce coin montagneux de la région johtokantonnaise.

Une fois consignée dans mon carnet, l'idée d'une population pokémon œuvrant pour la préservation du territoire et pour réguler les allées et venues des humains me parait de plus en plus véritable. Déjà que la présence de Phanpy et de Donphan tend à démontrer qu'il y a très nettement un enjeu territorial d'occupation, mais il se pourrait même que toutes ces populations pokémons soient également en lutte permanente pour leur liberté de mouvement, ce qui placerait l'Homme au sein d'un conflit binaire, voire peut-être triangulaire ? Cette théorie me semble vraiment plausible, mais je n'ai pas encore toutes les cartes en main pour attester d'une quelconque conclusion pouvant osciller dans ce sens. Peut-être aurai-je plus de chances du côté de Pili, mon Embrylex, parti dans la direction opposée à celle de Cocijo plus tôt ? Je fais d'ailleurs signe à Capucine et mon petit compagnon électrique de m'accompagner, et leur signifie que nous levions le camp en direction de notre petit ami de type roche et sol, un atout de choc là aussi pour les explorations en milieu montagneux, troglodytes et même pour du travail d'excavation.

Les Phanpy ? Pour le plus grand bonheur non dissimulé de Capucine, ils décident eux aussi de changer de cap, et continuent de nous suivre à la trace. Décidément, ces éléphanteaux sont plein de surprises, et je ne saurai dire s'il s'agit d'un running gag en cours, ou s'ils nourrissent d'autres projets nous concernant. seraient-ils des observateurs, pour s'assurer que nous ne donnions pas l'avantage à une espèce pokémon aux dépends de la leur ?