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jour du passage dans la faille.

Tu ne te souviens que de cette lueur. Une explosion de lumière se produisant trop proche de toi que pour qu'elle ne vienne pas te brûler les rétines. Pourtant, aucun signal de douleur n'agite les récepteurs dans ton cerveau. Lorsque tes yeux s'ouvrent, ils se trouvent libre d'observer le bleu profond d'un ciel nocturne. Cette lumière avait été bleu, elle aussi. Etrange et dégageant une énergie phénoménale. Un dresseur plus compétent que toi aurait peut-être pu lui donner un sens plus clair. Car il n'existe réalistiquement qu'une seule explication pour justifier l'existence d'un tel phénomène : l'intervention d'un Pokémon. Certains d'entre vous - et tu en avais fait longtemps partie - se plaisaient à oublier à quel point ceux-ci jouaient avec les fils de l'existence humaine, mais il en fallait peu pour se rappeler que, malgré tous les efforts de l'Humanité pour les contenir, certaines de ces créatures restaient, et resteraient sans doute pour toujours, indomptables. Tu avais beau ne pas être idiote, tu n'avais compris tout cela que trop tard. Le voile se désagrège progressivement dans ta mémoire et tu te remémores la peur primale qu'est celle de mourir et l'impression de subir soudainement l'attraction d'une gravité nouvelle. Tes pieds en avaient perdu contact avec le sol et il y avait eu cette agitation dans ton estomac, comme si tu avais effectué une culbute trop brutale que pour que ton corps puisse s'y faire naturellement.

« Et après ? »

Tu te murmures à toi-même, confuse. Rien d'autre ne te vient. Tu ne peux que te raccrocher au présent.

Tu ressens un peu d'appréhension quand tu commences à bouger. Tu esquisses chaque mouvement avec lenteur, concentrée sur la moindre contraction de tes muscles. Ton corps ne semble pourtant pas affecté par ce qu'il a vécu, qu'importe ce qu'il se soit réellement passé. Tu finis par te redresser dans une position assisse, toujours aussi doucement pour éviter que ta tête n'en vienne à tourner. Tu te sens bien. Pas réellement confortable vu que tu avais été allongée à même l'herbe pendant tout ce temps, mais tes péripéties involontaires ne t'avaient pas laissé de séquelles. A l'exception d'un peu de saletés, même tes vêtements s'en étaient sorti sans mal. Tu les époussettes par réflexe lorsque tu te met enfin debout, tes yeux scrutant une obscurité étrangement peu dérangeante. Bien que la seule source de lumière provienne de la lune, les alentours te paraissaient assez clairs. C'est bien différent de l'impression désagréable et un peu anxiogène que tu avais pu ressentir par le passé quand tu t'étais retrouvée à l'extérieur durant la nuit, éloignée de la plupart des pollutions lumineuses. Cela ne signifie pas que tu sens particulièrement rassurée en ce moment, mais la nouveauté de ce qui t'est arrivé prends encore trop de place et ton cerveau semble peiner à traiter le surplus d'informations. Plutôt que de t'attirer vers une spirale infernale, cela te laisse flotter entre les émotions, la curiosité sur ta situation prenant le dessus.

Il y a aussi le fait que tout ceci semble bien irréel. Cela aide, sans l'ombre d'un doute. Comment pourrais-tu envisager ce qui est réellement en train de t'arriver, quelques instants après ton réveil, quand tant d'explications plus logiques se bousculent au portillon ?

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Faire le premier pas est toujours le plus difficile. Tu le sais désormais. Tu commences à avoir de l'expérience en la matière et, même si cela n'en devient pas réellement facile, appliquer une décision prise te prends moins de temps à chaque fois. Cela reste un peu différent ici, quand tu as si peu de réponses et de plus en plus de questions se bousculant dans ta tête, mais tu ne peux pas rester statique éternellement. Il y a beau ne pas avoir de danger apparent aux alentours, il fait nuit et tu te tiens au milieu d'une plaine. Raison pour laquelle tu peines un peu à te mettre en route, faute d'une direction à prendre. C'est ce qui finalement te pousse à partir dans un sens sans réelle raison. A moins qu'il ne s'agisse d'une question d'instinct ? Tu n'en sais trop rien. Tu le sauras peut-être plus tard, bien qu'il restera toujours la possibilité d'un simple coup de chance si jamais ton choix s'avère positif.

Tu ne marches pas longtemps avant de marquer un arrêt brusque. Tu portes tes vêtements, mais ton sac a disparu et tes Pokéballs avec lui. Par réflexe, tu lances un regard en arrière, vers l'endroit où tu t'étais arrêté. Tu es tentée de faire demi-tour avant d'abandonner l'idée. Tu n'avais rien vu autour de toi, tu en es sûre.

« Allen ! »

Un sursaut t'agite. Sa ball était dans la poche de ta veste, mais, tu as beau fouiller, rien. Tu n'as aucun objet superflu. Ni ton téléphone, ni ton portefeuille, même le bracelet entourant normalement ton poignet n'est plus là.

L'angoisse se loge dans ta gorge, rendant ta respiration difficile et te demandant un effort supplémentaire pour déglutir. La sensation n'est que trop familière.

« Non, non, non. C'est pas logique. Je dois être en train de rêver. »

C'est la seule explication. Il y a trop d'incohérences pour que la situation puisse coller à la réalité. De détails qui s'additionnent mal. Pourquoi te laisser tes vêtements, mais te retirer ton sac, la ball d'allen, et même ton bracelet. Oui, cela doit être la clé. Tu te trouves dans un rêve un peu trop réaliste et tu remarques particulièrement l'absence du bijou à cause de sa signification. Ton inconscient doit chercher à te faire passer un message.

« A moins que ce ne soit l'œuvre d'un Pokémon qui manipule les songes ? »

Voilà une explication plus cohérente. Les espèces jouant des tours aux humains durant leur sommeil ne manquent pas. Tu as lu des légendes urbaines à ce sujet, mais aussi des études scientifiques.

« Tout va bien, il y a toujours un échappatoire dans les rêves. »

Cela t'aide à relativiser et tu te remet en route. Ta destination t'est toujours inconnue, mais marcher force ton esprit à se concentrer en partie sur d'autres choses. Les questions sont toujours là, la peur aussi, mais tu reflues tout. Tu peux au moins le faire jusqu'à ce que tes jambes ne soient plus capables d'avancer ou qu'une bonne raison ne vienne les arrêter.

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Tu marches. Longtemps. Tes pauses sont toujours courtes, prises assisse dans l'herbe, car tu crains de ne pas réussir à te remettre en route si tu te laisses trop de temps à tes muscles de se refroidir. Tu évites aussi de laisser tes pensées fuser comme tu avais pu le faire un peu plus tôt. Tu te forces à penser à chaque pas que tu prends, les yeux toujours rivés vers l'horizon. Être aussi consciente de ton corps signifie aussi que tu t'attaches un peu trop à ses signaux les plus désagréables. Tu commences à avoir mal aux pieds, la semelle de tes baskets étant trop fine pour un tel trek sur un terrain sauvage. Tu n'as guère à te plaindre pourtant, la plaine a le mérite de ne pas te forcer à gravir des dénivelés. Néanmoins, l'herbe reste assez haute par endroits et cache des irrégularités au niveau du sol. A cause de cela, les faux pas sont communs et tes chevilles encaisses de mini-torsions à chaque fois que ton équilibre est menacé par une bosse ou un trou. La soif se rappelle aussi rapidement à toi. L'effort et le vent qui souffle sur cette zone sans être interrompu aggravent la sensation, te laissant déjà l'impression de ne plus avoir bu depuis des heures. Peut-être est-ce le cas. Tu ne peux en être certaine. Tu n'es pas très éduqué en tactiques de survie en milieu naturel, tu ne peux donc te reposer sur aucune compétence pour estimer le temps passant à l'aide des mouvements de la lune. Il y a aussi la question des moments passés dans l'inconscience. Tu n'as aucune information là-dessus. Ta seule certitude est que tu te rapproches progressivement de la fin de la nuit. Il fait plus sombre depuis ta dernière pause, d'une façon caractéristique à l'approche de l'aube. Cette connaissance, tu ne la dois qu'aux nombreuses reprises où tu avais été surprise à ne pas dormir dans les alentours de quatre heures du matin.

Tu ne sais que penser de cette notion de temps qui passe. Tu n'as jamais vécu un rêve où celui-ci s'écoulait d'une façon aussi cohérente. Habituellement, jour et nuit se succédaient, voire se chevauchaient, sans réelle logique. D'un autre côté, tu ne t'es jamais retrouvé dans un songe probablement manipulé par un Pokémon. Tu ne connais pas les règles dans ce cas-ci, ce qui te dérange profondément.

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L'épuisement te rattrape lorsque tu passes les fourrées d'une forêt aux arbres massifs qui constitue ton champ de vision depuis ton réveil. La plaine parait entourée de bois à l'exception d'une zone à l'ouest où le flanc d'une montagne est bien visible. Cette destination avait été facile à mettre de côté pour cette raison. Te rapprocher des bois avait beau ne pas être un réel choix dans ces conditions, tu avais tout de même trouvé plus rassurant de pouvoir compter sur un couvert dans un avenir proche. Le ciel avait beau être dénué de nuages, avec le vent qui soufflait, la pluie aurait pu vite arriver. Il y avait aussi la question de ne pas être une cible trop facile, plantée au milieu de rien. Tes chances de survie sont à peine plus élevées entre les troncs au vu de tes capacités, mais tu ne peux cracher sur aucune aide. Malgré cette rationalité à laquelle ton esprit continue de vouloir se rattacher, obstinée dans son idée de vivre un rêve, ton corps dicte des ordres différents. Tes décisions sont rapidement prises avec l'aide d'un instinct de survie qui rarement s'est exprimé jusqu'ici. Il se fait de plus en plus bruyant au fil du temps qui passe et tu te surprends à penser à tous les avantages que tu pourras trouver en restant sous les frondaisons. L'ombre aidera durant la journée et ne plus être fouettée par le vent te permettra de conserver tes forces. Il y a aussi la possibilité de trouver de quoi manger parmi la végétation, ainsi qu'un potentiel cours d'eau. Au vu de la taille de ce que tu reconnais désormais comme étant majoritairement des chênes, leurs racines doivent plonger loin sous terre pour absorber assez d'eau, mais cela ne veut pas dire que cette nature luxuriante n'est pas encouragée par une source jaillissant du sol. Cela vient avec le désavantage certain de devenir ainsi un terrain idéal pour les herbivores et, par extension, leurs prédateurs.

Toutes ces pensées se forment lentement, trop lentement sans doute. Il te faut un moment pour te rendre compte que tes pas se font de moins en moins nombreux, chaque mètre franchit tel un Sancoki perdu en environnement aride. Ce n'est pas tant que tu te rends à l'évidence, mais ton corps qui te lâche lorsque tu t'appuies à un arbre avant de te laisser glisser jusqu'au sol. La position ne devrait pas être confortable, pourtant tu te sens respirer un peu plus aisément pour la première fois depuis un bon moment. Tu as presque l'impression d'être contenue par les racines dans une étreinte rassurante. Lorsque tu t'endors, tu le fais bercée par le réveil des sous-bois environnants sous les premiers rayons du soleil.

Tu ne remarques pas les deux yeux sombres te scrutant depuis les feuillages d'un buisson proche, tes limites dépassées de trop loin pour qu'une quelconque conscience de ton environnement soit conservée.

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Le réveil se fait brutal. Un instant, tu es inconsciente, l'autre, tu as la sensation de jaillir hors de ton corps lorsque quelque chose de lourd te tombe sur les cuisses. Les yeux à peine ouverts, tu cherches à reculer, mais une masse solide se tient dans ton dos et tes membres sont entravés. Le début d'une crise d'angoisse gonfle dans ta poitrine quand une poigne qui s'accroche dans tes vêtements t'en arrache. Surprise, tu te fais tirer en avant, loin de tes entraves, mais directement contre un corps chaud. Et humain, tu constates lorsque tu te rattrapes à une épaule d'une main, l'autre se nouant autour d'un bras. Cette constatation n'est pas plus rassurante et un début de cri s'échappe de tes lèvres, tes poings fouettant l'air dans une défense pitoyable.

« Du calme ! »

Une voix ordonne. La gifle qui atteint ta joue est cinglante juste avant que tout support te soit arraché. Tu tombes au sol, choquée malgré des idées qui se forment de plus en plus clairement. Tu es toujours dans la forêt, mais il fait jour désormais. Face à toi se tient un jeune homme sans doute encore dans l'adolescence. Cela reste difficile à dire à cause de la rudesse de ses traits. Une cicatrice barre aussi sa joue et dépasse presque le pont de son nez. Ses cheveux sont longs et désordonnés, de nombreuses feuilles et branchettes accrochées dans des mèches brunes emmêlées.

« Bois. »

Il pousse du pied une sorte de poche en cuir jusqu'à ce qu'elle vienne te toucher le genou. Tu reconnais ce contact un peu flasque comme celui qui t'a arraché du sommeil. Il avait dû te jeter ce qui a tout d'une gourde datant d'un temps ancien. Malgré ta méfiance, tu ne te fais pas prier plus longtemps. Dormir a aggravé ta soif et ta bouche est toute parcheminée. Tu arraches le bouchon scellant la poche et tu fais de ton mieux pour faire couler le précieux liquide entre tes lèvres. La manipulation n'a rien de gracieuse et tu t'en vides une partie dans le cou, mais tes pensées sont ailleurs. Tu ne peux qu'apprécier d'enfin te désaltérer. Tu dois te forcer à ne pas trop boire d'un coup, ton corps montrant déjà les signes d'en avoir assez. T'arrêter reste dur, il faut que ta gorge se bloque dans un hoquet qui te lance dans une quinte de toux humide pour que tu laisses la gourde t'échapper des doigts, soigneusement récupérée par l'étranger.

« Quel est ton nom, Entre-monde ?
Sei-Seiloh.
De quelle couleur était la faille ?
Bleu.
Est-ce que tu l'as passé ?
N-non ? »

Tu réponds par réflexe dans un nouvel accès de toux qui te fait monter les larmes aux yeux. L'inconnu doit vouloir te garder en vie s'il t'a donné à boire. Tu raccroches à cette idée, peu désireuse de tenter ta chance en ne répondant pas à ses questions. Qu'importe que tu n'y comprennes pas grand chose.

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Cette dernière réponse lui arrache un sourire incompréhensible. Presque un rictus. Il prends le temps de fermer sa gourde et de l'accrocher à sa ceinture avant de te tendre la main. Tu remarques seulement à ce moment là, quand tes yeux remontent le long de ses jambes par la force des choses, qu'il est curieusement vêtu. On dirait le déguisement d'un homme d'un ancien temps. Un cosplay de très bonne qualité, certes, mais ses vêtements ne ressemblent en rien aux tiens. Tu ne parviens pas à identifier une époque. Des morceaux de cuir forment chaque pièce grâce à des coutures grossières et chaque bord se termine par de la fourrure. Les couleurs sont multiples dans un spectre de brun et de vert. Pour se fondre dans l'environnement, tu te prends à penser quand tu attrapes sa main. Sa paume est chaude et solide sous tes doigts. Réelle. Il te remet sur tes pieds et t'enjoins de le suivre, ce que tu fais, faute d'autre choix.

« Ouvre bien tes oreilles, j'ai pas envie de me répéter. »

Son ton est agacé, comme si il avait déjà eu à se répéter de nombreuses fois. Tu te forces à te concentrer sur ses paroles malgré ton envie de fixer le sol pour éviter tout obstacle. Fort heureusement, le terrain est relativement praticable et l'inconnu écarte les branches sur son chemin et les retient en attendant que tu passes, ce qui te facilite la tâche. Tu ne sais pas si il est bon de ressentir un tel sentiment de reconnaissance face à ce comportement quand il ne dégage rien de chaleureux, ni de volontairement charitable.

« La faille bleu que tu as vu était un appel de Dialga. Dans sa grande mansuétude, le Seigneur Giratina t'a sauvé en te faisant venir à lui. »

Les noms sont familiers, naturellement. Cela ne t'empêche pas d'avoir envie de rire en les entendant. Un réflexe qui aurait été sans doute plus nerveux qu'amusé. Tu as beau être perdue dans cette situation, cet adolescent ne peut qu'être en plein délire. Pourtant, il est difficile de te débarrasser de ce sentiment de malaise qui s'installe au creux de ton ventre. Aussi fou que cela soit, il parait convaincu. Plus que tout, il y a de la dévotion dans sa voix. Son respect pour Giratina n'est pas feint.

Tu ne dis rien, bien incapable de trouver quoi répliquer.

« Tu n'appartiens pas à ce monde et tu ne fais plus partie du tien. Ton âme est scellée entre les deux, auprès du Seigneur Giratina. »

As-tu été kidnappé par une secte ? Peut-être que cette lumière bleue n'a été qu'une hallucination ou un jeu de lumière, juste avant qu'un coup ne vienne te frapper à la tête. Il y a des options. Des Pokémon sans doute capables de manipuler tes souvenirs comme ils peuvent le faire avec les rêves.

Non.

Pourquoi cherches-tu une explication à toute cette histoire ? C'est un rêve. Juste un rêve dont tu n'arrives pas à sortir. Ton imagination doit simplement être plus prolifique que tu ne le pensais. Ton inconscient s'est fabriqué un scénario qu'il continue de dérouler car tu ne parviens pas à te réveiller.

« C'est du délire. »

Tu murmures enfin, t'arrêtant de suivre cette création de ton esprit. Il se retourne aussitôt en expulsant un fort soupir. Sa main se referme durement autour de ton poignet et il remonte ta manche avant que tu n'ais l'occasion de protester.

Trois protubérances noires sortent de ta peau à l'intérieur de ton avant-bras.

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On dirait des sortes de gemmes brillantes, parfaitement incrustées dans ton corps. Il n'y a pas de sang, pas de sensation particulière venant avec leur présence, un peu comme si elles avaient toujours été là. Tu te dégages vivement pour venir toucher toi-même les pierres. Elles sont lisses et un peu chaudes sous tes doigts. Quand tu essayes d'enfoncer les ongles là où elles disparaissent sous la peau, elles ne bougent pas. Tu finis juste par te faire saigner quand ta peau se perce sous l'insistance. Tu essayes de les pincer ensuite, de les presser, rien n'y fait.

« C'est bon, t'as fini ? »

L'adolescent interromps tes pensées confuses au bout d'un moment. Un peu avant que tu ne décides d'essayer de te mordre le bras dans une tentative paniquée pour te débarrasser de ces choses qui n'ont pas à être là.

« Il n'y a rien que tu puisses faire pour les retirer. D'autres Entre-monde ont essayés de se couper le bras et ils n'ont fait que souffrir inutilement. »

Il y a d'autres gens comme toi ? Il y a aussi ce terme qu'il a déjà utilisé pour t'interpeler tout à l'heure. Tu t'en rappelles désormais. Cela fait sens suite à son explication rocambolesque. Sauf que rien ne fait sens. Rien ne le devrait tout du moins.

« C'est une mauvaise blague...
Une bénédiction, tu veux dire. Raison pour laquelle tu dois remercier le Seigneur Giratina par ta dévotion. Purifier ton âme impie qu'il a tout de même arraché au pire des tourments.
Tais-toi. On est dans ma tête alors je dois pouvoir te faire taire. Toutes ces histoires, c'est juste un délire. Je rêve. Il faut juste que je trouve comment me réveiller. »

Tu tournes en boucle sur cette idée. Tu t'es mise à faire les cent pas sur un tout petit périmètre, passant encore et encore devant l'apparition. Il tape du pied, visiblement de plus en plus agacé, et cette énergie négative t'affole plus encore. Tes pensées sont un fouillis que tu ne parviens plus à ordonner. Trop de choses se contredisent et la peur d'être dans une forme de réalité te glace petit à petit le sang.

« Entre-monde ! Tout ceci est inutile. Tu perds ton temps et le mien. La patience du Seigneur Giratina est sans limite, mais je ne suis pas parfait. Voici ce que tu dois savoir : tant que tu n'auras pas servi les intérêts de notre Seigneur, tu resteras ici. Rien ne pourra t'arracher à cette vie. Même pas la mort. »

Tu ne comprends pas immédiatement. Cette panique dans laquelle tu t'enfonces s'interromps à cause d'une douleur fulgurante dans ton ventre après que l'adolescent soit entré dans ton espace. Tu veux te raccrocher à lui quand la souffrance te courbe en avant, mais il recule brusquement et arrache avec lui une partie du mal. Le hurlement que tu entends venir de loin est le tien, tu l'intègres tardivement quand tu tombes. Il reste debout à tes côtés, une lame noire à la main pendant que tu te tords d'une douleur jusqu'ici jamais ressentie. Ta main se poise de carmin quand elle se rapproche de ton ventre. Ta vision se fait progressivement floue, un engourdissement presque bienvenu s'installant. Tes pensées se languissent de plus en plus jusqu'à ce que vienne l'obscurité.

Il y a tellement de choses que je voulais faire.

Tu meures avec des regrets qui prennent un goût ferreux dans ta bouche.

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