Si je ne m'abuse, je peux d'ores et déjà dire que ce jour est à marquer d'une croix sur le calendrier. C'est presque irréaliste cette soudaine montée d'adrénaline devant un projet qui apparait comme beaucoup plus exaltant que prévu. Et pour cause, ce que je pensais être une procédure qui prendrait des mois voire même peut-être une année, s'était transformé en une formalité rapide et presque déconcertante. J'espère sincèrement que le nom de mon père n'y est pour rien, car cela aurait comme effet de laisser un goût amer en arrière-bouche. Je ne veux pas dépendre de lui éternellement. Je ne veux d'ailleurs plus avoir à lui être redevable de quelque pokédollar qui soit. Certes sa contribution financière pour l'apport préalable à la certification de la demande de projet avait été considérable, mais je n'avais pas tardé à le rembourser très peu de temps après, grâce à mes gains du tout dernier concours de coordination auquel j'ai participé, celui sur Irisia. L'avantage d'en ressortir vainqueur d'un ruban n'était pas que l'attrait médiatique et la potentialité de devenir influent dans le milieu, mais c'était aussi et surtout la rétribution pécuniaire qui faisait qu'un dresseur-coordinateur parvenait à joindre les deux bouts, en attendant de pouvoir de nouveau se présenter à une session de compétition, et continuer son ascension sociale, professionnelle et fiduciaire.

Toujours est-il que ça y est, ma pension est née, et elle voyait enfin ses premiers jours sur Parmanie. Enfin, aux abords de ma ville natale. Pourquoi ce choix me direz-vous ? Pour tout simplement profiter d'un cadre idéal d'espace et de dynamique : ne pas être trop proche du centre-ville permet moins de nuisance sonore, moins de soucis de trafic routier, tout en gardant les quelques avantages de la proximité des établissements et autres structures voisines permettant des exploitations commerciales et publicitaires de choix ; ne pas être trop reculé ni isolé en marge de la banlieue permet de garder un semblant de connexion avec la sphère sociétale environnante, tout en permettant un potentiel de retraite physique et psychique intéressant. En soi, ce terrain sur lequel mon antre s'est construite n'est autre que le sommet d'un relief vallonné que j'affectionne depuis ma tendre enfance, un véritable terrain de jeu pour le monde des humains, mais aussi actuellement pour la communauté pokémon. Je n'avais eu aucun mal à convaincre les promoteurs immobiliers et les urbanistes dans l'appui de mon projet, en supervisant la majorité des travaux grâce aux quelques relations que j'entretenais encore à l'Académie de Parmanie. Zelliel, mon meilleur ami, avait lui aussi mis la main à la pâte en me mettant en lien avec une experte juridique pour pouvoir superviser tout l'aspect administratif et réglementaire d'un tel projet.


Les travaux n'avaient pas pris plus d'une semestre à se réaliser de bout en bout. Je me rappelle même de ce petit déchirement au cœur quand j'ai vu l'arrivée des engins de construction commençant le début de la transformation du paysage. Nostalgie quand tu nous tiens. Mais j'ai eu la chance de pouvoir bénéficier d'une équipe sérieuse, professionnelle et soucieuse de délivrer tous les composants et les matériaux nécessaires à la bonne marche de l'avancement du chantier. Très vite, les fondations ont été assurées et l'architecte principal me confiait que les travaux suivait un train optimal et que tout serait prêt à temps pour espérer une inauguration et une ouverture rapide de l'établissement d'élevage et d'entrainements Pokémon. Car il s'agissait bien de ce projet-ci : l'ouverture d'une Pension Pokémon, au sein de laquelle mon personnel et moi prodiguerions nos conseils, nos astuces et nos valeurs, afin de permettre aux pokémons et aux dresseurs d'évoluer dans de bonnes conditions, tout en assurant un certain standing sportif, diététique et psychologique. Ma pension ne se voudra pas élitiste ni même dans la surcharge de programmes alambiqués ou de techniques onéreuses ; elle sera à mon image, simple, privilégiant la qualité sur la quantité, et qui aura le souci du détail professionnel qui fera sa différence dans la prise en charge d'un client.

Mon personnel ? Il est vrai que je ne vous l'ai pas encore présenté. Nous ne sommes pour le moment pas une grande équipe, et nous ne nous connaissons encore que très peu, mais nous sommes tous de la même veine : consciencieux, empathiques, méthodiques, professionnel, aux exigences marquées et toujours projetées dans l'intérêt d'autrui.

On commence par mon plus proche partenaire de travail : Abel Caldwell. Ce nom vous dit peut-être quelque chose ? Oui ? Non ? Eh bien laissez-moi vous compter un petit peu son histoire, son parcours et surtout, les raisons pour lesquelles il se retrouve chez moi dans ma pension pokémon.


Abel Caldwell vient de la région de Johto. Plus précisément de la ville d'Irisia. Il a beaucoup bougé depuis son enfance, que ce soit pour des raisons familiales, scolaires ou professionnelles, mais il est apparemment toujours rester fidèles à ses racines. Jusqu'à aujourd'hui cela dit. Ce grand bonhomme - presque aussi grand que moi mais je garde quand mêmes quelques cinq centimètres de plus de marge - à la chevelure châtain et aux yeux d'un bleu presque violet, est plus âgé que moi, de très exactement huit années. Le calcul ? Bwoarf, c'est simple, j'en ai trente-quatre cette année, il va donc sur ses quarante-deux. Physique plutôt compact et musclé, Abel est une véritable armoire à glace, résultat naturel d'un entrainement sportif draconien, dédié a culturisme naturel.

Cette passion de la musculation lui serait apparemment venu d'un épisode de son adolescence qui l'a forcé à devoir devenir plus fort et plus résistant, afin de protéger les gens qui lui sont cher, et de pouvoir également se sortir d'impasses de la vie par lui-même et seulement lui-même. Demander de l'aide, pour cet homme, cela relève du miracle. Même à la pension, qui n'est pas son domaine de prédilection ni un univers qu'il connait sur le bout des doigts, vous ne l'entendrez quasiment jamais venir me solliciter pour une aide ou un service quelconque à rendre. Non, si vous le voyez m'approcher dans la journée, c'est uniquement pour venir quémander du travail, s'assurer que les programmes d'exercices physiques sont en bonne voie et s'il peut faire quoi que ce soit pour améliorer la procédure par quelque moyen qui soit.

Ce côté indépendant et extrêmement débrouillard ne lui vient pas que de cette volonté de cultiver un physique de titan ni une mentalité de héros. Non. Si j'en crois les rares anecdotes racontées à son sujet, ce sont ces deux parents qui lui auraient inculqué cette valeur inconditionnelle à son train de vie. Selon ses géniteurs, il n'y a pas de problèmes, il n'y a que des solutions, et quand il n'y a pas de solutions, il y a forcément des éléments à revoir sous un autre angle, afin de trouver des alternatives qui feront donc office de nouvelles solutions. Une philosophie de vie très difficile et qui pose une pression considérable sur quiconque tente de s'y tenir. Mais pour Abel, c'est comme une seconde nature. Un problème de fonctionnement d'une machine d'entrainement, ou du matériel d'atelier qui ferait état d'une détérioration quelconque ? Eh bien, plutôt que d'appeler la compagnie responsable de l'entretien des locaux et du matériel, monsieur se paie le luxe de regarder des tutoriels sur l'internet ou de solliciter l'avis de quelques commerçant en centre-ville de Parmanie pour tout réparer de lui-même. « Ça maintient le cerveau en éveil, et ça me fait travailler physiquement aussi pendant que j'y suis... » vous répondra-t-il alors si vous tentez de lui demander pourquoi avoir perdu du temps à tout faire par lui-même, plutôt que d'appeler du personnel compétent pour la sale besogne.


Une autre anecdote de sa part fera l'état d'une vie qui n'aura pas toujours été rose cependant. Que cette façade d'homme pouvant s'occuper de tout et tout gérer au mieux n'a pas toujours été celle qu'on lui connaissait. Au contraire. Il faudrait remonter à ses sept ans, lorsqu'un évènement familial tragique se déroula à l'hôpital d'Irisia, engendrant la perte d'une perte d'un être cher. Un de ses sœurs jumelles, si je ne me trompe pas. Il m'avait également donné leurs noms : Alba et Ajora. Il racontera également qu'à cette époque, il était devenu l'ombre de lui-même par douleur et par rage de n'avoir été qu'un enfant, incapable de faire quoi que ce soit pour sauver l'une des ses deux petites princesses. Il énoncera également que ce côté sombre qui s'était emparé de lui aura rendu la vie dure à celle qui a survécu à cette nuit malheureuse d'il y a trente-cinq ans, et qu'il en aura gardé des séquelles vis-à-vis de ses relations amicales et amoureuses par la suite.

Si vous pensiez qu'Abel n'était qu'une brute de masse musculaire, alors vous vous mettez le doigt dans l’œil, car cette homme a beaucoup plus à offrir qu'il n'en a à retenir.

Et puis nous avons Merenui Moeata, le docteur de la pension. Alors attention, il n'est pas qu'un simple docteur comme on pourrait en trouver dans toutes les grandes villes du monde, non, il est aussi et surtout un praticien spécialisé et diplômé dans le domaine de la psyché, du psychologique, des traumas mentaux, et aussi, pour offrir des thérapies par la conversation ou l'introspection, afin de rendre ses patients mieux dans leur peau, plus rassuré sur des faits de vie marquants, ou encore pour qu'ils puissent accepter une certaine réalité qui ne peut être ignorée au quotidien. Mais ce qui fait la spécificité de ce fin psychologue et psychiatre, c'est sa spécialisation dans les thérapies Pokémons, ou le concept de préparateur mental et psychologique, autrement connu sous le nom de « coach mental ».

Merenui nous vient tout droit de l'une des îles du continent d'Alola. Plus précisément de du village d'Ho'ohale, situé sur l'île Akala. De taille moyenne pour un homme, il n'en est pas moins charismatique dans son regard, typiquement ténébreux et saisissant. Son teint hâlé et son naturel chaleureux font de lui une personnalité rayonnante, avenante et qui inspire charisme et confiance. Ce qui n'est cependant pas du tout son élément : Merenui est un homme plutôt taiseux, qui ne se livre que très rarement sur des faits de vie personnelle, qui passera son temps à vous observer et à vous décortiquer psychologiquement parlant, plutôt que de tenter de se lier d'amitié avec vous. Il possède toutefois un charisme certain : son naturel calme, posé et son flegme à tout épreuve, font de cet individu une véritable source sûr de résultats quand il s'agit de faire parler les gens. Des points forts qui expliquent en partie son parcours professionnel jusqu'à son arrivée à la pension : à l'écoute et capable de résoudre des problèmes d'ordre sentimental depuis tout jeune, Merenui s'est spécialisé dans les études sur l'anthropologie et les sciences du comportement. Doué et intuitif, il n'eut aucun mal à obtenir ses deux premiers diplômes, pour ensuite passer à deux autres spécialités bien précises : la psychanalyse et la psychothérapie. Sortant major de sa promotion, l'homme à l'accent typiquement insulaire décida de terminer son cursus universitaire en entamant une formation pour transposer tout son savoir à la communauté des Pokémons.

De par cette continuité, Merenui a su développer des techniques et des compétences que peu de docteurs peut se targuer de posséder : médecin d'urgence, profilage humain et pokémon, psychologue pour tout individu de tout âge, psychiatre, psychothérapeute, psychanalyste, anthropologue. Mais c'est là que vous vous direz : mais où vient s'intercaler le coach mental ? Où se trouve la partie sportive ou sociale de ses qualifications ? Eh bien, il faudra avouer que Merenui n'est pas l'étudiant standard qui aura suivi son parcours à même l'université dont il a dépendu ; il aura aussi et surtout mener à bien des projets de thèses ou d'essais en sollicitant son entourage proche pour tenter quelques expériences, ou pour rendre compte de certaines évidences sociologiques et psychologiques. Merenui est un homme de terrain, et il a besoin de pouvoir confronter ses connaissances avec la réalité de différentes situations de la vie courante. Si vous lui demandez pourquoi est-ce qu'il a tant tenu à rallonger son temps d'étude, au sein d'un parcours déjà chronophage, par ce biais-là, il vous répondra sans doute : « Il n'y a rrien de mieux que la rrue et les converrsations de la vrraie vie pourr comprrendrre ce que peuvent penser les gens. Allez au rrestaurrant avec votrre famille, et demandez-leurr ce qu'ils pensent de votrre tenue ou de votrre choix de menu... vous verrrez qu'il y a des rregarrds qui ne trrompent pas, et des mots qui trrahissent les pensées les plus prrofondes. », ce qui en soi, n'est pas entièrement idiot.