Les premières lueurs de l'aube, se glissaient avec délicatesse à travers le feuillage dense des arbres centenaires, comme des doigts de bois qui effleuraient la terre endormie. Leurs rayons, teintés de nuances dorées et argentées, peignaient le sentier d'une palette de couleurs éphémères, transformant chaque feuille, chaque brin d'herbe en joyaux étincelants. Les jeux d'ombres et de lumière, orchestrés par la trajectoire naissante du soleil, semblaient exécuter une chorégraphie, dessinant sur le sol tapissé de mousse et de feuilles mortes des chorégraphies complexes et intriguantes. Chaque contour, chaque courbe était une œuvre d'art passagère, un hymne à la beauté spontanée de l'aube, mais vouée à disparaitre aussi tôt. Chaque rayon de lumière insufflait une énergie nouvelle à la forêt qui s'éveillait lentement de son sommeil nocturne agité. Les arbres étiraient leurs branches vers le ciel, les oiseaux entamaient leur chant matinal, et la nature entière semblait grelotter sous la fraicheur bienveillante du soleil levant.


La rosée matinale perlait sur les pétales des fleurs sauvages qui tapissaient notre chemin, formant un tableau scintillant de gouttelettes précieuses sous les premiers rayons du jour. Chaque perle de rosée capturait la lumière avec grâce, transformant les fleurs en autant de joyaux, comme autant de petites étoiles posées à même le bitume terrestre. Dans ce paysage éblouissant de couleurs pastel et irisées, la nature semblait s'animer d'une énergie mystique, d'une beauté relative qui nous enveloppait et nous transportait au-delà de la simplicité des jours passées. Chaque instant était une occasion de célébrer la vie et la lumière qui nous entouraient, et nous avancions, émerveillés et reconnaissants, dans ce royaume pédestre où la beauté se dévoilait à chaque pas.

Les fleurs, caressées par la lumière du soleil qui entamait sa trajectoire ascendante sur l'horizon, semblaient éclore dans à l'unison. Chacun de leurs pétales s'ouvrait lentement, comme pour profiter de cette source lumineuse de chaleur, révélant des couleurs d'une intensité vibrante, des nuances qui éclataient à la vue de toutes et tous. Leurs parfums, délicats et envoûtants, se mêlaient en une symphonie olfactive qui enivrait nos sens et enveloppait notre être dans un étreinte de douceur et de promesses. Les senteurs boisées des fleurs sauvages remplissaient l'air, leur fragrance se mêlant aux effluves de la terre humide et de l'herbe fraîchement coupée. Chaque inspiration était une bouffée d'air frais et de nature, provoquant des émotions douces et protectrices notre conscience.

Chaque pas sur le sentier résonnait avec le murmure de la terre qui s'éfritait sous nos pieds, déclenchant tout un panel de sons doux qui caressaient nos oreilles, nous invitant à nous perdre davantage sur ce sentier. La lumière du soleil baignait chaque recoin, illuminant les contours des arbres et des fleurs, tandis que les ombres dansaient avec légèreté. Dans ce silence paisible de l'aube, où seuls les chants des oiseaux, nous étions les témoins privilégiés d'un spectacle d'une beauté merveilleuse. Et dans cette communion avec la terre, le règne du végétal et le ciel qui s'étendait à perte de vue, nous sentions nos cœurs s'emplir de joie, mais aussi et surtout, d'énergie positive, qui nous rappelait notre quête à venir.

Mes compagnons Pokémon cheminaient à mes côtés, leur présence rassurante me conférait une sérénité singulière, alors que nous progressions vers notre destination symbolique : la Tour Pokémon de Lavanville. Draco, fier et majestueux, sinuait autour de nous tel un gardien chargé d'une mission de protection de la plus haute importance, ses ailes auriculaires frémissait sous l'air matinal ambiant. Son regard perçant scrutait les environs avec une vigilance tranquille, prêt à défendre notre groupe contre le moindre danger qui pourrait surgir sur notre chemin. Il était l'incarnation même de cette loyauté qui nous unissait depuis notre toute première rencontre. Geshtinanna et Nekhbet, deux figures de proue de notre groupe, suivaient d'un rythe mesuré, leurs pas et bruissements d'ailes légers résonnant doucement dans le payasage. Geshtinanna, avec ses pétales délicats et son allure gracieuse, Nekhbet, avec son regard acéré et son plumage chatoyant. Leurs mouvements étaient simples mais efficace, avec un peu plus de légèreté et de grâce venant de l'Ortide. Ensemble, nous formions une équipe unie, liée par des liens d'amitié et de respect qui transcendaient les mots.

Chaque Pokémon avait sa propre personnalité, sa propre histoire, mais ensemble, nous étions plus qu'une simple bande de compagnons de voyage. Nous étions une famille, unie par un objectif commun et une détermination inébranlable à atteindre nos buts, quelles que soient les épreuves qui pourraient se dresser sur notre route. Alors que nous avancions à travers les paysages changeants de la région, notre lien se renforçait encore plus. Nous étions tous habités d'un désir commun, celui de vivre une aventure aux détours de chaque nouvelle rencontre et chaque nouvelle épreuve.



À mesure que nos pas nous rapprochaient de notre destination, la silhouette imposante de la Tour Pokémon se dessinait de manière plus précise à l'horizon, sa stature massive et sombre se découpant avec clarté dans le ciel qui prenait peu à peu des teintes ocres à mesure que l'on s'approchait. Ses tourelles élancées semblaient s'élever comme des lances vers les cieux. Chaque détail architectural semblait imprégné de l'histoire ancienne de la région, chaque pierre portant les marques du temps et des récits oubliés. Les légendes et les récits qui entouraient la Tour Pokémon semblaient vibrer dans l'air, imprégnant l'atmosphère d'une énergie palpable. La Tour Pokémon était bien plus qu'un simple édifice, c'était un symbole de la connexion profonde entre les humains et les Pokémon, un rappel de la richesse d'une vie éphémère, tant du côté des êtres humains que des pokémons.

Chaque pas nous rapprochait un peu plus de cette tour connue de toute la région, source de savoir et de sagesse sur le monde des Pokémons, et surtout, dans leur moments de l'autre côté de la vie. Nous étions sur le point de pénétrer dans un sanctuaire, un lieu où les secrets du passé se mêlaient à la promesse de l'avenir. Et dans nos cœurs, nous sentions l'excitation grandir à l'idée de découvrir ce que la Tour Pokémon avait à nous révéler.



Les marches de la tour s'étiraient devant nous, un véritable labyrinthe de pierre brute. Chaque pas que nous faisions sur ces marches semblait être un voyage non seulement à travers l'espace, mais aussi à travers le temps. Leur rigidité sous nos pieds nous rappelait l'âge vénérable de cette construction, un témoignage de l'artisanat des générations d'avant nous. Les motifs gravés dans la pierre semblaient danser sous la lumière des quelques torches disséminées ici et là de l'espace intérieur, dépeignant des histoires fabuleuses du passé. Les sculptures étaient une fenêtre ouverte sur le monde d'avant, une invitation à plonger dans l'histoire et à découvrir des secrets enfouis. Chaque pan de mur usé par le temps semblait résonner avec le murmure lointain d'époques révolues. Chaque montée de marche était un rappel de l'importance de notre quête, de notre mission de rendre hommage aux générations passées mais aussi pour adresser nos prières à celles du futur. Nous sentions le poids de cette responsabilité sur nos épaules, mais aussi l'excitation et la détermination qui nous animaient.

Alors que nous nous rapprochions un peu plus de notre objectif, quelque chose de profondément enfoui semblait se diffuser dans l'air de la tour. Notre lien avec le monde des Pokémon semblait se renforcer, comme si on tentait de nous envoyer un message de depuis une autre dimension connectée à la notre. Nous nous rapprochions un peu plus d'un sentiment de l'inconnu, attendant une révélation potentielle alors que nous entamions les derniers instants d'ascension de cette tour.

À mesure que nous gravissions les dernières marches, nos cœurs battaient à la chamade, comme s'ils étaient eux-mêmes des tambours annonçant la fin de notre quête. Nos derniers pas se firent dans un silence presque sacré. Le monde semblait s'effacer autour de nous, ne laissant place qu'à la symphonie subtile des sons de la tour. Le souffle léger du vent qui s'insinuait à travers les parois de pierre et de ciment vieillis par le temps, semblait nous murmurer des secrets anciens. Chacun des battements de mon coeur cherchait à justifier ma présence en ce lieu chargé de symbole et d'histoire. Nous avancions alors avec respect et humilité, à travers les dernières salles du sommet de la tour, conscients de la richesse et de la grandeur qui nous entouraient.

Nous étions témoins d'un héritage précieux transmis à travers les âges. Nous étions là, non pas en simples visiteurs, mais en chercheurs de savoirs et de sens, prêts à sonder les moindres recoin de ces derniers lieux. Nos esprits, empreints de curiosité et de respect, étaient des réceptacles ouverts aux mystères de l'au-delà du monde des pokémons. En passant devant des stèles, nous sentions comme une présence, comme si les âmes résidantes des lieux tentaient de nous acueillir, à leur manière. Nous n'étions que trop petit face à l'immensité de cette autre vie après la fin. Trop fragile. Trop vivant.

Ce périple n'était pas simplement une ascension physique, mais une quête intérieure. Chaque instant était une façon de nous dépasser, de nous confronter à la dure réalité du monde qui nous entoure. Dans cette communion entre le monde matériel et le royaume invisible, nous étions prêts à nous recueillir, et à prier pour notre salut et notre destinée.


Enfin, après avoir gravi les quelques mètres restants de cette salle se situant au plus haut point de la tour, nous nous aventurâmes vers l'extérieur, sur le seul balcon que la tour possédait. De là haut, le monde s'étendait à nos pieds comme un tableau petite échelle. Une vue spectaculaire s'offrait à nous, un panorama à couper le souffle qui semblait suspendre le temps et nous transporter dans un autre monde. La campagne s'étalaient devant nous, comme une toile de peinture vivante, de couleurs et de formes qui s'entremêlaient. Les champs dorés par la lumière du soleil se déployaient comme une mer de blé, tandis que les forêts d'un vert saisissant s'étiraient à perte de vue, leurs feuillages dansant doucement sous la caresse d'une brise légère et épisodique. Au loin, se dessinaient les montagnes majestueuses de cette partie de la région du Kantô, avec leur lot de pierres et de roches brunes, mais aussi, habillées d'un chapeau de neige blanche scintillant à la lumière de l'astre solaire. Tout au loin, nous pouvions également apercevoir une partie de l'océan, sans fin, bleu profond. On pouvait y déceler quelques vagues, brillantes de leur écume qui s'échouaient contre les parois de la terre.

On pouvait apercevoir de tout là-haut, quelques astres lumineux, ainsi qu'une partie de la Lune. Une preuve que chaque chose dans cette nature a une place bien définie, et d'une importance capitale. Au sommet de ce sanctuaire pokémon, le temps nous paraissait comme figé, nous laissant humbles devant la grandeur de cet univers. C'est un moment où la magie prend vie, nous rappelant notre infime place en son sein, et surtout, nous remémorant notre bref impact dans le temps la concernant. Cette vision, inscrite désormais dans mon cerveau, sera une anecdote incroyable à raconter aux générations futures, ou aux étrangers s'aventurant sur les terres du Kantô.

Mais il nous fallait nous rendre à la conclusion suivante : la beauté du paysage était à couper le souffle, certes, nous devions garder en tête que nous étions dans un sanctuaire, un lieu chargé des âmes des créatures défuntes qui n'avaient pas eu cette chance d'être sauvées au moment de rendre leur dernier soupir. Il s'agissait d'une Tour mortuaire, renommée comme la Tour Pokémon, en hommage à tous ces compagnons de route, à tous ces anciens adversaires, à toutes ces générations de belles et bonnes âmes extraterrestres qui vivaient avec nous en parfaite harmonie, ou du moins, en cohésion tout à fait fluide. Un lieu de recueil, un lieu de prière. Un lieu où les paroles mentales prennent forme, et où les souhaits d'une autre vie sont transmis dans une réalité parallèle, que la plupart du genre humain croit être le paradis. Ou les enfers, par la même occasion.

Nous profitâmes de ces derniers moments pour fermer nos yeux. Ne faire plus qu'un avec l'extérieur. N'être plus qu'une seule énergie en harmonie avec les effluves spirituels des lieux. J'adressai moi-même quelques pensées à toutes ces créatures qui avaient perdu la vie malencontreusement trop tôt. Je ne savais pas moi-même si ce que je faisais avait un sens, je n'étais pas un fervent croyant d'une vie après la mort, ni opposé à cette idée d'ailleurs, mais j'avais toujours cette légère appréhension de ne pas paraitre sincère dans ces moments-là, tant j'étais incertain de la portée que pouvaient avoir ces intentions. Mais pour mes compagnons, c'était un geste important, chargé d'une symbolique d'amitié et de fraternité avec leurs semblables, leurs lignées.

Mon équipe était déjà plutôt fourni à ce stade de l'aventure : Draco le Draco - je vous l'avoue volontiers, dit comme ça, on ne peut plus évident, tu meurs - , Geshtinanna mon Ortide, Nekbhet ma Rapasdepic, Mûshika ma Rattatac, Simargl le Caninos et Kumiho la Goupix qui nous avaient rejoints sur la Route menant à Lavanville quelques jours auparavant. Nous étions une fine équipe, aux horizons divers et variés, unis par une même passion : la vie. Chacun d'entre eux avançait à son propre rythme, chacun d'eux respirait leur air à leur façon, chacune de ces créatures avaient leur propre raisonnement et leur propre caractère de tous les jours ; mais tous partageaient ce point commun de vouloir donner leur meilleur, d'être les plus tolérants et aimants possible, et de me rendre la confiance que moi-même je leur accordais en toute circonstance. Et c'était ce qui faisait leur charme. Ils étaient comme des extensions de ma propre existence, ils s'accordaient avec mes humeurs, mes valeurs et mes croyances. Ils étaient les miroirs de mon âme, les traductions physiques et littérales de mes convictions et de mes ambitions.


Mais comme toutes les bonnes choses avaient une faim, nous dûmes nous résoudre à rebrousser chemin. Il nous fallait désormais redescendre les différents escaliers menant aux différents étages qui se trouvaient sous nos pieds. Ce n'était pas une mince affaire, il fallait avoir une bonne conditions physique, une bonne endurance cardiorespiratoire, et une volonté à toute épreuve pour crapahuter dans cette immense construction humaine. Il n'y avait pas à dire, un effort à plusieurs était beaucoup plus exaltant et motivant qu'un effort en solitaire. L'avantage d'être en groupe était au moins de pouvoir se relayer dans la performance physique, motiver quelques pauses boissons et repos bien méritées, et surtout, de ne pas se laisser porter par une cadence de marche trop rapide.

Ce que nous étions loin d'imaginer cela dit, c'était tout ce qui allait se tramer dans les étages inférieurs, au fur et à mesure de notre marche retour. Des murmures se faisaient entendre de par endroits de la tour ; quelques râles à glacer le sang lézardait les fissures des quelques murs non-porteurs vieillis par le temps et rouille. Il y avait des manifestations presque d'un autre monde qui semblaient nous suivre au pas, faisant s'inquiéter les quelques dresseurs qui s'étaient arrêtaient quelques étages auparavant. Les sons dignes d'un film d'épouvante se rapprochèrent alors que nous atteignions les étages du milieu de la tour. Nous nous arrêtâmes, bien décidés à faire la lumière sur cette ambiance malsaine et malaisante. Quelque chose ou quelqu'un faisait en sorte d'attirer notre attention ; oui mais pourquoi ? Étions-nous la cible d'une personne mal intentionnées et qui se tapissait dans l'ombre d'un couloir peu éclairé pour bondir et opérer un larcin ? Ou alors étions-nous en la présence d'une âme un peu revancharde, partie trop tôt vers l'au-delà, prête à faire regretter les vivants d'être encore de ce monde ?

Il y avait fort à parier que notre groupe n'allait pas tarder à assister au développement de cette intrigue au sien de la Tour Pokémon.

Pour le coup, le premier évènement qui vint à nous fut un petit groupe d'enfants qui semblaient jouer à travers les étages de la Tour Pokémon, comme on jouait à chat. Je n'avais pas sursauté, mais la vue soudaine et si rapide de ces petits trublions avait suffit à me faire soulever légèrement le cœur, précipitant un peu la pression sanguine, le palpitant s'étant mis en route. Ha, la jeunesse. Si insouciante. Si légère. Si amusante. Je me rappelais à leur âge, on s'amusait avec tout et rien à la fois. On s'amusait partout et nulle part en même temps. Et surtout, on savait se contenter de n'importe quel climat pour se faire. Un petit brin de nostalgie vint s'inviter dans les petits recoins sombre de mon esprit, qui eut aussitôt l'effet d'illuminer cette zone cérébrales des souvenirs d'enfance, et de famille. Moi aussi je jouais à avec mes frères et mes sœurs, peu importait notre âge, et ce, pendant des heures durant. Nous nous amusions de peu, et nous n'avions besoin que de très peu de règles de base pour créer des moments d'espièglerie et d'éclats de rire à n'en plus finir.

Je me rappelais cette fois où nous jouions à cache-cache, et cette partie où l'une de mes petites sœurs avait eu la riche idée d'aller se cacher tout prêt de mon grand frère, le compteur. Elle s'était faufilée derrière l'une des plates extérieures de la maison, et avait attendue que le cadet eut finit de compter pour se faufiler dans son dos, rejoindre l'endroit où il s'était tenu pour faire le compte à rebours, d'approximativement trente secondes, afin d'y exploiter une faille critique de la règle standard : pouvait être délivrés, tous les prisonniers, à condition que quiconque parvenait à se frayer un chemin jusqu'au lieu de comptage, et d'y crier « Quand le chat n'est pas là, les souris dansent ! » avant de déguerpir et de trouver une autre cachette, en espérant faire une meilleure performance. Et c'était dire si elle avait durer un moment cette partie !

Au bout de plusieurs délivrances de toute la fratrie, et surtout provenant toujours de la même sœur, mon grand frère avait très eu vite fait de trouver un stratagème pour la prendre par surprise. Quitte à faire entrer un léger élément de triche dans la partie pour faire en sorte que tout eut pris moins de temps, et que l'on eut pu passer à un autre jeu, ou au moins, à une autre personne compteuse. La manœuvre était simple, drastiquement efficace, même si peu reluisante dans la fierté du frangin ; mais aux grands maux les grands remèdes comme on disait par chez nous.

Le principe était le suivant : mon grand frère compta de nouveau, jusqu'à trente, comme convenu entre nous. Mais cette fois, il semblait compter plus lentement, prenant sa respiration après chaque énonciation de la numération croissante -- je n'étais pas le témoin direct de tout ce qui s'était passé à ce moment-là, mais les anecdotes qui pouvaient fuser lors de soirées en familles se suffisaient à elles-mêmes, s'inscrivant dans notre mémoire collective comme si nous l'avions tous vécu personnellement. C'était à la fois triste pour ma petite sœur, le dindon de la farce imminente, mais incroyablement drôle du point de vue du cadet de la famille, qui avait pris un malin plaisir à échafauder la fin de la suprématie discrète de son petit monstre de sœur -- jusqu'à ce qu'il eut été assez proche du nombre zéro. A ce moment précis, il avait écarté légèrement ses doigts, pour potentiellement apercevoir une ou plusieurs silhouettes entrant dans son champ de vision limité, afin de prendre quiconque tentait de jouer les roublards à contretemps, et faire de ces joueurs rusés les premiers prisonniers, acides et blessés dans leur orgueil.

Et il ne manqua pas sa cible. Alors que le nombre fatidique synonyme de nullité arithmétique fut entonné, ma petite sœur se dissimula derrière le tronc d'un des arbres du jardin, tout proche de l'endroit où le compteur revanchard s'apprêtait à accomplir sa triche de l'instant. Et sans mot dire, alors que le « Prêts ou pas, j'arrive ! » venait tout juste de fuser dans les airs, le plus âgé de la fratrie opéra sa tactique de révélation de la jeune effrontée, qui ne comprit pas ce qu'il venait de se passer, ni comment le compteur avait pu être dans la certitude de la trouver à cet endroit. Elle en avait pleurer d'injustice si mes souvenirs ne me jouaient pas des tours. Hilarant et attendrissant à la fois.

Et ce jour-là, je crois bien que les jeux entre frères et sœurs ne furent plus les mêmes. Au contraire, chaque nouvelle proposition de divertissement devenait une véritable course à l'inventivité et à l'ingéniosité dans l'art de contourner les textes de règles, mais aussi dans le don de devenir le roublard de la partie qui rusait aussi bien qu'il respirait. Le cache-cache devenait un jeu du chat et de la souris à travers la maison, sans plus aucune notion de comptage réglementaire, ni même de présentation ni de recherches de cachettes indéfiniment introuvables dans le temps ; les jeux de cartes se transformaient en des joutes verbales, à qui accomplirait les défis les plus sordides pour gagner des avantages inédits et originaux ; les sessions de quiz hebdomadaires de fin de semaine, en la compagnie des parents, se grimait en compétition de tours de passe-passe plus ingénieux et plus fourbes les uns que les autres, tentant par tous les moyens de gagner le plus grand nombre de points, et bénéficier de quelques privilèges domestiques non négligeables : être affranchi de la corvée de vaisselle après chaque repas ; la possibilité de faire l'impasse sur l'arrivée imminente de la sortie du sac des ordures ménagères chaque semaine en milieu de période ; la chance insolente de pouvoir veiller le soir en regardant la télévision jusqu'à une heure plus tardive... et encore bien d'autres récompenses qui, à l'époque, nous paraissaient tellement incroyables, que tout était bon pour y accéder. Le jeu en valait la chandelle.

Je crois que le souvenir le plus absurde qui traversa mon esprit fut celui d'une soirée jeux de mimes, où après le tumulte vrombissant de l'équipe de mon père face à l'équipe de ma mère - une sombre histoire de bruitages interdits effectués pendant le tour d'un membre de l'équipe de papa - j'avais eu la mauvaise idée de vouloir faire deviner un aigle royal, en effectuant un geste ascendant et oblique, qui m'avait valu une série d'assomptions sur des compagnies d'avions du Kantô. C'était ridicule, j'étais ridicule ; à vouloir tenter un bruitage d'oiseau avant de me rappeler que je pouvais risquer la perte d'un point crucial pour mon équipe, sous la chaleur de la pression qu'imposait ma mère à nous, ses propres enfants, sa propre chair. Elle aussi avait l'esprit de la gagne, et ça occasionnait des soirées endiablées.

À mesure que nous gravissions les dernières marches, nos cœurs battaient à la chamade, comme s'ils étaient eux-mêmes des tambours annonçant la fin de notre quête. Nos derniers pas se firent dans un silence presque sacré. Le monde semblait s'effacer autour de nous, ne laissant place qu'à la symphonie subtile des sons de la tour. Le souffle léger du vent qui s'insinuait à travers les parois de pierre et de ciment vieillis par le temps, semblait nous murmurer des secrets anciens. Chacun des battements de mon coeur cherchait à justifier ma présence en ce lieu chargé de symbole et d'histoire. Nous avancions alors avec respect et humilité, à travers les dernières salles du sommet de la tour, conscients de la richesse et de la grandeur qui nous entouraient.

Nous étions témoins d'un héritage précieux transmis à travers les âges. Nous étions là, non pas en simples visiteurs, mais en chercheurs de savoirs et de sens, prêts à sonder les moindres recoin de ces derniers lieux. Nos esprits, empreints de curiosité et de respect, étaient des réceptacles ouverts aux mystères de l'au-delà du monde des pokémons. En passant devant des stèles, nous sentions comme une présence, comme si les âmes résidantes des lieux tentaient de nous acueillir, à leur manière. Nous n'étions que trop petit face à l'immensité de cette autre vie après la fin. Trop fragile. Trop vivant.

Ce périple n'était pas simplement une ascension physique, mais une quête intérieure. Chaque instant était une façon de nous dépasser, de nous confronter à la dure réalité du monde qui nous entoure. Dans cette communion entre le monde matériel et le royaume invisible, nous étions prêts à nous recueillir, et à prier pour notre salut et notre destinée.


Enfin, après avoir gravi les quelques mètres restants de cette salle se situant au plus haut point de la tour, nous nous aventurâmes vers l'extérieur, sur le seul balcon que la tour possédait. De là haut, le monde s'étendait à nos pieds comme un tableau petite échelle. Une vue spectaculaire s'offrait à nous, un panorama à couper le souffle qui semblait suspendre le temps et nous transporter dans un autre monde. La campagne s'étalaient devant nous, comme une toile de peinture vivante, de couleurs et de formes qui s'entremêlaient. Les champs dorés par la lumière du soleil se déployaient comme une mer de blé, tandis que les forêts d'un vert saisissant s'étiraient à perte de vue, leurs feuillages dansant doucement sous la caresse d'une brise légère et épisodique. Au loin, se dessinaient les montagnes majestueuses de cette partie de la région du Kantô, avec leur lot de pierres et de roches brunes, mais aussi, habillées d'un chapeau de neige blanche scintillant à la lumière de l'astre solaire. Tout au loin, nous pouvions également apercevoir une partie de l'océan, sans fin, bleu profond. On pouvait y déceler quelques vagues, brillantes de leur écume qui s'échouaient contre les parois de la terre.

On pouvait apercevoir de tout là-haut, quelques astres lumineux, ainsi qu'une partie de la Lune. Une preuve que chaque chose dans cette nature a une place bien définie, et d'une importance capitale. Au sommet de ce sanctuaire pokémon, le temps nous paraissait comme figé, nous laissant humbles devant la grandeur de cet univers. C'est un moment où la magie prend vie, nous rappelant notre infime place en son sein, et surtout, nous remémorant notre bref impact dans le temps la concernant. Cette vision, inscrite désormais dans mon cerveau, sera une anecdote incroyable à raconter aux générations futures, ou aux étrangers s'aventurant sur les terres du Kantô.