Le ferry qui faisait le lien entre Mele mele et Akala était plutôt petit. Il était emprunté par un grand nombre de personne qui rentraient chez eux pour le week end, ou pour se rendre au travail sur l'île voisine, ou simplement par des touristes. A l'arrière du navire, Kane, Josine et Olele admiraient le paysage, et appréciaient le vent dans leurs cheveux. Seule Poehere regardait l'eau d'un air triste, persuadée d'avoir déjà perdu le combat qu'elle s'apprêtait à faire contre Néphie.

Elle avait rendez vous avec la championne dans la baie de la colline clapotis, à Ohana. Le match devait débuter en début d'après midi. Et Poehere avait la trouille.

- Ca va aller Poe, dit son amie en lui adressant un clin d'oeil. Tu verras, ça va bien se passer !

Elle haussa les épaules et posa ses yeux sur l'eau, plus que défaitiste.
Poehere fronça les sourcils. Elle avait vu quelque chose bouger, là, sous l'eau.

C'était Hiwalani, qui suivait le ferry à toute allure. Elle fit sortir son aileron dorsal de l'eau, et Poehere la reconnut immédiatement. Elle afficha un grand sourire.

- Regardez, cria Olele, un dofin !

Josine, Kane et quelques passagers se penchèrent sur le côté pour admirer l'animal.

- C'est Hiwalani, dit Poehere qui semblait soudainement apaisée. Mon amie.

Le dofin fit un bond hors de l'eau, captant ainsi tout l'attention. Josine, elle jeta un regard froid à son mari. Sa fille venait-elle de dire que ce dofin était à elle ? Après la pomme, voilà qu'elle devenait amie avec les animaux du monde marin, et cela contrariait beaucoup Josine. Evidement, elle n'était pas au courant du lien incroyable qui unissait Hiwalani et Poehere depuis des années. Kane s'était bien gardé de le lui dire. Car sinon, il aurait dû lui avouer qu'il avait failli tuer sa fille lorsqu'elle était toute petite et ça, c'était au dessus de ses forces.

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La joyeuse compagnie s'installa dans un petit kiosque à Ohana pour y déjeuner. Si Kane et Olele avaient optés pour un grand sandwich avec des frittes à l'intérieur, Josine et Poehere jetèrent leur dévolu sur une simple salade. De toute façon, Poehere n'avait pas très faim.

En début d'après midi, ils se rendirent à la baie de la colline clapotis.

L'endroit était sublime, presque aussi beau que la crique que Poehere avait découvert quelques mois auparavant. L'eau du lagon était claire, presque transparente, avec du sable blanc à perte de vue. Sur la plage, y étaient installés des gradins en bois qui semblaient lutter depuis des années contre le sel de l'océan. Sur la rive, une petite demoiselle aux cheveux bleus affrontait avec ses pokémons une dame plus âgé.

Un grand homme stoppa la petite équipe avant qu'elle ne puisse grimper dans les gradins.
Il leur demanda s'ils avaient rendez vous, où s'il voulaient simplement regarder les combats. Poehere lui expliqua qu'elle devait combattre Néphie, et elle fut priée de rejoindre les autres challengers. Ses parents et Olele, eux, grimpèrent dans les gradins.

A côté, à l'abri du soleil par une simple tente en toile, les challengers attendaient nerveusement leur tour. Tous semblaient très jeunes, enfin, beaucoup plus jeune qu'elle. Il n'y avait qu'un homme d'âge mur, assis sur un banc, qui attendait patiemment son tour. Poehere eut un grand soupir, et s'assit à l'écart des autres. Elle fit une petite caresse sur le crâne de Kahuna, qui n'avait cessé de la suivre.

- Bon. On y est.

Kahuna remua la queue. Il sentait que sa maîtresse n'était pas en forme. Mais il ne comprenait pas pourquoi.

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La chaleur était écrasante, même pour Poehere. Sous la tonnelle, les challengers avaient l'impression d'être dans un four. En restant assis sans bouger, ils conservaient leur énergie pour le futur combat. La pin up, quant à elle, bouillonnait de rage en voyant ses adversaires passer les uns après les autres. A chaque fois, elle attendait qu'on dise son prénom, et à chaque fois, c'était un gamin qui lui prenait la place. Au bout d'une heure d'attente, elle perdit patience.
Un homme, celui qui guidait les challengers, entra sous la tonnelle avec une feuille à la main.

- Monsieur... Kulome, c'est à votre...

Mais ce fut Poehere qui se leva, et qui avança d'un pas décidé vers la zone de combat.

- Euh, madame, ce n'est pas votre tour, dit péniblement l'homme.
- Bah maintenant c'est à moi. J'en ai marre d'attendre.

Elle se dandina jusqu'à Néphie, inarrêtable. L'homme de la sécurité haussa les épaules. Il n'était pas d'une grande violence.

- Ok, dit-elle en s'arrêtant devant la championne, c'est à moi. On crève de chaud sous votre truc. Finissons en.

Elle était petite, plus petite qu'elle ne l'avait imaginé. En la voyant arriver, Néphie s'était presque recroquevillée comme un chaton apeuré. Rapidement, Poehere allait comprendre qu'elle pouvait peut être avoir l'avantage.

- Euh... Oui... Pardon... Bégaya Néphie. Mes pokémons sont en train de se faire soigner... Il faut attendre un peu...

Poehere arqua un sourcil. C'était elle, la grande championne qui devait lui mettre une raclée ? Jamais de la vie.

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Poehere sentait de la faiblesse dans le regard de Néphie. C'était une fille qui avait l'air jeune, de son âge à peu près. Elle avait de beaux yeux bleus, et des cheveux de la même couleur. Contrairement à Poehere, elle avait la peau très claire, et un accoutrement digne d'un garçon d'école: baggy bleu clair, tee-shirt déformé par le temps.
Poehere savait que Néphie avait un très grand avantage sur elle: elle était experte des pokémons de type eau, et son rocabot, lui, détestait ça. Si sur le terrain le combat semblait perdu d'avance, la jeune fille se dit que, peut-être, tout pourrait se jouer en coulisse.
Alors, elle inspira profondément, et sorti son grand jeu de pouffiasse:

- Ma belle, ça fait deux heures que j'attends en fait et tu vois, j'ai payé mon parfum trop cher pour qu'il s'évapore à cause de ta tente surchauffée. J'ai pris le ferry ce matin depuis Mele-mele pour venir te combattre, et je ne compte pas rester une minute de plus enfermée avec les gamins de la sortie scolaire, t'as capté ?

La championne resta figée, comme pétrifiée par la peur. Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Dans les gradins, les spectateurs semblaient s'impatienter.

- C'est bon Néphie, ils sont soignés, dit une infirmière en apportant des pokéballs.
- Parfait ! S'écria Poehere, alors c'est parti.

Avant que l'infirmière ne puisse se douter de quoi que ce soit, Poehere fit volte face et s'avança d'un pas décidé vers le fond du "terrain". Elle fit une caresse sur le crâne de son petit chiot, et tendit le bras.

- Allez Kahuna !

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Les spectateurs étaient en haleine. Pour la première fois depuis plusieurs heures, c'était une jeune femme qui défiait la championne, et non un enfant. La plupart d'entre eux perdaient assez vite, et quelques uns partaient avec leur badge avec leurs pokémons à moitié mourants. Poehere, quant à elle, semblait très confiante.
Elle avait sondé Néphie en quelques instants: c'est une jeune fille gentille, un peu trop gentille, qui ne sait pas dire non et qui s'écrase face aux autres pour éviter le moindre conflit. La pin-up avait l'avantage du caractère: en montrant à Néphie qu'elle n'était pas là pour jouer et qu'en plus elle était en colère, elle espérait l'avoir déstabilisée assez pour qu'elle fasse n'importe quoi avec ses pokémons. C'était déloyal, certainement contraire au règlement. Osef, pensa-t-elle.

Néphie fit sortir un araqua de sa pokéball. Poehere ouvrit des yeux ronds comme des ballons, prise d'un violent frisson.
Une araignée.
La peur l'emporta sur l'assurance.

- KAHUNA ! LAAA ! CHOPPE ! VITE ! MANGE LA BEBETE ! MANGE LA BEBETE !!!

Les cris de Poehere ressemblaient à des ultrasons. Quelques personnes dans les gradins se mirent à rire, surpris de la réaction de la jeune fille. Mais les moqueries furent passagères. Le rocabot se jeta de tout son âme vers le araqua, qui tenta de l'arrêter en crachant sur lui des centaines de bulles d'eau à la vitesse de la lumière. Mais le chiot était têtu: il ferma les yeux, et courut tout de même à travers les bulles qui lui frappaient le visage, et lorsqu'il fut assez près, il attrapa l'araignée dans sa puissante gueule.
Araqua fit un petit cri.

- Non ! S'écria Néphie. Dégage toi, vite !

Malheureusement, il était trop tard pour ça. Kahuna remuait sa tête dans tous les sens, faisant valser l'insecte de gauche à droite, de bas en haut. Sonnée, l'araignée ne pouvait rien faire. Finalement, Kahuna serra les crocs encore plus fort, et la bête cessa de lutter pour de bon. En sentant qu'il n'y avait plus de résistance, il lâcha prise, sous les yeux horrifiés de Néphie, et du public. Elle ramena son pokémon tout esquinté dans sa pokéball.
Poehere inspira un grand coup, soulagée.

- C'est bien Kahuna. C'est parfait, on continue comme ça !

Le chiot remua la queue. Il ne savait pas vraiment ce qu'il avait fait de bien, mais apparemment, cela plaisait à sa maîtresse.

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