La nouvelle forme de Hyacinthe est absolument ravissante, et bien plus pratique que la précédente. Il y a des pokémons dont on peut déplorer l’évolution, car ils perdent en esthétisme, bien qu’ils gagnent en puissance, mais cela reste dommage. Notre équipe n’est composée que de pokémons que nous trouvons beaux et puissants et nous sommes ravies que ce soit également le cas de celui qui est notre équipier pour nos activités au sein de la team Galaxie. Bien que le contexte ait quelque chose de dommage : Artie aurait adoré pouvoir observer les roses au bout de ses bras, lui qui adore les fleurs.Peut-être qu’un jour, lorsque nous auront monté en grade au sein de l’organisation, nous aurons le droit de faire se rencontrer nos pokémons de tous les jours et nos pokémons de travail. J’ai déjà outrepassé cette règle, d’ailleurs, pour l’entraînement de Hyacinthe afin de le faire évoluer, mais ce n’était qu’une occasion qui ne sera jamais évoquée. Si personne ne le sait, elle n’existe que pour moi et mes pokémons de toute confiance, présents à ce moment-là, et c’est donc un peu comme si elle n’existait pas du tout.

Après ça, nous avons tranquillement poursuivi et finalisé notre déménagement à Mozheim, l’appartement sur lequel nous avions posé un dossier nous étant revenu. Passer d’une belle maison avec un jardin à un tel logement ‘est pas l’idéal, car nous n’avons plus l’habitude, mais ce renouveau est nécessaire, que ce soit pour notre image ou pour prendre un nouveau départ. Nous n’aurions jamais pu retourner vivre dans la maison familiale, Cannelle n’aurait pas pu, aux yeux de tous, vivre là où son fils et son mari ont été assassinés. Cet appartement en périphérie d’une petite vlle devrait nous permettre de profiter du calme pour continuer de reprendre os esprit et le contrôle d’ue vie que nous avons trop longtemps laissée au droit chemin, trop effrayées que nous étions d’en dévier. Force à été de constater que nous ne le supporterions pas longtemps. Du moins, pas jusqu’à la fin de notre vie. Nous avions presque atteint les trente ans ainsi, c’était bien suffisant.
Nous aurions plutôt dû doner une partie de notre force à Madeleine, si cela avait été possible. Je me demade ce qu’elle penserait de moi aujourd’hui. Je me demande ce qu’il y avait dans la tête de ma grande soeur, si elle m’aurait compris, et parfois je me prends à espérer que cela aurait été le cas. Ce qui est futile. C’est bien parce que je sais que personne ne le peut, et encore moins m’accepter, que je me suis restreinte pendant toutes ces années.

La première chose que nous faisons est de nous concentrer sur l’aménagement de notre nouveau logement. Dans le dernier, contrairement à ce qu’auraient fait beaucoup d’autres hommes plus conciliants, Daniel s’était impliqué. Il voulait choisir leurs meubles avec sa femme et que la décoration leur convienne à tous les deux. Cannelle en était ravie, puisqu’elle ne voulait pas d’un mari absent pour sa vie idéale, pour que le masque parfait puisse subsister, mais j’en avais été fort mécontente. Depuis l’enfance, je déplore la manière dont mes parents aménagent et décorent leur logement alors j’avais espéré qu’en me mariant et en prenant mon indépendance, je pourrais faire ce qu’il me convient. Mais non. Comme pour tout, toujours, tout le temps, il avait fallut que je fasse des concessions au “nous”, Cannelle et moi, pour maintenir la vie que j’avais décidé de lui construire. Cet appartement serait différent, et c’est avec enthousiasme que je me lançais dans le lèche-vitrine de meubles et objets de décoration.

Ces considérations sont sûrement puériles. A mon âge, je devrais savoir passer outre des considérations bassement matérielles comme l’esthétique d’un logement, mais cela me tient à coeur. Auparavant, j’aurais sûrement cherché à comprendre pourquoi; car je n’étais pas dans un espace où je pouvais me permettre de le faire. Aujourd’hui, je peux me permettre de lâcher un peu prise, de m’immiscer un peu plus dans la vie de Cannelle. Sur des petites choses, sans conséquences, comme la décoration d’un appartement, mais toujours est-il qu’auparavant j’aurais eu trop peur de me le permettre. Peur de moi-même. Aujourd’hui pourtant, je fais partie de la Team Galaxie et fait donc prendre bien plus de risques à Cannelle. Construire cet espace de liberté me fait pousser les petites ailes, tout doucement, dont j’ai toujours rêvé. Je n’espère pas un jour pouvoir m’affranchir des normes que m’imposent la société, pouvoir être pleinement moi-même, car je sais que cela me mènerait tout droit derrière les barreaux pour le restant de mes jours, mais au moins je pourrai avoir l’espace de bouger. Etendre mes bras, faire quelques pas… Je crois avoir moi-même du mal à la réaliser. Il faut croire que, peu importe le contexte, quand un être qui n’a jamais connu un minimum de liberté se voit dans une situation où il peut se le permettre, il est quelque peu effrayé.
Cette pensée me fait rire toute seule devant mon écran d’ordinateur, alors que je suis en train de faire défiler des lampes à pieds. Heureusement que personne n’est là et ne peut me voir, à part deux ou trois de mes pokémons qui sont hors de leurs pokéballs et qui n’oseraient jamais me juger. Il ne m’arrive pas souvent de rire. Cannelle sourit beaucoup, elle rit aux blagues les plus nulles par politesse, et pense parfois se fendre d’un rire franc face aux bonnes choses de la vie. Moi, cela ne m’arrive jamais. Peut-être que ce renversement de situation me fait prendre cette faculté à Cannelle. Une femme en deuil de mari et enfant a peu de raison de sourire et de rire, après tout.