Une histoire de confiance

Haruki avait appliqué à la lettre les conseils du professeur Ooshima et du docteur Suibhne quant à l'approfondissement de sa relation avec Yasuda. Elle avait bravé son appréhension en se rendant dans la Grotte Granite. Elle avait à prouver sa pleine confiance en ses pokémons, mais également à la ressentir. Laisser sa vie entre les pattes d'autrui lui était toujours aussi difficile, pourtant elle n'avait pas le choix. Elle demandait trop à son pokémon et, docile, il s'exécutait sans prendre de liberté. L'évolution est un changement important et définitif contre lequel il devait lutter de peur de décevoir. Peu importaient les mots employés, la barrière de la langue semblait infranchissable.

Aussi, Haruki avait organisé un exercice. Yasuda, Aster et Miku n'avaient qu'une seule consigne : assurer sa protection. Elle les sortit de leur pokéball les uns après les autres. Elle craignait la réaction de sa nirondelle et sa fuite potentielle après avoir lu les informations de plusieurs dex sur cette espèce et la libérer dans un espace renfermé lui apparaissait comme un excellent moyen de lui ôter cette possibilité. Désormais que Miku ne montrait plus de signe d'animosité à son égard, à défaut de nouer un véritable lien avec elle, Haruki espérait qu'elle se rapprocherait du gobou et du zigzaton de Galar en devant faire équipe avec eux.

Modération:

Kaito, le dernier capturé, était quant à lui exempté de cet entraînement particulier. Haruki préférait le séparer des autres dans un premier temps afin d'être en meilleure mesure de mieux anticiper ses réactions en cas de problème. Le venin sécrété par ses épines n'étaient certes pas mortel pour les êtres humains mais il pouvait tout de même être lourdement handicapant jusqu'à l'évacuation complète de la toxine. S'il la piquait, volontairement ou non, elle n'avait aucune chance de défier le champion d'arène de la ville dans les temps. Elle refusait encore l'éventualité de repousser la confrontation malgré ses difficultés. Spécialiste du type combat, Bastien saurait sans mal mettre à profit la double faiblesse d'Aster à ces attaques et Haruki aurait besoin de toutes ses capacités pour espérer pouvoir le vaincre avec ses autres pokémons.

A chaque bruit, la dresseuse sursautait, mais son sang martelait ses tempes assez fort pour lui faire douter de leur véracité. A chaque croisement, à chaque virage, elle regardait compulsivement le sol, les parois, le plafond, à la recherche de la moindre menace qui aurait échappé à ses pokémons. Elle s'était interdit de leur donner des ordres mais cette vulnérabilité lui était insoutenable.

Modération:

Pourtant, les trois créatures se montraient dignes de confiance. Yasuda n'avait aucune difficulté à se frayer un chemin en exploitant les faiblesses de ses adversaires, majoritairement de type roche et sol. Aster se chargeait de ceux qui se montraient plus problématiques. C'était sans grande surprise Miku qui s'en sortait le moins bien. Elle volait en éclaireur, limitant au maximum de s'impliquer directement, mais même elle eut son heure de gloire en chassant un makuhita particulièrement résistant.

Au-delà de la peur, Haruki était déçue de ne constater aucun changement chez son gobou. Malgré les combats et l'expérience qu'il en tirait, sa forme actuelle semblait lui suffir. Les propos du professeur Ooshima lui revinrent en tête et elle ne pouvait que lui donner raison : Yasuda était prisonnier de sa rigueur. Il se mouvait en rythme et ses attaques suivant un schéma bien précis. Elle n'avait pas voulu y croire sur le moment, aveuglée par sa vision de la sauvagerie des pokémons, mais la scientifique avait décerné en quelques secondes la vraie nature de son partenaire. Sa route en tant que dresseuse ne faisait que commencer et la raison demanderait l'indulgence, mais Haruki se sentait responsable.

Modération:

Un an s'était déjà écoulé depuis leur première rencontre. Le cadre très fermé de l'Académie et sa peur panique des pokémons limitait grandement le lien qui l'unissait au premier des siens, pourtant elle aurait dû être la personne la plus capable à son sujet. Une chose la rassurait, cependant, car si cette première impression de la scientifique avait visé juste, alors il y avait de grande chance que le reste le soit également. Ajouté à son professionnalisme et à l'étendue de ce qu'elle avait pu présenter à Haruki, cette dernière croyait de plus en plus aux bienfaits de ses routines.

En revanche, le temps restait un ennemi à la valeur incertaine, face à qui elle était en première ligne. C'était sa scolarité qui était en jeu, non celle de ses pokémons comme en combat officiel. Le professeur Ooshima l'avait prévenu : si l'état d'esprit du pokémon était profondément inscrit en lui, il pourrait lui falloir des semaines pour le corriger, peut-être même des mois. A mesure que la journée se déroulait, l'impatience la gagnait peu à peu. Si Yasuda faisait des progrès, elle n'en voyait pas encore les signes. Elle ordonna finalement une pause.

Modération:

La dresseuse commençait à perdre espoir, gagnée par l'impatience, mais l'acharnement lui semblait plus contre-productif qu'autre chose et, puisque ses déambulations l'avaient menée à la grotte principale, le moment s'y montrait propice. L'endroit mêlait naturel et artificiel. A une lointaine époque, les Hommes avaient remodelé la roche, lissé les aspérités sur les mètres inférieurs, jusqu'à ce que les moyens n'aient plus été suffisant ou que le projet soit abandonné. Mais les dalles, autrefois si précotionellement taillées, avaient perdu de leur splendeur. Elles étaient émoussées, ébréchées et parfois même manquantes. Le temps avait fait son œuvre.

De part et d'autre, des torches étaient disposées de sorte à éclairer l'ensemble de la pièce. Un frisson parcourut le dos d'Haruki à l'idée des pokémons qui pouvaient se cacher, tapis dans l'ombre, et l'attaquer par peur ou par prédation. Dans les étroits couloirs, la lanterne confiée par l'Académie était suffisante, mais dans cet espace, elle ne voyait pas plus loin qu'à quelques mètres. Ne disposant pas d'attaque de type Feu, c'est manuellement qu'elle alluma les flambeaux un à un, en dirigeant vers eux la flamme contenue dans son propre dispositif.

Modération:

Petit à petit, la lumière se frayait un chemin, du chambranle de la porte jusqu'aux profondeurs de la pièce, suivant la voie tracée par la lanterne d'Haruki. Ce simple cylindre incolore n'était pas plus long que la délicate main de la dresseur était large. Une taille savamment étudiée pour permettre à la flamme qu'il abritait d'éclairer le plus loin possible sans pour autant être contraignant. Car, habituellement pendu au passant d'un étui à pokémon ou l'anneau métallique d'une tenue de travail, le moindre pas l'agitait et pouvait gêner son porteur et bon nombre d'entre eux devaient être en mesure de courir en cas de danger imminent.

En se détournant de l'un des flambeaux, le pied de la dresseuse percuta un obstacle. Il n'avait rien de comparable aux débris dispersés à même le sol, bien plus imposant qu'eux. Par réflexe, la dresseuse bondit en arrière. « Un pokémon ? » Trop occupée à scruter les ténèbres afin de réagir aux premiers signes d'un mouvement, elle n'avait plus attribué l'attention nécessaire au reste de son environnement. Revenant soudain à la réalité proche, elle remarqua les contours d'une marche.

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Une petite dizaine s'en élevaient encore. Haruki se retourna, cherchant du regard son escouade de pokémons. A défaut de pouvoir considérer toutes ses craintes comme infondées, elle fut tout de même rassurée de constater qu'ils étaient toujours sur leurs gardes, prêts à intervenir si une menace survenait. Elle posa un pied tremblant sur l'escalier de pierre et, après une longue respiration, grimpa jusqu'à son sommet.

A première vue, il n'y avait rien. Un mur se dressait face à elle, à seulement quelques mètres. Toutefois, il n'était pas ordinaire. La jeune femme s'en approcha, main en avant et, du bout de l'index, suivit les courbes qui y était dessinées. Avant de se raviser. La fresque de la Grotte Granite portait une telle histoire que même une Koyama ne saurait la souiller de ses doigts. Les pokémons sauvages limitaient grandement la présence de curieux, mais rien d'autre n'avait été mis en place pour la protéger. Une simple capacité roche ou sol, d'un dresseur ou d'une des créatures, pouvait fissurer ce témoignage des siècles passés, dont la trace ne serait conservée que dans de vieux relevés issus d'une technologie approximative désormais dépassée.

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La simple lueur de sa lanterne ne permettant de saisir ni l'immensité de la fresque ni ce qu'elle représentait, elle chercha les dernières torches mais trouva à leur place deux imposants braseros en fer. Les reflets à la surface de leur contenu trahissaient la présence renouvelée d'allume-feu, reste du dernier passage d'un dresseur sans qu'il ne soit possible d'en dater l'origine. De peur de se brûler en s'abaissant à leur hauteur, Haruki sortit de sa sacoche un linge et le déplia à même le sol. Il contenait du bois, de différentes épaisseurs, censé lui permettre de monter un feu de camp d'urgence, lorsque la végétation manquait ou que la météo ne s'y prêtait pas. Mais, plutôt que d'allumer les branches, elle se saisit de deux brindilles, qu'elle enflamma en les pinçant entre deux de ses doigts et laissa choir dans chacune des coupoles. A leur contact, l'huile s'embrasa immédiatement et la lumière des flammes acheva les ombres subsistantes. Seules les silhouettes d'Haruki étaient dessinées à l'opposée de chacune d'entre elles, sur la paroi rocheuse, à peine grisées, la seconde assurant les failles de la première.

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