Peu de temps après son arrivée à l'Elite, Archie s'y retrouve seul. Les amitiés avec le personnel n'ont pas encore eu le temps de se former, et la solitude vient bien vite s'appesantir sur le maître coordinateur.
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De ce qu’il lui avait été rapporté par Hao Lin, il serait malvenu de la part d’Archambaud de quitter le quartier général de l’Elite pour une raison autre que professionnelle, si tôt après sa prise de poste. Il s’agissait d’une question d’image, on ne pouvait voir le tout nouveau maître coordinateur se faire la malle dès son arrivée sous peine que ce soit interprété par les médias comme un problème inhérent à l’institution qui pousserait les maîtres coordinateurs à fuir. Les rumeurs sur un tel turn-over à l’Elite faisaient couler énormément d’encre, et le rôle de l’ancien acteur était aussi de dissiper cette ombre qui planait, de redorer le blason de l’Elite. Ce rôle déplaisait fortement à Archie, qui n’aimait pas être instrumentalisé au profit de ceux ayant déjà le pouvoir et l’argent, mais c’était ce pour quoi il avait signé, et il se devait de jouer le jeu. Cela n’était pas aussi simple pour lui qu’il l’aurait souhaité : ses amis se trouvaient à Unys, toute sa vie s’était trouvée à Unys jusque-là. C’est pour les voir qu’il aurait aimé pouvoir faire un saut à Ondes-sur-Mer, le temps d’un week-end, cependant son agente le lui avait formellement interdit. Archie resterait à l’Elite, quoi qu’il pût en penser. Il n’était jamais parvenu à remporter la moindre discussion argumentée avec Hao Lin, il n’avait jamais vraiment essayé. Il était plus simple pour lui d’accepter et, après tout, il lui devait l’intégralité de sa carrière. « Si j’ai pu te conduire jusqu’ici, c’est que je sais ce qui est bon pour ta carrière. » Elle savait mieux que lui. A partir de là, tout était dit.
Cela n’empêchait pas qu’en ce dimanche après-midi, Archie s’ennuyait dans son tout nouvel appartement à l’Elite. Une exceptionnelle accalmie dans les interviews qu’il donnait à tout va durant ce week-end l’avait dépourvu de rencontres, ce qui l’avait conduit à demander pour le séjour à Unys, et le nouveau maître coordinateur avait épuisé toutes les activités auxquelles il avait pu penser. Calypso, la collègue l’ayant accueilli, était en déplacement au grand dam d’Archie. Le kalosien d’origine avait grandement apprécié la jeune femme et espérait sincèrement la croiser régulièrement, sauf que cela n’était pas possible ce jour-ci. Il avait, la veille, fait visiter les locaux à ses pokémons, malgré le raffut que cela a pu causer. Son équipe était globalement plutôt disciplinée, néanmoins le nombre de pokémons entraînait forcément un espace pris plus important, tant sur le plan spatial que sonore. Il prit le temps, à chaque repas pris au réfectoire – il n’utilisait pas encore sa cuisine pour l’instant et n’était de toute manière pas suffisamment aguerri pour faire mieux que ce que proposait la cuisine de l’Elite – Archie prenait le temps d’échanger quelques minutes avec le personnel qu’il rencontrait. Il souhaitait sincèrement apprendre à connaître chacun d’entre eux, au minimum leur prénom. Chacun avait son importance qui n’était jamais moindre que la sienne. Pour autant, Archie demeurait nouveau, et il craignait que parler longuement et être curieux ne soit pas des plus appropriés. Il ne pouvait pas forcer l’entente et le lien que le quotidien pouvait créer. Il ne pouvait donc pas solliciter ces personnes-là dès qu’il s’ennuyait ; tout du moins pas encore. Il était de nouveau allé faire un tour – seulement accompagné de sa Muplodocus cette fois-ci – dans le dôme de coordination et sur le stade de combat. Il souhaitait s’imprégner des lieux, maintenant qu’il n’allait plus s’y rendre comme challenger, mais en sa qualité de maître coordinateur. Et, le matin-même, il avait fait une balade en extérieur avec Sigourney et Dean. Il en avait profité pour appeler Yoann, donner de ses nouvelles, en prendre de celles des parents de son meilleur ami. Cependant, Yoann était attendu au studio d’enregistrement, ce qui coupa court à la conversation. Il le rappellerait plus tard.
Ainsi donc, Archambaud se retrouvait seul après le repas, dans cet espace auquel il s’adaptait, dans lequel il commençait à prendre ses marques. Il se dit alors qu’il pourrait allumer la télévision, voir ce qui pourrait être diffusé. Il fit donc l’effort de se lever du sofa sur lequel il s’était installé pour se saisir de la télécommande et revint s’y laisser tomber. Dean, son Nymphali, bondit aussitôt sur ledit sofa, pour s’allonger en partie sur son dresseur et enrouler l’un de ses rubans autour de son bras valide. Sous la pression sur le bouton de la télécommande, l’écran s’alluma et Archie put découvrir un premier programme. Sur le bandeau s’affichant en bas de l’écran, le nom lui parut familier. Il connaissait ce film, sans pour autant être capable de le replacer. Il se demandait à quel moment il avait pu l’avoir visionné, mais décida de ne pas chercher davantage d’informations. Lorsque son visage – avec une dizaine d’années de moins – apparût, une moue d’incompréhension vint s’imprégner sur le sien. Il ne s’attendait pas à cela, et pourtant, il s’agissait bien de lui, dans ce qui avait tout l’air d’être une comédie romantique. Les souvenirs refirent alors surface, il se rappelait avoir eu ce rôle secondaire au début de sa carrière. Cependant, la mélancolie resta anecdotique : Archie était surtout très inconfortable du fait de se voir jouer. Il détestait cela, il avait pour ligne de conduite de ne jamais regarder jamais les films ou séries dans lesquels il avait pu tourner. Par principe, parce qu’il savait que son jeu ne lui conviendrait pas, et parce qu’il trouvait cela insupportable. Archie avait beau se savoir bon acteur, être véritablement confiant à ce sujet, son attention se focalisait immédiatement sur ce qui aurait pu être amélioré, sur ce qui n’était en soi pas un défaut, mais le devenait du fait de ne pas être la perfection. Et ceux qui ne se critiquaient pas en se voyant à l’écran étaient soit hypocrites, soit d’une excessive confiance en eux. Le maître coordinateur se surprit cependant à ne pas changer de chaîne, à rester sur le programme.
Malgré l’inconfort que représentaient les quelques scènes dans lesquelles il apparaissait, Archie continua de visionner le programme. Il ne s’agissait pas de curiosité ni même de fascination, l’ancien acteur se disait seulement que la situation était suffisamment insolite pour la faire durer. Il n’avait contribué qu’à peu de films du genre dans ses tout débuts, alors les probabilités pour qu’il tombe sur la rediffusion de l’un d’entre eux étaient plus que mince. Au moins, Archie se disait que cela aurait le mérite de faire passer le temps, et ce fut efficace. Il s’amusa même à mettre le film en pause à un moment où on pouvait bien le reconnaître afin d’immortaliser l’instant. Il poussa légèrement son Nymphali pour lui signaler de se déplacer, puis se leva, récupéra son téléphone portable sur le comptoir de la cuisine avant de se venir se rapprocher de la télévision. Il se pencha de sorte à ce que le selfie puisse aussi bien laisser voir son visage à l’écran et son visage hors de l’écran. Et sans même s’embêter avec un quelconque filtre, la photographie fut postée sur les réseaux sociaux de l’artiste. C’était amusant, cela égayait son après-midi. Il restait encore à voir ce que la fin de sa journée allait lui réserver.
Peu de temps après son arrivée à l'Elite, Archie s'y retrouve seul. Les amitiés avec le personnel n'ont pas encore eu le temps de se former, et la solitude vient bien vite s'appesantir sur le maître coordinateur.
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Malgré l’interlude, Archambaud finit par soupirer. Il contemplait là cette solitude humaine qu’il savait nuisible pour lui. Il ne pouvait pas se permettre de s’isoler de nouveau de ses proches, de ses amis. Il avait beau avoir été conscient que quitter le Pokéwood était synonyme de déracinement de ce milieu auquel il appartenait pleinement. Darren, peu de temps avant lui, avait saisi une opportunité à Sinnoh, mais la distance entre le quartier général de l’Elite et Féli-Cité était bien plus grande que celle séparant le Pokéwood de Méanville. Malgré leur région commune, l’un comme l’autre n’étaient pas dupes : ils ne se verraient pas autant que précédemment.
Une fois le soir tombé, le silence s’était installé bien plus durement que le maître coordinateur l’aurait cru. Il déplorait l’absence de Calypso, ce déplacement pour le compte de l’Elite le privant de cette nouvelle collègue. Aurait-il cependant osé lui imposer sa présence ? Il n’en était pas certain. Hormis Hao Lin, Archie n’avait ici aucun autre interlocuteur privilégié, et l’agente n’était en aucun cas une personne avec qui il tenait à converser. Pas à cet instant. Dean, réceptif au sentiment d’angoisse émanant de son dresseur, vint s’approcher de lui, vint glisser l’un de ses rubans entre les doigts du kalosien. Un mince sourire passa sur le visage de ce dernier. Depuis son arrivée dans la vie de l’acteur, le Nymphali remplissait pleinement son rôle de pokémon de soutien émotionnel. Il restait à l’affût de l’humeur d’Archie, prêt à intervenir tant pour l’alerter sur son propre état que pour l’apaiser. Il ne s’agissait pas de la présence qu’il recherchait, mais une chose demeurait sûre : Archambaud n’était pas seul. Il avait ses pokémons avec lui, certains même avec lui dans l’appartement. Romy était calmement couchée au pied de son lit, somnolant déjà, tandis que Sigourney rêvassait face à la grande fenêtre donnant sur la mer. Pour les autres, ils restaient dans l’espace prévu pour eux dans les locaux de l’Elite, chouchoutés par une équipe de soigneurs.
Archie sut alors quoi faire pour s’alléger du poids de cette solitude, à qui s’adresser pour faire ouvertement part de ce qu’il ressentait, au milieu de tous ces changements. Joshua. Il n’ignorait pas le décalage horaire entre Sinnoh et Unys, ce qui le conduisit à s’informer de l’heure dans l’autre région. Sept heures du matin : il était tôt. Pour autant, l’acteur connaissait le rythme de vie dudit Joshua, et qu’il pouvait de toute manière appeler à toute heure de la journée ou de la nuit. Alors il appela. Il ne fallut pas plus de deux sonneries pour entendre une voix de l’autre côté de l’appareil. « Archie ? Ça va ? » Les mots ne sortirent pas de la bouche du concerné, pas immédiatement. « Je me doute que ça doit faire beaucoup de changements pour toi, ces derniers temps, et surtout beaucoup de monde en moins autour de toi. C’est déstabilisant, c’est normal, ça serait le cas pour n’importe qui. » Joshua n’avait pas besoin des mots d’Archambaud pour savoir quoi faire, quoi dire. Il le connaissait, depuis ces dernières années passées auprès de lui. Il était un soutien majeur, un repère indispensable lors des journées plus difficiles. « Je suis content que tu m’aies appelé. Tu as bien fait. »« Merci. » Archie parvint enfin à prendre la parole sans pour autant chercher à la garder. « Est-ce que tu penses pouvoir gérer ? » La question était lancée, bien que Joshua se doutait de la réponse qui lui serait donnée. « Je ne sais pas. Il n’y a personne ce soir avec qui je pourrais parler et, quand je suis seul, ça me traverse l’esprit. C’est bref, mais ça suffit pour me faire peur. J’ai peur de craquer. » La voix d’Archie ne tremblait pas. L’acteur était factuel, détaché de ce qu’il pouvait énoncer de ses propres ressentis, de ses propres pensées ; cela inquiétait Joshua.
« D’accord. Ça nous arrive à tous, ces moments de doute, ces moments où on se sent plus faible. Ce que tu dois voir maintenant, c’est que tu as des ressources et que tu sais les utiliser. La preuve : tu m’as appelé. » Archie s’enfonça dans son canapé, le téléphone toujours plaqué contre l’oreille. Une nouvelle fois, Joshua savait se montrer rassurant. « Alors maintenant, on va essayer d’être stratégique, ça te va ? » Le maître coordinateur acquiesça. Il savait que c'était une manière d’opérer efficace pour lui.