D'un mouvement souple du bras, je dégage les dix centimètres de neige qui se sont accumulés depuis ma dernière visite. J'essaie de ne pas laisser les stèles de mes parents se faire engloutir par la nature froide et sauvage des montagnes, malgré mon emploi du temps chargé. À mes pieds, Spiritus jappe gaiement tout en remuant la queue, content de pouvoir passer du temps en ma compagnie.
Il n'est pas le seul toutombe à arpenter ce cimetière perché en hauteur, à flanc de colline douce et peu escarpée, et située à quelques kilomètres de mon village natal. La tradition d'avoir un gardien par famille se perpétue depuis des générations.
Je balaie la surface frontale des pierres tombales, révélant l'épitaphe gravée dans un marbre blanc strié de gris. Revoir le nom de mes parents et la date de leur décès ne me choque plus autant que lorsque j'étais enfant. Je me souviens à peine de leurs voix, de leurs visages. De la chaleur de leurs étreintes. Les photos conservées par mon père et ma mère adoptives, et par les amis et proches qu'ils côtoyaient, ne rendent pas justice aux personnes formidables qu'ils étaient.
Mais un jour, nous nous retrouverons, et cela me rassure et me console.
- Tu seras sage jusqu'à mon retour ?
Le chien spectral aboie joyeusement, avant de se mettre à courir en cercle autour de moi. Je souris, malgré la fatigue qui commence à me gagner. Sa présence me draine graduellement de mon énergie, et je sais que si je restais trop longuement, je finirais par m'écrouler. Le pauvre ne le réalise pas. Il est si adorable et jovial, toujours accueillant, incapable de faire de mal à qui ou quoi que ce soit.
Je me penche pour déposer le petit bouquet de fleurs-de-neige, une espèce ne poussant qu'à une altitude vertigineuse et qui est originaire de Paldea. Elles ressemblent à des grappes de minuscules lys blancs aux pétales courbés et délicats, d'un blanc pur et éclatant. Elles se confondent aisément parmi la neige.
Je m'autorise ensuite à tendre la main vers Spiritus, qui arrête aussitôt sa course pour venir renifler mes doigts et les lécher. Un frisson violent remonte le long de mon échine et j'éprouve aussitôt un sentiment de malaise. La tête me tourne légèrement. Je caresse néanmoins le pokémon chien, en prenant soin de ne pas toucher à la flamme qui brûle au sommet de son crâne.
- Je reviendrais bientôt.
C'est une promesse que je tiens toujours et que je ne me lasse pas de lui répéter. Spiritus dépose une dernière léchouille avant de s'éloigner en trottinant et de plonger dans l'épaisse couche de neige qui continue de s'accumuler à la base de la stèle, ne laissant poindre que la pointe de sa chandelle. Son départ allège aussitôt l'atmosphère et je me retrouve à respirer de nouveau normalement, libérée de cette oppressante, et involontaire, malédiction qui rend le contact prolongé impossible avec mon plus fidèle compagnon.
J'adresse une dernière prière, un dernier message silencieux à mes parents, avant de me diriger vers la sortie du site. Je ne fais pas trois pas que mon portable se met à vibrer dans la poche de mon anorak rouge. Je le sors, observe le nom de l'appelant pendant une brève seconde, puis décroche.
Sans trop savoir dans quoi je me suis embarquée, me voilà en route vers la région éloignée de Galar, pour rendre service. Pour dépanner ma collègue qui, lors d'une visite familiale, en a profité pour faire un saut chez une éleveuse et y déposer l'un de ses protégés. Et puisqu'elle est aux prises avec le travail et que j'entame ma semaine de congé... J'ai été élue candidate idéale pour effectuer le voyage et pour ramener son pokémon.
Ces temps-ci, j'ai l'impression de sortir davantage de ma zone de confort. De quitter le périmètre familier et rassurant de Frigao et des sommets glacés pour m'enfoncer dans des landes inconnues. Et je ne suis pas encore sûre d'aimer ça.
Je consulte les coordonnées notées sur mon portable, avant de pousser la porte de la grande bâtisse de pierre. Par quel miracle me suis-je rendue jusqu'ici sans me perdre ? Je m'écrase sur un gros pouf turquoise, avec le besoin de souffler et de recentrer mes pensées. Mais j'ai oublié avertir la propriétaire des lieux de mon arrivée. Je soupire fort et me relève en grommelant. Sitôt posée, sitôt remise en mouvement.
Un coup de sonnette suffit pour signaler ma présence.
HRP Je te dépose comme convenu mes deux petits L'entraînement sera : Grondogue niveau 10 (reste 1 niveau) jusqu'au niveau 49 ainsi que ma Lilliterelle niveau 9 (reste 1 niveau) jusqu'au niveau 49 pour un total de 2895 pokédollars (entraînement tranquille) ! Je te verse le tout immédiatement. Merci encore
L'entraînement fut productif, aujourd'hui. A mon avis, ce bleuseille pourra bientôt évoluer. Il n'a aucun mal à fondre sur ses proies en mouvement - de simples ballons de football pourvus d'anses en cuir - que ce soit au sol ou dans les airs. Il n'avait pas une telle vivacité lorsqu'il est arrivé. Et ce n'est pas le seul domaine dans lequel il a fait des progrès spectaculaires. Il a gagné une aisance similaire en parcours aérien et brise désormais les cibles en bois d'un seul coup, là où il ne leur infligeait presque pas de dégâts au début. C'est tellement gratifiant, quand tout se passe comme ça. Il est devenu malgré lui un ambassadeur de la pension, la preuve que substituer aux combats pokémons un programme sportif est tout aussi efficace. Alors, oui, pour certains pokémons, c'est un peu plus compliqué, ne serait-ce que de trouver la bonne motivation pour les faire transpirer, mais quand tout se passe pour le mieux, et bien, je profite. C'est ce genre de choses qui me rassure. J'avais toujours su que je reprendrai la pension un jour, mais ce n'est pas le choix que j'aurais pris par moi-même. Alors j'embrasse tout ce qui peut me faire oublier mes chaînes et je rentre le bleuseille dans son box avec le sourire.
Au travers de la porte, je distingue le tintement qui résonne dans le couloir. Psychopé s'affole encore, comme chaque fois qu'elle remarque la présence d'étrangers sur le domaine de la Ferme. Son parcours était toujours le même : d'abord la salle d'accueil, pour prévenir les intrus que ses terres étaient protégées - mais sans hostilité, un peu comme une parade - puis elle parcourait l'aile des pensionnaires. Ça ne faisait donc que quelques poignées de secondes qu'elle s'était absentée, je n'aurais pas à justifier de retard. Je ressors par la porte extérieure pour verrouiller le battant transparent. A tous les coups, Psychopé sera persuadée que personne ne l'a entendu et elle repassera dans l'aile d'habitation. Là, elle trouvera ma mère, probablement enfermée dans la salle de bain. Une bonne douche me ferait du bien, même si ce n'est pas moi qui me dépense le plus, je cours pas mal durant l'entraînement. Mais pas le temps. Enfin, elle comprendra que maman ne descendra pas et se dirigera vers l'extérieur, le potager et la remise, mais en passant par la salle d'accueil pour sortir, elle me verra finaliser avec le client et retournera sagement dans son grenier.
Je longe le mur des box jusqu'à la porte-fenêtre donnant sur la réception tout en retirant mon tablier. Ce n'est pas la tenue la plus agréable à porter, ni la plus présentable, mais les tâches d'herbe et de boue attestent de sa protection. Il a déjà sauvé plusieurs fois mes vêtements blancs et crèmes, alors je le supporte en extérieur, mais j'aime autant l'enlever face aux clients. Cette fois-ci, c'est une femme rousse qui m'attend et je répète la formule traditionnelle :
- Hello, bienvenue à la Ferme de la Source. En quoi puis-je vous aider ?
Je passe derrière le comptoir et dépose dessus mon tablier vaguement plié, puis je pousse le siège sous la planche horizontale. Celui-ci n'a d'utilité que lors d'un lourd travail sur les dossiers. Je préfère encore rester debout. C'est comme ça que je suis la plus efficace. Il y a toujours besoin d'attraper des documents, de faire visiter ou je ne sais quoi d'autre.
Restitution de Papi (Grondogue) et Lee (Lilliterelle), tous deux niveau 42 (0)
Kate parle en #5f7e78. Image originale de l'avatar par Leavy
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