Il était agréable de revenir à Kalos, de revenir à Roche-sur-Gliffe. J’y avais travaillé et vécu pendant presque deux années et, malgré le temps régulièrement capricieux, j’avais apprécié la qualité de vie de cette ville. Je retrouvais donc assez aisément mes repères, bien que stationnant à l’hôtel Le Glifforoc et non dans l’appartement que je louais à l’époque. Je retrouvais mes footings matinaux sur la plage, ce qui pouvait me manquer par moments à Kickenham. Fouler le sable, respirer les embruns, croiser des pêcheurs déjà installés à l’aube, il s’agissait de tant de petites choses qu’il m’était impossible de retrouver dans cette ville de Galar. Alors j’en profitais au maximum sur le temps qu’allait durer mon séjour sur place.

La raison de ma venue m’enchantait encore bien davantage que la destination en elle-même : j’avais été invité par le Bureau d’Étude des Fossiles. Enfin, il ne s’agissait pas là d’une banale invitation par d’anciens collègues de travail, j’étais l’un des invités d’honneur – même si cela m’avait surpris de prime abord – d’un colloque sur les pokémons fossiles, qui regroupaient des professionnels du milieu en provenance de toutes les régions. J’étais sincèrement flatté d’avoir été convié de la sorte ; pour autant, je me montrais perplexe quant à ce rôle d’invité d’honneur. Je n’avais jamais été une célébrité dans le domaine, je n’avais jamais contribué à la recherche, simplement au soin de ces pokémons. Alors c’était étrange de me savoir nommé de la sorte, surtout quand je regardais les autres noms avant le mien, des sommités. Je faisais définitivement tâche. Il m’était impératif d’en parler à monsieur Roubillon, le directeur du Bureau. Je devais connaître la raison de cette mise à l’honneur que je ne parvenais pas à voir. Je me sentais bien illégitime, mais cela ne m’avait pas empêché d’accepter et de venir. Après tout, je me disais qu’il y avait forcément une bonne raison, simplement qu’elle ne m’était pas connue.

Arrivé la veille, je me sentais prêt pour ces trois journées de colloque. Par ailleurs, je connais les lieux et surtout le personnel sur place, étant donné qu’ils étaient encore mes collègues, quelques mois plus tôt. Alors je m’étais permis de venir en avance sur l’heure annoncée, pour voir s’ils avaient besoin d’une aide quelconque pour la mise en place. Ce genre d’événement nécessitait forcément beaucoup d’organisation et il était rare que cela se déroule sans imprévu de dernière minute qui sème la panique. Alors voilà, il était à peine plus de neuf heures, j’avais eu le temps de faire mon jogging matinal, comme j’en avais l’habitude à l’époque. J’avais même pu soudoyer Giuseppe – le gérant de la salle de sport que j’ai fréquentée durant mes deux années à Roche-sur-Gliffe – pour que je puisse utiliser les équipements sur les trois matinées où j’allais être là. J’étais frais comme un Ecayon, encore sous l’effet des endorphines libérées plus tôt.

« Eddie ? On ne t’attend pas avant onze heures comme le reste des invités, qu’est-ce que tu fais là aussi tôt ? » Luce, l’une des soigneuses du Bureau, m’accueillit. Nous avions commencé à travailler ici au cours du même mois et avions tissé d’excellentes relations professionnelles. Surtout que nous travaillions ensemble auprès des pokémons, nous passions nos journées ensemble. Alors croyez-moi, nous nous entendions drôlement bien. « Ravi de te voir également ! Je suis venu voir si vous aviez besoin d’un coup de main pour le colloque. » Je me permis un sourire taquin, n’oubliant pas de reprendre mes mauvaises manières avec Luce. Cette dernière me jeta un regard comme elle pouvait en avoir l’habitude avant, faussement agacé. « Je n’ai jamais dit que j’étais ravie de te revoir… Ne va pas présumer de certaines choses, monsieur le quitter. » Nous reprenions nos taquineries comme si nous ne les avions jamais arrêtées, ce qui me faisait grandement plaisir. J’en retins un soupir : avoir de telles interactions professionnelles me manquait, c’était un fait. « Et en plus, tu me fais l’affront de ne pas revenir pour mes beaux yeux… Dans ce cas, va rejoindre Edgar et Jules, ce sont eux qui s’occupent de tout ça. Tu connais la maison alors je vais te laisser ; il y en a qui ont du boulot, eux. » Un léger rire m’échappa. Elle n’avait pas complètement tort : certains pokémons étaient réglés comme des horloges, et le repas du matin ne pouvait pas attendre. Je n’allais donc pas retenir la soigneuse plus longtemps. Juste le temps de rétorquer, histoire qu’elle sache que je n'allais pas lui offrir la victoire sur un plateau d’argent. « Ah oui, désolé, je suis trop occupé à être l’invité d’honneur. Et bonne chance avec Othello. » J’affichais un sourire narquois en mentionnant le Dragmara avec le plus mauvais caractère que j’aie jamais pu voir chez un pokémon, toute espèce confondue. Surtout que le fossile glace s’avérait particulièrement de mauvaise humeur le matin. Ce n’était jamais une partie de plaisir de s’occuper de lui, jamais. Et ça, je le savais très bien.

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Modération:

Je n’eus pas grande difficulté à retrouver mes marques dans ce lieu que j’avais fréquenté quotidiennement pendant quasiment deux ans. Tout n’était pas identique, mais il n’y avait pas eu de changement majeur visible ; tout du moins je n’en avais pas vu jusque-là. Je traversais donc le bâtiment jusqu’au hall d’entrée – étant arrivé par l’entrée du personnel – où se trouvaient effectivement monsieur Solier et Jules. Edgar Solier s’avérait être le directeur des lieux, l’homme qui m’avait accepté en stage puis engagé sur la recommandation de son vieil ami René Rochard, mon professeur et mentor à l’école vétérinaire, lui-même vétérinaire spécialisé dans les fossiles. Monsieur Solier n’était pas un scientifique à proprement parler, il n'avait jamais fait d’études dans le domaine, mais cela ne l’empêchait pas de s’y connaître dans le domaine. Il avait été champion de l’arène de Relifac-le-Haut dans sa jeunesse, bien avant que Lino ne reprenne le flambeau, en spécialiste du type roche. Il avait en sa possession plusieurs pokémons fossiles, ainsi qu’un Golgopathe qui l’accompagnait généralement hors de sa pokéball. C’était une figure locale importante, qui s’investissait dans la communauté et ce n’était pas sans raison qu’il avait été placé à la tête de la gestion du Bureau. Si je devais le décrire brièvement, je dirais qu’il était bienveillant avant tout, tenait à la cohésion du personnel l’entourant et qu’il ne craignait pas de donner une chance à ceux qui débutaient.

D’ailleurs, Jules à ses côtés faisait partie de ces chanceux, tout comme moi. Le chargé de communication était arrivé au Bureau quelques mois avant mon départ, ce qui ne nous avait pas empêché de rapidement bien nous entendre. Tout était parti de mon compte Instagram – qui était déjà suivi par une paire de milliers de comptes à l’époque – Jules m’avait proposé de faire quelques posts avec le compte officiel du Bureau. Cela avait suivi par l’organisation de sessions de questions-réponses, et une certaine implication de ma part dans la création du contenu. J’avais apprécié sa vision de la communication via les réseaux sociaux, qu’il ne pensait pas uniquement à en faire la promotion, mais également à utiliser les diverses plateformes pour du contenu éducatif. Certes la visée ultime restait de gagner en visibilité, pour davantage de visiteurs et donc de fonds, mais cela ne se limitait pas qu’à ça. Puis Jules était un gars sympa, ce qui aidait forcément.

« Edouard. Vous êtes bien en avance, dites-moi. » Je ne pus retenir cette légère crispation en entendant mon prénom complet. Je n’étais jamais parvenu à ce que monsieur Solier m’appelle Eddie, malgré mes nombreuses tentatives. J’avais fini par abandonner, ce qui ne m’empêchait pas de hérisser le poil à chaque fois. « Monsieur Solier. Je me suis dit que vous ne seriez pas contre une paire de bras supplémentaire. Puis je dois admettre que ça me fait plaisir de venir tous vous voir avant que les festivités ne commencent. » Je me tournai alors vers le chargé de communication. « Salut Jules. » Vous échangeâtes poignées de mains et sourires. « Vous nous voyez ravis de cette initiative. Malheureusement, je vais devoir vous abandonner, je suis attendu. Mais ne vous en faites pas, Jules saura vous indiquer où vous pouvez apporter votre aide. » Sans davantage de cérémonie, monsieur Solier quitta la pièce. Jules s’approcha alors et apposa vigoureusement sa main sur mon épaule. « Ça fait super plaisir de te revoir ! Comment tu vas ? Et Timothée alors ? » L’enthousiasme de Jules ne me surprit pas. Il s’agissait là du niveau d’enthousiasme dont j’avais le souvenir, et j’appréciais cela. Je donnai donc des nouvelles, les centrant principalement sur mon fils. Et je pris également des nouvelles de son côté. J’avais décidé d’être précautionneux, car il m’était déjà arrivé de mettre les pieds dans le plat sans le savoir, de mettre le doigt sur le sujet à éviter d’entrée de jeu. Demander comment va le compagnon et apprendre que le divorce était frais et surtout mal vécu, oui, j’avais déjà fait. Je ne tenais pas à recommencer, alors je restais général dans mes questions. Au moins, Jules pouvait m’informer de ce qu’il souhaitait.

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