Une main en appui sur la rambarde, Yura sauta avec agilité du bateau. Elle atterrit des deux pieds sur la langue de béton à laquelle ils venaient de se docker et manqua de terminer son acrobatie face la première contre le sol à cause d'un très léger vertige lié à la fatigue. Après deux heures en mer et quatorze heures de vol, il était bon de retrouver le plancher des Milktank mais elle ne désirait pas le faire aussi littéralement. Hola, petiote, fais gaffe. Réagit le vieux marin toujours posté sur son navire. Elle lui adressa un pouce levé en guise d'assurance qu'elle gérait. Ce n'était qu'une toute petite exagération. Il faudrait néanmoins qu'elle envisage sérieusement l'idée de faire une sieste après ce long périple. Elle en demandait peut-être un peu trop à son corps après ses dernières aventures. Heureusement, ce n'était pas le travail qui l'avait attiré à Hoenn pour une fois. Elle comptait bien profiter des merveilles que la région avait à lui offrir mais elle allait aussi en profiter pour souffler un bon coup. Une fois sûre d'être bien stable, elle ouvrit les bras pour intercepter le sac que l'homme avait à lui lancer. Merci pour la traversée, M'sieur Goro. Vous m'avez fait économiser le prix de la navette. Le vieux lui sourit avec bonhommie. C't'avec plaisir, ma petite. J'te dois bien ça après que tu nous ai réglé le problème des Wailmer. La brune se gratta la tête, un peu gênée. Cette mission datait, elle avait été l'une des premières que Yura avait effectué en solo en dehors de sa région natale. J'ai juste fait mon boulot, vous savez. N'empêche que tu nous as tiré une belle épine du pied. Et j'aime pas les dettes, moi. Alors on est quitte ! Elle sourit à son tour tandis qu'il éclatait d'un rire franc. Profite bien de notre belle région. Et hésite pas à m'envoyer une lettre si tu veux que j'te fasse visiter. Je n'y manquerais pas. Les deux échangèrent un signe de la main avant que le marin ne retourne à la barre pour mettre le moteur en route. La Ranger regarda le bateau partir avant de faire volte-face pour observer la ville dans laquelle elle venait de débarquer.

Mossdeep City était décidément bien intéressante. Elle offrait un bon mélange entre la nature et les signes de civilisation. Les quartiers d'habitation s'étendaient sur de multiples paliers avant d'être couronnés par ce qui avait tout l'air d'être de vastes forêts. Au loin s'élançait une tour ultra-moderne qu'elle devinait comme étant le fameux centre spatial. Cela la poussa à repenser à la raison même de sa présence. Satsuki ayant un peu de mal à s'adapter à son nouveau logement après le déménagement, Yura lui avait promis de venir lui rendre visite pour terminer de vider ses cartons et l'aider comme elle le pouvait à faire la transition. Si elle était bien intentionnée, c'était aussi une bonne excuse pour voir sa meilleure amie après cette séparation peu habituelle depuis qu'elles se connaissaient.

Sortant son téléphone, la jeune femme vérifia qu'elle n'avait pas reçu de nouveaux messages de Saki, puis elle se remit en tête les indications données pour l'aider à trouver son immeuble. A cette heure, son amie travaillait encore mais elle lui avait donné les codes d'accès pour lui permettre d'aller prendre ses aises dans son appartement en attendant son retour. Une fois son sac sur le dos et son smartphone en poche, Yura se mit en route.

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L'immeuble dans lequel vivait Satsuki appartenait aux plus récents que Yura avait pu voir sur son chemin pour l'atteindre. Il se trouvait dans une zone qui avait tout l'air d'être en pleine expansion. Elle reconnu sans mal les enseignes de magasins et autres cafés dont on pouvait voir des pubs un peu partout. La ville devait subir un boum économique et, si elle se fiait à cette récente vague de recrutements parmi les jeunes ingénieurs spatiaux d'autres régions dont Saki avait bénéficié, la brune pouvait comprendre pourquoi. Le centre spatial et l'approche d'une prochaine mission d'exploration avaient de quoi attirer l'attention sur Mossdeep City en plus d'y faire venir des travailleurs. On avait sûrement besoin de plus que d'ingénieurs pour faire tourner cette énorme structure et le site l'entourant qu'elle pouvait à peine deviner. Si on avait un jour dit à la Ranger qu'elle s'intéresserait à tout ça et se prendrait à avoir ce genre de pensées naturellement pendant qu'elle marchait dans une nouvelle ville, elle ne l'aurait sans doute pas cru. Elle se trouvait si loin de son point de départ.

A nouveau, elle attrapa son téléphone et remonta la chaîne de messages partagés avec Saki pour retrouver le code de la porte principale. Elle l'introduisit dans le petit boîtier et s'engagea dans le hall sous un buzz si similaire aux autres qu'elle avait entendu ailleurs. Comme elle le faisait souvent, Yura se désintéressa de l'ascenseur pour grimper les escaliers jusqu'au cinquième étage. Son smartphone était rangé et elle progressait dans un couloir semi exposé en comptant les portes tout en se répétant en boucle les six chiffres de la clé d'accès de l'appartement. Elle faillit bien l'oublier à cause d'un regard hâtif sur sa droite qui l'avait poussé à remarquer la vue magnifique qu'elle avait sur la mer à cette hauteur. Le vent dansait doucement dans ses cheveux et la tentait de rester immobile mais un bâillement la poussa à continuer. La brise avait tendance à lui donner sommeil. 427... C'était quoi encore... Marmonna l'unysienne en jouant du pouce sur les touches. Ah, oui ! Encodant finalement la bonne suite de chiffres, elle fut félicitée par un bip discret et le bruit de la porte se débloquant. Home sweet home. Ne put-elle s'empêcher de dire en pénétrant dans l'appartement, son sac aussitôt abandonné sur le plancher. Malgré la décoration spartiate et les nombreux cartons, il y avait de la familiarité dans cet endroit. Elle reconnaissait la présence de Saki dans les petits détails. Une odeur de café froid flottait malgré une fenêtre qu'elle trouva entrouverte et, sur le rebord de l'évier, elle remarqua un linge noirci qu'elle usait pour se décrasser les mains avec un produit spécial à l'odeur que Yura avait toujours trouvé désagréable. Elle fouilla un peu les placards pour dénicher un verre et le remplit d'une eau provenant de la carafe filtrante dans le frigo. Ce dernier n'était pas très rempli. De toute évidence, elles partageaient les mêmes difficultés vis à vis des courses et de la préparation de repas.

Une fois échouée sur le canapé, la jeune femme sirota lentement l'eau fraîche. La sensation était d'autant plus agréable après le temps passé en mer où le vent lui avait asséché la gorge. Elle s'étira avec un soupir pour le poser sur la table basse et fit un ultime effort pour extraire son téléphone de la poche de son jeans et envoyer un texto à Saki. Le minimum qu'elle pouvait faire était bien de lui indiquer qu'elle était bien arrivée et squattait sans une once de gêne chez elle. Une fois cela fait, elle passa l'appareil en silencieux, le verrouilla, l'abandonna sur le plancher, et gigota un peu jusqu'à trouver une position confortable sur le sofa. Par chance, elle avait cultivé la capacité de s'endormir à peu près n'importe où au cours de ses missions. Le sommeil l'attrapa donc facilement pour une sieste bien méritée.

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Un battement de paupières. Un deuxième. Yura revint doucement à ses sens au cœur de la pénombre. Le ciel avait pris des teintes mauves annonçant la nuit toute proche. Elle n'était pas certaine de savoir depuis combien de temps elle dormait. Sans doute un long moment au vu de la légère douleur qui se mit à émaner de son épaule lorsqu'elle commença à bouger. Une simple courbature à force d'être restée statique durant un peu trop longtemps. La Belle au Bois Dormant se réveille. S'exclama la voix amusée de Satsuki. Avec tout ça, la Ranger n'avait pas pris conscience de sa présence. L'avoir dans son espace était tellement naturel qu'elle pouvait vite l'oublier. Cela expliquait sans doute que son amie ait pu entrer dans l'appartement et y faire sa vie sans la déranger. Elle ne doutait pas que Saki avait dû faire quelques efforts pour ne pas être trop bruyantes, tout comme elle n'avait pas allumer le plafonnier pour éviter de l'éblouir. En s'asseyant pour s'étirer, Yura la découvrit attablé au bar avec son ordinateur portable. Salut. Elle étouffa un bâillement. T'es là depuis longtemps ? A peu près une heure. Quand j'ai vu que tu ne lisais pas mes messages j'ai compris que je pouvais prendre mon temps. Désolée, le voyage m'a foutu dedans... Pas besoin de t'excuser. Tu es aussi venue pour te reposer, je te rappelle. Et elle avait promis à Satsuki de s'occuper par elle-même pendant qu'elle travaillait pour ne pas être une gêne. Il ne fallait pas qu'elle oublie avec qui elle parlait sous prétexte qu'elles n'étaient plus colocataires depuis deux mois. Trois mois, peut-être ? Elle se perdait un peu dans la temporalité de toute cette histoire. Dans tous les cas, elles avaient l'habitude et la distance n'avait aucune raison de changer ça. Yura se sentit un peu bête pour son attitude.

Satisfaite d'avoir fait disparaitre la gêne dans son bras, l'unysienne se leva enfin et alla étreindre son amie, sa tête se calant sur son épaule après lui avoir brièvement embrassé la tempe. Tu m'as trop manqué même si j'ai pas eu l'impression d'avoir beaucoup de temps pour penser ces derniers mois. Pareil. Souffla Saki en glissant la main sur son bras pour s'y ancrer. Yura la sentit se détendre graduellement jusqu'à se laisser aller contre elle. Dans sa vie, il y avait pleins de gens avec qui elle avait des contacts physiques. Milo la collait pour un rien et la plupart de ses amis se voulaient tactiles mais elle se doutait que Satsuki n'avait pas dû avoir beaucoup l'occasion d'avoir ce genre de contacts humains ici. Elle ne vivait pas ici depuis longtemps et il lui avait toujours fallu un peu de temps pour se réchauffer aux autres. Il en fallait plus encore pour qu'elle parvienne à admettre qu'elle appréciait les étreintes et autres gestes du genre et en avait même besoin. Depuis le jour où elle l'avait appris, Yura n'avait plus jamais retenu son affection. Faut encore que tu bosses sur tes trucs d'intello ou tu as ta soirée de libre ? De sa main libre, Saki cliqua quelques fois sur sa souris pour sauvegarder avant de fermer l'écran de son ordinateur. Qu'est-ce que tu as en tête ? Faussement sérieuse, l'unysienne se détacha d'elle et alla se camper devant le frigo, les mains sur les hanches. Je peux pas te laisser maltraiter ton frigo plus longtemps, on va aller faire des courses.

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Satsuki n'avait pas été difficile à convaincre. Avoir de la compagnie pour égayer cette corvée était un plus. L'idée de manger un repas fait maison ne devait pas faire de mal non plus et mettre un dernier clou dans le cercueil métaphorique de son manque de motivation. Yura n'avait rien d'une grande cuisinière mais elle s'était fait une petite liste de recettes inratables avec le temps et elle avait promis à son amie de s'occuper de la popotte ce soir. Après sa sieste, elle se sentait en grande forme et utiliser cette énergie était loin de lui déplaire. Passer un peu de temps en cuisine lui avait aussi un peu manqué, les occasions ne s'étaient tout simplement pas présentées et sa motivation était manquante lorsqu'il s'agissait de le faire pour elle seule. Peut-être faudrait-il qu'elle prenne de nouvelles habitudes dès son retour à Unys. Ce ventre sur pattes de Milo serait sans doute ravi d'être invité à des diners hebdomadaires. Elle pourrait aussi ainsi créer des occasions de voir certains de ses amis dans un autre contexte que celui de la base. L'idée méritait en tout cas d'être méditée.

Il y avait dans le quartier un supermarché flambant neuf où Saki n'avait pas encore eu l'occasion de se rendre. Vu l'heure, les jeunes femmes avaient décidé de se rabattre sur cette solution pour s'éviter de faire face à trop de rideaux clos. Demain, pendant que son amie serait au boulot, Yura pourrait toujours faire le tour des producteurs locaux pour voir ce que l'île avait vraiment à offrir. Elle se doutait aussi que les étales du port devaient regorger de poissons frais qui ne demandaient qu'à être grillés. En attendant, armée d'un panier, elle s'attaquait aux rayons de ce magasin plutôt peuplé. Tacos ? Questionna-t-elle en lançant un regard pensif aux avocats. Cela demanderait un peu de chipotage mais elle n'aurait pas non plus à se lancer dans de grandes cuissons. Elle pourrait vite mettre à manger dans leurs ventres décidément très vocaux. Saki n'avait apparemment pas perdu l'habitude d'oublier de se nourrir lorsque ses journées étaient chargées. Quant à l'unysienne, elle était la preuve de la fausseté de l'adage qui disait que qui dormait dinait. Elle mourrait de faim malgré sa longue sieste. Si tu me prends par les sentiments. Tout sourire, elle collecta un avocat, un petit filet d'oignons rouges, deux tomates, une sélection d'herbes et un citron vert. Au rayon frais, du yaourt fut ajouté au panier. Dans une autre allée, elle trouva les tortillas et une boîte de haricots noirs. D'autres aliments étaient attrapés lorsqu'elle y pensait mais ils étaient là pour peupler un peu le frigo et les placards de son amie. Des essentiels qui serviraient toujours ou des petits trucs à grignoter pour dépanner. Le panier en ressortit plutôt bien rempli, une vision décidément satisfaisante. Ah, j'ai oublié le déj'. Tu peux aller chercher des œufs ? Se rappella-t-elle en arrivant à la caisse. Pendant qu'elle déchargeait les courses sur le tapis roulant, Satsuki s'empressa d'aller chercher l'article manquant.

L'affaire avait été rondement menée.

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Revenir à l'appartement représentait un chemin moins agréable qu'à l'aller. Il y avait une pente plutôt raide à grimper et le poids de sacs de course bien remplis était difficile à oublier. Yura progressait néanmoins sans se plaindre, satisfaite de pouvoir mettre des biscotos dont elle prenait soin à contribution. Elle avait pris soin de se charger des plus lourds, un choix face auquel Satsuki n'avait rien eu à redire. Au vu de son boulot, cette dernière ne manquait pas de force et elle prenait soin de son corps quand le temps ne lui manquait pas, mais elle devait ressentir la longue journée de travail qu'elle avait derrière elle. De son côté, l'unysienne n'avait fait qu'enchainer les moyens de transport avant de faire une sieste. Le partage de la tâche paraissait donc tout naturel. Je comprends que t'ais la flemme de faire les courses. Elle commenta avec un sourire amusé quand il n'y eut plus qu'une rue à traverser pour rejoindre le complexe. Peut-être que tu devrais investir dans un de ces caddys de mamie. Le commentaire lui valut un glissement de main contre son flanc sensible, ce qui ne manqua pas de lui faire faire un bond de côté. Elle avait toujours été chatouilleuse et Saki le savait pertinemment. Hé ! Pas juste. Bouda la Ranger avec une moue qui rivalisait avec l'œillade faussement noire de son amie. Tu le mérites. Elle grommela avant d'accélérer la cadence. Yura la rattrapa vite, prise d'un éclat de rire. Elle l'avait sans doute un peu cherché, oui.

Dans l'appartement, décharger les courses et les ranger lui permit de se rendre compte une nouvelle fois que Satsuki n'avait vraiment pas investi les lieux. Certaines choses manquaient cruellement et elle doutait qu'elle les trouverait dans les cartons qui attendaient encore d'être déballés. Heureusement que tu as pris un meublé. Au moins, il y avait de quoi vivre, s'asseoir, manger et dormir. De ce qu'elle savait, son amie s'était contentée de changer le lit car elle ne l'avait pas trouvé assez confortable à son goût. La plupart des démarches ont été faites par mon employeur. Dit-elle en haussant les épaules. Ce n'était pas étonnant qu'un tel effort ait été fait si on prenait en compte tous les autres.

Armée du seul couteau disponible dans le tiroir et d'une planche à découper ridicule, Yura entreprit de hacher les herbes destinées à la sauce au yaourt. Une odeur fraîche se mit à embaumer la pièce dès les premiers coups de lame. Elle aimait particulièrement cela. Pendant qu'elle s'afférait, Satsuki avait repris sa position au bar mais elle avait laissé son ordinateur de côté cette fois. Une bonne chose de l'avis de la Ranger. Ces cernes n'allaient pas se résorber avec plus de travail. Elle trouvait même son amie un peu pâle, raison pour laquelle elle comptait bien utiliser le meilleur de ses maigres compétences pour la nourrir correctement durant son séjour.

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