Tu es en plein cours avec ta promotion lorsque ton téléphone se met à vibrer, tu regardes l’écran et constates qu’il s’agit du capitaine Prentiss. « Excusez-moi, je dois prendre cet appel. » Tu sors alors de la salle de classe et, une fois dans le couloir, décroches. « Capitaine ? » Tu t’interroges sur la raison de cette interruption, car ce n’est pas dans les habitudes de ton supérieur d’intervenir de la sorte. « Lieutenant Kent, Collins est-il actuellement dans votre classe ? » Tu fronces les sourcils ; au son de la voix du capitaine, il est évident qu’il n’y a pas de temps à perdre. Mais pourquoi Collins ? « Oui, il est bien là. » Tu supposes que la suite sera de convier la recrue à rallier le bureau du capitaine Prentiss. « Très bien, dans ce cas, mettez un terme à votre cours et conduisez-le dans mon bureau. » Il doit véritablement se passer quelque chose de grave pour qu’on te demande de quitter ta classe. Ce n’est jamais arrivé jusque-là, et tu dois admettre que c’est assez déstabilisant de devoir annoncer à la promotion de recrues que le cours est annulé alors qu’il avait déjà commencé. Après, ce sont des aléas, ça arrive, d’autant plus dans le métier d’agent de police. Alors autant qu’ils prennent le pli dès maintenant. « A vos ordres Capitaine. » Il raccroche, tu ranges ton téléphone dans ta poche avant de retourner en classe.

Tu constates que tes recrues n’ont pas perdu de temps pour commencer à parler entre eux, mais le silence revient bien vite après qu’ils ont remarqué ton retour. Tu n’attends pas davantage pour leur annoncer l’évolution de la situation. « De manière exceptionnelle, le cours d’aujourd’hui va s’arrêter là. J’essaierai de vous trouver un moment pour finir ce qu’il nous manque pour cette séance. » Tu entends un brouhaha s’élever presque aussitôt ; certains s’interrogent, d’autres sont simplement ravis de la nouvelle. Cependant, tu n’as pas le temps d’élaborer. « Collins, je vais vous demander de me suivre. » Tu lis la surprise dans le regard du concerné. « Allez. » L’homme finit par s’exécuter, commence à ranger ses affaires, dans la précipitation. « Laissez vos affaires, vos camarades s’occuperont de vous les amener dans votre chambre. » Tu as droit à un nouveau regard, cette fois-ci empli d’inquiétude. Il s’interroge sans doute sur la raison de tout ceci, et tu le comprends sans mal. Tu manques également d’informations pour déterminer la nature de la situation, au-delà de son apparente urgence. Vous sortez désormais de la salle de classe.

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Vous prenez ainsi la direction du bureau du capitaine Prentiss, le pas rapide. Tu te doutes que marcher hâtivement et en silence ne doit pas aider Collins à être moins anxieux sur ce qui peut l’attendre. Tu t’interroges toi-même sur la raison de cet appel, sur ce qui a pu pousser votre capitaine à interrompre ton cours de la sorte. Pour que de telles dispositions soient prise, l’enjeu doit être conséquent, ça doit être grave. C’est pour cette raison que tu ne parles pas, que tu ne cherches pas à rassurer ton élève : il doit s’attendre au pire. Le passage dans l’ascenseur te parait d’une longueur infinie, mais vous finissez tout de même par atteindre le sixième étage. Tu frappes avec tes phalanges à la porte, on vous ouvre aussitôt. « Merci lieutenant Kent. Recrue Collins, Meyranie Rocco, bibliothécaire vivant à Parsemille, est-elle bien votre cousine ? » Tu fronces les sourcils, interloquée par la spécificité de la question posée, avant de poser tes yeux sur le concerné. Il semble tout aussi déstabilisé. « Euh… oui. Oui, c’est ma cousine, pourquoi ? Comment vous avez entendu parler d’elle ? » C’est intéressant d’observer Collins à cet instant précis, de voir la manière dont il va réagir à ce qui va arriver.

Tu trouves la situation particulièrement étrange et encore très floue, mais des explications devraient arriver de la part du capitaine. Du moins tu le supposes. « Eh bien… » De plus en plus étrange, tu sens que le capitaine est embêté par ce qu’il doit dire. « Il s’avère que votre cousine a pris en otage une collègue et d’autres civils dans la bibliothèque où elle travaille. Le négociateur aurait aimé qu’elle parle avec un proche pour la raisonner. Elle a refusé de parler à sa sœur, vous êtes la seule autre personne à qui nous avons pu la relier. » Tu es vraiment surprise de la tournure que prennent les choses. Tu n’aurais jamais pensé à ça, tu n’aurais jamais pu. Collins est premièrement abasourdi, il semble avoir du mal à entendre ce que vient de lui dire le capitaine. « Attendez, c’est pas possible. Meyranie ne ferait pas de mal à un Bombydou ! Enfin… la Meyranie que je connais. » Ta recrue soupire lourdement. « Vous attendez quoi de moi ? » Tu souris. Si Collins n’est pas le plus brillant dès qu’il est question de pratique – en particulier dû à son manque de condition physique – c’est un garçon intelligent, qui sait cerner les personnes et les situations. « Nous voudrions vous mettre en ligne avec votre cousine, pour essayer de la raisonner. Mais avant, vous allez avoir droit à un rapide cours sur la négociation avec la cellule de gestion de crises. Je vous mets en contact. » Bon, ce n’est pas terrible pour Collins de se retrouver embarqué dans une telle histoire, puis ça doit quand même faire un choc d’être appelé pour une telle raison. Après, il y gagne un premier contact avec cette sphère de la police, et cela devrait lui permettre de montrer qu’il a bien les pieds sur terre. Ça ne devrait pas être au centre de ses préoccupations à l’heure actuelle, mais il a là l’occasion de faire ses preuves devant le directeur de l’école de police, à savoir le capitaine Prentiss.

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Tu n'as pas été autorisée à assister au déroulement des opérations. Ou plutôt le capitaine Prentiss t’a invitée à sortir et tu n’as pas insisté pour rester. Une réunion pédagogique a été prévue à la suite du cours que tu devais tenir. Ta classe a été interrompue, mais cela ne vient pas faire basculer le planning. Tu prends donc la direction de votre équivalent d’une salle des profs. Tu es la première à arriver, mais tes collègues arrivent bien vite. De toute manière, vous êtes peu nombreux, simplement les six premiers lieutenants formateurs de cette école de police d’Unionpolis qui ouvre pour la première année, et qui n’a donc que sa première promotion, constituée de seize recrues. A l’issue de cette première année, il devrait y avoir davantage de recrutement ; c’est tout du moins ce qui est prévu par la hiérarchie. Les recrues ayant validés leurs examens feront un semestre sur le terrain, à faire des patrouilles auprès d’un agent instructeur. Après cela, en fonction de leurs résultats, ils passeront un nouveau semestre au sein de l’unité qu’ils souhaitent intégrer, toujours sous la supervision d’un autre agent. Mais ce n’est pas le sujet de la réunion d’aujourd’hui, même si tu aimerais bien poser les premiers jalons pour ce qui vous attendra l’an prochain.

« Toujours le même qu’on attend. » Kaï n’est pas un homme patient, ni très agréable. C’est un bon agent, avec une vingtaine d’années d’expérience et une véritable analyse critique des situations et des individus. Pour autant, tu as très vite constaté qu’humainement, ce n’est pas vraiment ça. Alors il n’est pas surprenant qu’il fasse une telle remarque sur le fait que Julian ne soit pas dans la salle à dix-sept heures pétantes. « On n’est pas à la minute près, en même temps. » Jude. L’Unysien n’apprécie pas le manque de souplesse et de sympathie de son collègue, et ce depuis le premier jour, et il ne se gêne pas pour le dire. « Au pire on commencera sans lui. » Tu coupes court, avant que ça ne puisse s’envenimer. Tu ne tiens pas à ce que ça se brouille dès maintenant, vous allez avoir besoin d’un minimum de dialogue, et ces deux têtes de Tiboudet n’iront pas entraver le processus. La porte de la salle s’ouvre alors, laissant apparaître Julian. « Désolé, j’ai été retenu par deux recrues que j’ai croisées qui m’ont demandé si le cours du lieutenant Kent allait être reporté ou pas. Je leur ai dit que je demanderai. » « Je n’en sais rien pour l’instant, j’attends les ordres du capitaine. » Tu clos le sujet en répondant à la question dès maintenant. Tu t’évites le risque d’oublier par la suite et cela vous permettra de directement partir sur le sujet qui vous réunit : les recrues qui risquent de ne pas valider cette première année de formation.

Quelques heures plus tard, vous sortez enfin de réunion. Faussant compagnie à tes collègues, tu rallies immédiatement le dortoir des recrues. Tu souhaites prendre des nouvelles de Collins. D’une part, sans aller jusqu’à l’inquiétude, tu te sens concernée par ce qu’il traverse, du fait de l’avoir accompagné dans le bureau du capitaine. S’il n’en a parlé à personne – ce que tu n’aurais aucun mal à comprendre – seuls le capitaine et toi avez connaissance de la situation. Alors peut-être Collins aimerait pouvoir en parler à quelqu’un, et peut-être que tu peux être ce quelqu’un. Tu n’as jamais été particulièrement avenante jusque-là, tout du moins tu n’as jamais eu la sensation de l’être. Et pourtant, tu veilles sur chacune de ces recrues, c’est instinctif. Ce n’est pas pour autant que tu les ménages – si ce jour arrive, tu t’inquièteras – et ils le savent très bien. C’est Collins qui ouvre la porte. Dans l’entrebâillement, tu aperçois Mistuga à son bureau, surligneur à la main, ce qui n’a rien de bien surprenant. « Lieutenant Kent ? On a encore besoin de moi ? » Le jeune homme est alerte mais tu le rassures bien vite en lui expliquant la raison de ta venue. Il sort alors de la chambre et vous échangez durant plusieurs minutes avant que chacun ne regagne ses quartiers. Tu es satisfaite, tant de ta recrue que de ta manière d’appréhender la situation.

Avec cette première promotion de futurs agents, tu te sens investie d’une mission. Celle de les faire réussir, de leur faire acquérir connaissances et compétences tant professionnelles qu’humaines pour devenir de bons agents ; des agents à la hauteur de tes attentes. Il s’agit des gardiens de la paix de demain, possiblement de ceux qui formeront d’autres générations après toi. Il y a une véritable responsabilité là-dedans, et tu t’en saisis jour après jour. Aujourd’hui avec Collins t’aura permis de comprendre une chose : la dimension humaine au-delà de la formation. Ce ne sont pas que des recrues, ce sont des personnes, et ce paramètre doit nécessairement être pris en compte dans leurs apprentissages. Leur vie se poursuit, des choses se jouent, arrivent, hors de leur contrôle et hors du vôtre. Il faut composer avec, il faut le prendre en compte. Tu ne dis pas non plus qu’il faut s’adapter systématiquement à chacun dans le moindre détail et être d’une extrême consilience, mais vous ne pouvez pas rester dans une rigidité totale. Il faut accompagner, il faut les accompagner, tu en es convaincue. Et si cette dimension humaine ne suffit pas, tes supérieurs devraient être sensibles à l’argument d’une meilleure confiance en la hiérarchie. De toute manière, tu comptes en parler lors de la prochaine réunion pédagogique.

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