Ce matin, je suis énormément nerveuse et j’ai très peu dormi à cause de ça. Je ne pensais même pas que c’était possible d’être aussi mal. J’ai l’impression que mon cœur va sortir de ma poitrine tellement il bat fort. Si j’avais su qu’un retour à l’école serait aussi négatif, j’y aurais réfléchi à deux fois avant de m’y inscrire, mais maintenant il est trop tard pour faire marche arrière. Malgré que je sois déjà aller à l’école pendant plusieurs années et que je faisais parti des filles les plus populaires, je suis persuadée que ce ne sera plus le cas aujourd’hui, pas avec ce fauteuil roulant qui me colle à la peau. Je n’ai pas remis les pieds dans une école après mon accident et sachant comment les gens sont en général, je risque de me prendre des réflexions désagréables de la part des autres élèves. Ils me jugeront sans savoir ce qui m’est arrivé et le pire dans tout ça, c’est que je ne pourrais pas me défendre. Avant j’aurais pu leur foutre une bonne taloche au visage, mais maintenant je ne suis plus à leur hauteur et le temps de rouler vers eux qu’ils auront déjà pris la fuite.

Cependant, je n’ai pas non plus l’intention de me laisser faire. Si l’un d’entre eux me donne l’opportunité de frapper, je vais le faire, tant pis si je suis paralysée et que je me retrouve au sol avec mon agresseur. Jamais je ne me suis laisser marcher sur les pieds et ce n’est pas maintenant que je vais commencer. Par ailleurs, mon intégration peut aussi bien se passer, je n’ai aucune idée du genre de personne qui fréquente cette école. Tout ce que je sais, c’est que ce n’est pas une école publique et les élèves peuvent l’intégrer après leurs parcours généraux, donc je suppose que les gens sont un peu plus âgés là-bas afin d’y mettre les pieds. Si ce n’est pas des petits cons qui ne se sentent plus pisser et qu’ils ne ressentent pas l’irrésistible besoin d’harceler une jeune femme en fauteuil roulant, ça devrait aller.

Depuis que je suis sortie du lit ce matin, je m’attèle à rassembler tout ce dont j’ai besoin pour mon premier départ. J’avais déjà commencé à préparer mon sac depuis la veille, mais avec le stress qui me guette, je me suis dis qu’il serait sage de revérifier une nouvelle fois que j’ai bien tout apporté. Je repasse donc en revu mon sac et tous mes effets personnels et je ne peux m’empêcher de ressentir un certain soulagement en sachant que je n’ai pas besoin de dormir à l’école, j’ai donc besoin de beaucoup moins de chose à emporter. L’école offrait un internat pour les élèves venant de loin, mais je n’en ai pas besoin, heureusement. Mes parents ont accepté de me conduire aller-retour tous les jours où j’aurais des cours et je pense que c’est la meilleure chose qui pouvait arriver. Je ne me sens pas encore assez à l’aise pour quitter ma famille sur une longue période et ainsi vivre avec de véritables inconnus pendant des mois.

Au pied de mon lit, Freyja m’observe faire des va-et-vient constants dans la chambre jusqu’à ce que mon sac ait du mal à se refermer. Je pense que j’ai tout, je suis prête à partir. Il ne me reste plus qu’à savoir si les pokémons sont autorisés au sein de l’établissement, car j’aimerais bien que ma meilleure amie puisse me suivre là-bas. Il faudra que je m’informe à la réception quand j’y serais.

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Une fois que je pense avoir terminé les préparatifs, je peux enfin sortir de ma chambre et penser à autre chose. Cette rentrée aura raison de mes nerfs à ce rythme-là et je ne me souviens pas d’avoir été autant nerveuse à l’époque où j’étais encore étudiante. Il faut dire aussi que je n’étais pas paralysée à ce moment-là, mon image personnelle a grandement changée depuis le temps. Il va falloir faire avec. Tout de même satisfaite, je sors finalement de cette pièce pour me diriger vers la cuisine avec mon sac à dos rempli à craquer que je dépose près de la porte d’entrée. Il ne manquerait plus que je l’oublie pour ce premier jour d’école. Puis, je fais demi-tour pour revenir dans la cuisine et j’y découvre mon père, assis au comptoir, en train de lire le journal avec une tasse de café à la main.

- Bon matin, Emily. Est-ce que tu as bien dormi ? Tu devais être un peu nerveuse ou excitée hier soir.
- Disons que ma nuit a été courte, mais ça va aller. J’ai hâte d’être en salle de classe et je me dis que je dormirai mieux ce soir.

L’homme sourit pour me répondre et bien vite, il baisse les yeux pour reprendre sa lecture. Je pensais qu’il allait discuter un peu plus, mais il semblerait trop occupé à lire les récentes actualités pour passer du temps avec sa fille. Je ne peux pas lui en vouloir, il a toujours été plus détaché envers moi depuis mon accident. Nous étions plus proches avant et j’ai accepté cette soudaine distance entre nous. En attendant, je passe derrière lui afin de pouvoir accéder au grille-pain qui est essentiel pour moi à cette heure de la journée. Je commence à ressentir de légers gargouillements, c’est bon signe.

- Oh oui, pendant que j’y pense. J’ai demandé à William s’il pouvait venir te chercher pour t’emmener à l’école ce matin.
- D’accord. Il y a une raison ? Je croyais que c’était toi qui s’en chargeait.
- Hmmm... pas de raison particulière. On a décidé de s’alterner pour se partager les voyages et les couts en essence. Cela pause un problème ?

En pur automatisme, je hausse les épaules pour lui répondre, complètement indifférente.

- Non. En réalité, je m’en fou un peu.

L’homme hoche la tête tandis que je me détourne déjà de lui pour continuer à préparer mon petit-déjeuner. J’ai trop faim pour pouvoir faire quoique ce soit d’autre et surtout, je n’ai pas de temps à perdre. Ça serait le comble si je suis en retard pour ma première journée d’école. Je vais finir de manger et je vais sagement attendre mon frère qui devrait être là tout bientôt, si j’ai bien compris. Nous pourrons ensuite discuter dans la voiture le temps du trajet.

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Malgré tous mes efforts, mon temps est assez restreint et j’ai à peine le temps d’avaler ma dernière bouchée que je vois le pickup de mon frère faire son entrée dans la cours. Il ne prendra surement pas la peine de descendre pour venir me chercher alors je mets les bouchées doubles pour me dépêcher. Je sors finalement de la maison avec tout ce dont j’ai besoin, du moins je crois et ce n’est qu’à cet instant où William se décide à sortir pour venir m’aider à grimper dans la bagnole. Il ouvre ensuite la porte arrière pour laisser Freyja s’y glisser. Elle nous accompagnera comme ça en attendant de savoir si l’école autorise les pokémons ou non au sein de son établissement. Si ils refusent, je n’aurais plus qu’à la faire entrer dans sa pokéball, même si cela ne risque pas de lui plaire. Cela fait très longtemps qu’elle n’est pas entrer dedans.

- Alors, pas trop nerveuse ? me demande-t-il alors que la voiture recule pour reprendre le chemin principal.
- Ça peut aller pour l’instant. Peut-être que la nervosité prendra le dessus une fois que je serais là-bas.

Bientôt nous nous retrouvons au cœur de la ville de Auffrac-les-congères. Je dois admettre que je suis curieuse de voir à quoi ressemble le trajet, mais il semblerait que nous ayons une bonne trentaine de minute à faire pour atteindre l’école. Cela va surement me paraître long, voir très long, je n’ai pas l‘habitude d’être aussi longtemps dans une voiture. Et ne parlons pas du voyage de retour. Il y a moyen que le déplacement m’épuise davantage que les cours eux-mêmes.

- D’ailleurs, c’est toi qui vient me chercher ce soir aussi ?
- Oui pourquoi ?
- Je ne sais pas... il me semblait que c’était à papa de le faire aujourd’hui. Il était encore en train de boire son café et il n’a pas daigné lever le petit doigt pour m’accompagner ce matin.
- Et bien tu connais papa. Pour une fois où il n’a pas besoin d’aller travailler tôt le matin, j’imagine qu’il voulait rester à la maison.

Peut-être bien. Après tout le monde sait bien que notre relation est tendue. Ce n’est surement pas la raison principale et je ne veux surtout pas lui reprocher des choses sans avoir de preuve, mais je ne peux m’empêcher de penser que cela pèse plus dans la balance que je n’ose le croire. Il n’avait surement pas envie d’être coincé avec moi pendant une heure au total, même si en vrai cela ne me dérange pas de rester silencieuse pendant le trajet en voiture. Nous ne sommes pas obliger de discuter en permanence et du coup je comprends encore moins son manque de responsabilité. C’est vrai que c’est toujours plus facile de demander à son fils pour que celui-ci lui retire une épine du pied. J’espère simplement que je n’aurais pas besoin d’avoir une conversation profonde avec mon père, parce que je n’en ai clairement pas envie.

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Tandis que la voiture défile dans les rues, j’en profite pour jeter un œil à tout ce qui se passe autour. Il est encore tôt et la plupart des piétons sont des travailleurs qui se rendent au travail à pied. Il fait encore bon en ce début d’automne et je ne peux qu’envier ces personnes qui semblent vivre leurs vies tranquillement. Je vois parfois d’autres passants circuler avec leurs pokémons à leurs côtés et encore de jeunes parents avec leurs enfants. C’est fou comme tout le monde semble occuper ce matin, mais nous sommes en pleine semaine alors ce n’est pas si surprenant que ça. Tout le monde travail et les plus jeunes vont à l’école, tout simplement. Je me rappelle encore de l’époque où je prenais le bus scolaire pour me rendre à l’école, je vivais trop loin de l’établissement pour pouvoir m’y rendre à pied comme ça. Il est clair que certains ont plus de chance que d’autre.

- Donc c’est quoi le programme de la journée ? Est-ce que ce sera juste du blabla ennuyant ou est-ce qu’il y aura bien des cours dès la première journée ?

Mon frère me tire rapidement de mes pensées et je dois me détourner de la vitre pour pouvoir me tourner vers lui. Je dois avouer que je n’y ai pas trop réfléchi.

- Je ne sais pas. Dans nos anciennes écoles il y avait toujours un accueil de fait dans une grande salle où un discours du directeur suivait pour nous souhaiter la bienvenue. C’est vrai que c’était chiant, mais cela faisait parti de leur protocole. J’imagine que ce sera la même chose à cette école.
- Ouais... elles sont toute pareilles à ce niveau-là. Tu vas rencontrer les professeurs, les autres élèves, un repas sera servi et puis tout le monde rentrera chez eux.
- Encore heureux que je ne reste pas là-bas pour l’internat. Ça ne doit pas être fun de devoir rester à l’école toute l’année.

Nous avons eu beaucoup de chance, William et moi. Quand nous étions plus jeunes nous allions aux écoles de la région, mais en grandissant, il nous fallait suivre des programmes bien spécifiques qui n’étaient donnés qu’à certains endroits dans la région et nous avons toujours eu la chance de pouvoir faire l’aller-retour dans la même journée. Je ne pense pas que j’aurais tenu l’année scolaire si j’avais été obligé de dormir là-bas, loin de ma famille et de mes proches. Cela doit permettre aux gens de tisser de nouveaux liens, mais personnellement, ce n’est pas quelque chose qui m’intéresse vraiment. Depuis mon accident, j’ai perdu tous mes amis de l’époque et je ne m’en suis jamais fait de nouveaux depuis toutes ces années, l’amitié n’est clairement plus aussi importante pour moi et je peux facilement m’en passer.

La conversation ayant soudainement cessée, je me détourne de nouveau pour regarder le paysage. Le centre-ville a laissé place à des ruelles désormais et nous serons bientôt sorti de la ville à ce rythme. Je me demande si l’école ne se trouve pas au beau milieu de la campagne... ça serait bizarre.