Je m’étire. J’en ai un peu marre de rester statique, alors je me lève et je marche un peu. Pas très loin parce que je ne compte pas laisser Adri tout seul, mais assez pour regarder le décor. Je ne me suis pas encore totalement fait à cette nouvelle ville. Motorby a tellement rien à voir avec Illumis ! Déjà, c’est plus petit et donc… Mieux. La ville donne en plus sur les plaines sauvages en prime et ça la rend davantage meilleure. Quand j’en ai marre des buildings, hop ! Quelques kilomètres à pattes et bim, dans la nature ! C’est juste trop bien. A Illumis, on vivait en plein milieu de la ville, pour en sortir c’était forcé de prendre le métro et bordel, ça coutait un rein. Là, on peut sortir à pattes et c’est tellement la vie, en vrai.

Je me retourne pour voir ce que fout mon meilleur ami. Il est greffé à son portable, comme souvent. Avant de partir, il m’a convaincu de prendre un abonnement avec internet illimité. Ça va faire un peu mal au cul de sortir quinze pokédollars tous les mois pour ça – j’ai un peu peur de ne pas avoir l’argent quand on se retrouvera à payer à le prochain mois -, mais au moins on a de quoi passer le temps. On a commencé à chercher du taff, mais je dois quand même avouer que le marché du travail a l’air aussi pourri que celui de Kalos. Peut-être qu’on devra bouger de ville pour aller vers une plus grande, genre… Winscor ? C’est comme ça qu’elle s’appelle ? C’est la capitale je crois. Oui bon ok, on est arrivé dans une nouvelle région et je ne connais pas la géographie. Ne me prenez pas la tête avec ça, c’est comme ça c’est tout !

- J’ai la dalle, tu veux quelque chose à grailler ?

Adri ne m’entends pas, il ne me calcule même pas. Ça m’agace légèrement, jusqu’à ce que je pige qu’il a ses écouteurs sur les oreilles. Participer aux concours coordinateurs a été bien utile, puisque j’ai gagné un ruban, mais j’ai surtout reçu de la thune. Et c’était juste trop bien pour pouvoir débuter notre nouvelle vie ici ! On a fait le plein de bouffe pour tenir un moment. Il n’y avait pas assez pour un logement de toute façon et bon, on a quand même profiter d’une bonne nuit d’hôtel à notre arrivée. Le but du jeu, c’est de faire tenir le restant de cet argent le plus longtemps possible. Enfin… ça c’est dans l’idéal. Pas quand mon meilleur ami dépense du fric sur le « Twitch » d’un gars inconnu seulement parce qu’il l’aime bien. Je vous avoue que lorsque je m’en suis rendu compte, ça m’a un peu cassé les noix – oui je sais, je n’en aie pas mais c’est pour l’image, voyez-vous -.

Je ne savais même pas que c’était possible de dépenser du fric comme ça et que donc, c’était possible d’en gagner aussi. Je commence à me dire que ça pourrait être une idée de trouver un truc qui pourrait ramener un peu de thune… Quitte à rien faire de nos journées, hein ! Les passants ici sont aussi généreux qu’à Illumis ; dans les bons jours, ils sont cools. Dans les mauvais… Ben heureusement que j’ai de la thune de côté, hein. Plus pour longtemps cela dit, si Adri dépense pour des trucs fictifs qui ne nous permet pas de nous nourrir. J’ai pété un câble, son seul argument a été de beugler comme un môme de quatre ans « il faut soutenir les artistes ! ». … Je suis d’accord mais là, on parle d’un gars qui joue à un jeu vidéo, donc si déjà il a l’argent pour s’acheter un PC et une connexion internet, c’est qu’il a une maison ou au moins un appartement DONC. Il n’a pas besoin de plus d’argent que nous qui vivons dans la rue.

Il n’a pas spécialement aimé mon argumentaire et m’a accusé d’être anti-technologie. Ça sort de nulle part, son truc. Je passe de nouveau pour le méchant dans l’histoire. Mais l’immaturité d’Adrien me sort par les trous de nez de temps en temps. Ça fait des années qu’on est dans la merde et il n’a toujours pas compris le principe d’économie. Il me rend fou ! Heureusement que je suis là pour gérer les finances sinon je suis persuadé qu’on aurait plus de thune depuis des jours.
Bon. Je me suis perdu dans mes réflexions mais mon ventre me rappelle brutalement que j’ai les crocs. Ah oui, je voulais chercher de la bouffe. Un truc local, ça serait chouette pour découvrir, un peu. J’aimerai éviter tant que possible de passer ma vie à manger des sandwichs.

Je m’approche de mon meilleur ami qui a retiré un de ces écouteurs. Il affiche désormais la même tronche stupide d’un Magicarpe hors de l’eau, j’ai terriblement envie de me foutre de sa gueule. Il fixe quelque chose au loin et sa mâchoire est grande ouverte. Qu’est-ce qu’il est en train de me faire, cet idiot ?

- M-M… Max !
- J’ai cru que t’allais jamais réussir à dire mon prénom.
- Ta gueule. Regarde ! Je crois que… C’est Vash là-bas !
- Vash The Stempede ?

Je me fais rire tout seul avec ma référence. Ça vient d’un dessin animé qu’on regardait quand on était môme – qui était bien trop adulte pour des enfants d’ailleurs mais passons -, Vash étant le nom du personnage principal. Je l’aimais bien avec sa coupe en brosse, même si mon petit préféré c’était Legato. Déjà rien qu’à cause d’un nom comme ça… J’avais souvent faim ! Ah ah !

- Aieuh. - Il vient de me frapper, ce con.
- Arrête tes conneries. Je crois bien que c’est lui. Dis, tu ne voudrais pas… ?
- Chercher à bouffer parce que t’as la dalle aussi ?
- Bon t’as fini d’être chiant ? - Pas du tout. - Tu pourrais aller le voir et lui demander si c’est lui… ?
- Tu te rends bien compte que c’est très con si c’est vraiment lui ?
- Allez steuplait.

Il me fait son regard de Caninos battu. Ah non ! Je lui ai interdit de faire cette bouille, il sait que c’est super efficace ! Je ne sais pas lui dire non quand il est comme ça. Quel traitre ! Il me le paiera. J’ai envie de l’envoyer chier et de lui dire de le faire lui-même. Mais… Ok il me saoule avec sa face là, surtout que maintenant il a un grand sourire parce que j’ai soupiré. Il sait qu’il a gagné et que je vais faire ce qu’il me demande, même si ça ne m’enchante pas. Je suis quand même hyper surpris qu’il fasse son fan comme ça, on dirait une midinette face à son chanteur favori. C’est qu’un gars sur le net, on se calme voyons !

Trixia, occupée à dormir à côté d’Adri, se réveille doucement à l’entente de nos douces voix. Elle baille lourdement, je me dis qu’elle est vraiment beaucoup trop mignonne comme créature. Quand elle s’aperçoit que je m’apprête à bouger, elle vient vers moi et se frotte à mes jambes. Elle est contente d’être avec moi, je suis content qu’elle soit avec nous. Je la gratouille derrière les oreilles alors que je sens le regard insistant de mon meilleur ami. Oui oui c’est bon, c’est bon ! Il ne va pas quand même pas s’envoler ce Vash là !

Après un énième soupir sur lequel j’insiste bien, je me mets en marche vers le gars. Un truc qui est bien, c’est qu’on a pu faire une lessive y a deux jours alors au moins je ne pue pas trop la mort, en plus je me suis lavée hier donc c’est cool. Je ne ressemble pas trop trop au sans abri que je suis. Mes cheveux sont coiffés niquels comme toujours et j’ai mon maquillage habituel – je suis un peu dans la merde en revanche parce que j’arrive à la fin de ma palette et que cette connerie coûte un bras -, donc au final, je ressemble à un gars normal qui se promène dans la rue, avec sa Mentali S qui marche à mes côtés. A un moment elle restait souvent dans mes jambes, jusqu’à ce que j’aie failli lui tomber dessus. Maintenant elle a compris que quand je marche, le faire à côté, c’est mieux pour nous deux.

- Euh, excuse-moi. Tu ne serais pas… Vash ?

Je n’ai même pas demandé à Adri de quelle plateforme il sort ce gars. Je suppose que c’est de Twitch, vu qu’il traine tout le temps sur cette dernière. Peut-être Youtube. Peut-être les deux. Je n’ai même pas conscience que je dis mal son pseudo, mais en même temps…

C’est la faute d’Adrien.

« A quoi tu penses ? » souffles-ton ami, dans un sourire empli de tendresse. Dans un premier temps – bien que ton regard se soit arrêté sur lui l'espace d'une micro-seconde – tu restais fixé sur ce paysage qui défilait devant vous. Il savait pourtant que ce que tu préférais dans les voyages en train, c'était de rêvasser en admirant la vue. Tu n'avais pas envie de papoter plus que ça présentement. Surtout que vous partagez le même quotidien, la même passion, le même boulot, la même école, le même appartement. A un moment, que pouvais-tu bien dire de plus que ce que tu as bien pu dire la veille ou même au réveil ? Mais tu ne pouvais pas totalement lui en vouloir. Parce que tu savais que lui détestait les trains. Enfin, les voyages dans leur globalité. Tout ce qui pouvait mettre du temps et où il ne pouvait pas s'occuper l'esprit était un véritable calvaire pour lui. Il fallait tout, tout de suite pour monsieur. Mais bon. Tu l'aimais bien comme ça ton Sharlieh, avec son petit caractère de cochon. Et puis vous aviez convenu de partir sans aucune attache à votre quotidien. Donc, pas de musique, pas de jeux vidéos, pas de mails, pas de réseaux, rien. Juste vous et vos deux pokémons ; Polar l'Aquali et Hank le Fulgudog. Toi, tu y trouvais ton compte. C'était même pas plus mal de se couper un peu de tout parfois. Mais pour lui... C'était comme priver un bébé de son doudou fétiche.

Le truc, c'était que tu ne pensais pas vraiment à grand chose, en fait. Tu te disais simplement te sentir bien, ici, loin de tes parents et avec ton meilleur pote d'enfance – même si concrètement, vous vous connaissez pour de vrai, dans la vraie vie véritable, que depuis trois ans. Trois ans quoi. C'est fou comme ça passe vite. Et Hoenn ne te manquait même pas tant que ça au final... Ah bah voilà ! Tu pouvais lui parler de ça. « Tu te rends compte, ça fait déjà trois ans... ». Tu avais pris un timbre de voix assez doux, presque nostalgique. Tu avais même fait exprès de ne pas terminer ta phrase, histoire de lui offrir l'opportunité de te traiter d'Emo en émoi, ou quelque chose dans ce genre. « De quoi ? ». Comment ça de quoi ? Il se fout du monde ou il est simplement con ? « Tu le fais exprès ? » « Et toi ? Je te demande si tu parles de nous, de l'école, de ton ex... Que je sache si je peux me foutre de ta gueule ou si je dois avoir l'air triste. » « Oh, ça. ». Ouai, « ça ». C'est fou parce que de tout ce que tu as laissé derrière toi, c'était ce détail là que tu ne devais sans doute pas laisser de côté. Cette fille. Cette pauvre fille même. Tu as appris sa mort le jour même que tu as emménagé à Winscor avec Sharlieh. Tu n'étais fautif de rien et pourtant tu te sentais un peu coupable. Enfin. Ce n'était pas tant le moment de penser à ça. « Première option, du con. ». Il pouffe de rire. Tu l'imites alors.

Quand vous arrivez en gare de Motorby, ton ami était tout souriant. Et ça, c'était grâce aux vacheries que vous vous êtes envoyé durant tout le voyage. Enfin, cet enfant roi trouvait quand même le moyen de râler qu'il avait mal au dos parce que son siège était pas confortable, mais ça, t'avait l'habitude. Alors tu le laissais râler dans son coin, sortant de la gare sans vraiment te soucier de lui. Surtout que tu voulais trouver à tout prix un distributeur pour t'acheter une bouteille d'eau. Parce qu'en partant de l'appartement tu t'es naïvement dit que tu n'avais besoin de rien de plus que de ton porte-feuille. Sharlieh lui a été un peu plus intelligent en prenant son sac à dos et quelques affaires – mais juste un peu, n'allons pas flatter son ego trop fort non plus.
« Qu'est-ce que tu fous ? » te demande-t-il quand tu insères une pièce dans la machine. « Des gaufres, t'en veux une ? ». Il ne prend même pas la peine de te répondre, ouvrant son sac pour te jeter dans les bras une bouteille d'eau encore fraîche. « J'avais prévu le coup. ». Cool. Tu annules donc ta manœuvre, récupérant ta monnaie en appuyant sur le bon bouton. « Merci ! » dis-tu avant de prendre une bonne gorgée.

Vous traversez assez furtivement la ville, sans même vous attarder sur ce qu'il y avait autour de vous, puisque de toute façon vous n'étiez pas venu ici pour la ville, mais pour les terres sauvages aux portes de celles-ci. Vous aviez prévu de vous y balader un peu, histoire de prendre l'air, loin de la ville, loin de votre vie mouvementé. Et elle l'avait pas mal été dernièrement. A tel point que vous n'aviez même pas eu le temps de profiter des vacances d'été. Et votre rentrée scolaire approchait à grand pas. Alors si vous vouliez faire une grande expédition dans la nature, votre seule solution se trouvait là.
Mais alors que vous arrivez pas loin de votre but, Sharlieh s'arrêta net. Tu te retournes alors vers lui, l'interrogeant du regard seulement. Même Hank – son toutou électrique – le bousculait pour qu'il continuer d'avancer. « J'ai faim. ». Tu tires la gueule. « Et pour ça t'as rien prévu j'imagine ? ». Il secoue la tête. « Bah t'sais, à force de veiller sur tes fesses, j'en oublie les miennes ». Tu lèves les yeux au ciel, soupirant ensuite. Le pire dans tout ça, c'est qu'il t'avait donné faim en disant simplement qu'il avait faim. C'était navrant.

Vous faites alors demi-tour, zieutant vos téléphones pour savoir ce qui pouvait se manger dans le coin de vegan – pour ton ami surtout, mais étant végétarien tu ne craches pas non plus dessus. Vous étiez tellement plongé dans votre quête de nourriture que vous ne remarquez même pas cette personne qui avançait vers vous. Alors quand la voix de cette fameuse personne s'éleva à tes oreilles, tu te retournas dans un sursaut, baissant légèrement la tête en sa direction. Et puis tu le fixas quelques secondes sans rien dire, le temps d'assimiler ce qu'on était en train de te dire. Sharlieh lui était déjà mort de rire, alors que toi, tu étais encore en train de te demander ce que tu avais bien pu faire pour qu'on sous entende que tu sois méchant. Jusqu'à ce que tu comprennes enfin qu'on essayait simplement de prononcer ton pseudo. « J'ai l'air d'un Ecremeuh ? » souffles-tu dans l'amusement. Et puis tu fusilles du regard ton ami qui profitait de l'occasion pour se manger ta pomme. « Rigole pas trop, j'suis sûr il sait même pas qui t'es. ». Tu te tournes de nouveau vers l'inconnu, un large sourire accroché au visage, laissant ton ami désenchanter dans son coin. « C'est bien moi en tout cas. Mais ça se prononce V.H.S. ». Comme les cassettes quoi. Mais tu devais avouer que le coup de la vache était bien drôle. Celle là, on ne te l'avait jamais faite. Et tu avais presque envie qu'on te la ressorte un jour. « Qu'est ce que je peux faire pour toi ? ». On avait dit pas de boulot aujourd'hui, mais ce n'est pas une simple photo ou un autographe qui allait te tuer. « C'est ton ami là-bas ? ». Tu demandais parce qu'il y avait ce gus qui vous fixait au loin. Tu l'avais remarqué en te tournant vers l'inconnu. Et ce genre de regard, tu commençais à bien le reconnaître ; c'était celui d'un fan timide.

Ah non fais chier.

Je n’avais pas capté que le type à côté de lui était son pote. J’aurais préféré que ce soit un mec lambda qui passait par là plutôt que l’ami avec qui il traine. D’ailleurs, avant de me pointer, je ne l’avais même pas calculé… Et là je me retrouver avec deux gars qui sont amis face à moi qui suis tout seul comme un con. Cool. Cool cool cool. Je ne le montre pas mais ça me met dans une position d’inconfort, d’autant plus que l’autre part dans un fou rire dès que j’ai posé ma question. Je le savais de base qu’elle était débile ! Putain. Il me fait chier Adri, celui qui passe pour un bouffon, présentement, c’est moi.

Bon. Ce n’est pas comme si j’accordais de l’importance à ce que pense ces deux types de moi. Je ne vais pas m’attarder sur ça, en premier lieu. Je ne peux m’empêcher de me demander néanmoins pourquoi l’autre type rit comme un abruti. La réponse de « Vash » me le fait plus ou moins comprendre ; j’ai mal prononcé son pseudo. Ah ben euh… C’est con hein ? Quelle idée, après, de mettre un V devant ! Et puis zut à la fin, c’est Adrien le fan et c’est lui qui le prononce mal. Il n’empêche que c’est quand même moi qui récolte les moqueries derrière. Beh. Il va me le payer, ce crétin. J’en viens à me demander s’il ne l’a pas fait exprès pour que je me ridiculise… Le connaissant, ce ne serait pas étonnant. On se fait des vacheries – sans mauvais jeu de mots - entre nous, souvent. J’ai tendance à me retourner pour le regarder et savoir s’il se fout de ma gueule. Pas vraiment si j’en juge son faciès, il a plus tendance à tendre le cou pour mieux voir.

Au moins, le gars a qui j’ai écorché le pseudo ne semble pas partir autant que son pote dans la moquerie de la situation. Puis si ça se trouve, ce n’est même pas de moi qu’il se fend la poire. En revanche, j’ai une perche de tendue quand Vash balance à son ami que je ne sais pas qui il est… Et je regarde le mec en question et je m’entends dire avec ma voix neutre.

- Pas la moindre idée.

Autant être honnête direct. Si je pige ce qu’ils se disent, ils sont tous les deux « célèbres » sur la toile… Mais moi j’y connais que dalle donc bon. Je ne vais pas m’en formaliser, surtout que le gars prend la peine de m’expliquer où j’ai fait la connerie. J’ai un petit moment de « aaaah ok » avant de rajouter :

- C’est un peu long à dire, quand même.

… Pourquoi je le dis à voix haute, au juste ? Parce que ce n’est pas si long à dire, au final. Qu’est-ce que je bave ? Je croise les bras contre mon torse, un brin pensif. Trix s’est posée à mes pieds, regardant les deux hommes qui me font face. Le gars me demande ce que je lui veux et euh… J’ai l’air con si je dis que je n’ai pas réfléchi une seconde à la suite ? Maintenant que je sais que c’est le gars qu’Adri que suit sur le net, je fous quoi ? J’imagine que le mieux serait de lui demander un autographe pour lui. Il est évident que je ne suis pas une midinette timide intimidée par la présence de ce type, j’aurais plus de facilité à le faire que mon meilleur ami. Sauf que bien sûr, comme il a la même discrétion qu’un Donphan dans un shop de porcelaine, le streamer – c’est comme ça qu’on dit, je crois – me questionne sur lui. Ah ! J’ai un sourire de petit con alors que je me retourne un peu.

- Ouaip. ADRIEN ! BOUGE TON CUL JUSQU’ICI ! C’EST BIEN LUI !

J’étais obligé de gueuler, pour être sûr qu’il ne m’ignore pas, qu’il ne fasse pas le mec qui n’a pas entendu. Je l’ai vu sursauter et se renfrogner un peu, sans doute parce qu’il n’aime pas mes méthodes. En plus, j’ai prononcé son prénom complet et môsieur déteste ça, il le trouve trop moche. Ça lui fera les pieds tiens ! Quitte à ce que je me tape l’affiche, autant qu’il le fasse avec moi ! Je le vois bouger, faire appel à Onyx pour qu’il garde nos affaires et s’amener d’un pas timide et non assumé. Ohlala, ce fanboy quoi. Je ne l’ai jamais vraiment vu dans cette position, j’ai trop envie de me foutre de sa gueule. Je m’apprêtais à le faire d’ailleurs, mais le regard qu’il m’a lancé m’en dissuade. Je lui ai déjà assez foutu la honte comme ça, je crois bien.

- S-Salut euh…
- Ça se prononce V.H.S son pseudo en fait.

Il fait une drôle de moue. Il est hyper gêné et mon comportement ne l’aide pas vraiment. Je fourre mes mains dans mes poches et je le laisse parler, mais on dirait qu’il est trop impressionné pour dire plus que salut. Ça me fait soupirer.

- Adri te suit sur… Twitch ? – Je regarde mon meilleur ami pour savoir si je le prononce correctement, il valide, tout va bien – Et euh… J’imagine qu’il aimerait bien un autographe personnalisé ?

Je fais des suppositions et mon meilleur ami valide à côté. Il ne regarde pas réellement les deux gars face à nous, il a plutôt un regard fuyant. Ça me fait bizarre de le voir aussi timide, sérieusement. Elle est passée où sa grande gueule, au juste ? J’ai du mal à me dire qu’on puisse se mettre dans un tel état pour une star. Même si c’était quelqu’un d’hyper célèbre comme un membre de la Ligue ou de l’Elite, je trouve ça débile de faire le muet comme ça. J’ai bien des artistes dont je suis très fan, mais si je venais un jour à les rencontrer, j’espère sincèrement que je n’aurais pas l’air aussi intelligent qu’un Magicarpe. Trixia émet un petit rugissement à l’attention de mon meilleur ami, elle ne semble pas comprendre ce qu’il lui arrive. Elle essaie de l’encourager un peu et ça semble être plus efficace que mes propres paroles.

- J’aime beaucoup ce que tu fais et… Shapy aussi.

Ah. C’est comme ça qu’il s’appelle, l’autre ? J’en conclus que c’est un streamer aussi. Bon, ça ne m’apporte rien de le savoir mais voilà.

En taclant ton ami, tu ne t'attendais pas à ce que l'illustre inconnu profite de l'occasion pour appuyer là où ça faisait mal. En soi, tu ne pouvais pas lui en vouloir. Ce n'était qu'une simple réflexion comme une autre et il ne faisait que confirmer ce que tu appuyais. Seulement, pour Sharlieh, ces quelques mots ont toute leur importance. Il faut dire que ton ami est un peu susceptible. Sans compter qu'il prend peut-être un peu trop à cœur cette histoire de streaming et de notoriété notoire. Mais voilà, ce gus ne pouvait pas savoir.
Si toi tu n'as que faire de l'avis des autres, Sharlieh faisait tout son possible pour être aimé et plaire à un maximum de personnes. Et la moindre petite critique parvenait à l'enterrer six pieds sous terre. Tu as longtemps répété que tout ceci n'est qu'un divertissement pour vous, un moyen d'extérioriser la pression subit au conservatoire tout en se faisant un peu d'oseille. Mais il ne l'entendait jamais de cette oreille. En un sens, tu pouvais le comprendre. Vous n'étiez pas issu du même milieu social, à la base. Et là où toi tu voyais de l'amusement, lui voyait l'opportunité de subvenir aux besoins de sa famille – qui n'est composé que de sa mère et de sa petite sœur, heureusement quelque part. Mais tout de même. Tu trouvais qu'il en faisait souvent toute une montagne de cette histoire. Et sa réaction aujourd'hui l'illustrait très bien ce fait.

Ton premier réflexe à été de regarder ton ami pour t'assurer qu'il encaissait le coup, même si tu pouvais entendre très clairement son petit cœur se briser. Mais ça ne se voyait pas trop à sa tronche, ça va. Il avait la plus belle des poker face. Il avait même levé les mains en signe de pardon avant de croiser les bras et vous regarder discuter, silencieusement. Mais tu savais que dans sa petite tête il avait plus l'air d'un grumpy cat. Et tout ça là, ça ne t'arrangeait pas. Parce que le savoir potentiellement blessé te mettait mal à l'aise. Et quand tu es mal à l'aise... Ça fait des ravages.

Tu te focalises donc de nouveau sur ce gus, forçant un sourire – histoire de paraître très « cool kid », même si actuellement tu es à des kilomètres de cette définition. Et puis tu t'efforces à poursuivre cette maigre conversation, profitant de l'occasion pour préciser comment se prononçait ton pseudo. Et là, c'est toi que ce type met à terre en te disant que c'était trop long à prononcer. Tu riais comme un idiot, mais intérieurement tu te demandais si tu avais bien entendu ou si ce n'était qu'un mirage auditif. « Tu peux essayer « Ash » si ça te plaît mieux. Mais inutile de m'attraper par les pieds, je ne couperais aucun bois. ». Est-ce que tu as déjà dit que ça faisait des ravages quand tu es mal à l'aise ? A l'instant ? Bon. Ça fait un peu partie de tes défenses immunitaires, quelque part. Quand tu ne sais pas quoi faire, ni comment réagir, PAF, une blague – très nulle, certes, mais une blague quand même. Le problème maintenant est que ton cerveau panique tellement que tu avais juste envie de bombarder ce pauvre type au moindre mot qui sortira de sa bouche. Si vous tendez un peu l'oreille, vous l'entendrez même hurler « mais qu'est ce que je branle ici, sortez moi de cette misère ! ».

Tu continues l'air de rien de questionner l'inconnu, pour te sortir de cette potentielle noyade. La première question sombra au fond de l'océan. Ton cœur se serre alors. Tu te sentais au bord du gouffre et une simple pichenette suffisait pour te faire tomber. Seconde tentative avec celui qui vous regardait au loin... Et c'est le bingo ! L'océan n'était plus qu'une simple flaque et le gouffre un vulgaire nid de poule. L'émotivité en faisait même un petite danse de la joie. Et ton cœur criait « ouf ». Alors que de son côté le cerveau répétait « Adrien, Adrien, Adrien » dans l'espoir de ne pas oublier ce nom quand il faudra parler à cet Adrien dans dix secondes.

Pendant que Adrien faisait le chemin jusqu'à vous, ton regard glisse aux pieds de celui dont tu ignores encore le nom – et ça, c'est long à dire – où tu découvres une magnifique Mentali – tu devines que c'est une femelle à sa démarche, mais eh, qu'est ce que t'en sait ? – tout aussi blanc(he) que Polar – enfin, pas vraiment. La (ou le, bon dieu) Mentali était plus proche d'une teinte neige, alors que Polar ressemblait plus à un petit flamby. Ça lui irait bien comme surnom, tiens. Mais tu t'égares un peu. Quoi qu'il en soit, les deux sont blanc, point.
D'ailleurs, voir un être de son espèce faisait sortir Polar de sa cachette – de derrière tes jambes quoi – pour se rapprocher de cet(te) ami(e), l'air joyeux. C'était bien tout ce qui pouvait le faire montrer son museau d'ailleurs, lui qui est si timide. En guise de soutient, tu t’accroupis à leur hauteur et tu tends la main vers le pokémon, une démarche totalement amicale en soi. « Salut toi » souffles-tu tendrement, totalement charmé par la bestiole. Mais bien évidemment, tu attends un geste de sa part pour caresser le dessus de son crâne.

Tu te redresses lorsque Adrien – pitié, n'oublie pas ce prénom tant que tu es avec eux – vous salut. Tu retourne cette attention d'un petit geste de la main. « Ravi de te rencontrer Adrien ». Tu gardes un sourire chaleureux, même si ce que tu venais de dire n'était que des conneries. Évidemment que tu n'en avais rien à secouer. Même que tu auras oublié l'existence de ces gens là quand tu seras rentré chez toi ce soir. Mais eh, il faut savoir être professionnel et faire plaisir aux autres. Le bonheur de ce bonhomme – qui semblait si doux – était ce qui importait le plus présentement.

Tu braques de nouveau ton attention sur l'autre qui servait visiblement d'interprète, questionnant Adrien sur quelle plate-forme il te suivait. Ça te fait tiquer. Et ça fait également tiquer Sharlieh avec qui tu échanges un bref regard. Ce type qui avait tant chamboulé vos émotions n'avaient en réalité aucune idée de qui vous étiez tous les deux. Quel retournement de situation ! « Oh ! Avec plaisir. Qu'est ce que tu veux que je dédicace ? ». Tu te tournes ensuite vers Sharlieh. « T'as de quoi dans ton sac ? ». Il hausse les épaules avant de regarder à l'intérieur. « J'ai un stylo... » mais rien de plus donc. Tu ne vas quand même pas écrire sur le bras de ce gars... Si ? Tant que ça reste le bras, hein.

Et puis, Adrien ouvre enfin la bouche. Et en prime pour apporter une bonne nouvelle : il connaît Sharlieh. Tu vis des étoiles dans les yeux de ton ami. Le voilà maintenant comme neuf. « C'est vrai ? » dit-il niaisement – c'était pire qu'un gosse. « Eh, si on a rien à dédicacer, on peut toujours prendre une photo. ». Et beh. Il semblait bien plus confiant ton dadet là. C'était toujours mieux que la vieille loque qui boude dans son coin. Hank – le Fulgudog de Sharlieh – aboie même de joie, sautillant autour de son maître. Mais peut-être qu'il en avait aussi marre d'être planté là, alors qu'on avait promis à ce dernier qu'il allait pouvoir se dégourdir les pattes en pleine nature. Sauf que vous aviez faim aussi, à la base. Il faudra s'armer de patience donc – ce dont le toutou ne faisait pas toujours preuve.

« Dites, vous êtes d'ici ? » demandes-tu subitement. Même Sharlieh te dévisageait, ne comprenant pas où tu voulais en venir. « Il se trouve qu'on cherchait un endroit où manger. Vous connaîtrez pas un bon resto vegan, par hasard ? ». Ton ami haussa les épaules. « Un resto tout court, en fait. Tant qu'il est vegan. ». Il est vrai que vous n'êtes pas dans votre grosse capitale où tout est trouvable. Donc vous pouvez vous asseoir sur la qualité, tant vous pouvez manger quelque chose. « Je peux même me contenter d'une salade à ce stade.... » souffle ton ami. Ah ouai, à ce point ? D'accord, mais toi tout autre chose te turlupinait actuellement. « Je passe du Poichigeon au Bourrinos, mais on ne connaît toujours pas ton nom. » dis-tu à l'autre. Parce qu'il fallait bien le nommer, quand même. « « Ami de Adrien », c'est un peu long quand même ». Tiens, tu as déjà entendu ça quelque part.

Je dois faire des ravages avec mes paroles, mais je n’en ai pas pleinement conscience. Je ne suis pas mal à l’aise à l’idée de parler à des gens « célèbres » sans savoir qui ils sont réellement. Quelle importance ? C’est juste impossible que tout le monde les connaisse. Je suis sûr qu’on peut trouver des gens qui ne connaissent pas les membres de la Ligue par exemple, et pourtant eux, ils sont partout ! A la télévision et les affiches, il est difficile d’ignorer qui ils sont. Mais les deux que j’ai en face de moi, je doute qu’ils aient déjà été dans une publicité ou qu’il ait leur visage placardé sur un centre pokémon pour vanter leurs chaines. Là, peut-être que je les connaitrais. Ce n’est pas le cas alors… Voilà.

J’ai commenté sans vergogne le nom trop long de ce type, il m’informe que je peux le nommer Ash. Tiens, ça me semble familier quand même… Et son visage aussi finalement, mais je vais mettre ça sur le fait que parfois, quand je m’ennuie, je regarde le phone de mon meilleur ami par-dessus son épaule. Du coup, j’ai dû apercevoir une ou deux fois son visage. Pourtant, je ne suis pas physionomiste pour un sou… Et c’est quoi cette blague ? Naturellement, je hausse un sourcil. Je suis lent d’esprit, je ne m’attendais pas à entendre ce genre d’humour. C’est… Mon humour quand je suis bourré et que j’ai envie de faire le con. Du coup, même si c’était nul – je tiens à le souligner – et que j’ai conscience que je ne devrais pas, je laisse malgré moi échapper un pouffement. Je ne devrais pas rire à un truc aussi débile mais c’est plus fort que moi.

Quand je fais un peu plus attention, j’ai l’impression que ma présence les gêne. Je ne m’en rends pas toujours compte, mais il parait que j’ai un don pour mettre les autres mal à l’aise. Cette fois-ci, ça ne loupe pas ! Heureusement qu’Ash a remarqué qu’Adrien est avec moi, sinon bonjour la gênance de la scène ! On aurait pu rester longtemps comme ça. Surtout que l’autre dont j’ignore le nom, même si en apparence il fait le gars sûr, je sens bien qu’il a qu’une hâte, c’est que je me tire. Je me fais possiblement des films, mais quand on commence à croiser les bras, c’est qu’il y a un truc qui dérange et qu’on n’aime pas la conversation. En tout cas, moi je réagis comme ça, souvent. Mais bon, on va faire venir Adri histoire qu’il décoince un peu la situation embarrassante dans laquelle on se trouve !

En attendant que mon meilleur ami se pointe, le streamer s’intéresse à Trixia. Je le comprends, elle est tellement éblouissante qu’on ne peut que la remarquer ! Je remarque rapidement l’Aquali shiny qui sort de sa cachette, me rendant curieux à mon tour. Moh, trop chou ! Rah serait sans doute jalouse si je la faisais sortir de sa ball maintenant. Elle a toujours envié Trix pour son pelage hors du commun. Ash s’agenouille et tend la main pour caresser ma Mentali. Il ne l’a force pas et je trouve ça bien, sinon il m’aurait entendu râler. Mon alliée n’est pas assez curieuse pour se laisser faire, allant se cacher derrière mes jambes, la tête dépassant pour regarder l’Aquali et son dresseur. Sa queue s’agite un peu et elle laisse échapper un petit rugissement.

- Désolé, Trixia n’a pas l’habitude des étrangers.

En vivant enfermé dans un appartement en même temps, c’était compliqué de se mêler aux autres. Je crois qu’elle comprend parfaitement que les intentions de ce type ne sont pas mauvaises, bien au contraire, mais elle fait sa timide. Je ne vais pas la forcer à affronter sa peur, je ne pense pas que cela lui sera bénéfique. J’ai bon espoir en revanche qu’elle finisse par s’habituer aux autres et qu’elle s’ouvrira davantage au monde. En tous les cas, son regard est désormais fixé sur sa semblable, faisant frémir doucement ses moustaches. Elle est trop adorable quand elle fait ça.

Adri nous a rejoint, non sans se montrer quelque peu intimidé, lui aussi. Il salut les deux hommes, je me fous de sa gueule, Ash le salut en retour et j’affiche un large sourire moqueur. J’ai bien vu la grimace de mon meilleur ami à l’entente de son prénom complet. Il déteste ça et me lance un regard noir. Oui, je sais, t’aimes pas quand je fais ça. Mais la prochaine fois t’ira voir toi-même tes idoles là ! En plus, il ne peut pas m’appeler par mon prénom complet à son tour puisque je le déteste aussi, mais pour d’autres raisons qu’il respecte. … Bon j’avoue, j’en profite un peu qu’il ne puisse pas me rendre la pareille.

- Adri. Je préfère qu’on m’appelle Adri.

Y a du progrès ! Je pensais qu’il allait rester jusqu’au bout muet comme un Magicarpe et subir son prénom sans oser rien dire. Mais c’est cool, il a réussi tout seul ! Je suis fier de lui. Ce qui ne l’empêche pas, toutefois, de me laisser dire la suite. Ah le relou jusqu’au bout, décidément. J’imagine que c’est aussi une forme de vengeance de sa part pour tout à l’heure. Fair enough. Je me prête au jeu, le questionnant quand même indirectement sur la plateforme où il regarde leurs streams. Il semblerait que ça permet, par la même occasion, de décoincer les deux mecs. Ah. Ils croyaient vraiment que je m’y connaissais dans ce domaine ? My bad ! Pour dire vrai, j’ai très peu joué aux jeux vidéo dans ma vie de toute façon, donc regarder les autres y jouer… Ce n’est clairement pas mon truc. Plus celui d’Adrien, du coup.

L’idée de la dédicace est lancée ! Mais maintenant, il faudrait trouver de quoi écrire et sur quoi écrire aussi. L’autre tire quand même un peu la gueule quand on cherche de quoi faire, mais ce qui dit Adri lui redonne le sourire comme s’il gagnait soudainement au loto. Ah d’accord, je comprends. Il n’a carrément pas aimé que je dise ouvertement et sans filtre que je ne le connaissais pas. C’est fou quand même, d’être aussi susceptible. Je vais éviter de me moquer – même si c’est tentant – alors que la situation se détend, mais ça ne m’empêche pas de trouver ça un peu ridicule, quand même. Rapidement, il demande à mon meilleur ami s’il est sérieux et ce dernier acquiesce. Tout à coup, il y a une proposition de selfie qui donne à son tour des étoiles dans les yeux d’Adri.

- Vraiment ? Ce serait trop cool !

Un peu plus et il sautillerait sur place. Il m’adresse ensuite un regard suppliant qui me fait rire. Je tends la main pour qu’il me file son portable. Ça ne sert à rien de faire la photo avec le mien, si ? Il est d’autant plus excité comme une Statitik, me donnant son phone. Je grimace un peu parce qu’il a gardé une photo de nous deux en fond d’écran, quand on était plus jeune… Je n’aime pas spécialement voir des photos de moi, je dois l’avouer. Au moins là, avec ce tirage, peut-être qu’il sera tenté de changer. J’aimerai bien.

Avant de faire la photo, Ash nous pose une question qui m’interroge -normal, c’est une question -. Un endroit où bouffer, vegan ? Sharlieh fait une précision qui m’importe peu, puisque comme on n’est pas d’ici, j’ai aucune idée de ce qu’il y a comme restau’ autour… Puis même, on n’a pas les thunes pour aller y manger. On se contente de la superette qui se trouve à quelque pas de lui.

- On n’est pas d’ici, on est arrivé y a deux semaines dans la région. On vient d’Illumis, à la base. Puis de toute façon on squ… Aie.

Adri m’a donné un coup de coude dans les côtes. Ça fait mal putain ! Même si j’aimerai qu’elle ne soit pas là, j’ai une fucking poitrine en plus et c'est douloureux, un coup là-dedans. Je lance un regard à mon meilleur ami pour comprendre sa réaction, il me fait non de la tête. … Quoi ? Faut pas qu’on dise qu’on est des clochards, c’est ça ? Pourtant s’ils sont un peu futés, il capte bien que dernière nous y a toutes nos affaires gardées par Onyx. Mais bon, ok, on ne va pas dire aussi ouvertement qu’on est pauvre. Ça ferait mauvais genre.

- On n’est pas vegan désolé, donc je n’ai pas forcément d’adresses à vous donner.

Pourquoi je m’excuse je n’en sais rien, mais je lance un regard à mon bestah – ça me fait tellement rire ce surnom – et il semble acquiescer à mon commentaire. Je ne peux pas m’empêcher de lever les yeux au ciel quand Ash me demande mon prénom. Son commentaire sur « l’ami d’Adrien » trop long m’arrache un nouveau sourire.

- Maxime.

…. …. Et il est fier de lui en plus ce petit con ! Adrien m’a coupé l’herbe sous le pied. J’ai bien compris qu’il a changé le n de Maxine en m, pour donner un prénom masculin. Il arbore un sourire fier et provocateur à mon égard, alors que je me mets à me marrer comme un crétin. Je passe mon bras autour du cou de mon ami, tout sourire, ayant tendance à serrer un peu.

- Quel comique, cet Adrien dites-voir. Max, ce sera assez comme ça. - On doit tellement passer pour des mecs bizarres. - On n’a toujours pas fait la photo alors fait gaffe à ce que tu dis. - Petit murmure à l’attention de mon ami qui se débat pour se libérer. Je le lâche sans trop de pression, tandis qu’il réajuste ses cheveux ébouriffés. Il ne dit rien en réponse à ma réplique, se contentant de regarder les deux mecs célèbres.

- Mais on peut vous aider à en trouver un, si vous voulez !

Attends quoi ? Il me fait quoi lui là… ? J’espère qu’il ne va pas sortir dans cinq minutes qu’on mange avec eux en prime.
On n’a pas assez de frics pour ça. Et ce qu’il reste, j’aimerai l’utiliser autrement que pour bouffer une salade.

Tu n'es pas si surpris face à la réaction de la Mentali, ni même de celle de son propriétaire. Après tout, comme il le soulignait lui-même, tu n'es qu'un « étranger ». Et c'était en partie pour ça que tu t'aies abstenu de toucher l'animal sans aucune autorisation. Déjà, tu ne pouvais pas savoir quelle réaction elle aurait. Et puis tu as été éduqué ainsi. On impose rien à qui que ce soit pour combler ses propres désirs, au risque de briser le confort d'autrui. Et surtout, on ne fait pas aux autres ce qu'on ne souhaite pas que l'on nous fasse également. « Oui, je comprends. » souffles-tu simplement, accompagnant tes mots d'un doux sourire. Tu te relèves sans attendre et sans insister, découvrant par la même occasion le garçon qui se cachait au loin et se montrait enfin. Tu jettes ensuite un rapide coup d'œil vers Polar qui s'était de nouveau caché derrière tes jambes après le miaulement de sa compère. Tu étouffes un petit rire, mais tu ne dis rien, te concentrant très vite à nouveau sur le fan et son interprète. Tu ne jugeais pas important d'indiquer que ton Aquali soit très timide. Ça se devinait tout seul.

Tu fais toutefois une nouvelle boulette en appelant le nouveau venu par son prénom complet, chose que visiblement il n'aimait pas. Mince. Toi qui voulait faire plaisir en montrant que tu donnais de l'importance à ce petit gars, alors que dans les faits tu te fiches pas mal de tout ça et que dans deux heures tu auras déjà oublié son existence. Enfin, ce n'était pas contre lui, évidemment. Ça faisait simplement partie de toi. Tu ne retiens rien parce que tu n'as pas l'envie de retenir quoi que ce soit. Tu restes quelqu'un de civilisé, fort heureusement. Mais il faut dire que lorsqu'on ne marque pas suffisamment ton esprit, tu effaces tout dans la seconde. Et encore. Il t'arrive même d'oublier des choses – ou des personnes – importantes. « Oh, oui. Adri, c'est noté. ». Tu répètes son nom à haute voix pour que ça rentre dans ta petite cervelle. Et puis tu répètes une bonne centaine de fois ce surnom pour que ça reste implanté là. Au moins le temps que tu discutes avec eux. C'était beaucoup demandé à un idiot de ton genre, mais tu avais l'espoir d'y parvenir.

A défaut de pouvoir signer quoi que ce soit, la proposition de faire une photo est lancé par ton ami. Et à la tournure de cette situation, tu restes assez surpris de comment tout s'est décoincé si facilement. C'était mal parti. Et pourtant, te voilà comme un Barpau dans l'eau. Tu affiches même un sourire des plus sincères et tu n'avais aucune blague étrange qui se bousculait dans ta cervelle pour sortir au plus vite de là. C'était grâce à Adri tout ça. Parce qu'il avait rendu Sharlieh moins bougon. Mais tu ne pouvais que t'en vouloir pour ça. Tu sais à quel point ton ami peut être susceptible et tu as tiré sur la corde sensible un peu trop fort en le taclant sur un sujet qu'il tient un peu trop à cœur, le tout devant un inconnu qui n'était pas plus clément que toi. Enfin. Au moins, cette gêne était passé et bien loin derrière vous – en tout cas, tu l'espères.

Tu profites de cette micro-installation pour la dite photo pour questionner ces braves gens. Car, à la base, vous aviez faim. Et vous vous êtes arrêté dans votre avancée pour palier à ce problème. Malheureusement, on t'annonce qu'ils ne sont pas d'ici et qu'ils n'y connaissent rien. Celui dont tu attendais encore de savoir le nom s'excuse même de ne pas être vegan. Tu hausses les épaules. « Y'a pas de mal, je ne le suis pas non plus. » « Fais pas genre que tu manges de la viande. ». Tu le fusilles du regard. Pourquoi faut-il qu'il en rajoute une couche et qu'il voit forcement à l'extrême opposé. Peut-on te laisser être dans l'entre-deux ? « Tu veux pas non plus me voir danser la claquette ? » « Vas-y, je t'admire. ». Tu te décides à l'ignorer complètement, te tournant de nouveau vers les deux autres qui semblaient tout autant se tirer dans les pattes que vous.

Comme annoncé, tu changes complètement de sujet pour enfin découvrir le nom de celui qui était venu vous parler en premier. Tu avais même posé tes mains sur tes hanches, ce qui te donnait l'impression d'être un vieux daron qui attendant de savoir quelle bêtise avait fait son gosse. Mais pour vrai, ça t'aidait à te concentrer – pourquoi, tu ne sais pas. Alors oui, tu entends qu'il s'appelle Maxime, mais qu'il faut l'appeler Max. Mais tu te focalise sur tout autre chose : son visage. Enfin... Plutôt sur ce qu'il y avait autour de ça. Parce que jusque là, tu n'as pas vraiment fait attention à quoi il pouvait ressembler. Il y a comme un système d'auto-défense chez toi quand une personne se présente à toi en disant te connaître – et donc, être potentiellement un fan. C'est comme si tu ne voyais qu'un corps sans visage, sans signe distinctif reconnaissable. Tu ne fais attention à rien et tu évites au possible le contact visuel. Parce que tu ne sais pas à quel point une personne peut t'aimer et tu ne tiens pas à donner de faux espoirs à quelqu'un en lui offrant trop d'attention. Tu as fait une fois cette erreur, plus jamais.

Et donc, Max avait maintenant un visage, une forme. Il était quelque chose dans ton esprit. Et cette chevelure là. Cette dégaine. Cette veste même. Ça te disait quelque chose. Mais on te sort de ta réflexion à coup de coude. Tu reprends tes esprits, assimile la proposition de Adri et tu souris. « Oh c'est gentil, merci ! ». Tu pensais que ça allait suffire, mais voilà que Sharlieh te donne un nouveau coup de coude, plus discret cette fois. Tu ne comprends pas ce qu'il te veut et tu lui fait bien comprendre à travers une grimace. D'un vague geste de la tête, il te désigne une direction. Tu la suis et voit tout un bordel monstre à côté d'un Noctali. Est-ce que c'était à eux tout ça ? Ils disaient être tout juste arrivé par ici, pas vrai ? Cherchaient-ils encore un lieu où crécher ? Hm. Pourquoi tu te questionnes sur ça au juste ? Ah oui ! Le coup de coude. Tu comprends maintenant ce qu'il sous-entendait ; ils sont sans doute à court de frique. Enfin, ce n'est pas tant ton problème, mais tu voyais où voulait en venir Sharlieh. Et puisqu'il attendait sans doute ton accord, tu acquiesces pour le laisser aller au bout des choses. « Celui qui nous trouve une bonne adresse se voit offrir le repas, deal ? ». Tu le vois faire un clin d'oeil à Adri. L'idée de manger avec un fan ne te réjouissait pas plus que ça. Mais celui-ci ne semblait pas si dangereux. Alors c'était acceptable, pour cette fois seulement.

« Mais faisons d'abord cette photo avant de poursuivre nos recherches. » dit ensuite Sharlieh, invitant Adri à se mettre entre vous deux. Tu prends la pose avec eux, tout souriant et hop, c'est dans la poche. Enfin, dans le téléphone. Pour le plus grand bonheur d'un petit gars bien sympathique. Et puisque cette photo était enfin prise, le groupe repart à la recherche d'un restaurant. Enfin. Tu vois bien que Sharlieh fait semblant de chercher sur son téléphone. Parce qu'en regardant par dessus son épaule, tu le vois défiler son fil d'actualité sur twitter, laissant donc tout le plaisir à Adri de vous trouver un endroit où manger.

Et toi ? Toi, tu ne faisais même pas semblant. Tu fixais de nouveau Max – c'est bien, jusque là tu retiens son nom. Et puisque ça devenait suspect de le regarder de la sorte, tu t'empresses de prendre la parole. « Excuses-moi, mais je crois avoir déjà vu ces cheveux quelque part. ». Vraiment ? Tu ne pouvais pas dire que tu pensais l'avoir vu lui ? De quoi t'as l'air maintenant ? « Enfin. Non. C'est que... ». Tu fais quoi à présent crétin ? Tu avoues que tu as un petit fétiche pour les mecs aux cheveux longs et que même présentement ça embellie ton champ de vision de voir sa douce crinière ? Plutôt crever. « En fait... ». Tu ne sais pas où aller sans avoir l'air complètement fou. Tu en as sûrement déjà l'air en fait. Mais tu n'avais pas envie de t'enfoncer plus que ça.

Tu lâches un soupire qui venait du fin fond de tes poumons. « Laisse tomber. ». Autant abandonner, ouai. Quelles sont les probabilités pour avoir croisé ce type un jour dans ta vie ? Surtout en ayant jamais mis les pieds à Illumis de ta vie.

Il me semble opportun de répondre à la demande, concernant le restaurant. Cependant, comme je ne suis pas végétarien et Adri non plus, qu’on vient, en plus, de débarquer dans la ville et dans la région, qu’on n’a pas de frics non plus pour aller au restaurant en général… Voilà, quoi. Clairement, on ne peut pas les aider. Je ne sais toujours pas pourquoi je me suis excusé de ne pas pouvoir les aider, mais je hausse un sourcil lorsqu’Ash m’informe qu’il ne l’est pas non plus. J’allais comprendre que ce n’était que son ami qui l’était, mais la remarque de ce dernier me fait douter, maintenant. Je ne comprends pas trop ce qui se passe, mais je me dis que c’est souvent le cas quand on est en dehors d’une conversation entre deux amis proches. Suffit de voir comment on est ensemble aussi avec Adri pour le comprendre !

D’ailleurs, ça s’enchaine puisqu’Adrien me présente comme étant Maxime. Peut-être un jour ce sera vrai, mais quitte à changer de nom, je préfère largement choisir Max simplement. Maxime, c’est trop proche de Maxine alors ça va me saouler, je le sens. J’essaie de ne pas trop me focaliser sur cette pensée, au risque de me faire déprimer. Ça fait des années que j’ai le projet de changer de sexe, sauf qu’avec les aléas de la vie, je n’ai pas encore réussi à mettre un centime de côté pour ma transition… Et ça va me miner le moral. Je n’ai pas envie de me miner le moral maintenant, je le fais assez une fois la nuit tombée. On fait un peu les débiles avec mon meilleur ami, je finis par le lâcher et maintenant, il propose d’aider les deux types à trouver un restaurant quand même. Non mais ce fanboy quand même… j’ai bien envie de me foutre de sa gueule, mais je dois avouer que j’ai un peu faim aussi alors… On pourrait en profiter pour manger un morceau aussi.

Sharlieh propose de chercher chacun de son côté une adresse, le plus rapide se faisant offrir le repas. Ça m’intrigue un peu, surtout que je les ai bien vu se donner des coups de coude pour regarder ensuite derrière nous… Ah. J’avais raison, ils ne sont pas assez cons pour ne pas voir nos affaires derrière nous. Quelque chose me dit qu’ils ont compris qu’on vivait dehors et qu’on avait zéro moyen, mais plutôt que de nous proposer le repas parce qu’on est pauvre, ils font ça sous forme de jeu. Adri ne semble pas avoir réalisé qu’il a déjà son portable en main.

- Ça marche !

Mais d’abord, la photo ! Je me charge de la faire pour mon meilleur ami ; personnellement, je m’en fous pas mal d’être sur la photo avec eux. Je ne les connais pas, je l’ai pas caché et je ne vais pas retourner ma veste d’un coup. En plus, j’ai un sourire amusé quand je vois le sourire jusque derrière les oreilles d’Adri qui vit sa meilleure vie en ce moment. Une fois que c’est dans la boite, il les remercie avant de venir voir le résultat. Il est tout heureux et il s’excite comme un gosse, m’arrachant un sourire franc. Il me fait délirer quand il est comme ça.

Je préfère le voir ainsi que comme quand il sortait de chez lui…

La recherche commence alors. Je ne sais pas trop si c’est l’idée d’épater les streameurs qui l’anime ou si c’est l’idée de bouffer gratos. Un mélange des deux, sans doute. Je dirais bien qu’on ne fait pas la charité et que je me sens un peu irrité qu’ils nous proposent un truc comme ça parce qu’on n’a pas de thune sauf que… Si clairement, on fait la manche. Ce serait mentir de dire qu’on ne fait pas la charité. Même si, au fond, j’espère que ce ne sera que passager. Dans cette nouvelle aventure, je compte bien tout mettre en œuvre pour trouver de l’argent et vivre mieux. Ça ne devrait pas être difficile, mais déjà, si on pouvait se payer des visas pour être en règle avec les autorités galariennes, ce serait déjà plus simple pour trouver du taff’. Mais, pour ça, faut une rentrée d’argent et… Vous le sentez, le cercle vicieux ? … C’est quand le prochain concours coordinateurs, en fait ?

Je laisse Adrien chercher le restaurant, il sait mieux se débrouiller que moi avec un téléphone. De toute façon, il a commencé avant moi. Et là, Ash me demande si on ne s’est pas déjà vu quelque part. La surprise se peint sur mon visage. Que… Quoi ? C’est quoi cette question ? On dirait une technique de drague des années 50. Enfin, je ne sais même pas si c’est de la drague, en fait. Je ne sais pas d’où il sort ça et je crois qu’en vue de mon visage étonné, il revient rapidement sur ses paroles. En plus il parlait de mes cheveux comme s’ils étaient uniques. Et en fait, il a raison quand même ! Ça me plait de le penser mais en vrai, je ne pense pas que je suis le seul gars avec des cheveux longs. Surtout que bon, il vit à Galar, nous on vivait à Kalos et on n’a jamais quitté la région alors…

- Euh…
- Crashed Ice.
- Quoi ?

Adri a relevé la tête de son téléphone, arborant un sourire satisfait. J’en conclu qu’il a trouvé un restaurant, mais il ne dit rien pour le moment. Il se contente de me regarder, comme si ce qu’il m’avait dit coulait de source… mais je n’ai toujours pas compris ce qu’il a dit en premier lieu alors il peut toujours me regarder ainsi, ça ne changera rien. Il pousse un soupir, apparemment blasé par mon manque de compréhension.

- Crashed Ice, tu sais, la course à Aufrac. Vous avez tous les deux participés à cette course, vous vous souvenez pas ?
- Aaaaaaah ce truc là… Ou j’étais sensé récupérer des vêtements chauds alors que c’était juste un gros mytho ?

Adri rigole, un peu gêné. Par deux choses, j’imagine ; le fait que je l’engueule parce qu’il m’avait menti sur la finalité de la course, mais surtout parce que je viens ouvertement de dire que j’avais participé, à l’époque, uniquement pour récupérer des fringues. C’est un peu la loose, comme il espère ne pas faire comprendre à ses idoles qu’on est sans le sou. Le truc, c’est qu’ils ont vu nos affaires derrière nous et… Voilà.

- T’étais vraiment là-bas ? Je me souviens… Ah, attends. Le gars avec le Dracolosse ?

Ça me revient en tête maintenant que je le regarde un peu mieux. Mais je crois qu’il avait une autre couleur de cheveux… Après mes souvenirs sont un peu flou, vu que j’avais un peu tendance à jouer les asociaux. Sans Adri à mes côtés, j’ai tendance à me refermer sur moi-même comme un Kokiyas donc bon… ça ne m’étonnerait pas que j’aie ignoré ce gars, à l’époque.

- Sinon… j’ai trouvé un restaurant qui fait vegan à deux pas d’ici !

Le retour de la fierté. Si j’ai bien compris, on va manger à l’œil ? Enfin, c’est Adri qui a trouvé, mais si on ne doit payer que mon repas, ça me va très bien. Je me demande juste si c’est une bonne idée de laisser Onyx seul surveiller nos affaires… Et si on les embarque au restaurant, on risque de se faire remballer. Du coup, j’active une de mes pokéball pour faire venir Rah. De toute façon, Trixia vient avec nous, mais ma Aquali peut bien tenir compagnie au Noctali. Ils s’entendent bien, en plus. J’en profite pour lui faire quelques papouilles – si elle veut faire coucou à son homologue shiny timide, y a aucun souci – avant de lui demander de surveiller pendant notre absence. Une fois que c’est fait, je sens bien qu’Adri est embarrassé. Il ne voulait pas que je le fasse comprendre mais en attendant, il est juste hors de question qu’on se fasse voler le peu d’affaires qu’on a seulement parce qu’il veut garder la face devant deux de ses idoles. Faut pas déconner non plus, hein.

- On y va ?

Il veut esquiver les remarques, les questions, sur nos conditions de vie. C’est vrai qu’on a souvent le droit à des questionnements ou des conseils à la con, quand on en parle…

« Aaaaaah ! » souffles-tu avec un petit sourire en coin, posant ton regard sur Sharlieh qui venait tout juste de lever le nez de son téléphone. Il respirait l'incompréhension. « Crashed Ice. » répètes-tu en le fixant. Tout était clair à présent. Tu revois cette journée dans ta tête comme si tu venais de la vivre. Tu te souviens même de ce drôle de type cagoulé qui a disparu aussi vite qu'il est apparu. Et puis surtout, tu te souviens de Max. Enfin, de sa chevelure. Elle était si belle – bien plus belle qu'aujourd'hui visiblement, puisque ça t'avait fait bien plus d'effet à l'époque. Peut-être que c'était l'effet de la surprise, tu ne savais pas trop. En tout cas, tu vas garder ce détail pour toi. L'important, c'est que tu ne passes pas pour un détraqué qui essaie de le draguer maladroitement. Tu as désormais une preuve qui montre que tu es quelqu'un de mentalement sain – enfin, espérons-le.

« C'est cette course où un mec t'a gerbé dessus ? » demande Sharlieh à moitié désintéressé. Tu fais la moue. Tu aurais préféré qu'il laisse ce détail sous le tapis. Mais évidemment, un tel événement ne pouvait être que le meilleur aux yeux de ton ami. Tu le vois même se réjouir face à ta réaction. Par chance, il n'insiste pas plus, retournant à son téléphone, à moitié hilare.

Ton regard se pose de nouveau sur Max et son ami au moment où ce dernier essaie de rappeler au premier ce drôle d'événement. Et c'est alors que Max s'offusque de ne pas avoir eu de vêtements en guise de récompense. Tu souris, amusé par son comportement. Il y avait bien un t-shirt dans ce sac de goodies qui a été donné avant la course, mais on ne pouvait pas vraiment appeler ça un habit chaud. Mais du coup, cette révélation confirme bien qu'ils n'ont pas un sou pour vivre – ni même de toit, visiblement. Tu t'efforces à garder le sourire pour ne pas les mettre mal à l'aise et appuyer encore plus sur leur misère. Pourtant, tu trouvais ça triste. Tu ne sais pas bien ce qui a pu leur arrivé, mais au fond de toi tu avais envie de les sortir de là, de les aider. Malheureusement, à part leur offrir de la bouffe, tu ne pouvais pas grand chose pour eux. Tu n'es qu'un vulgaire musicien, streamer à ses heures perdues. Tu n'étais pas un messie. Et tu n'es pas non plus suffisamment riche pour donner de l'argent aveuglement au premier venu. Et si ta mémoire est bonne, Max n'est pas du genre à apprécier les petites affections du genre. Tu as mémoire d'un gars qui parle peu et qui sourit bien peu. Aujourd'hui il t'apparaît sous d'autres traits, mais quelque chose te dit qu'il fait un effort pour son ami. Tu restes persuadé qu'il est le genre de mec qu'il ne faut pas prendre en pitié, ni même emmerder. Alors tu vas continuer de prétendre ne rien savoir et garder ce fichu sourire niais accroché sur ton visage.

Par chance, Max enchaîne pour te demander si c'était toi avec un Dracolosse. Tu fais un bref clin d'œil, lève ton index pour le pointer l'espace d'une seconde sur Max, comme on le ferait avec un pistolet. « Bingo ! » souffles-tu finalement. Et puis tu ranges tes deux mains dans tes poches. « Définitivement pas celui qui a dégobillé partout. ». Ce mec là, tu ne le portait pas dans ton cœur. Il était la touche négative de cette course. Mais bon. Tout ne peux pas être parfait, n'est-ce pas ?

« C'est toujours plus facile de se souvenir d'un gros Dragon jaunâtre que d'un mec qui change sans cesse de tête, hein ? ». Sharlieh s'était tourné vers Max, plongeant son téléphone dans sa poche. Visiblement, il n'y avait plus rien d'intéressant à voir sur les réseaux. Tu le regarde, un peu troublé. Tu ne voyais pas où il voulait en venir. Il te regarde à son tour. « T'étais blond à l'époque mec. Je me souviens de cette pub nulle que t'as fait avec eux après tout ce bordel. ». Il est vrai que tu changes un peu trop souvent de couleur capillaire. Il n'y a pas de réelle raison à ça d'ailleurs. Tu aimes simplement essayer de nouvelles choses. Et puis tu aimes également avoir l'air de quelqu'un d'autre, ça apporte un peu de fraîcheur dans ton petit cœur. « Ça me revient maintenant. » dis-tu en rigolant. « Qu'est-ce qu'on ne ferrait pas pour de l'argent facile. » conclus-tu sans prendre le temps de réfléchir – comme si tu en étais capable. Et le pire c'est que tu continues. « Je parles de la pub, pas de mes cheveux, évidemment. ». En te tournant vers les deux autres, tu comprends au regard qu'ils te font que quelque chose ne va pas dans ce que tu viens de dire. Et puis ça tilte enfin dans ta petite tête ; ce n'était peut-être pas le moment de faire une allusion au pognon – surtout qu'on ne peut pas dire que tu es dans la galère, toi. « Tu finiras chauve dans trois ans, c'est tout ce que je vois. ». Heureusement que Sharlieh est là pour rattraper tes maladresses. « T'en fais pas, j'ai pas besoin de cheveux pour être le plus beau de nous deux. ». Tu lui caresses la joue en signe de provocation. Il peste en détournant le regard – tout en gardant le sourire, fort heureusement. Quand il s'agit de répartie, c'est toujours toi le grand vainqueur.

Et puis Adri revient sur le sujet d'origine : la bouffe. Il aurait trouvé un restaurant tout près d'ici. En voilà une bonne nouvelle. « Cool ! » souffles-tu avec extase en essayant de voir ce qu'affichait son téléphone – sans grand succès. Ton regard glisse alors sur l'Aquali qui venait de faire son entrée. Tu grimasses légèrement en le voyant sortir de sa pokéball. Qu'est ce que tu pouvais détester ces choses là. Enfin bon, quand on a pas le choix, elles s'avèrent tout de même pratique. Mais en ce qui te concerne, tu préfères t'en passer le plus possible et ne jamais avoir à imposer cette cage à tes compagnons de route. En un sens, ce n'était pas bien compliqué : tu n'en as que deux – certes, un bien plus gros que l'autre. Il peut arriver que Jerk n'arrive pas à passer certaines portes, mais ce n'était qu'un vulgaire détail. Bref, ce n'était pas le sujet.

Polar pousse un petit cri en ta direction. Il semble surpris à la vu de cet Aquali. Il te tourne autour tout en gardant son regard sur son congénère, totalement intrigué. Il ne savait pas quoi faire face à cette découverte, tu le voyais bien. Et ça te faisait rire. « Il n'a pas l'habitude de voir ses congénères. Je me demande même si ce n'est pas la première fois qu'il en voit. ». Et tu trouvais son comportement adorable. C'était comme s'il voulait bien se comporter auprès d'un semblable, mais qu'il ne connaissait pas les codes sociaux. Il était perdu.

Par chance, ce petit manège n'allait pas durer longtemps. Adri vous invite à aller de l'avant. Peut-être avait-il si faim qu'il ne pouvait plus attendre ? Qu'importe. « Allez. » souffle Sharlieh en laissant passer Adri devant. Après tout, c'était à lui de vous guider jusqu'au restaurant – même si, en effet, ce n'était pas très loin. En même pas deux minutes, vous voilà au lieu tant convoité. Et ça tombait bien, parce que toi aussi tu avais la dalle. Tu jettes toutefois un coup d'œil à la carte affichée à l'entrée du restaurant, pour t'assurer qu'il y avait bien de quoi contenter Sharlieh – non pas que tu n'avais pas confiance en Adri, mais parfois internet n'avait pas toujours raison. Et puisqu'il n'y avait rien à signaler, vous entrez sans plus attendre, demandant une table pour quatre au serveur qui vient vous accueillir. Une fois installé, tu inspectes à nouveau le menu. Et puis tu vois les tarifs.

Tu abaisses ton menu pour regarder Max et Adri, tout souriant. « Ne faites pas attention aux prix. Faites vous plaisir. ». Loin de toi l'envie de faire la charité, mais c'était le deal. « Oui alors, c'est pas une raison pour dévaliser le restaurant non plus. » crache Sharlieh sans même les regarder, concentré sur son menu. Et puis il lève finalement le nez vers toi, affichant un petit sourire. « Sauf si c'est toi qui raque. ». Tu ris. « Bah voyons ! ». Tu pensais que vous partageriez la note, mais puisqu'il voulait jouer à ce petit jeu... « Seulement si tu fais tout le ménage pendant deux mois. ». Il rit à son tour. « Ok, on joue ça à pile ou face ? L'addition plus deux mois de ménage. » « Je choisis pile. ». Il sort son porte-feuille de sa poche, en retire une pièce et la lance en l'air. Et puis il la rattrape, la posant sur le dos de sa main, la recouvrant de l'autre. « Allez... ». Il souffle un bon coup, puis révèle la pièce qui est tombé du côté que tu espérais. Il rage. Et toi, tu jubiles. « Donc je réitère ; faites vous plaisir ! ». Tu regardes de nouveau ton ami, l'air pensif. « Vous pensez pas qu'il serait mignon dans une petite tenue de soubrette ? » « Abuse pas là ! Choisis ton foutu plat. ». Tu éclates de rire. Sharlieh a toujours été mauvais joueur. Et tu adorais jouer avec ça.

Je grimace fort, quand Sharlieh rappelle que lors de la course, on s’est fait gerber dessus. Je crois me souvenir que j’étais le plus touché de tous… Et ce souvenir ne me plait pas. Je me souviens que j’étais gelé suite à ça durant quasiment toute la course, ce qui explique que j’en garde un mauvais souvenir. Avec le recul, c’était quand même un peu fun, j’aimais bien la Locklass qu’on m’avait prêté mais sinon… Voilà quoi.

Adri me précise l’idée, je laisse échapper ma motivation pour participer à la course. J’ai l’impression qu’il y a un petit flottement, puisque je viens d’affirmer que déjà à l’époque, on n’avait pas de fric pour s’acheter des fringues. On s’attend à avoir une réflexion ou simplement une réaction… Mais ça va, Ash se contente de sourire bêtement. Bon, j’imagine que ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd, mais de toute manière je pense qu’ils ont déjà pigé que notre situation était enviée par personne. Y a nos affaires derrière nous, puis ils nous proposent de payer la bouffe pour nous si on trouve un restau’ plus rapidement qu’eux… Je me doute que Shapy ne cherche pas vraiment. Je ne sais juste pas si mon meilleur ami l’a compris, je ne vais pas jouer à l’idiot néanmoins et garder ma bouche fermée. Bonjour l’ambiance chelou, sinon.

Je me concentre plutôt sur qui était Ash durant la course et j’ai un éclair de génie. Je ne me suis pas trompé apparemment, ce qui me fait arborer un petit sourire de fierté. Il explique alors que ce n’était pas lui qui a gerbé partout. J’ai toujours un sourire marqué par une nouvelle grimace.

- J’essaie d’oublier ce souvenir désagréable…

C’est une plainte, certes, mais mêlée d’un léger amusement. Je n’ai pas envie de retourner dans l’état d’esprit que j’avais, durant la course. C’est-à-dire un gars grincheux qui voulait juste en finir rapidement et se tirer vite fait. Ça ne me dérange pas de parler de la course, mais si on peut esquiver ce moment hyper gênant, j’aimerai beaucoup.

Sharlieh fait la remarque que c’est plus simple de se souvenir du Dracolosse que d’Ash et j’acquiesce. Clairement, je n’aurais jamais fait le rapprochement avec la gueule qu’il a maintenant. Apparemment, le concerné ne comprend pas trop ce qu’il veut dire et évoque la couleur de ces cheveux, à l’époque. Ça fait déclic, apparemment. J’ai toujours un sourire, plus courtois qu’autre chose. Surtout quand il évoque l’argent facile, ce qui me fait un peu tiquer. Bizarrement, je n’ai pas été contacté pour faire une pub après la participation. Sans doute parce que je n’ai pas fini premier, aussi parce que je ne suis pas célèbre ou quoi d’autres. En vrai, ça me va, hein. Mais je dois avouer que ça me fout un peu le seum, de parler de thune comme ça. Il se rattrape en ajoutant une précision, ce qui me confirme qu’il a très bien compris dans quel merdier on se trouve.

Heureusement, son pote commence à le taquiner, ils s’envoient quelques taquineries et Adri profite de ce changement d’ambiance pour préciser qu’il a trouver le restau’. De toute manière, étant donné que Shapy a rangé son portable, il est plus qu’évident normalement qu’ils partaient déjà du principe qu’ils nous invitaient. Ça peut m’arriver de râler parce que je n’aime pas qu’on nous prenne en pitié comme ça, mais d’un autre côté ça ne me dérange pas spécialement de faire la manche alors… On va juste se contenter d’être heureux d’avoir un repas gratis, surtout que je commence sérieusement à avoir les crocs.

On sera bientôt prêt à prendre le chemin du restaurant, mais avant, je veux m’assurer que personne ne viendra nous voler nos affaires. J’ignore totalement Adri qui veut sauver les apparences, faisant venir Rah auprès de nous. L’Aquali shiney réagit à son arrivée, mon alliée poussant à son tour un cri en réponse au sien. Elle semble s’amuser de la réaction étrange de son homologue, expliquée par son dresseur.

- Ah ouais ? J’avoue que je ne sais même pas si Rah a déjà vu un autre Aquali non plus…

Maintenant qu’il le dit. Je regarde Rah qui ne semble pas plus perturbée que ça. J’imagine que comme elle a l’habitude de côtoyer Onyx et Trixia, elle reste à son aise. Je sens bien qu’elle aimerait bien en apprendre davantage sur Polar, mais Adri a tellement le flippe que les deux streamers fassent une remarque sur nos affaires qu’il s’empresse de demander si on peut se mettre en route. Je contrôle plus ou moins le soupir qui me brûle les lèvres. Je crois que j’ai toujours eu plus d’aisance que lui à assumer notre situation. Ça se sent d’autant plus lorsque je gère notre budget et qu’il s’agace que je sois aussi rigide, sur ce point. Assumer qu’on n’a pas de fric, il a toujours eu du mal… Sans doute une part d’immaturité de sa part. Mais bon, je ne vais pas le blâmer non plus ; je n’apprécie pas la situation dans laquelle on est non plus. Cependant, je suis plus réaliste, et sans doute plus terre-à-terre, aussi.

Rah va rejoindre Onyx quand elle remarque qu’on se met en route. Adri prend les directives, je le suis. Je me demande si c’est loin… Et j’ai ma réponse rapidement quand il montre le restaurant, tout fier. La carte est affichée à l’entrée et je constate que c’est du cent pour cent vegan donc… Pas de viande pour cette fois. Bah, pas grave. Tant que j’ai à manger, ça me va. On laisse les deux autres demandés une table, j’ai comme l’impression que le serveur nous regarde un peu bizarre. Sa gueule ne m’est pas totalement inconnu, j’imagine que vu que le restau’ n’est pas loin de notre squat, il a déjà dû nous passer devant en allant bosser. Sans doute qu’il se demande ce que foutte deux clochards ici, mais il ne dit rien de plus comme on est accompagné. Je pense bien que si on avait été tout seul, on se serait sans doute fait refouler.

Et quand je vois les prix sur la carte, je comprends mieux pourquoi. Ok, une chose est sûre ; jamais de la vie je deviens vegan ! OMG, c’est tellement cher… ça doit se voir sur ma face, Ash nous disant de ne pas faire gaffe aux prix. Je ne vais pas me gêner pour cacher rapidement la colonne des tarots, sinon je vais faire une syncope. Je sens à côté de moi qu’Adri n’est pas spécialement à l’aise non plus, même si la remarque de Sharlieh me fait un peu rire. On dirait moi avec mon meilleur ami quand on a un peu de fric et qu’on se permet de manger dans ce genre d’endroit. Enfin, plutôt un restaurant aux prix abordables pour nous, ce qui n’est clairement pas le cas ici.

Mon regard parcourt la carte, tandis que nos deux streamers tirent à pile ou face qui se tape l’addition ainsi que le ménage pour deux mois. Je tente comme je peux de cacher à quel point leur jeu me met à l’aise. C’est clairement quelque chose qu’on ne peut pas se permettre, avec Adri. On a pris l’habitude de partager nos comptes et l’argent qui s’y trouve. On se fait toujours des combines pour payer le moins cher possible et… Comme on a tout en commun, peu de risques que ce genre de situation nous arrive. On n’a pas de chez nous non plus donc le ménage… On ne va pas se battre pour savoir qui va nettoyer la rue qu’on squatte. Je remarque que mon meilleur ami sourit, s’amusant de la situation entre eux deux. D’un point de vue extérieur, on peut difficilement remarquer l’envie qui danse dans ses yeux. Je sais qu’il aimerait bien qu’un jour, on soit capable d’avoir ce genre de disputes gentillettes. J’avoue que j’aimerai bien aussi, mais chaque chose en son temps ; déjà, faudrait qu’on ait un visa pour pouvoir rester à Galar. J’entends Adri rire cette fois, réalisant que je n’ai absolument rien écouter de leurs conversations.

- Ça attirerait sans doute du monde sur le stream !

De quoi il parle ? Mais il se marre, c’est que ça devait être drôle. Bah, je vais le laisser s’amuser, replongeant mon attention sur la carte. Même si on ne doit pas regarder les prix, ça ne m’empêche pas finalement de faire des une-deux et de suer en constatant que ce qui m’intéresse est vraiment pas donné. Je n’y connais tellement rien dans ce domaine du goût que je suis paumé…

- T’as vu, ils ont des quesilladas vegan. – Ouais, j’ai carrément vu oui, le prix aussi… - Max adore les quesilladas. Il pourrait en manger tous les jours s’il pouvait !

Il se marre. Il ne remarque pas que je me raidis un peu. Je n’aime pas spécialement qu’il attire l’attention sur moi de cette façon, mais je redoute surtout la question de pourquoi je ne le fais pas. Je peux dire que c’est pour ma santé, mais je pense que c’est évident que c’est surtout parce qu’on n’a pas le fric. Toujours la putain de même rengaine.

- Tu prends quoi toi ?

Je change de sujet, mais je suis curieux de ce qu’il prend. Il comprend aussi que je veux voir si ce qu’il prend est plus cher que ce que je m’autorise. Apparemment, c’est le cas et il n’a pas de gêne à le commander… ça me rassure. Je valide ce que je veux – évidemment, je vais tester les quesilladas, Adri a vu juste -, avant de lever les yeux un peu de la carte.

- Merci, en fait.

J’imagine que c’est la moindre des choses, que de le remercier. Si j’ai bien compris, c’est Sharlieh qui paye l’addition donc… Voilà. Même si en vrai on a « gagné » cette invitation, j’ai bien compris que c’était prévu depuis le début. Ça ne me met pas vraiment mal à l’aise, surtout vu comment mon estomac se réveille à la vue de toute cette nourriture. Clairement, je pige bien qu’on n’aurait pas pu se permettre de payer notre part, à moins de liquider nos dernières économies.

- J’espère que ce sera bon ! - Adri cherche à changer de sujet de conversation. Encore. – Je me demandais, aussi… Vous vous connaissiez d'avant Twitch ou c'est grâce à la plateforme ? – Le côté fanboy qui ressort, ça. Ça me fait un peu rire de l’entendre s'intéresser comme ça à leurs vies.

Sharlieh et toi vous tournez instantanément en direction de Adri qui arbore un sourire d'enfant. C'est étrange, mais dès que tu poses tes yeux sur ce garçon, tu te sens comme apaisé. Malgré sa réflexion pleine de joie et d'innocence, tu vois à travers son regard de la fascination. Tu sens qu'il vous envie, qu'il vous idolâtre peut-être un peu trop à travers cette image positive que vous dégagez ton ami et toi. Ce regard là, tu l'as vu bien des fois déjà. Ton visage se crispe un peu sans que tu ne t'en rende compte réellement. Tu sais qu'il est bon d'enjoliver les choses quand on s'expose de la sorte sur internet, mais parfois tu aimerais montrer les choses telles qu'elles sont vraiment. Tu aimerais dire à Adri ici présent que vous n'êtes que deux garçons tout ce qu'il y a de plus banals, avec leurs lots de petits tracas. Encore, tu as la chance d'avoir grandi sans te soucier de l'argent. Tu as aussi la chance d'avoir été gâté par la nature. Seulement, si on enlève ta jolie enveloppe et ton talent pour la musique, tu ni plus ni moins qu'un Ramoloss : complètement con et inutile. Tu ne serais même pas capable de rester en un seul morceau en vivant par toi-même. Si on te laisse seul, il ne te faut pas plus de dix minutes pour mettre les pieds dans de drôles d'affaires. Tu es le roi pour divertir le peuple, mais en dehors de ça, tu ne vaux absolument rien.

« Tout n'est pas forcement bon à montrer en stream. Et ça, ça en fait partie ». Sharlieh te sort de tes pensées par ces quelques mots adressés au garçon. Tu te tournes vers lui sans pour autant changer d'expression. Tu le regardes rire avec futilité, se laissant tomber au fond du siège. Tu aimes le voir heureux de la sorte. C'est suffisant pour attendrir tes traits et plaquer un sourire à tes lèvres. Et c'est précisément à ce moment là, alors que tu penches la tête en le regardant de la sorte, qu'il tourne la tête en ta direction. Son rire disparaît, son sourire également. « Même pas en rêve. Enlève-toi ça de la tête ! » crache-t-il. Tu as un mouvement de recule, quelque peu surpris par ses accusations. Tu ne songeais même pas à le soudoyer pour qu'il se plie à cette requête. Mais maintenant qu'il te le met sous le nez, tu as soudainement envie de pousser le vice un peu plus loin. Mais ça, vous le réglerez en privé. Pour l'heure, tu te contentes de faire une petite moue en lever ta main en lui montrant ta paume, symbolisant que tu ne diras rien de plus.

Pendant ce laps de temps, le petit Adri est retourné à son ami que tu avais baptisé « le grincheux » à l'époque. Il lui expose des choses sur le menu et puis il vous dit que Max aime les quesilladas. Tu souris bêtement en hochant la tête, ne sachant quoi répondre à ça. Après quoi tu laisses tes yeux retomber sur ton menu pour te décider sur ce qui aura l'honneur de remplir ton estomac – il serait peut-être temps, en effet. Tu épluches la carte sans réussir à te décider. Tu ne prêtes aucune attention aux prix. Ce qui te tracasse, c'est que tout ce qui est présent là-dessus semble incroyablement bon. Et jamais tu ne pourras tout manger. Et il n'y a pas forcement un plat plus alléchant qu'un autre. Alors peut-être que tu iras au hasard, quand le serveur se pointera. Ou tu copieras Sharlieh dans son choix – ou un autre autour de cette table – ça semble être une bonne alternative.

Tu entends soudainement tousser à ton oreille. Tu penches légèrement la tête sur le côté et découvre Sharlieh qui s'est rapproché de toi, son menu devant le visage pour se cacher des autres. Tu as le réflexe de glisser un peu plus vers lui, comprenant qu'il ne tenait pas forcement à être entendu des autres. « J'sais qu'on est pas sensé revenir sur un gage, tout ça tout ça... Mais je pourrais jamais me permettre de payer le tout ». Tu le dévores des yeux quelques secondes avant de te pencher enfin sur les prix et comprendre ce qui effrayait le monde. En effet, Adri n'a pas choisi le restaurant le plus accessible. Pour toi, ce n'est que dérisoire. Comme dit, l'argent n'a jamais été un soucis. Mais ce n'est pas le cas de Sharlieh qui peine parfois à joindre les deux bouts. Il arrive très souvent que ce soit toi qui paye le loyer – sans jamais rien demandé en retour, tu te fiches pas mal de ce détail, tant qu'il est là pour te tenir compagnie au quotidien. « T'inquiète. » souffles-tu en retour, accompagné d'un clin d'œil. « Je te revaudrais ça. » dit-il avant de retourner à sa place en abaissant son menu, se dévoilant à nouveau. Il n'avait pas besoin de te préciser ça. Tu sais qu'il te ferra un geste, quel qu'il soit – pécuniaire ou non. Il a toujours eu des petites attentions envers toi pour te montrer sa gratitude quand tu le dépannes et qu'il ne peut te rembourser. Après, tu n'attends rien de lui en retour non plus. Il pourrait très bien ne rien faire du tout que tu serais tout aussi heureux. Tu sais te contenter de votre amitié telle qu'elle est. Tu n'as pas besoin de plus. Si ta condition de « gosse de riche » peut lui être bénéfique, c'était tant mieux.

Tu poses finalement tes yeux sur Max qui vous remercie simplement. Tu ne sais pas trop s'il vous a entendu et donc si ce merci va à Sharlieh. Mais pour en être certain, tu ne réponds rien, te contentant de te tourner vers ton ami pour soutenir le fait que c'est à lui de répondre. Il comprend ton geste, te regardant un bref instant avant de fixer le garçon d'en face. « Y'a pas d'quoi » souffle-t-il simplement.

Le serveur arrive peu après cet échange qui sentait la gêne à plein nez. Tu t'en réjouies un peu d'ailleurs, que cet homme déboule maintenant. Tu te dis que cette coupure est de bonne augure. « Vous avez choisi » demande-t-il l'air de rien, son petit carnet en main. Tu laisses le duo face à vous s'exprimer, décidant que tu ne copiera pas Adri dans son choix. Tu laisses Sharlieh s'exprimer ensuite. Il demande les quesilladas, à l'image de Max, ajoutant même que « ça m'a l'air bien bon cette chose là ». Et bien puisqu'il en est ainsi : « En avant la découverte ; je vais prendre la même chose. » dis-tu en rendant ta carte au serveur, le sourire au lèvre. Tu demandes à ce qu'il y ait une double ration pour Max, puisqu'il semble adorer ça. Et puis tu ajoutes à la liste une carafe d'eau ainsi qu'une gamelle de croquettes pour Polar avant de laisser partir le serveur.

Vous revoilà de nouveau seuls, ne sachant pas vraiment comment relancer la conversation. Sharlieh n'étant pas un grand bavard dans l'âme, c'est à toi que revient la lourde tâche de sociabiliser. Seulement, à part parler de la course que vous avez fait Max et toi, ou parler de votre activité sur twitch avec Sharlieh, tu ne voyais pas trop quel sujet aborder. Tu ne peux te risquer à les lancer sur des sujets personnels, bien conscient qu'ils sont dans une situation délicate. Tu te grattes l'arrière de la tête à la recherche d'une bonne idée. Tu sens même la panique monter en toi. Cette panique de rester dans le silence trop longtemps. Ce qui veut dire que les blagues nulles vont pointer le bout de leur nez.

Par chance, Adri vous sauve de ce désastre en vous questionnant sur votre relation à Sharlieh et toi. Vous échangez tous deux un regard. Et sans savoir pourquoi, vous éclatez de rire. « On se connaît d'avant. On était tous les deux sur un forum parlant de musique. Ça remonte à tellement longtemps, on devait avoir... Quinze ans ? Seize peut-être. » « Je me souviens surtout avoir posté un cover au violon – plutôt médiocre – et tu as été le seul à commenter en disant que c'était cool ». Tu éclates de rire, en partie parce que tu ne te souvenais plus de ça et que ça ne t'étonnes même pas. « J'ai tout de suite compris que j'avais trouvé là le plus gros poichigeon à exploiter. » dit-il en se tournant vers Adri, tout souriant. Tu le frappes alors avec le poing sur l'épaule – sans trop de force, juste pour répondre à sa taquinerie où tu n'avais aucune meilleure répartie. « Il dit ça, mais c'est lui qui m'a demandé de venir vivre avec lui à Galar, plutôt que de rester enterré dans mon Hoenn natal. » « De rien ». Tu le fusilles du regard, te retenant de le traiter de petit con.

« Je suis sur twitch depuis peu en réalité. Ça ne fait même pas deux ans ». Sharlieh tenait visiblement à rebondir sur ce détail là de la question. Tu souris simplement, n'ajoutant rien de plus. Il est vrai que c'est toi qui l'a poussé à se lancer. Déjà parce que ça faisait une rentrée d'argent – assez légère à son échelle, mais c'était toujours ça de pris – mais surtout parce que tu voyais à travers tes propres live qu'il aimait bien ça. Tu n'en n'avait pas forcement conscience quand tu te trouvais encore à Hoenn, puisque quand tu le faisais jouer avec toi on ne pouvait entendre que sa voix. Et puis ses apparitions restaient plutôt rare. Mais une fois en colocation avec lui, il était de plus en plus présent – et visible cette fois. Et tu voyais à quel point ça pouvait l'amuser. Et puisque tes fans le réclamait aussi, il était judicieux de le pousser à franchir le pas. Et c'est sans aucun regret – pour lui comme pour toi.

Tu cesses de regarder ton ami pour te tourner complètement vers vos invités. Et finalement, puisque le sujet est lancé, tu oses glisser sur leur terrain. « Et vous alors ? Vous partagez votre quotidien depuis longtemps ? ». Tu penches la tête sur le côté, plongeant dans la réflexion. Et puis tu te laisses tomber contre le dossier, croisant les bras sans même les quitter du regard. « Je paris sur des amis d'enfance. » craches-tu au hasard. Tu comprends qu'ils sont fusionnels, peut-être encore plus que Sharlieh et toi. Alors tu ne penses pas te tromper en disant que leur amitié ne date pas d'hier.

Ce restau’ est carrément hors de notre portée. Heureusement qu’on est invité parce que sinon… Y a de quoi se ruiner pour un seul repas. J’ai cru comprendre que c’était souvent le cas, avec les plats vegan. Les commerçants voguent sur l’effet de mode. Apparemment, c’est « in » de l’être… Sauf que si je peux retrouver des idées que je partage avec eux, comme la lutte contre les abattoirs et l’élevage en masse, je n’ai clairement pas le luxe de pouvoir choisir ce que je mange. La viande est bon marché dans certains magasins, alors on prend. Tant pis si j’encourage cette économie bancale. De toute manière, à mon échelle, je n’ai pas le moindre pouvoir. Faudrait déjà que j’ai un pouvoir d’achat, ce qui n’est clairement pas le cas.

Adri s’amuse de l’histoire de la tenue de soubrette, il s’amuse aussi de la réaction des deux antagonistes. Moi, j’ai les yeux rivés sur la carte et sur les prix exorbitants. Je crois… Je crois que c’est même en dehors des moyens de Sharlieh. Je ne fais pas la mine, mais je le vois bien se pencher vers son pote en se cachant derrière la carte. Ah, ça me rassure un peu, je dois dire. Je ne suis pas le seul à trouver que c’est abusé, comme tarifs ! Mais ça me dérange quand même. Même si je suis en accord désormais avec l’idée de faire l’aumône pour survivre, je trouve quand même qu’on abuse, sur ce coup-là. Je ne pense pas que mon meilleur ami a fait exprès de choisir ce restaurant, il n’est pas aussi calculateur. Peut-être même que s’il avait su avant, il aurait cherché un autre. Mais soit, c’est trop tard maintenant.

Il me demande ce que je veux manger, commente auprès des deux streamers mon amour pour les quésadillas. Bon, comme je m’en doutais, ils s’en fichent. Haeshle arbore un sourire poli, je demande donc à Adri ce qu’il prend. C’est plus cher que ce que je prends et il tente de prendre un autre truc mais je le coupe dans son élan ; on a peut-être gagné le pari, mais n’abusons pas non plus. Il est surpris, au début ; habituellement je ne me serais pas gêné. Sauf que là… Ce n’est pas pareil. Ce n’est pas vraiment de total inconnu non plus. Et s’ils bavent sur leurs streams qu’on a jouer les bourgeois… Hum. En vrai je m’en fous un peu de ce qu’on pense de moi. C’est plus pour Adri le problème. Même si j’aimerai qu’il arrête de claquer le fric qu’il n’a pas dans ces conneries, je sais aussi que c’est un moyen pour lui de fuir notre réalité. Je m’en voudrais de lui voler ça.

Maintenant j’espère juste qu’ils ne vont pas parler tout court de cette rencontre sur le net. Comment tu veux présenter ça ? Le jour où on a rencontré des fans sdf ?... Remarque, ça ferait vendre.

Le serveur s’amène pour prendre notre commande, je laisse les autres parler. Je suis un peu surpris de voir qu’ils prennent les quésadillas aussi, la remarque de Sharlieh me faisant sourire doucement. Finalement, Adri change d’avis et prend aussi le même plat que nous, comme ça pas besoin de se prendre la tête, qu’il dit ! Je crois que je rougis un peu cependant quand Haeshle précise de me filer une double ration. Je… Je ne sais pas comment réagir et je détourne le regard. La première pensée qui me traverse l’esprit est que désormais, c’est moi qui coûte le plus cher et… Et je ne sais pas comment je suis sensé agir désormais. Le serveur s’en va avec nos commandes et maintenant… Y a une gêne qui s’installe. Je devrais peut-être dire quelque chose ? Je ne sais pas, n’importe quoi. J’ai déjà dit merci, ça serait chelou si je le redisais.

Fort heureusement, Adri a plus d’un tour dans son sac. Il demande comment les deux se sont rencontrés. J’sais pas pourquoi, j’imagine qu’ils l’ont déjà dit sur leurs chaînes mais sans doute que mon meilleur ami a loupé le coche. Il ne peut pas les regarder à chaque fois après tout, puisqu’on cherche aussi du taff’ à côté. Même si bon… Pour le moment, ce n’est pas fameux. Je retiens le soupir qui menace de passer mes lèvres, ce n’est pas le moment ; ça donnerait l’impression que je m’en fous de ce qu’ils racontent. Ce n’est pas le cas même si, soyons honnête, ça ne change rien à ma vie. Au moins cela dit, ça permet d’esquiver le silence gênant qui met tout le monde mal à l’aise.

Mon meilleur ami boit leurs paroles et j’y porte plus d’attention à mon tour. C’est mieux que de laisser mon esprit se concentrer sur le négatif. Je découvre que ce sont tous deux des musiciens. Ça m’intrigue un peu. J’ai toujours bien aimé la musique, je dois dire… Mais sans doute pas le même style que ce qu’ils font eux. Le violon par exemple, c’est typiquement le genre d’instrument que je n’aime pas. Je suis plus sur des sons trafiqués avec du peps. Parce que bon, le violon, c’est souvent de la mélancolie à outrance et… J’aimerai éviter de me retrouver à déprimer au point de me tirer une balle, voyez-vous.

- C’est chouette je trouve ! – Adri, toujours le même enthousiaste. Il me fait rire. – On n’est jamais à Hoenn, c’est si pourri que ça ?

Ok je ris un peu plus. Je crois qu’il n’a pas vu le regard assassin d’Ash envers son ami, et lui, il en rajoute une couche. Nice.

- On y est allé pour le concours…
- Ah oui, c’est vrai ! Mais on n’a pas vu grand-chose.

Il est sceptique, moi aussi. Tout ce que je me souviens, c’est l’hôtel payé par l’organisation et le repas gratos. Ça avait été sympa, surtout pour faire les guignols derrière sur une scène. ‘Tain, quand je pense à la thune qu’on s’est fait quand même… Je me dis qu’après avoir obtenu notre visa, faudra vraiment qu’on y retourne. Même les perdants reçoivent un lot de consolation donc… C’est rentable à fond.

- C’est long quand même deux ans…

Par rapport à la remarque de Sharlieh. Comme on est deux jeunos de dix-huit ans à peine, forcément, ça fait long. Je n’ai pas envie de penser à où j’étais, y a deux ans… Puisqu’on s’était déjà fait virer du collège. J’imagine qu’on devait trainer dans les rues d’Illumis à la recherche de poichigeons à voler… Ouais, ce n’est vraiment pas le must de penser à ça maintenant. Heureusement, Ash nous renvoie la question et un vrai sourire passe mes lèvres quand il parle d’amis d’enfance. J’avoue qu’en nous voyant, c’est terriblement évident. Mais, en un sens, je souris aussi parce qu’on ne nous sort pas pour la énième fois qu’on est en couple où chais pas quoi. Adrien sourit lui aussi, me regardant pour savoir qui raconte. Bon allez, histoire d’arrêter de faire le gars qui fait la gueule tout le temps.

- C’est exactement ça. Nos parents étaient des amis qui se sont installés ensemble à Illumis, à Kalos. On est de la même année Adri et moi, on a même seulement quelques jours de différence. – On ne va pas parler des doutes quant au fait qu’on est peut-être demi-frères, ça mettrait une ambiance cringe au possible. Un coup d’œil à mon meilleur ami me fait comprendre qu’il a compris qu’il n’évoquera pas non plus cette possibilité. – Depuis, on est tout le temps fourré ensemble.
- On est comme des frères, en vrai !

Il rit, affiche ce sourire enfantin qui a le don de me faire sourire aussi. Il n’a pas parlé de la possibilité que ce soit le cas, mais je ne pense pas que ce soit bizarre, ce qu’il dit. C’est vrai que j’ai toujours trouvé qu’Adri était plus proche d’un frère que d’un ami. On a traversé tellement de trucs ensemble… De bien, de moins bien, de grave déprimant, aussi. Adri c’est le seul gars sur qui je peux vraiment compter et il sait que c’est réciproque.

- Dites, euh… - Je relève la tête, regardant mon meilleur ami. Il a l’air d’hésiter, mais je n’ai aucune idée de ce qu’il veut demander exactement alors je ne peux pas l’aider. – Twitch, ça rapporte vraiment beaucoup de fric ?

…. Je comprends mieux son hésitation. En plus il drop ça de nulle part et… Erf. J’avais un peu espéré qu’on éviterait de parler de thunes avec eux. Ils ne sont pas cons, ils doivent parfaitement comprendre pourquoi il pose cette question. Et même si je ne suis pas forcément à l’aise à l’idée, je suis quand même intéressé par la réponse.
Peut-être qu’internet pourrait nous aider pour sortir de notre galère actuelle.

Au moment où tu fusilles du regard Sharlieh, Adri rebondit instantanément sur vos paroles, te demandant ce qui ne va pas avec Hoenn. Sa question te surprends un temps. Tu le regardes un peu perdu – tout ça c'est la faute de ton ami – avant de lui répondre. « Euh... N-non ! Enfin. Je n'ai pas beaucoup voyagé dans la région, donc je ne connais que quelques villes, mais j'aime beaucoup Hoenn ». Tu es sincères quand tu dis ça. Tu marques un temps, fouillant dans ta mémoire ce qui pourrait laisser penser que tu détesterais ta région natale. « A l'époque où je suis parti de là-bas, ouai, j'avais envie d'en fuir. C'était principalement dû à mes parents. On ne s'entendait pas super bien dans ce temps là ». Tu hausses les épaules. « Mais j'étais un jeune con, je n'arrivais pas à comprendre qu'elles voulaient mon bien et m'offrir une sécurité en bossant avec elles, pas me priver de ma passion. Les choses ont changés. Je les aime et je retourne les vois souvent. Tout va bien dans le meilleur des monde ! ». Tu affiches un large sourire. Tout ce que tu as dit est véridique. Aucun mensonge, que de la transparence. Par contre, tu n'étais peut-être pas obligé de t'étaler autant sur ta personne. C'était peut-être un peu trop. « Mouai. T'es un peu moins jeune, mais toujours aussi... » Il s'arrête, te regarde. Un silence. « Ouai, y'a rien là dedans ». Tu lèves les yeux au ciel, toujours souriant. Tu admires qu'il fasse l'effort de rester poli, ceci dit. « Depuis quand tu es aussi pudique ? » « Très bien, monsieur Suibhne. Si vous insistez tant : vous êtes un parfait idiot. ».

Tu ne rebondis pas sur le fait qu'ils soient allé à Hoenn. A vrai dire, tu as eu l'envie de leur demander ce qu'ils en avaient pensé, mais puisque Adri précise qu'ils n'ont quasi rien vu, cela répond à ta question. C'est pourquoi tu glisses gentiment sur le « retournement de question », curieux de connaître leur passé commun, puis histoire de tuer le temps jusqu'à recevoir vos plats. Avant même que l'un d'eux n'ouvre la bouche, tu comprends à leur sourire respectif que tu as tapé dans le mille – et visiblement heureux que ça se voit, qu'ils soient amis de longue date. « C'est adorable » souffles-tu une fois que Max a fini de vous raconter leur histoire. « Hm. Je suis même un peu jaloux. Je n'ai jamais été proche des amis de mes parents. Et je n'ai pas plus gardé contact avec mes anciens camarades de classes. C'est vraiment beau ». Tu hoches la tête. « Ouep, pareil pour moi. J'ai l'impression que c'est rare, ce genre d'amitié qu'on se fait dans notre enfance et qui, une fois adulte, perdure. Je suis admiratif ». Sharlieh et toi avez beau vous connaître depuis de nombreuses années et vous considérer comme deux frères, vous n'entrez pas dans la catégorie de ces deux là. Sans internet, vous ne vous seriez jamais connu. Et tous ceux que tu as connu dans la vie véritable n'avaient rien de mémorable. C'est la vie, comme on dit. Et qui sait, peut-être que l'une de ces personnes réapparaîtra un jour dans ta vie – ce qui serait fort comique.

Et puis vous prenez un virage à cent quatre-vingts degrés, conduits par une question à laquelle tu ne t'attendais absolument pas dans cette conversation. Elle est pourtant courante, donc loin d'être surprenante. Mais puisque vous ne parliez plus de vos métiers, tu dois admettre que le jeune Adri t'as bien eu sur celle-ci. « Euuuh... ». Tu es totalement à l'ouest. Tu n'es jamais très à l'aise face à cette question. Non pas que ce soit tabou, mais tu ne te sens jamais légitime de gagner cet argent là. Sans compter qu'il ne fait que soulager celui qui dort sur ton compte en banque, accumulé depuis l'enfance par tes parents aux finances aisés. Tu n'as jamais eu de problème d'argent, ni même besoin de faire particulièrement attention à ça. Et c'est ce qui te gêne un peu. Tu as souvent le sentiment de ne pas mériter ce « rang » social.
Tu te tournes alors vers ton ami qui vient d'une famille aux revenus moyens. Il soupire à ton attention, hausse les épaules à celle de Adri. « Ça va. En tout cas à mon échelle ça permet de payer le loyer et vivre paisiblement sans avoir à travailler à côté. Surtout que je ne peux pas demander d'aide à ma mère de ce côté là ». Tu te sens un peu concerné par cette dernière phrase. Tu te doutes qu'il ne te visais pas personnellement – autrement il t'aurait jeté le regard approprié – mais tu ne peux t'empêcher de culpabiliser. Même si tu ne demandes jamais d'aide financière de tes parents, tu as au moins la sécurité de pouvoir le faire au besoin. « Si je le pouvais, je l'aiderais volontiers, ma petite maman. Mais pour le moment c'est encore assez instable... ». Par là, tu sais qu'il évoque sa communauté. Elle n'est pas encore assez solide, changeante et surtout encore assez petite. Et c'est normal. Sharlieh est encore en train de se chercher, se mettant bien trop la pression sur tout. Tu es confiant, ça finira par payer. En attendant, c'est à toi de le supporter. Il t'arrive certain mois de payer le loyer dans son intégralité pour lui permettre de profiter du mois comme il l'aimerait. Il ne l'admettra pas devant eux, tout simplement parce que vous n'en parlez même pas entre vous. Le sujet est bien trop sensible.

« C'est assez compliqué au départ de se faire de l'argent, car tout part de la communauté qui nous soutient. Ce sont les dons qui font l'essence du métier. Une fois qu'on s'est fait un nom, s'ajoute les sponso'. A partir de là, ça roule tout seul – à condition de ne pas créer de scandale, mais c'est un autre débat ». C'est précisément sur ce point que Sharlieh se prend la tête. Il a peur de chuter au moindre petit truc qu'il dit. Mais c'est parce qu'il a besoin de cette source de revenue. C'est le Serpang qui se mord la queue. Toi, à contrario, tu ne te soucis pas de grand chose – comme à ton habitude. En même temps, tu ne te mêle pas trop aux histoires des autres, te contentant de vivre tout simplement la tienne.

« La vrai difficulté est de garder une belle image. Le moindre petit truc peut vous conduire en enfer. A part ça, à partir du moment que vous avez une caméra... ». Tu conclus par un haussement d'épaule. Pas besoin de talent pour réussir sur cette plate-forme. Juste une belle personnalité – ou de beaux attributs, à défaut. « Ouai par contre évite peut-être de montrer ce que c'est de vivre à la rue, les gens vont prendre ça pour une mauvaise blague ». Tu fusilles une nouvelle fois Sharlieh des yeux, frappant par la même occasion l'arrière de son crâne avec la paume de ta main. « Atchh. Quoi ?! Je le conseille juste, je juge pas. » souffle-t-il tout bas. « Ça reste maladroit... Andouille. ».

C'est précisément à cet instant que votre commande arrive à votre table plongée dans la gêne. Tu gardes la tête basse, nez à nez avec ton assiette. « C'est à se demander lequel est le plus crétin de nous deux. » craches-tu discrètement à ton ami. « Gneugneu » sera sa seule réponse.

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J'en profite pour faire ma toute première GM o/
J'utilise 4 baies Oran, 3 Sitrus, 2 Siam et 1 Micle. Je verse 500p$ à Max