Ender était abasourdi. Pendant un moment, il avait oublié jusqu'au lieu où il se trouvait. Tout ce qui l'entourait était indescriptible et vaporeux. Il n'entendait plus que ses pas, lourds, incertains, maladroits. Il avançait lentement, sans savoir où aller, la tête lourde tandis que la chaleur envahissait son front. Tout à coup, il fut pris d'un vertige, ses jambes s'arrêtèrent net.

"Je dois me concentrer... Absolument, il faut me concentrer. Qu'y a-t-il vraiment autour de moi ?" se demanda-t-il, essayant de focaliser son attention sur son environnement.

Haletant déjà un peu moins, le jeune dresseur croisa du regard un panneau indiquant "Route 5". Peu à peu, Ender reprit ses esprits : c'était comme s'il revenait à lui. Ses yeux balayèrent la brume qui les avait envahis. Tous ses muscles se détendirent, ses jambes retrouvèrent leur équilibre et son appui était alors stabilisé. Un simple inconfort pouvait tétaniser Ender et il ne répondait plus de rien. Il parvenait à reprendre le contrôle de plus en plus rapidement. Néanmoins, son inconscient demeurait sa plus grande fragilité.

"Beaucoup trop, beaucoup trop de personnes..." pensa-t-il tout haut.

Les foules représentaient une grande source de gêne pour le jeune brun. Pourquoi avait-il cru bon de se promener à Illumis, en pleine journée qui plus est, à l'heure des foules et des bousculades ? Ender avait pu admirer la grandeur de la ville, en particulier le gigantesque centre commercial, là où des centaines de personnes vont et viennent. Certes, il y avait quelque chose de grandiose, de colossal, quelque chose d'inhabituel aussi mais Ender se tenait loin des foules pour une raison. S'il n'était pas seul, ses émotions prenaient rarement le dessus. Cette fois, il avait surestimé ses progrès et son angoisse avait submergé sa raison.

Après un bref instant, il sortit de son sac à bandoulière un petit carnet et un stylo. Il y griffonna quelques mots, précédés de la date du jour : "Vertiges, spasmes, Illumis, Route 5 : 10 minutes environ". Il avait pour habitude de consigner ses angoisses dans ce carnet. En noircissant les pages, il avait l'impression qu'elles abandonnaient son corps et son esprit, que le carnet les absorbait pour mieux les faire disparaître. En se relisant, il prenait du recul sur ce qu'il ressentait et tout cela appartenait désormais au passé, ce qui le rassurait grandement. Ender écrivait tout et tout le temps et il avait plusieurs carnets sur lui, en permanence.

Une fois le carnet rangé au fond du sac, Ender était prêt à reprendre sa route. Il n'éprouvait plus aucune gêne et il avait décidé qu'il visiterait de nouveau Illumis, tout en concédant qu'il devrait aller à son rythme quand il réessaierait.

Sortant de ses pensées, il prit conscience que quelqu'un était là, un peu plus loin...

Aujourd'hui est une magnifique journée. Le soleil brille, les oiseaux gazouillent, les fleurs s'épanouissent. C'est une de ces journées où les enfants comme Marian sont généralement dehors à s'amuser et passer du bon temps. Très peu en voyant ce genre de temps se disent « c'est une bonne journée pour s'entraîner ! », mais visiblement Marian est de ceux-là. C'est vrai que ce petit coin de nature à l'écart du vrombissement de la ville est un endroit idéal pour chahuter sans risquer de déranger quelqu'un, mais ce qui est en train de se passer n'est plus de l'ordre du simple chahutage. Si quelqu'un débarque dans ce coin tranquille, voici ce qu'il pourra voir. Tout d'abord dans les airs, fidèles à eux-mêmes, Passerouge et Monorpale se livrent un combat féroce. Un observateur ignorant trouverait l'affrontement entre une épée et un oiseau plus que saugrenue, pourtant ce n'est rien de plus qu'une routine entre les deux pokémons. De façon générale chaque pokémon de Marian a un certain esprit compétitif, mais la relation qu'il y a entre ces deux est plus particulière que cela. Ils adorent simplement s'affronter mutuellement. Sans doute une sorte de rivalité. Quoi qu'il en soit, ce spectacle-là n'a rien d'étonnant, à la différence du reste du paysage. Au sol nous pouvons voir l'un des jumeaux Psystigri, plus précisément celui avec une partie de l'oreille arrachée, qui a enlevé son bandage pour exposer le motif qu'il cache habituellement et qui lui permet de manifester ses pouvoirs psychiques. Il est visiblement en train de s'entrainer pour améliorer son contrôle sur ses pouvoirs en faisant léviter un gros rocher au-dessus du sol. À sa mine tendue, on peut voir qu'il fait beaucoup d'effort pour maintenir ses pouvoirs psychiques sous contrôle. À ses côtés se trouve Riolu, les bras croisés et semblant superviser l'exercice. Il est sans doute là pour immédiatement briser le rocher si jamais Psystigri vient à perdre le contrôle et l'envoi valser. Enfin le dernier point curieux dans le paysage est Marian en compagnie de l'autre jumeau Psystigri. Eux aussi semble être en plein entrainement, mais sensiblement différent de la paire précédente. Ce Psystigri-là a également les oreilles levées pour rendre visible l'origine de ses pouvoirs psychiques, mais la ressemblance s'arrête là. Loin d'être de la lévitation, c'est plutôt l'effet inverse qu'il semble provoquer sur Marian. Lui est agrippé à la branche d'un arbre avec son seul bras valide et semble lutter pour ne pas lâcher prise. On peut aussi remarquer que les branches et feuilles autour de Marian sont toutes dirigées vers le bas de façon peu naturel. Il semble évident que ce n'est pas de la lévitation qui est à l'œuvre ici, mais plutôt une augmentation de la gravité. Même si on retrouve souvent ce genre d'exercice pour améliorer l'endurance dans les œuvres de fictions, ils ne sont pas efficaces dans la réalité et Marian le sait très bien, donc l'entrainement ici est sûrement plus pour le pokémon que le dresseur. Voilà donc qui complète ce paysage bien singulier. Rien de normal ou de sensé, comme Marian en somme.

Tout allait bien dans ce tableau, tout était sous contrôle jusqu'à ce qu'une variable arrive de façon imprévue et fait dégénérer la situation. En effet quelqu'un est en train de passer dans le coin et il se trouve qu'il est dans le champ de vision du psystigri qui faisait léviter cette énorme rocher. Pour on ne sait quelle raison il semblerait que cet individu a attiré son attention et il a donc dirigé son regard vers le passant. Le problème est que ses pouvoirs ont suivis le même mouvement et le rocher se retrouve maintenant projeté vers l'individu. Le fait que les pouvoirs de Psystigri soient aussi assujettis à où se trouve son attention montre clairement son manque de contrôle et le besoin de ce genre d'entrainement. C'est d'ailleurs sans doute pour cela qu'un rocher a été utilisé et non Marian pour cette expérience, car dans un cas maintenant, il suffit juste que Riolu pulvérise l'objet pour que personne ne soit blessé, ce qui se passe justement. Sans faire ni une ni deux, il a enchaîné Vive-Attaque et Éclate-Roc pour régler le problème. Bien sûr il a pris soin de dépasser le rocher avant de l'éclater pour éviter de blesser qui que ce soit avec des débris. Tout est bien qui finit bien. Maintenant il ne reste plus que le pauvre passant qui a failli se faire pulvériser par un gros caillou. Avec un peu de chance il ne sera pas traumatisé.

Cet accident n'est évidemment pas passé inaperçu et tous arrêtent immédiatement leur activité pour comprendre ce qu'il se passe. Les deux challengers dans les airs cessent de se battre et reviennent près du sol. La gravité revient à la normale pour Marian et lui aussi revient au sol avant d'accourir auprès de la presque victime.

- Je suis vraiment désolé pour ce qui vient de se passer, est-ce que tout va bien ?

Dans le même temps les jumeaux Psystigri se sont réunis et se cache derrière les jambes de leur dresseur, en particulier le plus fautif des deux qui commence même à trembler légèrement, sans doute de peur et de culpabilité. Marian lui caresse doucement la tête du bout des doigts pour essayer de le rassurer.

- S'il vous plait ne lui en voulez pas. Il ne contrôle pas bien ses pouvoirs, c'est pour cela qu'on était en train de s'entrainer. Tout ceci n'est qu'un malheureux accident.