- Allez mademoiselle, encore un petit effort... Tendez votre pied...
- AÏEEUUH !!! C'EST MORT !!! J'ARRÊTE !!!

Dans la salle d'attente, Josine, la mère de Poehere, grimaçait en même temps qu'elle entendait les plaintes de sa fille, comme si elle vivait la douleur avec elle. Son entorse était quasiment guérie, et elle devait maintenant procéder à une longue phase de rééducation avec un médecin très... Patient.

Trois semaines étaient passées depuis son aventure à Sinnoh. Trois longues semaines où elle n'avait pas quitté la maison, pour son plus grand malheur et celui de ses parents également. La jeune fille traînait à longueur de temps sur le canapé, réduisant ses parents en esclavage lorsque ceux-ci étaient présents.
"Passe moi de l'eau, fais chauffer mon thé, donne moi les médocs" et patati, et patata. Kane et Josine étaient rassurés de savoir leur fille immobilisée à la maison pendant un mois entier, mais finalement, regrettaient le bon vieux temps où leur princesse chérie allait faire du shopping avec ses copines.

En sortant de la salle de rééducation, Poehere marcha aussi vite qu'elle le put vers la voiture sans dire un mot à sa mère. Derrière elle, le médecin haletait, comme s'il venait de livrer une bataille sans merci avec le diable.

- Bon... Madame Teiki... Je préconise pour la prochaine fois... Des séances auto-gérée à votre domicile... Je vais vous fournir la liste des exercices que Poehere devra faire...

Josine vit alors le peu d'espoir de liberté se volatiliser.

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Modé:

De retour à la maison, Josine était abattue. Elle vit sa fille Poehere s'affaler dans le canapé, et se scotcher à son téléphone.

- Ma', tu peux me filer mon chargeur ? J'ai plus de batterie.

Résignée, la mère donna le précieux chargeur à sa fille, qui le brancha à la rallonge installée exprès pour que Poehere puisse profiter de son téléphone toute la journée sur le canapé, sans bouger une seule fois de place.
Alors que Josine expliqua la situation à Kane, dépitée, Poehere tomba sur un article qui éveilla sa curiosité: comment réussir sa vie en fonction de son signe astrologique.

Comme elle avait du temps à perdre, elle se lança dans sa lecture.

Le site était plutôt bien fait: il était à la fois moderne et intuitif pour que n'importe qui puisse s'y balader et comprendre facilement le b.a.-ba de l'astrologie. Et ça tombait bien, parce que Poehere n'y connaissait pas grand chose en faite.
Elle savait qu'elle était née le trente avril, ce qui faisait d'elle un taureau. Elle savait aussi que les signes astro à corne étaient souvent mal vus, car trop caractériels. Pour son cas, c'était la vérité...

L'article promettait la réussite à qui veut bien "respecter" son astrologie. Poehere ne croyait pas vraiment à ce genre de chose, mais étonnement, ça l'amusait. Elle fit défiler les signes pour cliquer sur le sien.
Elle apprit plusieurs choses: la première, était que le caractère du "taureau" ressemblait étrangement au sien. La femme taureau est une battante, selon l'article. Elle a un caractère bien trempé, car elle sait ce qu'elle veut, et est très bornée, têtue. Elle ne se contentera pas du minimum, si elle peut faire plus. Frôler la perfection, voilà ce que l'anime. Jusqu'à présent, Poehere était plutôt d'accord avec ça: ça lui ressemblait. Combien de fois lui avait on fait la remarque ?
Teiki rime avec têtu, comme disait son père.
Ensuite, la femme taureau a le sens du devoir et des responsabilités. Elle a les pieds sur terre, ne cherche pas forcément l'aventure si elle peut rester droite dans ses bottes. Et, évidemment, elle déteste perdre ses repères. Elle est un brin matérialiste, et préfèrera le confort d'un hôtel à un nuit chez l'habitant.
Encore une fois, Poehere valida à cent pour cent ce qu'elle lisait. C'est fou, c'est tout à fait moi ça ! Petit à petit, elle se mit à croire en l'astrologie. Après tout, tout concordait: les rêves de grandeur, de perfection et son coté matérialiste. Peut être que, depuis tout ce temps, l'astrologie disait vrai ? Après tout, il y a bien des spécialistes en la matière non ?

Mais la suite de l'article ne lui plaisait pas du tout.
La femme taureau est attirée par les plaisirs sensuels de la vie, car elle est un signe dominé par Venus. Elle a un fort besoin de reconnaissance et de sécurité, et peut se montrer possessive dans ses relations, de peur de se retrouver seule. Enfin, la femme taureau peut accéder à tout ce qu'elle souhaite, si elle reste flexible dans ses réflexions, ses envies, ses défis. Voilà ce que proposait l'article pour que la femme taureau puisse réussir dans la vie.

Poehere quitta l'onglet en rouspétant. Elle ? Attirée par les plaisirs sensuels ? Pas du tout. Elle rougit rien qu'à cette idée. Possessive ? N'importe quoi. Avait-elle peur de se retrouver seule ? Non. Enfin, parfois. Mais ça n'arriverait pas, elle en était certaine... Pourquoi ça lui arriverait ?

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Poehere continuait de scroller sur son téléphone, attendant mollement que le temps passe. Plus loin, à la cuisine, Josine et Kane se demandaient comment ils allaient se défaire de ce fardeau, leur propre fille. En attendant, l'influenceuse tomba sur un nouvel article, une vidéo pour être plus précis.

C'était un extrait d'une émission de cuisine très populaire "Couteau doré", où le vainqueur remportait... Eh bien un couteau doré. Et une bonne réputation pour son restaurant. Et le thème de cet épisode était: festin grec, entre histoire et modernité. Rapidement, Poehere eut l'eau à la bouche.
Les candidats avaient proposés une quantité astronomique de nourriture, des plats tous différents des uns et des autres, alliant pour la plupart cuisine culturelle et audacieux mélanges contemporains.
En début de repas, on trouvait des propositions plutôt similaires, basés globalement autour du foie gras, de salade verte ou colorée. Il y avait aussi des légumes frais et rares comme la poire de terre consommée crue dans un mélange de feuillage rouge, ou encore de fines tranches de barpau fumé aux herbes, disposées sur des petits dés de feta.

La présentation des plats principaux était un véritable défilé d'œuvres d'art. Des "oh" et des "ah" sortaient de la bouche des jurés, qui avaient hâte de gouter les plats. Les concurrents, qui avaient chacun disposés leur proposition sur une grande tablée, expliquaient à tour de rôle ce qu'ils avaient fait, comment ils l'avaient fait et pourquoi ils avaient procédés de cette manière. Il y avait de tout: gourmelet rôti au caramel, tarte au canarticho, curry massaman, pot au feu, steak de galopa de Galar, fondue au fromage d'écremeuh... Des plats qui venaient de plusieurs régions différentes, et qui, tous sans exceptions, donnait envie à Poehere de les cuisiner.
C'était toute la cruauté de ces émissions. Les téléspectateurs regardaient des cuisiniers étoilés faire à manger si facilement qu'ils se pensaient capable de faire la même chose. Combien d'entre eux ont tenté la recette de fin d'émission en étant certain de pouvoir réussir la paella aux anchwatts ? Beaucoup trop.

Poehere salivait en regardant les jurés gouter les plats. Elle se permettait de juger en même temps qu'eux les présentations des différents chefs, alors qu'elle même n'était pas capable de faire un simple hachis parmentier. Mais alors qu'ils débarrassaient les assiettes pour passer au dessert, la vidéo se coupa, obligeant la jeune fille à se rendre sur le site officiel pour voir la suite de l'épisode.
Elle soupira. C'était trop d'effort à faire pour elle. Et puis, de base, elle ne regardait jamais ces émissions débiles. Mais malgré tout, voir un tel festin défiler sous ses yeux lui avait ouvert l'appétit.

- Ma' ! Tu peux me ramener mes gâteaux secs bio ?

Ca ne valait pas un bon gourmelet au caramel, mais c'était déjà ça. Après tout, Poehere avait une grande baisse d'activité, elle devait faire doublement attention à son poids.

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Tandis que Josine répondait encore aux ordres de son enfant, un tout autre effort était en train de faire, quelques mètres au dessus de leur tête. La pomme, qui n'avait toujours pas de prénom soi-disant passant, gisait là, sur le parquet de la chambre de Poehere. Elle avait attendu désespérément son repas aujourd'hui, mais visiblement, sa maîtresse avait eu... Un trou de mémoire la concernant.
Maltraitait elle ses pokémons ? Non. Elle avait juste un gros manque de responsabilité parfois.

Alors, sentant son estomac se tordre dans tous les sens, la petite pomme avait roulé de la commode, pour finalement tomber lamentablement au sol. Devait elle arrêter ici ? Certainement pas.
Lentement mais surement, le dragon fit pencher son corps d'avant en arrière, et fit un roulé-boulé pour avancer de quelques centimètres. Sur son chemin, elle croisa Kahuna, qui la regardait avec beaucoup de curiosité. En voyant que la pomme avançait seule, il se mit à aboyer, et descendit les marches de l'escalier en furie. Kane râla, Josine aussi. Le chien finit par se taire, et retourna dans son panier.

De son côté, le pokémon dragon continuait sa course, tant bien que mal, à la sueur de sa pomme. La faim lui donnait le courage d'avancer toujours plus, toujours plus loin. Faire tant de chemin était un véritable parcours du combattant pour lui, qui était habitué à recevoir la becquée à même son panier en osier. Mais depuis que l'humaine était en béquille, la nourriture se faisait de plus en plus rare, pour ne pas dire inexistante. Ce qui l'avait poussé à entamer ce périple.

Soudain, la pomme s'arrêta. En face d'elle, le vide d'un immense précipice lui tendait les bras. Le dragon eut le vertige. Pourtant, il savait que c'était le chemin qu'empruntait l'humaine, le chien aussi. Mais lui était bien plus grand, et plus solide.
Son minuscule estomac se crispa. La faim. Dévorante, incontrôlable. La faim qui fait délirer, qui donne des forces incommensurables.
Alors, poussé par cet instinct de survie venu de l'intérieur, le dragon ferma les yeux, et sauta.

Caché au fond de sa pomme, il s'agrippa aux parois du mieux qu'il le pouvait. Le premier choc fut rapide, mais brutal. Puis, de plus en plus, il prit de la vitesse, et sentit son corps tout entier s'envoler entre chaque rebond. A chaque fois qu'il touchait terre, il s'écrasait contre la chair de la pomme en couinant, regrettant d'avoir eut le courage de sauter du haut de la falaise. Un cauchemar qui lui semblait sans fin.

Poc poc poc poc poc...

Josine fronça les sourcils en voyant la petite boule rouge rouler le long du hall d'entré, après avoir dévalé les quelques marches de l'escalier.
Lorsqu'elle comprit qu'il s'agissait du verpom de sa fille, elle soupira.

- Roh c'est pas vrai... Souffla-t-elle.

Avec délicatesse, elle prit le pokémon dans ses mains, et le posa dans une assiette sur le passe-plat. Elle s'empressa d'éplucher une banane qu'elle posa à côté de l'animal.

- Poehere ! Tu as encore oublié de nourrir ta pomme !

Le dragon ouvrit un œil avec difficulté, réveillé par la douce odeur de la nourriture. Il ne savait pas où il avait atterri ni même s'il était toujours en vie. Etait-ce le paradis des pommes ? Peut être. Mais il savoura sa banane comme s'il redécouvrait la joie de manger, comme un triomphe après une guerre, comme une victoire après une olympiade.
C'était un petit pas pour la pomme, mais un grand pas pour le dragon.

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Modération:

Poehere fut prise d'un violent soupir, comme tout l'univers tout entier venait de lui tomber sur la tête. Elle détestait quand sa mère lui faisait rappeler qu'elle loupait ses devoirs, dérogeait à ses responsabilités.

- Roh ça va Ma' ! Je lui ai donné ce matin !

Josine, dans la cuisine, fronça les sourcils.

- Non, c'était hier matin. Si tu n'es pas capable de t'occuper de tes pokémons, il faudra qu'on trouve une solution, ton père et moi.

La jeune fille se redressa dans le canapé, les yeux plissés.

- Ca veux dire quoi ça ? C'est des menaces ?
- Un avertissement. Etre dresseuse c'est aussi s'occuper du bien être de tes compagnons...
- ... Et de ton bien être aussi, rajouta son père qui venait de revenir dans la cuisine. Pour faire le tour des îles, il faut que tu te remues un peu, et que tu sortes de la maison.

Cette fois ci, c'en était trop pour Poehere. Pourquoi tout d'un coup ses parents lui en voulaient ? Parce ça faisait un mois qu'ils étaient réduit en esclavage par leur fille ?
Tout à fait. Mais ça, l'influenceuse n'en avait vraiment pas conscience.

- Vous êtes sérieux là ? J'ai fait quoi ? Je suis là, je souffre, et en plus vous m'attaquez ! J'ai pas choisi d'être dans cet état moi !

Alors que Poehere pensait à ses heures de yoga et de bronzage perdus, Josine et Kane eurent du regret en voyant leur fille dans un état aussi minable. Ils avaient beaucoup trop d'empathie pour leur fille, et étaient destinés à rester des esclaves aussi longtemps qu'elle le souhaitait.

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- Ma puce... C'est pas ce qu'on voulait dire...
- Si ! C'est exactement ce que vous vouliez dire ! Que tout ça c'est de ma faute ! Moi aussi ça me fait... Ca me fait... Ca me fait chier ! Voilà !

Poehere se leva maladroitement, et boita avec ses béquilles jusqu'à la porte d'entrée qu'elle n'arriva même pas à claquer, justement à cause de ses béquilles. Ses parents étaient presque sous le choc. Poehere, aussi mesquine soit-elle, ne disait jamais de grossièreté. Cet enfermement permanent à la maison était en train de la rendre folle.

- Bon au moins... Elle n'est plus dans le canapé... Plaisanta Kane.

Josine soupira.

- Ca ne peut plus durer comme ça. Il faut qu'elle se remue un peu... Je n'accepterais pas de m'occuper de ses pokémons à sa place éternellement.

Et comme si le bon Dieu l'avait entendu, Poehere eut un électrochoc.
En sortant de chez elle pour aller s'affaler dans le hamac du jardin, elle tomba presque nez à nez avec Olele qui allait justement à sa rencontre.

- Ole ? Qu'est ce que tu fais là ?
- Salut ma belle ! Comment ça va ? J'avais une super grosse nouvelle à te dire !

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