Point de vue - Scalproie.
Ma dame souhaite faire appels à mes services.
Je perçois sa demande comme un écho flou et imprécis, mais je sens les fibres de mon être s'électriser.
Sa voix résonne à nouveau, mais cette fois, c'est une véritable vague qui déferle sur moi et qui qui m'engloutit.
Je ressens aussitôt la gravité de la situation : quelque chose semble s'être produit et peut-être même que ma dame est en danger.
Mon esprit s'échauffe et je me débats furieusement, au point de rompre moi-même les barrières de ma geôle.
J'émerge, un bras devant les yeux pour me protéger de la luminosité extérieure, mais constatant qu'il fait nuit, je l'abaisse aussitôt.
Je ne vois pas immédiatement ma dame, mais je ne manque pas de dévisager le mâle qui pointe un objet dans ma direction.
Par réflexe, je fléchis les jambes et exposent mes lames de manière offensives.
Cet humain perfide irradie d'une aura malfaisante.
Son corps est tendu, son visage est déformé par une expression que je ne reconnais pas car je ne l'ai jamais vu sur celui de ma dame.
Mon arrivée soudaine soulève chez lui une vague panique.
Se sent-il désavantagé ou intimidité car mes armes naturelles sont plus grandes que les siennes.
- Putain ! T'avais dit que si tu ne coopérais pas, que t'allais y passer !
Derrière moi, j'entends finalement le bruit d'une respiration rapide et laborieuse.
Je me tourne à moitié, pour m'assurer que ma dame s'y cache et qu'elle n'est pas blessée.
Ce que je découvre éveille en moi une colère terrible.
Elle est au sol, allongée sur le flanc comme une créature blessée. Une vilaine estafilade marque son front et ses mèches argentées sont maculés de rouge.
Elle semble toutefois avoir le contrôle sur ses émotions : elle me gratifie d'une regard à la fois suppliant et brillant d'une gratitude.
Je n'émets pas le moindre son en me retournant.
Le revolver, lui, produit une détonation sèche qui explose mes tympans et qui tire un cri terrifié à ma dame.
Je réagis au quart de tour et la balle ricoche contre mon avant-bras, avant d'aller se perdre quelque part dans le grand salon.
Le mâle réalise qu'il a commis une grossière et coûteuse erreur.
Je bondis dans sa direction, le désarme en lui tranchant la main d'un coup sec.
Les humains sont de constitution fragiles.
Il n'y a que ma dame qui ne se soit élevée au-dessus de leur faiblesse universelle, en adoptant la voie de l'acier.
C'est pour cela que je la considère avec les plus hauts égards.
Le cambrioleur recule en vacillant et en hurlant de douleur, en serrant mon moignon contre son torse.
À ses pieds, sa main tient toujours le revolver.
Il est sous le choc.
Je me déplace vers lui, les lames de mes avant-bras s'illuminant et s'allongeant de quelques centimètres.
Je ne peux pas m'arrêter.
Cet intrus a causé du tort à ma dame en plus de m'avoir provoqué.
Il a essayé de nous tuer, un geste impardonnable.
Il mérite l'ultime châtiment.
Je ne lui laisse d'ailleurs pas le temps de plaider sa cause.
Je fonds sur lui, telle l'ombre de la mort, et exécute sa sentence par le biais d'une guillotine placée à hauteur de cou.
Sachant le résultat fatal, j'effectue un volte-face rapide, sans attendre que tête et corps ne retombent mollement au sol.
Je me précipite au chevet de ma dame, dont je tente d'évaluer l'état.
Elle pleure et sourit en même temps, et son corps est parcouru de soubresauts nerveux.
- Tu n'aurais pas dû...
J'incline la tête, coupable.
Elle pose cependant une main sur la mienne.
Je sens son soulagement, malgré l'étincelle de peur qui hante ses iris dorés.
Je l'aide à se relever, en prenant grand soin de ne pas l'empaler.
Puis je la toise en silence, posté suffisamment près d'elle pour qu'elle puisse garder appui sur mon épaulette.
Depuis que je l'ai connu sous sa forme pré-évoluée, alors que je n'étais moi-même qu'un petit scalpion chétif et insécure, je ne l'ai jamais vu dans un tel état.
Cela ne fait toutefois que renforcer mon amour pour elle.
- V-Va chercher... mon sac...Je dois appeler...
Elle ne termine pas sa phrase, mais j'en comprends l'essentiel même si certains mots me paraissent nébuleux.
Je ne remets jamais ses ordres ni ses demandes en question.
Sa parole fait force de loi et je m'y plie volontiers.
Ma dame est tout ce que j'ai connu et elle est celle qui m'a élevé.
Je la suivrais jusqu'au bout du monde.
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