// Localisation : Ondes-sur-Mer

source : Patrice Gahery sur Artstation

RP duo

Un pied chaussé d’une botte de randonnées se posa solidement sur le bitume du port d’Ondes-sur-Mer. Rapidement suivi de l’autre, l’impatience de leur propriétaire de retrouver la terre ferme après un long voyage en mer était palpable. Tori n’eut cependant pas le temps de savourer l’instant, car la descente des autres passagers le contraignit à avancer sur le quai. Se faire bousculer ne figurait pas dans son emploi du temps de la journée, après tout. Un coup d’œil vers sa montre alors qu’il suivait le mouvement de la foule lui confirma alors qu’ils étaient arrivés à l’heure prévue, à savoir, dix heures du matin. Une chance pour ceux qui devaient poursuivre leur voyage dans les terres d’Unys, bien que Tori, lui, venait bel et bien d’arriver à bon port.

Ondes-sur-Mer n’étaient pas exactement connue comme une destination de vacances ; il n’y avait pas de plage et l’accès au Pokéwood – la seule véritable attraction de la ville portuaire – était généralement restreint. Vraiment, l’économie touristique du coin ne reposait que sur son festival de rock annuel et sur son caractère d’escale ; s’arrêter à Ondes-sur-Mer avant de rejoindre Volucité revenait souvent à moins cher qu’un aller direct. Toutefois, rien de tout cela ne concernait Tori ; sa présence en ces lieux était uniquement due à une invitation de son père, par le biais d’une lettre manuscrite envoyée dans une enveloppe où un petit Funécire avait été dessiné. Un courriel aurait été amplement suffisant, mais Derek Yamazaki aimait se distinguer par son excentricité. Tori ne savait jamais à quoi s’attendre avec lui, ce qu’il trouvait à la fois agaçant et vivifiant ; l’ennui n’existait pas avec son père dans les parages. Sans doute, le choix d’une lettre manuscrite avait été motivé par une humeur à pratiquer une prose mielleuse et exaspérante. Tori avait roulé les yeux en lisant. En ignorant l’excès de mots qui alourdissaient inutilement la page, le message se résumait à un :

« Viens travailler dans mon labo cet été !
Tu ne peux pas refuser, j’ai déjà payé les billets !
Aussi, prends le Funécire que je t’ai offert, les chercheurs n’avaient pas encore eu le temps de l’étudier avant que je ne te le donne. »

Un classique venant de la part de son père, vraiment.

Ceci expliquait donc la venue de Tori, avec le maudit Funécire, à Ondes-sur-Mer, là où se trouvait le laboratoire de recherches dans lequel sont père travaillait. Le bâtiment, qui se fondait parfaitement dans la masse avec ses murs grisâtres, se situait à quelques rues en retrait du port, et Tori ne tarda pas à visualiser le logo familier de l’entreprise, puis la porte d’entrée vitrée sur laquelle s’accumulaient des gouttes de condensation. Hmm. La climatisation devait fonctionner à plein régime, à l’intérieur. Pourtant, il ne faisait pas si chaud à l’extérieur ou du moins, Tori trouvait la chaleur encore supportable. La brise marine de la ville y contribuait grandement, cela, il ne pouvait le nier.

Tori fut accueilli par les chercheurs et les shasseurs sans plus de cérémonie. Après tout, ce n’était pas la première fois qu’il visitait ; il avait déjà effectué des stages là-bas par le passé. On l’amena rapidement dans une salle adjacente au centre de laquelle se trouvait une table recouverte d’une carte piquetée de post-its. Son père, ainsi que deux de ses collègues, étaient penchés dessus. Pas de salutation orale, mais des hochements de tête l’accueillirent. En revanche, rien de la part de son père. Ce n’était pas exactement surprenant : ce dernier cachait son visage dans ses mains, probablement en intense réflexion. Tori se contenta de hausser les épaules et partit poser son sac dans un coin. Il supposait que les autres gardaient le silence pour permettre à Derek de se concentrer sur… ce à quoi il réfléchissait. Tori profita du moment pour sortir de son sac la Honor Ball de Creep, le fameux Funécire chromatique offert par son père.

Tori ne pouvait cacher qu’il était un peu nerveux de sortir la… créature… de sa sphère. Depuis l’accident, il ne l’avait plus jamais laissée à l’air libre, car les risques étaient trop grands. Il n’avait plus qu’à prier – mais quelle divinité ? Ho-Oh ? Il s’agissait de la seule pour laquelle il connaissait les rites –, prier que le Funécire n’éliminerait malencontreusement pas des chercheurs en aspirant l’entièreté de leur énergie vitale. D’ailleurs… Comment cela fonctionnait-il ? À quelle réalité biologique correspondait cette « énergie vitale » dont il était toujours question dans les récits entourant les Pokémon de type Spectre ? Tori rangea cette question dans un coin de sa tête, juste à temps pour voir et entendre son père s’exclamer en tapant du poing sur la table, faisant voler une feuille au passage :

« Ok, c’est bon, j’ai une stratégie. » Tori les rejoignit en quelques pas, Honor Ball à la main. « Oh, Tori, tu es là ! Et avec le petit Funécire à flammes bleues, comme je t’ai demandé, parfait ! Tu pourras donner tout à l’heure la Ball au Dr. Feiss, tu sais, Zachary, le type avec les lunettes. » Ce détail ne permettait absolument pas de distinguer l’homme, mais heureusement, Tori savait parfaitement à qui son père faisait allusion. Zachary Feiss, si Tori devait le décrire, était un homme relativement grand, mais peu musclé (sa blouse paraissait dès lors un peu large sur ses épaules) avec des cheveux bruns coupés très courts. Et des lunettes, évidemment, trop grosses pour son visage un peu émacié.

Un raclement de gorge recentra l’attention sur la situation en cours. « Euh… Derek, ta stratégie ?
— Ah, oui, pardon. Je disais donc… Notre client veut que nous mettions la main sur un Statitik chromatique – Tori devina qu’il rappelait cela pour lui apporter du contexte – donc nous irons à la Grotte Électrolithe. Rien de nouveau pour l’instant. Mais vous voyez, nous avons une chance… Parce que Statitik est de type Électrik. Il nous suffit de nous balader avec un Pokémon disposant du talent Statik pour augmenter le nombre de ces petites bêtes qu’on va rencontrer. On finira bien par tomber sur un individu chromatique. »
Tori ne put se retenir d’intervenir : « Non seulement ça, mais Statitik est aussi un parasite des types Électrik. Même sans Statik, la présence seule d’un d’eux aurait augmenté vos chances. » Ah. Il avait encore étalé sa science, et probablement pour rien. Il avait affaire à des shasseurs professionnels ; ils devaient certainement déjà le savoir.

Cela n’empêcha pas son père de lui taper l’épaule du plat de la main, dans un geste de camaraderie. « En plus ! C’est vrai que tu as plein de choses dans la tête, toi. Ça ne te dirait pas de faire ta thèse sur les Pokémon chromatiques ? » Pas vraiment, non. Ses pensées durent apparaître sur son visage, car son père se contenta de rire tout en serrant son épaule, avant de la lâcher et de taper dans ses mains dans un clap qui ramena l’attention de nouveau sur lui. « Bien, nous n’avons plus qu’à récupérer nos types Électrik pour cette shasse et — »

Et Tori cessa de prêter attention aux directives qui ne s’adressaient de façon pas à lui. Il se contenterait de les suivre, comme prévu, et de les assister, même s’il ne possédait pas de Pokémon. L’organisation du reste de la journée posée, ils quittèrent tous ensemble la salle de réunion. Si les trois shasseurs se dirigèrent vers les PC pour retirer les Pokémon dont ils auraient besoin, Tori, lui, alla confier la Honor Ball de Creep au Dr. Feiss. « Ce Funécire est… assez virulent, si vous voyez ce que je veux dire. Ne vous laissez pas avoir par ses airs d’innocents tout mignon. Faites attention. » Ses paroles ne lui semblèrent pas être prises au sérieux. Tori fronça les sourcils, prêt à insister, lorsqu’un des shasseurs l’appela depuis l’entrée. Le rouquin haussa alors les épaules, abandonnant ce combat qui n’en valait – il espérait – pas la peine. Les chercheurs comprendront bien assez vite qu’ils avaient torts de ne pas m’écouter.

❦

L’expédition fut un échec.

Et l’annonce qui accueillit leur petit groupe à leur retour le soir même ne fit qu’enfoncer davantage le clou :

Creep, le Funécire, s’était échappé du laboratoire.

COUP DE THÉÂTRE !
Karl effectue un changement de Pokémon et ainsi...
Morphéo remplace Haydaim !
→

pour les modos:

Pour les modos:

L’augure de désastre tomba alors même que la porte d’entrée automatique se referma derrière leur petit groupe d’expédition. Tori, par sa position en tête, fut le premier à visualiser toute l’étendue du chaos que Creep avait semé sur son passage : un scientifique était avachi par terre, seulement maintenu à peu près droit par son adossement contre le mur, et luttait désespérément contre une syncope, tandis qu’une autre était couchée, complètement inconsciente, sur le canapé du coin réservé à la pause-café. D’autres chercheurs s’agitaient tout autour des victimes, l’un d’eux épaulant l’homme assis et deux d’entre eux débattant de la nécessité d’appeler les urgences.

Le chaos ne fit que grimper en flèche lorsque le groupe de l’expédition réalisa l’ampleur de la situation et se mêla à la panique générale. Tori, fort de ses expériences passées avec le terrible Funécire, s’empressa de prendre les rênes, du moins, en partie. « Je peux me charger de retrouver le Funécire. Ça fait combien de temps qu’il s’est échappé ? » Avec un peu de chance, il n’aurait pas eu le temps de trop s’éloigner. Espoir futile ! On lui répondit que cela devait bien faire trois heures qu’ils n’avaient plus vu le Pokémon. Il pouvait donc être absolument partout dans le port. Génial.

Il n’y avait pas une seconde à perdre. Enfin, surtout, le rouquin ne rêvait que de s’échapper de la panique ambiante.

Tori remit ainsi les pieds dehors, uniquement armé de son sac à dos. La porte coulissante automatique, aussi maudite fut elle pour être la très certaine cause de leur problème, étouffa le brouhaha et le sépara des autres en se refermant. S’il fermait les yeux aux ombres chaotiques qui se projetaient au sol à travers la vitre, Tori pouvait prétendre qu’il sortait simplement prendre l’air et nourrir Don Jérôme, comme tous les soirs. Bien sûr, le Cornèbre apprivoisé n’était pas avec lui, mais était bel et bien resté sur Johto, probablement à Rosalia. Étant donné l’heure, l’oiseau était certainement occupé à taper une des vitres du salon et à réclamer des grains de blé, spécialement achetés pour lui. Un petit sourire se dessina sur le visage de Tori à cette pensée. Il espérait que son oncle craquerait face à l’insistance du piaf… mais trêves de flâneries ! Ce n’était pas de moment de rêvasser : il avait un petit criminel à incarcérer dans une Honor Ball.

Tori se lança alors activement dans sa quête, décidant de longer la rue pour commencer. La nuit s’était installée depuis quelques heures et l’absence de la Lune pour refléter la gloire du soleil se faisait ressentir. Seuls quelques lampadaires éclairaient son chemin, mais ils étaient espacés, chaque tête une promesse lointaine de vision claire. Les magasins étaient fermés, leur intérieur éteint et les stores baissés. Il n’y avait pas âme qui vive dehors, mais qui pouvait les blâmer ? Encore une fois, Ondes-sur-Mer n’était pas un port de plaisance : il n’y avait pas de raison de rester ouvert pour d’éventuels touristes ; et si ces derniers il y avait, ils se contenteraient de profiter de leur hôtel. Le seul quartier animé la nuit ? Ce devait être celui de l’arène, où quelques bars flanquaient le bâtiment pour la socialisation des travailleurs. Malgré l’obscurité intermittente, Tori ne souhaitait pas activer la fonction lampe-torche de son téléphone ; il verrait probablement mieux la flamme bleue du maudit Funécire dans le noir. Pas besoin d’épuiser le reste de ma batterie pour rien.

La solitude de la rue, des ruelles dans lesquelles il se glissait à la recherche de la bougie mouvante, ne dérangeaient pas Tori, au contraire. Après une journée mouvementée comme celle-ci – crapahuter dans une grotte bourrée d’électricité statique n’était pas de tout repos –, le calme de la nuit, le bruit des distantes vagues, le tintement des bateaux au rythme de celles-ci… Tori savourait chacun d’eux. Bon, l’odeur âcre des poubelles qui se mêlait à l’iode de l’air n’était pas des plus agréables, mais que serait Ondes-sur-Mer sans ce fumet ? Malgré les distractions sensorielles, Tori veillait à garder l’œil ouvert.

Ce fut pourquoi il ne manqua pas de remarquer l’étrange absence de Pokémon sauvages. D’habitude, les rues grouillaient de Ratentif occupés à fouiller les poubelles en attente de ramassage, de Chacripan se disputant leurs prises, de Chovsourir voletant d’un immeuble à l’autre dans un ciel étonnamment étoilé, épargné de la pollution lumineuse. Cependant, il n’y avait rien de tout cela. Encore une fois, pas âme qui vive. Avaient-ils fui la présence de Creep ? Une bien sage décision.

…

Tout de même ! Tori espérait que les chercheurs du laboratoire resteraient ses seules victimes, et que ces derniers parviendraient à s’en sortir sans séquelle. La capacité d’absorption de « l’énergie vitale » des Funécire n’était pas sans conséquences ; Tori lui-même avait manqué d’y laisser sa peau par le passé, et il avait mis un certain temps avant de s’en remettre. Il peinait à imaginer que Creep fût capable de tuer quelqu’un en moins de trois heures, mais il ne pouvait écarter la possibilité. « Si cette saloperie se colle sur la tête de quelqu’un, peut-être bien que… » Comment se sentirait-il s’il venait à découvrir que le Funécire avait véritablement tué quelqu’un, au détour d’une ruelle ? Surtout, quelle démarche devait-il suivre s’il tombait nez à nez avec un cadavre ? Appeler la police ? Creep lui appartenait, légalement parlant. Tori serait alors probablement condamné pour homicide involontaire… Pas question de faire de la prison ! « Si besoin, je jetterais le corps dans l’eau… » Murmura-t-il à lui-même dans l’obscurité de la nuit, une promesse qui ne tenait qu’à un fil déjà à moitié coupé.

Peut-être était-ce un signe du destin, mais justement, au détour d’une ruelle, un corps étalé au sol et éclairé à la lueur d’une flamme bleue accueillit le rouquin. Une exclamation mêlant surprise et horreur s’échappa de ses lèvres. Creep ! Ses craintes devenaient réalité ! Tori sortit en vitesse la Honor Ball du petit monstre et manqua de la faire tomber dans son empressement. Une pression sur le bouton en son centre et la créature diabolique fut mise hors d’état de nuire dans un cri de protestation. Pas de pitié ! Tori se précipita ensuite aux côtés de la victime et s’empressa de lui secouer les épaules, peut-être avec un peu trop de force. « Dis-moi que tu n’es pas mort, je ne veux pas pourrir en prison ! »

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