Nous arrivions finalement dans les eaux de Poni. Difficile de ne pas afficher un large sourire en apercevant le village flottant depuis mes jumelles. S’il y avait bien un coin sur cette ile paumée où je me sentais chez moi, c’était ici. Pour ne pas trop attirer l’attention avec le Seawolf – On l’avait quand même volé il y a encore peu ici même – j’décidais de lâcher la chaloupe pour nous permettre de nous rendre sur place dans un rafiot un poil moins voyant.

« Nao, charge-moi le matos là d’dans tu veux ! J’aimerai qu’Anna ou toi restiez à bord, débrouillez vous entre vous pour savoir lequel est deux garde la boutique mais y m’faut quelqu’un qui reste sur le pont ! »

Sans attendre la moindre réponse de mon subordonné, je dresse la courte liste de mes Pokémons et compagnons pour savoir comment organiser les troupes, tout en demandant bien entendu à notre ancre préférée de remplir sa mission du jour. Je vais sans doute demander à Apophis de patrouiller un peu autour du navire, ça ne devrait certainement pas lui faire de mal. Quant à Jack, il est bien évident qu’il me suivra jusqu’au village flottant, ici la question ne s’pose même pas. Je prends tout de même bien le temps de refaire un tour dans ma cabine pour ne rien oublier – surtout pas la redingote qui m’a couté la moitié des mes économies – et je prends finalement place dans la chaloupe en ordonnant à Vaan de se magner. Pas question d’attendre une minute de plus sur not’ rafiot, j’ai hâte d’en apprendre un peu plus sur notre butin fraichement volé de la bouche de sieur Gally en personne. Puis honnêt’ment, une petite mousse au Crabicoque Farceur ne me fera certainement pas de mal !

« On y va les enfants, pas de repos pour les braves ! »

Adressant un signe à Apophis que j’encourage à nager un peu autour du navire, je prends à mon tour ma paire de rame et me joins à l’effort commun pour atteindre le rivage au plus vite. Histoire de ne pas faire de jaloux – ou ici de jalouse plutôt – je laisse Calypso sortir à son tour de sa Pokéball pour lui permettre de nager à nos côtés. Enjouée, mon Otarlette affiche une mine ravie avant de plonger sous la barque et de dessiner de larges cercles autour de nous sous mon regard amusé.

Nous avions débarqué dans une petite crique un peu au nord du village flottant, là où je serais relativement serein dans ma certitude que l’embarcation n’aurait pas disparu à notre retour. Je prenais bien le temps de planquer les quelques armes à poudre que j’avais embarqué sous ma redingote avant de nous mettre en marche vers le village ? Jack sur mon épaule. Une fois sur place, j’avais établi un quartier libre jusqu’à 21h, cela laissait donc suffisamment de temps à chacun pour faire quelques courses et descendre une bonne quantité de pinte. De mon côté, mon chemin était déjà tout tracé et j’avais la quasi-certitude que Vaan me suivrait dans ma quête du jour.

Arrivé en ville, ma première destination fut bien entendue l’échoppe de notre bon ami Thomas. Cela faisait bien quelques mois que nous n’avions pas bu un verre ensemble et ce serait ici une excellente occasion. D’un pas assuré, je traversais donc les pontons et places dallées du village flottant, tandis que Vaan, contrairement à mes prédictions, avait choisi de se diriger dès maintenant au Crabicoque Farceur. Finalement, alors que je voyais au loin le bâtiment d’expertise et de restauration d’antiquités, j’accélérais encore un peu plus le pas jusqu’à finalement pousser la porte de la boutique. Au son si caractéristique de petite clochette qui était installée contre la porte, prévenant le propriétaire des lieux de mon arrivée, je sentais tout de suite cette odeur si particulière qui me donnait déjà envie il y a plusieurs années de m’installer dans un coin de l’échoppe sans jamais en sortir. Ça sentait l’histoire, à plein nez. Le vieux papier, le cuir, le bois, tous ces matériaux qui évoquaient chez moi le gout de l’aventure.

« Bonjour et bienvenue au Bazar d… Brook ?! »

J’avais reconnu sans mal la voix de mon ami qui venait de revenir de l’arrière-boutique. Je lui adressais un grand sourire comme j’en avais le secret avant de m’approcher de lui pour lui décocher une tape dans le dos à lui faire sauter les poumons. Après cette rude accolade, je prenais quelques secondes pour l’observer de la tête aux pieds, m’assurant ainsi qu’il ne se laisse pas aller et cherchant au passage les nouveaux tatouages et piercing que le lascar aurait bien pu faire pendant mon absence, du moins sur le peu d’espace vierge qu’il lui restait.

« Mon cher monsieur Gally ! Je vois que vous n’avez pas changé durant mon absence ! »

Je m’la jouais faussement aristocrate en vouvoyant le gaillard mais nous savions tout deux pertinemment que d’ici quelques bières, la situation évoluerait. Alors que mon ami, se posant derrière son comptoir, commençait déjà à m’interroger sur tous les détails de mes récentes aventures, je lui faisais simplement signe de patienter avant de déposer les armes que j’avais sous ma veste devant lui dans un grand fracas. L’espace d’un instant, l’attention de mon camarade se figea sur les armes sans qu’aucun mot n’sorte de sa bouche. Le seul bruit qui vint troubler le silence fut un cri de stupeur de Jack qui sursauta sur mon épaule lorsque la ferraille des armes s’écrasa contre le bois du comptoir. Finalement, mon interlocuteur releva les yeux vers moi avec un air intrigué, alors que je fixais la moindre mimique de visage, la moindre de ses réactions pour essayer de déceler son ressenti.

« Ou as-tu réussi à te procurer ce genre de chose ? Elles n’ont pas l’air toute jeune »

« Tu ne crois pas si bien dire, elles ont quelques années derrière elles. Je t’offre un verre, au Crabicoque farceur, et je t’assure que je te raconte tout dans les moindres détails si tu me dis que tu peux me retaper ces joujoux-là. »

Devant mon air malicieux, Thomas Gally hésite un instant, avant de se retourner et d’attraper sa veste en cuir sur le porte manteau derrière lui. Comme prévu, le jeune homme ne pourrait pas résister à la tentation d’observer de nouveaux vestiges historique… et de passer un bon moment en ma compagnie ! Sans demander son reste, il m’invita à me diriger vers la sortie, avant de retourner un panneau sur sa porte indiquant que l’établissement était temporairement clos. Moi qui pensait qu’il faudrait peut être que quelqu’un garde la boutique, le jeune homme me fit rapidement comprendre par ses gestes et par ses paroles que les potentiels clients attendraient ou n’hésiteraient pas dans le pire des cas à repasser plus tard.

Après une courte marche passée à échanger sur les nouvelles restrictions appliquées sur les quais suite à mon vol passé, nous arrivons sur le palier du crabicoque farceur et après un coup d’épaule dans la lourde porte qui sépare ce petit coin de paradis de la rue, je me retrouve à nouveau au cœur de ce lieu que je considère comme mon 2ème foyer. Fidèle à lui-même, ce repère de vieux lougarocs de mer respirait la tranquillité. La lumière tamisée jouait beaucoup sur l’ambiance, alors que je pouvais entendre des voix au fond dans l’angle de la pièce réservé aux billards et autres jeux. Mark était là, derrière son bar. Fidèle à lui-même, le gaillard me lança un regard amusé en m’voyant débarquer dans son antre.

« ‘lut Daves, s’lut m’sieur Gally. Ca fait un bail que j’tavais pas vu par ici petit. »

Cette remarque affectueuse, elle s’adresse évidemment à moi ! La majorité des clients réguliers le savent bien, je suis le p’tit protégé du patron. Je fréquente les lieux depuis… avant que la loi ne m’y autorise officiellement, et j’ai bien souvent donné des coups de mains ici et là contre un peu d’monnaie au père Graves. Alors que je lui envoi une tape sur l’épaule, celui-ci m’indique d’un signe de tête l’une des tables du fond. En observant un peu mieux, je peux y décerner Vaan qui nous attend avec une pinte déjà vide, un grand sourire malicieux sur la trogne. Visiblement, le blondinet avait soif et il ne manquait pas de le faire savoir. S’afficher devant moi avec une pinte vide, c’est un signe qui ne trompe pas et je serais un bien mauvais capitaine si j’étais incapable de lire dans son jeu !

« Je vais en reprendre trois chef »

Alors que je dépose un billet sur le comptoir, je patiente quelques instants le temps que le maitre des lieux me tende les pintes. Des bonnes bières ambrés comme je les aime, fraiche à souhait et avec une belle mousse onctueuse. J’encourage Thomas à prendre la sienne pour aller se poser, avant de le rejoindre et de m’installer à mon tour à la table que mon cher acolyte nous avait réservé. Dans le fond du bar, derrière l’un des piliers, l’emplacement idéal pour parler de certains sujets sans être entendu par tout l’établissement. Dans un premier temps, je laisse Thomas et Vaan échanger quelques mots, avant de lever mon verre dans leur direction, attendant ainsi que le bruit de nos pintes qui s’entrechoquent résonne pour marquer le début des hostilités, accompagné bien entendu par un nouveau caquètement de Jack qui se pose sur la table à nos cotés.

« Parlons peu parlons bien, mon cher Thomas. Je vais te conter les dernières aventures du capitaine Brook »

Alors que j’prenais bien tout le temps d’expliquer mes derniers faits d’arme à l’ami Gally, je voyais sa mine passer de la peur à la surprise et enfin à l’excitation pour de nouveau revenir à la peur. Quoi de mieux pour un conteur d’histoire d’assister à cette farandole d’émotions ? D’autant plus qu’ici, le récit parle de moi, je suis la star qu’il suit assidûment, les lèvres scotchées à sa pinte de bière !

« Alors, ça surprend hein ! »

« Tu as… pillé un musée ? »

« De vieilles babioles inutiles qui trônaient là sans servir leur but premier, ce pourquoi elles ont été forgées ! Je vais pouvoir leur donner une nouvelle vie, tu te rends comptes, c’est merveilleux ! Enfin… si tu acceptes de les retaper bien entendu… »

Je posais une nouvelle arme à poudre devant lui pour lui donner matière à réfléchir, alors que mon interlocuteur se penchait sur mon butin sous le regard amusé de Vaan. Si mon histoire lui avait sans doute rappelé que je n’étais pas particulièrement du coté de la loi, il savait pertinemment que lui non plus ne s’était pas toujours montré excessivement droit sur ce chemin. En fait, à une époque, Thomas avait même été très largement moins fréquentable que moi, avant de finalement s’en sortir avec sa petite affaire d’antiquité. Toutefois, si sa vie s’était assagie, le jeune homme n’avait rien à envier à certains contrebandiers du coin. Plusieurs de ses proches et autres acteurs du milieu au village flottant le savions bien, il n’était pas rare que mon cher ami fasse parvenir divers produit jusqu’ici pour les refourguer un peu plus loin sous le manteau, allant jusqu’à se servir de certains bars locaux – comme le crabicoque f arceur d’ailleurs, le tenancier en obtenait même un léger pourcentage ! – comme plateforme d’échange. Alors honnêtement, il n’allait certainement pas jouer la carte du personnage outré et effarouché devant moi, ça non.

« Alors, qu’est-ce que tu en dis ? »

Mon interlocuteur retourne l’arme dans tous les sens – une chance que nous soyons assis au fond de l’établissement et qu’il ne soit pas bondé – pour l’observer sous toutes ses coutures. Par moment, ses froncements de sourcils ne m’indiquent rien de bon. En d’autres endroits, il semble afficher un sourire satisfait, mais quoi qu’il en soit ne dis mots dans un premier temps. Si bien que j’en viendrais presque à m’impatienter et je suis sur qu’il le sait parfaitement, le bougre !

« J’en dis… que tu n’as décidément pas toute ta tête. »

Merci Thomas. Si j’avais toute ma tête, bien évidemment que je ne serais pas ici à parlementer avec toi pour ausculter mon butin. J’sais pas trop s’il s’imaginait m’apprendre quequ’chose, mais ici il se fourrait clairement le doigt dans l’œil. ‘Fin, quoi qu’il en soit je choisissais de pas relever à cette remarque mais d’un geste du menton, je lui adressais l’arme pour qui m’en dise plus, du moins des choses que j’savais pas déjà.

« Elles sont en très bon état, pas de points de rouille, les parties en bois sont sans doute fragilisées mais je vais voir si je ne peux pas y faire quelque chose… franchement c’est du bon matos, je ne sais pas qui était chargé de s’occuper de ces bijoux mais il a bien travaillé. »

Intérieurement, je retiens un saut de joie pendant quoi, quatre, peut être cinq secondes ? Finalement, je laisse bruyamment tomber mon poing sur la table alors qu’un quart de ma bière saute en dehors de son conteneur au moment de l’impact. Moi qui m’inquiétais depuis notre départ d’Ekaeka de savoir si oui ou non nous pourrions vraiment utiliser ces armes ; si, finalement, je m’étais mis dans de beaux draps pour trois fois rien (nous avions certes sauvé des Pokémons au passage, mais eux ne m’aideraient sans doute pas tous à m’en sortir si je me faisais attraper en retour !). Finalement, le bon, le juste, le valeureux Thomas Gally venait de me donner la réponse à cette question, et la bonne réponse qui plus est ! J’ai bien dû m’faire fureur pour ne pas renverser la table et le prendre dans mes bras, au lieu de ça je m’adressais simplement à mon bon ami le tenancier de ma voix forte.

« On remets ça, c’est ma tournée Mark ! »

Pas tellement moyen de contenir ma joie dans un moment pareil, toutefois il allait vite falloir que je reprenne mes esprits et Vaan m’adressait déjà des signes discrets de son coin de table. En effet, je ne devais pas alarmer les autres clients, bien que plus loin de nous. Ou du moins pas alarmer plus que ce n’était déjà le cas. De plus, nous allions arriver à un nouveau défi… savoir pour combien je pourrais faire rénover ces armes… mon petit doigt me dis que ça ne serait sans doute pas beaucoup plus simple que d’avoir été les dénicher, ces fameuses armes.