All my love

Inscrit le : 06/11/2017 Messages : 2846 Région : Sinnoh

Jour 17 – Grand amour.

« 'Pa... ». La frimousse de ton fils se glisse dans le salon timidement. Tu relèves la tête, laissant tomber sur tes genoux ce livre dans lequel tu es plongé depuis une bonne heure au moins, paisiblement installé dans ton fauteuil. Tu lui souris, lui laissant le temps de s'installer sur le canapé tout prêt de toi. Tu te montres disponible, mais tu ne le presse pas pour autant. Il semble hésitant. Si tu devais le juger par son attitude, tu jurerais qu'il y a de l'amour dans l'air. « C'est quoi le grand amour ? ». Bingo.

Tu le vois rougir à la vitesse de la lumière, agitant les pieds de nervosité. Tu lâches un petit rire, refermant définitivement ton bouquin. Ce genre de conversation ne se balaye pas en quelques minutes. Il est clair que ton petit bonhomme a besoin du soutien de son père. Ou du moins, d'une lumière pour le guider dans tout ce brouillard. « En voilà une question complexe » souffles-tu en te repositionnant pour te tourner vers lui sans te mettre dans une position inconfortable. « Ce grand amour a un nom ? ». Il baisse la tête, soufflant timidement le prénom de cette fille de sa classe que tu as déjà accueilli à la maison avec d'autres de ses amis, que tu as même raccompagné un soir chez elle pour arranger les parents qui n'habitent pas loin. Tu suspectais bien qu'il y avait quelque chose entre ces deux là, mais visiblement rien de concret. Tous deux se découvrent encore. C'est mignon.

« Quand est-ce qu'on sait que... Comment savoir en fait ? ». Tu souris, attendris par cet enfant que tu vois grandir si vite. Dans ton cœur, il reste un petit garçon et peut-être qu'il le restera pour toujours. Dans les fait, il est déjà un jeune adolescent qui découvre peu à peu les travers de la vie d'adulte. Bientôt, il aura même hâte de vivre toute ces choses et d'être libre d'être un vrai adulte – avant de regretter amèrement sa vie d'enfant insouciant. Mais nous n'y sommes pas encore, fort heureusement.

« L'amour est une chose bien complexe à comprendre. Même ton vieux père n'est pas totalement certain de savoir ce qu'il en est ». Ça te fait un peu mal de t'appeler de la sorte, du haut de tes trente-six ans. Mais pour ce petit gars de douze ans, c'est sans doute ce que tu es. A ton époque, c'est ainsi que vous appeliez vos parents. « Les vieux ». « L'amour peut se trouver sous plusieurs formes, déjà. Notre famille, nos amis, nos pokémons, tout ce qui nous est cher finalement, c'est ça, l'amour. Un lien fort qui nous unie à une autre personne et qui est réciproque. » « Comme entre toi et moi ? » « Exactement ». Tu marques une pause. « Et pour ce qui est du grand amour... » « C'est toi et dame Cori ? ». Ton cœur loupe un battement.

Tu restes silencieux à cette dernière phrase, plutôt inattendue. Après tout, il n'allait pas parler de sa mère et toi, en plein divorce. Mais par le passé, tu aurais juré que le grand amour c'était ce que tu avais avec cette femme là, celle qui se dit la mère de ton enfant. Et avec le recule, tu peux affirmer que non, ce n'était rien de tout ça. Juste l'amour, le plus basique qui soit. Celui qu'on éprouve sur le début et qui s'essouffle avec le temps. On s'accommode finalement à ce qu'on a construit avec cette personne, bien que les doutes subsistent par instant. Et puis la peur, le confort et cette flemme face au risque de tout reprendre de zéro avec une autre personne nous enferme dans une relation qui n'est sans doute pas faite pour nous. C'était ce que tu avais avec cette femme. Et il a fallut un accident quasi mortel pour vous en rendre compte. Ou du moins, pour oser tourner cette page pour vous offrir une vie meilleure. Non pas que vous ayez été malheureux ensemble. Votre vie était juste suffisante.

« J'aimerais te dire que oui, mais je l'ignore » dis-tu d'une faible voix en réponse à sa question, plongé dans ta réflexion. Qu'en est-il de toi et Cori ? Tout est encore récent entre vous, donc tout est forcement beau. Après, si tu dois comparer – même si ce n'est pas une chose à faire – tu dois dire que tout est plus facile. Est-ce la personne ou est-ce ta propre expérience qui te fait prendre les choses un peu plus à la légère ? Impossible de savoir. L'âge doit sans doute jouer, tout comme la maturité. Mais dans l'ensemble, oui, tout est plus facile. « Tu devrais demander à Cori son avis sur la question ». Tu te souviens de son aveux sur ses sentiments pour ta personne, datant de l'enfance. Et si elle a été capable de t'aimer de la sorte pendant tant d'année, avec ce risque qui planait de ne jamais t'avoir pour elle, c'est qu'elle doit avoir les clés du secret du grand amour. « D'accord ! » dit ton fils en quittant le sofa d'un bon.

« Si je peux ajouter quelque chose... » souffles-tu en le suivant du regard. Il se tourne en ta direction pour t'écouter. « Je pense que le grand amour c'est quand on ne se pause aucune question. Et qu'on est simplement heureux dans sa situation. Qu'on se sent libre en tout temps ». Quelque chose dans cet acabit là. Il affiche un large sourire. « C'est ce que tu ressens pour Cori ? ». Tu souris à ton tour. « Oui ».

Inscrit le : 19/11/2017 Messages : 1836 Région : sinnoh

- Il est venu me demander ce qu'est le grand amour.

Le film du soir touche à sa fin. Allongés tous les deux sur le canapé, Cori évoque le moment passé sans regarder Benedict. Collée contre lui, elle ne peut voir son expression mais son silence lui laisse croire que son beau tatoué est attentif à la suite.

- J'ai été assez surprise, agréablement surprise. Je me suis dit qu'il était à l'aise avec moi, pour parler de cela, non ?

Elle n'avait jamais mis de mot sur la peur d'être rejetée par le fils de Benedict. Celle-ci était cependant assez présente. Elle avait pris le parti de ne pas trop en faire, de rester elle-même afin que l'enfant puisse se faire à elle. S'ils devaient matcher, cela se ferait tout naturellement. Agir de la sorte lui permettait aussi de se protéger. Elle voulait créer un lien avec l'enfant de Benedict mais, par prudence, elle ne voulait pas aller plus vite que la musique. Elle n'était pas sa mère et ne voulait pas créer d'impair. Elle faisait partie de son environnement et ce faisant, elle voulait être présente pour lui s'il avait besoin d'elle.

Sans même avoir évoqué cela, Cori se doutait que Benedict devait ressentir ses craintes. Elles étaient, après tout, légitimes au vu de la situation. Il n'était pas simple de trouver sa place au sein d'un binôme déjà formé, lié par une histoire de famille marquée par quelques événements délicats. Cori faisait au mieux mais, elle devait reconnaître apprécier de voir sa relation évoluée avec l'adolescent.

- J'ai été bien embêtée de lui répondre par contre. Ca m'a un peu pris au dépourvu, tu sais que je peux être pudique avec les sentiments.

Sur le petit écran de l'ordinateur de Benedict, Marc Darcy apparait sous un paysage enneigé de Londres. L'amour l'a fait revenir de New York, la vie sans Bridget Jones étant inenvisageable. Cori retient son souffle. Elle n'est pas très fleur bleue mais, la beauté des sentiments l'émeut d'une certaine manière. Elle a toujours aimé ce film, sa fin notamment.

- J'aurai peut-être dû le mettre devant Bridget Jones : lui dire qu'aimer, c'est accepter l'autre dans son entièreté. Avoir conscience des défauts, ne pas vouloir changer l'autre et juste l'aimer. Ressentir le besoin d'être auprès de lui. Marc Darcy aurait su lui faire comprendre cela.

Cori se tait puis sourit. Elle connait la suite, le fait que Darcy découvre le journal de Jones avec toutes les grossièretés qu'elle a écrites sur lui durant toute l'année passée. Elle sait qu'elle va avoir cet air niais, celui qu'elle doit avoir certaines fois que Benedict lui parle, qu'elle repense à des moments passés ensemble. Elle en profite pour bouger un peu, se retourner afin de faire face à son beau tatoué. Elle le regarde et avec douceur, elle vient caresser ses cheveux puis ses joues et, enfin, le bas de son visage. Elle qui voulait ne pas montrer son air de romantique idiote, elle se surprend à avoir les lèvres étirées en coin. Stupide, va. Elle colle son visage contre le buste de l'homme, s'imprégnant davantage de son odeur. Cela ne l'aide en rien. Cori est foutue depuis le début. Elle s'en défait donc, revenant sur le visage du beau tatoué.

- J'ai fini par lui dire que je ne pouvais pas vraiment l'aider. Le grand amour, ça ne peut pas se décrire, juste se ressentir, se vivre.

Elle se rapproche davantage, frôlant les lèvres de Benedict avec les siennes.

Le beau tatoué ne doit plus rien voir au film mais, elle pourra lui raconter la fin s'il le souhaite.