___Ton téléphone. Tes pokéballs.
___Tu as beau regarder encore et encore, tu as l’impression qu’il te manque quelque chose. Pourtant, tu es également convaincue que tu ne prenais jamais rien de plus que cela.
___Ne pas s’encombrer, ne pas être reconnaissable, ne pas risquer de faire tomber quelque chose.
___Cela fait si longtemps que tu n’es pas partie en traque en préparant un plan à l’avance. Tu as l’impression d’oublier quelque chose. La dernière fois, quand tu es partie à l’assaut de cette fausse pension pour sauver Nymée, tu n’as pas pris le temps de réfléchir à ce que tu faisais. Il fallait que tu agisses, il fallait que tu tentes le tout pour le tout, il fallait que tu en aies le cœur net. Et surtout, il le fallait avant que tout ne risque de disparaître à nouveau comme c’était arrivé quelques années plus tôt.
___Retrouver ton Elecpsrint a été un électrochoc pour toi.
___Depuis que tu es arrivée au Havre, alors même que tu avais prévenu Nathaniel que tu risquais d’avoir d’autres obligations, tu avais totalement délaissé la prise de nouvelle, l’observation des signalements étranges, les plaintes émises et les rumeurs qui courraient. Tu as été emportée par la nouveauté de cette vie, le bien qu’elle te faisait et toutes les nouvelles choses que tu devais apprendre.
___Les traques, qui ont rythmé ta vie pendant toute cette période entre la perte de tes premiers pokémons et ton arrivée à la pension, n’avaient pas pour autant perdu leur sens. Peut-être même n’en avaient-elles que plus gagner, maintenant que tu as constaté à quel point les pokémons avaient besoin de temps pour se reconstruire. Pour retrouver une once de joie de vivre, ou de confiance en l’humain.
___Nathaniel t’a appris beaucoup de choses, et tu lui en seras éternellement reconnaissante. La pension sera toujours ton foyer désormais. Le fait de te mettre en danger, maintenant que tu as retrouvé envie et raison de vivre, te terrifie.
___Mais tu ne peux pas te détourner de ceux qui ont encore besoin d’être secourus.
___Sans doute aurais-tu pu apprendre à faire confiance aux autorités ou associations qui s’occupent de démanteler les réseaux et de traquer les braconniers. Effectivement, tu as davantage confiance en eux que cela a pu être le cas jusqu’à présent, étant donné que tu les as vu à l’œuvre et que Nathaniel est partiellement en contact avec eux pour aider les pokémons les plus mal en point une fois récupérés.
___Tu aurais pu, sans doute, si tu n’avais pas déjà été plus d’une fois face à leur incapacité à agir avant qu’ils ne fassent du mal aux pokémons. Si tu n’avais pas déjà vu à quel point la loi les restreignait parfois pour les défendre par tous les moyens possibles.
___Tu ne peux donc pas fermer les yeux et rester dans ton propre confort et ta seule sécurité.
___Pas alors que tu es persuadée que si tu n’agis pas, personne d’autre ne le fera.
___Ta main attrape ton téléphone et tes yeux parcourent une ultime fois les informations que tu as prises en capture d’écran sur d’innombrables sites, ainsi que celles envoyées par Cassandre, obtenues sur le dark web.
___Cassandre.
___Evidemment qu’il souhaite tout sauf le fait que tu risques ta peau en défendant la cause des pokémons. Il a fini pourtant par comprendre que s’il ne t’aide pas, cela ne t’empêchera pas d’agir, seulement d’agir avec toutes les informations que tu aurais pu avoir avec son aide. Alors il a décidé de te prêter main forte, lorsque tu avais déjà trop d’indices pour ne pas t’y lancer.
___La forêt de Nevartault. Un transfert de pokémons capturés par des braconniers s’est mal passé, et les prisonniers se sont enfuis à travers la forêt. Cela ne fait que cinq jours, mais le temps que tu tombes sur cette affaire, plus du tiers des pokémons a déjà été retrouvée.
___Tu verrouilles ton portable, le glisse dans ta poche, de même que tes pokéballs. La plupart de tes partenaires resteront à la pension, mais tu ne peux te passer de certains, malgré le danger que cela représente pour eux. Tu sais qu’ils ont envie de t’aider, et ils savent que tu as besoin d’eux.
___Te voilà prête.
___Tu descends les escaliers, jette un ultime coup d’œil vers le grand miroir près de l’entrée. Pantalon noir, t-shirt noir, masque sous le menton près à te cacher la moitié du visage, et yeux...
___Merde.
___Tu as tellement pris l’habitude de ne plus mettre la lentille sur ton œil doré que tu as oublié de le faire. Parfait anonymat, les yeux vairons. Bravo.
___Tu remontes avec précipitation vers la salle de bain, retournes la moitié de tes affaires avant d’enfin mettre la main sur une lentille plongée dans son liquide protecteur. Tu la poses en hâte, avec le geste las de la vieille routine.
___Tu clignes des yeux. Une fois. Deux fois. Dans le miroir, un regard bleu homogène t’observe longuement.
___Te voilà reparti dans la plus sombre partie de ta vie.
___De retour au rez-de-chaussée, tu enfiles rapidement tes chaussures, embrasse une dernière fois la pension du regard.
___Nathaniel sait ce que tu vas faire, mais tu n’aimes pas les au revoir. Surtout dans cette situation. Comment dire au revoir, lorsque l’on est persuadé de revenir, mais qu’une partie de soi sait qu’il existe une chance de ne jamais le faire ?
___Absol, couchée sur le pas de la porte, se lève et te suit avant que tu ne fermes la porte derrière toi. Ta main vient se perd dans sa fourrure. Tu prends une longue et profonde inspiration.
___Te voilà lancée dans une nouvelle traque.
___Quelques dizaines de mètres plus loin, à la lisière des bois, loin de là où porte ton regard, Nathaniel se tient debout, appuyé contre un arbre. Ses bras sont croisés et son poing est serré sur les manches de son gilet, mais il ne dit rien, ne bouge pas, pas même lorsque tu rappelles Absol dans sa pokéball et sort Coquecigrue de la sienne.
___Lui préférerait te dire au revoir. Te serrer dans ses bras. Te souhaiter bonne chance. T’embrasser.
___Pourtant, il respecte ton choix.
___Et il a confiance en toi. En tes capacités, en ta motivation, en ta force.
___Il t'observe monter d'un pas décidé sur le dos de Coquecigrue.

« Bon courage, souffle-t-il à mi-voix lorsque ton Noarfang s'envole. »

___Peu à peu, tu disparais à l'horizon.
___Le cœur de Nathaniel bat fort dans sa poitrine.
___Il ne peut désormais plus qu’attendre ton retour.

Modération:

___Après une pause à Fort-Vanitas, durant laquelle Coquecigrue prend le temps de se reposer et de boire tandis que tu vas lui acheter des baies et des poffins, vous reprenez rapidement la voie des airs pour arriver aussi vite que possible. Tu n’aimes pas particulièrement pousser ainsi le noarfang, préférant lui aménager davantage de pauses, mais tu sais que chaque seconde compte. Il vous faut arriver au cœur de la forêt le plus rapidement possible, avant que les braconniers n’aient le temps de rattraper trop d’autres pokémons fugitifs.
___Lorsque les premiers arbres entrent dans ton champs de vision, ton cœur commence à s’accélérer. L’adrénaline de la peur, du danger, de l’impatience. Et d’une sourde détermination, qui envahit tes veines et prend le contrôle de chacun de tes membres. C’est cette détermination qui te pousse toujours plus loin. C’est elle qui t’empêche de fuir, lorsque ton instinct n’a de cesse de tirer la sonnette d’alarme.
___Le risque. Un vieil ami, que tu avais presque oublié.
___Tu sais quelles parties de la forêt les braconniers ont déjà ratissé, aussi tu décides de commencer par le sud-ouest, là où les arbres se rassemblent autour d’un petit étang. C’est un des derniers endroits où les pokémons ont pu se réfugier, au milieu des buissons et suffisamment proche d’une source d’eau pour s’abreuver sans s’éloigner trop de leur cachette potentielle.
___Cet étang, peu connu, n’était sans doute pas venu à l’esprit des braconniers. Heureusement pour toi, tu connais cette forêt comme ta poche, pour l’avoir explorée de fond en comble lors de ton entraînement de dresseuse.
___Coquecigrue se faufile entre les branches avec adresse, survole l’étang avant de se poser au bord de celui-ci. Tu descends, les membres ankylosés. De ton sac, tu attrapes un poffin à la mangue, que tu sais être un des favoris de ton noarfang, et lui flatte le cou de ta main libre pendant qu’il mange. Aussi introverti et solitaire qu’il soit, tu lis la lueur réjouie dans ses yeux alors qu’il dévore le poffin.
___Ton cœur bat avec force dans tes tympans. Aussi difficile que ce soit de retourner à la traque, après cette période étrange et hors du temps, tu te sens reconnaissante de ne pas avoir eu besoin de te cacher derrière le moindre mensonge. Les personnes qui te sont le plus proches désormais savent tout de toi, et ce seul fait te rend étrangement heureuse. Ce n’est pas quelque chose de très étonnant, somme toute, mais pour toi, ça l’est. Depuis que tu as perdu tes pokémons, tu as toujours gardé une partie de toi secrète, même pour Cassandre. Plus maintenant. Plus jamais.
___Une fois son poffin terminé, Coquecigrue accepte de retourner dans sa pokéball pour se reposer. Tu auras peut-être encore besoin de lui, mais tu as envie de profiter de ce moment de répit pour le laisser se reposer.
___Tes yeux balaient les environs. Des arbres, de l’eau, des buissons, de l’herbe, et entre les branches ainsi qu’au-dessus de la surface de l’eau, des morceaux de ciel. Un paradis de bleu et de vert. Tu t’asseoies sans faire trop de bruit et appelles Absol hors de sa pokéball. Elle s’étire, courbant le dos, avant de se coucher contre toi, tête levée. Vous observez les environs sans faire un bruit.
___Aussi pressée que tu sois, tu as appris à quel point la mesure et la patience sont des vertus pour s’approcher des pokémons les plus farouches. Tu veux que ta quête soit couronnée de succès. Il le faut, pour ces fugitifs que tu te dois de mettre à l’abri. Alors tu te dois de rester attentive, mais également sereine. Nombreux sont les pokémons à sentir la panique d’un humain.
___Deux prismillons sortent des fourrés au bout de quelques minutes, sans doute rassurés par l’absence de bruit et de mouvement, et se prêtent à une sorte de course jusqu’à la surface de l’eau. Ils se tournent autour, dans une danse enjouée, avant d’être rejoints par plusieurs autres prismillons. Au bord de l’étang, des lépidonilles se rassemblent à leur tour.
___Tu les regardes sans bouger, à la recherche de la moindre trace de peur dépassant la norme. Aucun de ces pokémons ne semble particulièrement paniqué.
___Enfin, jusqu’à ce qu’un passerouge n’arrive en piqué, prêt à faire d’un des lépidonilles leur repas. Les pokémons au sol s’éparpillent, tandis que les prismillons s’en prennent au prédateur pour le détourner de sa traque, avant de fuir à leur tour. Finalement, le passerouge repart bredouille.
___Ta main se balade dans le pelage d’Absol. Celle-ci garde ses yeux vairons grands ouverts, mais même elle ne semble pas voir quoi que ce soit d’inhabituel. C’est presque comme si rien n’était jamais arrivé dans cette forêt.
___Après près d’une heure passée ainsi, tu pousses un soupir résigné. Tu sais ce qu’il te reste à faire.
___Tu n’aimes pas avoir recourt à Pride pour rechercher des pokémons, car tu as l’impression de te rabaisser à des méthodes de chasseur, mais la peur de voir débarquer les braconniers ne te laisse pas toute la journée pour rester assise et attendre. Il faut au moins que tu saches s’il y a quelque chose à faire par ici, car sinon il te faudra ratisser le reste de la partie sud de la forêt.
___Lorsque Pride sort de sa pokéball, il pousse un grand miaulement à réveiller les morts. Tu te tends aussitôt. Tu n’es toujours pas très à l’aise avec le luxray, bien qu’il t’obéisse désormais plus ou moins, surtout dans des moments graves, il n’est pas tout à fait le pokémon le plus investi dans la mission que tu t’es donnée. Malgré tout, il reste un élément essentiel dans certaines situation.

« Pride, demandes-tu d’une voix douce et basse pour ne pas briser l’harmonie du lieu, est-ce que tu vois des pokémons qui ont l’air de se cacher ? » 

___Tu jettes un regard vers les buissons, comme si ton propre regard pouvait posséder les mêmes capacités que celui de ton pokémon.

« Un pokémon qui pourrait être blessé... ou éveillé mais qui ne bouge pas... qui semble en alerte... ou un pokémon qui sursaute facilement. » 

___Tu sais que Pride comprend de quoi tu parles, mais la communication avec lui est encore si difficile que tu ne peux t’empêcher d’étayer tes propos.

Tentative de capture:

___Pride te lance un long regard scrutateur, dont lui seul a le secret. Tout dans le dramatique. Avec toi, il cumule bien des défauts. Dramatique, exagérateur, flemmard, râleur, grognon, agressif, arrogant, c’est à se demander pourquoi Cassandre te l’a confié. Tandis qu’avec ton cousin, le luxray se montre toujours adorable et ronronne à tout rompre dès que la main de son ancien dresseur s’approche de lui. Tu as bien essayé de lui rendre, c’est le pokémon lui-même qui l’a refusé. Il reste avec toi, sans pour autant montrer la moindre implication dans l’aide qu’il t’apporte, mais refuse d’arrêter. Il est définitivement l’un des pokémons que tu as le plus de mal à cerner, ce tous ceux que tu as pu rencontrer.
___Après cet interminable duel de regard, Pride fait onduler sa queue, toujours sans te quitter du regard. Tu comprends soudain, et te retourne lentement. Pendant quelques secondes, rien ne se passe. Puis tu apperçois les feuilles d’une branche s’agiter et perçois un bruit léger, si léger que tu ne l’aurais jamais remarqué si toute ton attention n’avais pas été focalisée vers cet endroit. Malgré ton envie d’avancer, tu te forces à rester immobile.
___Tu aperçois finalement une paire d’aile aux lignes brunes passer d’un arbre à l’autre. D’un coup d’œil derrière toi, tu constates que c’est bien vers là que Pride regarde. Il se lèche une patte, qu’il fait passer derrière son oreille. Négligemment, bien sûr. Lorsque le pokémon ailé passe à nouveau, tu as le temps de reconnaître sa silhouette, typique des lieux floraux. Un rubombelle.
___Sur la liste que Cassandre était parvenu à se procurer ne figurait aucun rubombelle, et celui-ci ne semble pas particulièrement paniqué, bien au contraire. Tu comprends vite son petit jeu, à passer d’un arbre à l’autre. Il t’observe. Rassurée par cette attitude visiblement confiante, tu approches de quelques pas. Le rubombelle cesse de passer un moment, avant de reprendre son manège. Il tient dans ses mains une petite boule, qui doit être du pollen. Près de toi, Pride et Absol te rejoignent.
___Le luxray a-t-il compris que tu cherchais des pokémons apeuré ? Il ne semble pas. Ou plutôt, il n’a pas voulu comprendre, car tu sais qu’il sait très bien saisir ce que disent les humains, que ce soit Cassandre, Nathaniel ou toi.
___Le rubombelle vole soudain vers toi, avant de reculer tout aussi rapidement. Visiblement, il a envie de jouer avec toi. Quelques instants plus tard, sa voix cristalline agite les environs, alors que tu t’apprêtes à retourner sur tes pas pour décider de la marche à suivre, puisque la méthode d’observation n’a porté aucun fruit.
___La réaction d’Absol au cri du pokémon insecte est immédiate. Elle pousse un cri à son tour et avance d’un pas pressé vers lui. Le rubombelle s’éloigne, et Absol te jette un regard. Tu dois la suivre, c’est ce qui se dit dans ses yeux vairons.
___Sans te poser plus de question, avec une confiance aveugle en ton pokémon, tu suis le rubombelle au milieu des arbres.
___Le pokémon continue à louvoyer entre les arbres, avançant assez loin pour qu’il disparaisse de votre vue, mais revenant toujours en arrière, comme pour vous chercher. Peut-être que tu n’avances pas assez vite à son goût ? Tu te forces pourtant à maintenir ton allure calme afin de continuer à observer les alentours. Le moindre indice, le moindre frémissement. Ton instinct semble te crier quelque chose, mais tu ne parviens pas à savoir quoi.
___Dans ton dos, Pride avance tranquillement, ses yeux se baladant à droite et à gauche.
___Il se fige quelques secondes avant que la voix n’éclate dans le silence et le brise en fragments qui accélèrent ton cœur sans ménagement.

« Regardez dans les terriers, les troncs d’arbre, le cul de votre mère s’il faut mais trouvez-le, merde ! »

___En tout cas, tu as trouvé contre qui est lancé ton contre-la-montre. Les braconniers sont là.
___La seule bonne nouvelle, c’est que les pokémons que tu veux sauver doivent aussi être dans les parages.
___Paralysée par l’éclat de voix et l’attention à ne pas être découverte, le rubombelle vient s’agiter sous ton nez.

« Oui, je te suis. Montre-moi où aller, s’il-te-plait. Mais sois prudent.»

___Le pokémon s’envole vers un recoin sombre de la forêt. Tu le suis à pas de lougaroc.

Modération: