Edel Aubier
C-GEAR Inscrit le : 20/11/2017 Messages : 637
| S'il avait pu y avoir entre Hélène et moi une esquisse de gêne dans les premiers instants de nos retrouvailles – lorsque je la revoyais pour la première fois depuis des années, que je découvrais sa teinte de peau violette et le figement de son visage, que nous hésitions encore sur le comportement à adopter ensemble... du moins, une gêne de mon côté –, tout s'était évanoui dès que j'avais posé un pied dans le spa. En maillot de bain à barboter aux côtés de mon amie, une douce chaleur sur le corps, me relaxant, dans l'eau, tout en discutant nonchalamment avec elle... Tout m'évoquait les nombreux après-midis que nous avions passés ensemble, à nous dorer sur les plages d'Alola, l'esprit tranquille, parfois plongés dans un livre, nous amusant de nos Pokémon ou sirotant un jus de fruits, sans laisser les soucis de la vie quotidienne effleurer notre bulle. C'était cette même insouciance que je retrouvais, comme d'instinct, à présent que j'étais dans l'eau avec elle, et je voulais en profiter simplement, repoussant en toute conscience le souvenir des raisons qui m'avaient conduit, par le passé, à laisser nos chemins se séparer sans rien faire. Bien sûr que j'étais bien avec elle, trop pour que ce soit innocent – bien sûr que sa tenue quotidienne ne me laissait pas indifférent, ni le fait de me trouver aussi proche d'elle... Mais il en avait déjà été ainsi un bon bout de temps, à l'époque, et cela ne me dérangeait pas de continuer à la voir de cette manière, de garder pour moi ce que je ressentais puisque cela ne l'intéressait pas sans pour autant devoir me priver de sa présence. Elle-même avait parfois des comportements ambigus, mais... Je ne voulais pas me poser de questions, pas maintenant. La situation me satisfaisait ainsi. Ce ne serait pas la première fois que j'étais tenu à l'écart... Je voulais juste profiter d'avoir retrouvé une amie qui me rappelait tant de bons moments sans mettre en péril les nouveaux que nous pourrions passer ensemble ; et, trempant dans l'eau, je songeais que je saurais bien taire ce qu'elle ne voulait pas entendre.
Adossé au rebord, la nuque contre le revêtement en bois, je tendis mes jambes le plus loin possible jusqu'à ce que mes orteils effleurent la surface de l'eau, puis je me retournai en posant ma tête sur mes bras. Hélène était vraiment tout près, je pouvais voir son beau visage dès que je soulevais une paupière, mais il me plaisait aussi de les garder fermer : avec cette chaleur, doublée de sa compagnie, je pouvais vraiment me croire à Alola. « Oh, y'a une petite sonnette quelque part pour appeler un serveur, ou un truc comme ça ? On peut faire venir des domestiques ? » J'avais levé un sourcil intéressé : je n'avais pas encore testé tous les services que le QG de l'Élite mettait à notre disposition, allant de surprise en surprise à chaque fois que je découvrais un nouveau confort de cette vie de privilégiés, mais avec ce qu'Hélène me disait, je ne doutais plus qu'on pourrait faire venir dans ce spa-ci tout ce qu'on voulait, même peut-être des danseurs et un banquet si l'envie nous en prenait, bien que, pour le moment, le cocktail m'aurait suffi. Quitte à profiter de cet après-midi de retrouvailles, autant ne pas faire les choses à moitié ! En même temps, je n'avais pour l'instant aucune envie de sortir de l'eau, comme je le signalai en me réinstallant confortablement contre mon rebord, et pas non plus très envie d'obliger Hélène à le faire. Sauf si elle revenait vite.
Se prélasser dans l'eau chaude, au milieu des bulles, me paraissait une situation propice à la discussion, et Hélène ne tarda pas à me prouver qu'il en allait de même pour elle. Je tournai la tête vers elle quand elle prit la parole et je l'observai durant quelques instants, avant de lui répondre. J'avais décidément bien fait de venir : à vrai dire, quand j'avais appris sa nomination, je n'avais pas hésité une seule seconde, mais je n'aurais pourtant pu affirmer avec certitude que c'était une bonne idée et je n'en avais d'ailleurs pas touché mot à Camille. À présent que j'entendais la sincérité avec laquelle elle s'était exprimée, cependant, je n'avais plus le moindre doute. Son regard me disait toute son affection, même si elle ne pouvait plus sourire. Alors, elle avait vraiment espéré me revoir ? Mes lèvres dessinèrent enfin ce sourire qu'elle ne pouvait m'adresser, un autre sourire sincère. Et si je fus d'abord tenté de répondre par une énième plaisanterie, ce furent finalement des paroles honnêtes qui la remplacèrent, tandis que je la regardais dans les yeux, elle, tout près :
– À moi aussi. À moi aussi, elle m'avait manqué. Cela pouvait tout vouloir dire, comme rien, et je ne savais pas encore, en parlant, plongé dans les yeux mordorés, si quelque chose allait suivre, et de plaisantin ou sérieux ; mais l'eau chaude semblait accroître les envies de se confier. En détournant la tête pour regarder le rebord, j'embrayai sans réfléchir : ...Et puis, je dois admettre que ça me fait un peu bizarre de me retrouver seul à Sinnoh, sans Camille à embêter. C'était le genre de confidences que je ne faisais presque jamais, mais quelque chose chez Hélène – notre amitié mutuelle, si vite retrouvée – m'incitait à poursuivre. Bien sûr, je vais prendre autant de congés que possible, mais... La personne que j'ai vue le plus souvent depuis mon arrivée est mon agente ! Tu imagines ? Et une rasante, en plus. Je jouai un peu avec l'eau, pensif, la faisant clapoter de mes mains, avant de retourner la tête vers mon amie pour conclure en souriant : Bref, ravi de savoir qu'on pourra se croiser de temps en temps !
Avant d'être embauché au poste de Maître Coordinateur, je vivais à Johto, à Doublonville, passant de petit contrat à petit contrat, non loin de chez mon ami Camille chez qui je m'invitais plusieurs fois par semaine suivant sa grande cordialité (lui aussi pouvait bien sûr venir chez moi quand il le souhaitait.) Hélène n'ignorait pas qu'en dehors d'elle, il était l'un de mes rares amis. Sans m'en rendre pleinement compte, je venais de déporter une discussion potentiellement équivoque sur un sujet (pour moi) inoffensif.
Ayant soudain envie de me trouver à sa hauteur, je quittai le rebord et lui passai devant pour m'asseoir près d'elle sur le petit banc immergé, à sa gauche afin qu'elle soit de mon "bon" côté – celui de l'oreille qui entendait et de l'œil qui y voyait le mieux.
– Et toi ? repris-je en trouvant une nouvelle position confortable. Tu retourneras voir... ta mère, régulièrement ?
J'avais failli dire « tes proches », me demandant toujours qui l'entourait, désormais ; mais finalement... je n'avais pas osé. | | | | Invité
| Les remous du spa s'estompèrent rapidement alors qu'une ambiance chaude et décontractée s'installait rapidement entre nous. Edel ne put s'empêcher de venir se glisser non loin de moi (non pas que cela me dérange, bien au contraire) et tout fut de nouveau aussi naturel que possible entre nous. Il était étonnant de constater comme les années n'avaient pas altérées notre complicité de l'époque et, si j'avais espéré pouvoir reprendre un contact avec lui en acceptant ce poste, jamais je n'aurais pensé qu'il serait venu aussi rapidement me voir une fois installée.
Tout était à la fois tellement simple et tellement compliqué entre nous.
Heureusement, je n'avais pas à y penser trop longtemps, Edel me donnant de quoi penser à des choses beaucoup plus légères, enchaînant les sujets comme si de rien n'était. Je me rappelais alors de sa gêne, plus tôt, et de son envie d'apéritifs ; l'était-il encore, virevoltant entre les conversations pour rester détendu ? J'aurais aimé pouvoir l'observer de plus près, détailler la moindre de ses réactions pour pouvoir en faire une analyse plus détaillé, en bonne scientifique que j'étais... Mais ma vue ne me permettait pas de faire cela, pas sans forcer considérablement. Je sortais donc de cette pensée pour aller sur quelque chose de plus léger, ce qui fut plutôt simple au vu de notre conversation actuelle.
- N'exagère pas non plus, on est pas chez les bourges ! Par contre il y a un tas de personnel, il faut juste prévenir en avance. Mais la prochaine fois on ramènera la bouteille nous-même, on attendra d'être ici pour déguster le vin ~
Car j'étais certaine qu'il y aurait une prochaine fois, ce n'était pas le trajet qui allait nous arrêter et je savais désormais que notre précieuse amitié était intacte et allait de nouveau briller de mille feux. Combien de temps allions nous pouvoir nous voir ainsi afin que les médias ne s'emparent de notre histoire ? J'imaginais déjà les photos prises à notre insu et collées au beau milieu d'articles racoleurs emplis de mensonges et de quelques vérités ; cette situation me paraissait particulièrement amusante, ne serait-ce que pour aller lire les réactions des fan girls de Edel sur le net, et je savais qu'elles étaient nombreuses. Mh oui, la perspective était Vraiment amusante...
Je reprend finalement mon sérieux, me confiant à Edel avec une certaine douceur quant à sa venue, lui avouant à quel point j'étais ravie qu'il soit venu me voir. Etait-ce parce que nous étions aussi proches l'un de l'autre que je lui faisais une telle confession ? Revoir son beau visage me faisait quelque chose, il fallait bien l'avouer. Au moins dans mes pensées. J'aurais souris à sa réponse si j'avais pu le faire, alors que je me redresse un peu pour me tourner vers lui, me rapprochant davantage. Profitant de cet instant rien qu'à nous deux.
- Tu ne passes pas de temps avec tes collègues ? Bien que je puisse comprendre qu'ils te paraissent barbant à côté de moi ~ Rapidement, la conversation dévia vers ma propre vie. Je l'observais avec amusement, notant la petite hésitation dans sa question. Que voulait-il dire exactement ? Quand j'aurais un peu de temps j'y retournerais, oui. Mais elle est pas mal occupée par son travail... Scientifique un jour scientifique toujours.
Je m'étirais longuement les bras, puis les jambes, non sans le frôler dans l'eau, sans même le faire exprès. Cela me rappelait de vieux souvenirs.
- Mais, évidemment, je compte sur ta présence pour mes prochaines vacances. | | | | Edel Aubier
C-GEAR Inscrit le : 20/11/2017 Messages : 637
| Dire qu'il y a une heure à peine, j'étais en chemin vers la Ligue sans savoir comment Hélène me recevrait, ignorant tout de ses changements physiques, me demandant encore si elle se montrerait aussi fidèle à elle-même que dans ses SMS ou si la distance nous avait définitivement séparés ; et voilà que nous nous retrouvions, tous les deux, à nous prélasser dans un spa, en maillot de bain, discutant insouciamment, proches comme deux meilleurs amis... ou, peut-être, sur les bords, parfois un peu plus que ça ; comme si le temps n'avait eu aucune emprise sur notre relation. Qui aurait dit, à nous voir, que c'était la première fois depuis des années que nous nous retrouvions ? Je me montrais même peut-être encore plus proche d'elle que lors de nos dernières sorties ensemble à Alola : parce qu'à cette époque, elle venait de me faire comprendre qu'il n'y avait aucun espoir pour que nous devenions véritablement plus que des amis, l'un pour l'autre, et alors même que ce n'était pas de sa faute si elle ne partageait pas les sentiments que j'avais pour elle, je lui en avais un peu voulu, sans le lui dire, et j'avais, à partir de là, commencé à placer quelque distance entre nous. Tandis qu'aujourd'hui, j'étais si heureux de la retrouver que je me sentais d'humeur à profiter seulement de ce plaisir ; et l'eau chaude du spa m'y encourageait encore plus, en me libérant de la gêne qui m'avait saisi dans sa chambre. Il suffisait que je ne pense pas au sujet périlleux, et il était si facile de ne pas penser dans cette eau relaxante, en compagnie d'une bonne amie. Si facile d'être naturel... Deux champions dans les institutions jumelles : nous aurions bien d'autres occasions de nous revoir, songeais-je, les paupières fermées, en me reposant accoudé au rebord du bassin. Je ne voulais plus mettre cela en danger.
Je fus à la fois surpris et content lorsqu'elle me dit que notre complicité lui avait manqué : je n'étais donc pas le seul à apprécier nos retrouvailles. Je ne tardai pas à enchaîner sur mon propre état d'esprit depuis mon emménagement au QG de l'Élite. Je me remettais à parler beaucoup : simple besoin de me confier à une amie, ayant peu eu d'occasions pour ce faire depuis mon arrivée à Sinnoh, ou réflexe pour conserver le contrôle d'une discussion que je craignais, au fond, de voir déraper ? Un mélange des deux, sans doute. Mais il y avait peu de personnes avec qui j'échangeais, sur les sujets du quotidien, aussi spontanément qu'avec Hélène, parce qu'elle me connaissait bien.
– Ah ça, personne ne t'arrive à la cheville, je te rassure ! Hélène s'était encore un peu rapprochée de moi, parlant en me regardant dans les yeux, et je dus faire un effort pour ravaler la gêne qui menaçait à nouveau de poindre : je la dissimulai sans trop de peine et choisis d'entrer dans son jeu, répondant sur le même ton qu'elle et en soutenant son regard. Intérieurement, pourtant, je m'interrogeais une fois de plus sur la raison de son rapprochement : ses problèmes de vue, d'accord, mais... étais-je vraiment le seul que cela mettait mal à l'aise ? Nous étions trop proches, trop proches pour deux simples amis qui venaient à peine de se retrouver après un éloignement si long ! Et je profitai de faire mine de réfléchir pour détourner la tête, yeux au plafond : Encore que... La petite Calypso Kanaloa... On a déjà bien sympathisé, elle est gentille et de bon conseil ! En plus, on a un peu la même couleur de cheveux : c'est peut-être un signe, qu'est-ce que t'en penses ? Joueur, j'essayais à moitié de la rendre jalouse, même s'il y avait peu de chances pour que cela prenne. J'avais finalement retourné la tête vers elle, sourire taquin aux lèvres, qui disparut ensuite pour laisser place à une moue d'ennui : Par contre, les deux autres : pfffff...
En ayant assez de me trouver plus bas qu'elle et de devoir tourner la tête pour l'entendre, sans quoi elle me parlait dans la mauvaise oreille, je quittai ma place contre le rebord pour la rejoindre sur le banc de bois. À présent bien assis à côté d'elle, je pouvais à nouveau me détendre et l'écouter tout en regardant devant moi, le bassin vide à part nous deux, les remous qui glougloutaient. Je l'avais interrogée sur sa mère, masquant un désir d'en apprendre plus sur d'autres sujets, et tout en me répondant, elle me frôla machinalement de la jambe : notre proximité était telle que cela ne pouvait que se produire dès lors que nous bougions un peu. Mais ce n'était pas pour me déranger, et je me sentais plus sûr de moi à présent que je pouvais l'écouter sans avoir à la regarder. Scientifique toujours...
– Un peu comme toi, non ?
Détendu, je fermais à nouveau à moitié les paupières, conversant un mince sourire aux lèves ; mais celui-ci s'élargit lorsqu'elle prononça sa dernière phrase. Je compte sur ta présence pour mes prochaines vacances. Alors, sans le savoir, elle répondait à la question que je me posais depuis un moment déjà, sans avoir osé la formuler à voix haute : elle était presque certainement célibataire, pour envisager de prendre ses vacances avec moi. Et, toujours sans la regarder, je ne pouvais refréner ce sourire qui me montait jusqu'aux oreilles. J'eus un mouvement dans l'eau pour modifier ma position sur le siège, ce qui me conduisit à effleurer son bras au passage – peut-être à me rapprocher subrepticement d'elle.
– Alors, c'est parfait : je comptais sur la tienne. Je vois d'ici le programme : premier jour, plage de Konikoni, près de notre café habituel, pour être tranquilles et admirer le coucher du soleil ! Le lendemain, Ho'Ohale, la plage et les restos... et aussi pour narguer les touristes ! On se fera sans doute remarquer. Il faudra aussi tester la plage d'Ula-Ula, il paraît qu'ils l'ont réaménagée et que c'est vraiment un chouette coin, maintenant, sur la Côte Sauvage ! Ah oui, et tu sais quoi, avec notre salaire, on pourra essayer le super hôtel du Village Flottant, avec les chambres qui donnent directement dans la mer... Ou l'hôtel du Club Hano-Hano ! Ah, je me suis toujours demandé à quoi pouvaient ressembler les suites là-dedans...
Animé, j'avais levé les bras tout en parlant en ne manquant pas de frôler à nouveau Hélène, d'abord du coude, puis de l'épaule, ensuite du poignet : mouvements parfaitement volontaires, mais qui ne devaient pas passer pour tels dans le flux de mon discours inspiré, les yeux levés, ne lui jetant que des regards passagers pour vérifier son approbation. J'en aurais bien demandé encore, et il était si facile de glisser un peu sur le banc pour se rapprocher encore d'elle – qui, après tout, s'était elle-même beaucoup approchée de moi tout à l'heure. Peut-être que telle était notre relation : deux très bons amis, assis à présent presque épaule contre épaule dans un spa, en train de faire des plans pour partir ensemble durant leurs prochaines vacances, sans que je n'ose tout à fait regarder Hélène dans les yeux. Et j'observais le reste du bassin en songeant qu'il m'offrait le plus vaste des échappatoires si j'en ressentais le besoin, pour aller essayer les autres jets d'eau, là-bas en face, ou tester quel était le coin à remous le plus agréable ; mais que, pour l'instant, j'étais bien là où j'étais. Profiter, même quelques secondes, de cette proximité... | | | | Invité
| Essayait-il de provoquer une étincelle de jalousie en moi, en me parlant ainsi de l'une de ses collègues ? Ce serait en tout cas tout à fait son genre de tenter ce genre de manœuvres, bien qu'il savait très bien qu'il en faudrait plus que cela pour que je ressente cela, et pas alors que nous ne nous étions plus vus depuis des années... Si je restais désespérément seule depuis longtemps, mes soucis de santé récents n'ayant rien arrangé, cela ne m'étonnerait pas qu'il ait eu des petites amies depuis le temps ; après tout, Edel avait tout pour lui. Le contraire serait même assez triste pour lui, et je n'étais pas le genre de fille méchante à espérer qu'il n'ait jamais eu d'aventures au cours de toutes ces années : sinon je ne l'aurais pas repoussé à l'époque... Ou plutôt j'aurais reconsidéré la chose. Avec du recul il m'était paru de plus en plus évident que, certainement, ce n'était pas une blague qu'il m'avait faite. Mais le mal avait été fait et il s'était petit à petit éloigné, et je n'avais jamais pu lui en vouloir pour cela : c'était normal qu'il agisse ainsi avec moi, j'aurais été cruelle de lui en vouloir pour son comportement alors que je l'avais rejeté à l'époque, ne comprenant pas ses véritables intentions... Même si il était vrai qu'il aurait pu se déclarer autrement.
Malgré tout, j'avais envie de m'amuser aujourd'hui, sa présence me mettant de bonne humeur.
- Tu l'as dit toi même, elle est gentille ; toi il te faut quelqu'un pour te remettre à ta place quand tu fais des bêtises ! Je lâchais un léger rire lorsqu'il évoqua ses autres collègues, sans enchérir dessus pour autant.
Il bougea un peu, faisant bouger l'eau du bain à remous pendant de longues secondes, se positionnant finalement juste à côté de moi, sur le banc en bois : il était là pour ça après tout, autant en profiter. Nous discutions désormais de Alola, cette région qui nous était si chère, pour des raisons différentes. J'étais un peu étonnée qu'il évoque ma mère, mais son hésitation quant à sa question me laissait penser qu'il pensait à autre chose... Mais je ne relevais pas, lui répondant normalement, sa réponse me tirant un rictus de sourire.
- Tu ne veux pas plutôt dire que nous sommes les mêmes ? Ce n'est pas un secret après tout.
Je lui fis une remarque sur les vacances qui ne tombèrent pas dans l'oreille d'un sourd, au vu du sourire stupide qui étira soudainement ses lèvres. Je l'observais d'un air amusé, puisqu'il ne me regardait pas directement, haussant un sourcil en sentant sa peau frôler la mienne à plusieurs reprises. Cette proximité nouvelle me ramenait à la vieille époque et, si cela ne me dérangeait pas, cela me troublait quelque peu... Mais je n'en montrais rien, rebondissant plutôt sur ce qu'il était en train de me dire, me tirant même un rire.
- Donc en gros on passe toutes nos vacances à la plage ? Tu n'as pas peur de te faire harceler par ton fan club ? Je m'étirais à mon tour, au niveau des bras, tentant un sourire quelque peu raté en imaginant la scène. Quoique je me ferais un plaisir de les rembarrer, j'imagine déjà leur tête d'ici !
Il me fallut quelques secondes pour effacer toutes ces images fort amusantes de mon esprit, reprenant petit à petit mon sérieux. Je lui jetais un coup d'oeil, profitant de notre proximité pour observer les traits de son visage : il n'avait pas beaucoup changé depuis cette époque, contrairement à moi...
- Ce sera aussi le bon moment pour aller voir Tokopiyon.
Je soupirais doucement avant de quitter le banc de bois, allant au centre de la petite installation, m'enfonçant dans l'eau jusqu'au cou. Je fermais les yeux, profitant un peu de la chaleur tant que nous le pouvions ; il ne faudrait pas non plus y rester trop longtemps, la chaleur finirait par nous monter à la tête. | | | | Edel Aubier
C-GEAR Inscrit le : 20/11/2017 Messages : 637
| C'était un dimanche après-midi tout ce qu'il y avait de plus ordinaire que j'avais proposé à Hélène de sortir avec moi. Nous étions attablés à notre terrasse habituelle, les pieds presque dans le sable de la plage de Konikoni, sous un parasol et les longues palmes des palmiers qui nous abritaient du soleil. À cette époque-là, nous nous voyions au moins une fois par semaine, souvent deux : je louais une chambre mise à disposition par le Centre Pokémon et, si Hélène était très accaparée par ses recherches, nous nous prenions un moment ensemble tous les week-ends et je faisais régulièrement en sorte d'aller la retrouver après le travail, quand nos occupations respectives le permettaient. Ce quotidien s'était mis en place sans aucune intention particulière de sa part ni de la mienne : sans doute en étions-nous seulement tous deux à un moment de notre vie où nous avions besoin d'un peu de compagnie, elle solitaire dans l'âme et moi qui, sous mes dehors sociables, ne me liais en réalité qu'à très peu de personnes. Alors, après nos premières entrevues purement utilitaires, nous avions continué à nous voir, et la fréquence de nos rendez-vous n'avait pas diminué même en cette période de vacances scolaires où Camille avait fait le voyage jusqu'à Alola.
Hélène était en train de se plaindre d'un de ses collègues qui lui faisait des avances depuis quelques temps et la questionnait sans cesse sur la relation qu'elle entretenait avec moi. Cela faisait plusieurs jours que nous plaisantions à son sujet, car il ne faisait aucun doute qu'il n'avait pas la moindre chance avec Hélène ; quant à notre relation, ses aspects ambigus avaient déjà suscité le doute chez d'autres de ses connaissances. De mon côté pourtant, j'étais moins insouciant. Cela faisait en effet un petit moment que je me rendais compte que je ressentais pour la scientifique un peu plus que ce que l'on ressent normalement pour une amie. C'était la première fois que j'éprouvais ce genre de sentiments depuis l'adolescence, et j'avais refusé de me l'avouer jusqu'à ce que Camille m'en parle – à croire qu'il était plus lucide sur moi que je ne l'étais moi-même. Malgré ses encouragements, j'avais radicalement refusé d'en parler à Hélène – ce qui ne m'avait pas empêché d'en tourner et retourner l'idée dans ma tête. Et voilà que la discussion prenait un tour étrangement adapté, et que, sans m'en rendre tout à fait compte moi-même, je lui avais posé la question qui, depuis des jours, me brûlait les lèvres.
« ...alors j'ai fini par lui dire que oui, on était en couple, comme ça, j'espère que ça lui fera les pieds ! » « Tu lui as vraiment dit ça ? » « Ça te dérange pas, j'espère ? » « ...Est-ce que ça veut dire que je dois venir te chercher tous les jours au travail, t'offrir un bouquet de fleurs devant lui ? » « Des fleurs, sérieusement ! ...Je les lui léguerai comme cadeau de consolation. » « Je me demande bien ce que ces pauvres fleurs t'ont fait... » « Non mais faudra que tu fasses semblant la prochaine fois que tu passeras. Ce sera drôle de voir sa tête. » « Je t'inviterai à dîner juste devant lui. Je louerai une voiture exprès pour passer te prendre... » « Wow, quelle chance ! Mais... t'as le permis, toi ? » « …Je t'offrirai Moustache comme cadeau de Saint-Valentin. » « Ouhlà. Je lui donnerai tes fleurs à manger. Non, attends, je le lâcherai dans le bureau des prochains collègues chiants. » « Ou de tes futurs prétendants. » « Pff, oui. Y'en a pas un pour rattraper l'autre... » « Je m'étonne que t'essaies pas sur lui un de tes poisons, à ce malheureux. » « C'est plus drôle de le laisser mariner. Faudra que tu m'embrasses devant lui, aussi. » Nous riions tous les deux, complices, plaisantant, comme nous le faisions si souvent : elle ne pouvait pas se douter qu'intérieurement, je n'étais pas si serein. « À ce compte-là, on devrait limite se mettre en couple pour de bon, non ? Ça te débarrasserait tous ces indésirables. » « Et pas que d'eux ! Tu m'imagines en couple avec un nain aux cheveux blancs, mon p'tit Edel ? » « ...C'est vrai, ça, qu'est-ce que j'irais bien faire avec une vieille grande perche dans ton genre ? » « T'auras toujours l'air plus vieux que moi, mon pauvre ! Mais je te rassure, je tolère tes cheveux quand même. » « ...Tu finiras quand même ridée avant moi, tu le sais. » « Aaah, tu te trompes, mon cher ! Tout dépend du soin que tu accordes à ta peau ! Et la mienne est dans une forme parfaite... »
« À ce compte-là, on devrait limite se mettre en couple pour de bon, non ? » On ne pouvait même pas appeler ça une déclaration. Je l'avais dite en riant à moitié, exactement du même ton que celui avec lequel, depuis le début, nous étions en train de plaisanter, et elle n'avait pas perçu la différence. Pourtant, c'était une déclaration. Cela faisait plusieurs secondes que je la mûrissais, mon cœur avait accéléré au moment de la prononcer, j'avais senti une légère chaleur envahir mes joues, rapidement estompée. Je l'avais lancée comme au vol, sans la regarder, pour ne pas qu'elle voie mon trouble, pour que je puisse faire marche arrière si le besoin s'en ressentait. Mais mon habitude de masquer mes sentiments, ma crainte de m'engager avaient, cette fois, trop bien joué leur rôle. J'avais tenté de continuer à renchérir avec Hélène, mais le cœur n'y était plus ; heureusement, nous avions dérivé sur un autre sujet, et puis l'après-midi s'était bientôt terminé. Quand j'étais rentré au Centre, j'étais si énervé que Camille avait compris ce qu'il s'était passé. Ce soir-là, je ne m'étais vraiment pas montré sympa avec lui, pour la première fois depuis longtemps. Il ne m'avait plus posé de questions, et nous avions cessé d'aborder le sujet.
« À ce compte-là, on devrait limite se mettre en couple pour de bon, non ? » C'était nul. J'avais été nul. Ça n'aurait rien voulu dire pour personne. Je ne savais pas très bien pourquoi je repensais à tout cela maintenant, des années après les événements, alors que j'étais accoudé au rebord du spa de la Ligue, bercé par l'eau chaude et les bulles et contemplant du coin de l'œil, reposé, serein, Hélène de nouveau à côté de moi. À l'époque, déjà, nous plaisantions sur les mêmes sujets, nous nous taquinions de la même manière. Ce n'était d'ailleurs pas étonnant : après des années sans nous voir, nous avions spontanément repris nos habitudes d'antan. Mais comment une telle relation s'était-elle mise en place ? Nous pouvions tous les deux être très incisifs quand nous le voulions. Hélène était facilement cassante, et je ne me laissais pas démonter : c'était comme si nous nous étions reconnus, deux moqueurs face au monde. Et j'avais si longtemps eu l'impression de ne plus avoir le droit de m'engager... Mais c'était ma rencontre avec Hélène qui m'avait fait changer d'idée. Alors, étions-nous vraiment condamnés à devoir en rester, toujours, à des plaisanteries ? N'y avait-il aucun espoir pour que cela change ?
– Dis donc, ne t'imagine pas que parce que toi, tu es méchante, je ne suis capable de m'entendre qu'avec les gens comme toi ! C'est très bien aussi, la gentillesse. Ça repose...
...Et ça ennuie, d'accord. Elle n'avait peut-être qu'à moitié tort. Mais peut-être aurais-je mieux fait de me chercher une copine plus... « gentille », oui. Peut-être que cela m'aurait permis d'enfin passer à autre chose. Enfin, qu'est-ce que j'imaginais ? L'étendue des possibilités était à peu près résolument vide. Et la seule qui occupait mes pensées était désormais... Hélène. Bah, il n'y avait plus de raison d'y réfléchir. Et c'était peut-être mieux ainsi...
– Vous vous ressemblez beaucoup, c'est vrai. Mais, je te rassure, t'es quand même unique en ton genre... Surtout depuis que t'as fricoté avec une bestiole d'un autre monde.
Malgré la gravité de ce qu'il lui était arrivé, j'avais décidé de continuer à prendre ses changements physiques avec humour, tant qu'elle n'en semblait pas blessée : j'avais après tout débuté ainsi, et mieux valait en rire qu'en pleurer.
Je fus sincèrement réjoui en l'entendant proposer que nous passions nos prochaines vacances ensemble – même si, une fois de plus, cela impliquait de ma part d'éviter de réfléchir à ce que je pourrais ressentir en passant des journées entières avec elle, comme au bon vieux temps. La langueur dans laquelle l'eau chaude nous plongeait m'y aidait.
– ...Mon « fan-club » ? Tu crois vraiment que j'en ai un ? La remarque m'avait sincèrement surpris, même si Camille avait été le premier à me faire remarquer l'émulation qui avait entouré mon ascension au titre de champion d'Élite – comme, de toute façon, à chaque fois qu'un champion était nommé. Cela ne faisait après tout que très peu de temps que j'avais obtenu ce poste et je ne m'étais pas encore fait à cette idée, même si ma victoire en Master Élite m'avait déjà apporté une certaine renommée. Un sourire étira mes lèvres. Alors oui, rien que pour ça, il faudra y aller ! Et aussi pour narguer les paparazzis !
Quand Hélène, plus sérieuse, mentionna Tokopiyon, je ne répondis pas tout de suite. Lorsque j'avais lancé cette idée, tout à l'heure, mon amie n'avait pas eu l'air très convaincue, mais le fait qu'elle l'évoque à nouveau montrait qu'elle y avait réfléchi. Brusquement, notre lointaine idée de voyage se consolidait : je ne pouvais plus faire machine arrière. Nous irions vraiment à Alola, et je demanderais à Pyon-Pyon son aide pour essayer de guérir mon amie. J'espérais réellement pouvoir faire cela pour elle.
– ...Quand on sera là-bas, tu devrais l'appeler juste "Pyon-Pyon", comme moi. Elle va prendre la grosse tête sinon.
Je laissai passer un instant, pour voir si Pyon-Pyon s'insurgeait dans ma tête, mais elle n'avait pas l'air d'être là : elle était trop loin et, comme je n'étais pas seul, je me protégeais psychiquement, malgré la détente dans laquelle le spa me plongeait. Je la contacterais dans la soirée, pour l'avertir de notre projet.
Hélène s'était éloignée du rebord pour se plonger dans l'eau, au centre du bassin. Le sourire aux lèvres, je la contemplais, serein. Il n'y avait pas que la chaleur qui me montait à la tête ; mais elle nous enfermait dans une sorte de quiétude qui me faisait relâcher ma garde, et m'aurait donné envie de passer là tout l'après-midi. Elle était vraiment belle. J'étais heureux de l'avoir retrouvée. Je lui aurais bien proposé un massage, mais j'avais peur de la façon dont cela aurait pu évoluer. Ce serait donc pour une prochaine fois : au lieu de ça, je restais dans l'eau, à l'observer. À un moment, je la rejoignis et lui indiquer une autre extrémité du bassin :
– Viens, on va profiter des remous !
À cet endroit, le rebord formait des emplacements tout spécialement destinés à accueillir les baigneurs allongés, et les arrivées d'eau disposées de façon à masser les omoplates et les reins projetaient les bulles à une puissance que je voulais absolument essayer. Nous nous installâmes côte à côte, nos bras se frôlaient à nouveau mais nous nous contentâmes de commenter l'agrément des remous, le confort de cet emplacement. Je repensais au visage figé d'Hélène, malgré l'éclat qui se lisait dans ses yeux : j'aurais aimé la voir de nouveau sourire, lorsqu'elle plaisantait ou que nous discutions simplement, comme avant – toutes les nuances de son sourire, du plus railleur au plus sincère. Je me demandais si elle avait remarqué que, moi aussi, j'y voyais moins bien qu'avant, que mon ouïe s'était détériorée – en vérité, je n'étais plus très loin d'être aveugle et sourd sur tout le côté gauche de mon visage, que Pyon-Pyon n'était pas parvenue à sauver. Cela avait déjà commencé quand nous nous connaissions, mais cela allait de mal en pis. Bien sûr, ce n'était rien de comparable avec sa propre vue à elle, et Pyon-Pyon avait déjà fait beaucoup pour moi ; j'espérais profondément qu'elle pourrait l'aider, elle aussi.
Les oreilles immergées, sourd désormais à ses paroles, j'écoutais le ronronnement des remous en fixant le plafond. Je percevais seulement sa présence à côté de moi ; elle bougeait quelquefois. J'aurais pu rester là l'après-midi entière. | | | | Contenu sponsorisé
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