Comme nous possédons la clé magnétique pour pénétrer dans l'immeuble sans sonner, Cannelle monte les escaliers du bâtiment où vivent ses parents sans qu'ils sachent encore qu'elle soit là. Elle sait qu'ils l'attendent, elle les a prévenus de son arrivée à la gare. Nous avons papillonné quelques temps, avant de venir, afin de profiter de quelques minutes de plus de calmes avant de pénétrer dans l'atmosphère étouffante du lieu de vie de nos parents. Une fois que nous sommes devant la porte, nous nous arrêtons quelques secondes, le temps qu'il faut pour que je me range quelque part, tout au fond de Cannelle, afin qu'elle fasse la meilleure impression devant ses parents. Elle pare son visage d'un faible sourire triste avant de toquer à la porte et, immédiatement, l'ouvrir pour entrer.

- Bonsoir maman, papa. Désolée il est un peu tard... Mais j'ai fini par arriver. Le premier métro était bondé, je l'ai laissé passer.

L'appartement de nos parents s'ouvre sur une pièce à vivre spacieuse dans laquelle cohabitent un salon et une salle à manger. C'est un espace lumineux, aux dominantes de blanc et crème – seconde couleur par laquelle nous ne sommes pas convaincues, mais qui ne nous dérange pas pour autant. Les meubles sont sobres, mais décorés de divers souvenirs accumulés au fil de la vie de notre famille. Il y a des souvenirs des ancêtres, jusqu'aux arrières grands-parents de notre père, ainsi que de multiples photos qui permettent de remonter notre généalogies et nos aventures diverses et variés. Ca, c'est notre mère. Elle s'est toujours accrochée à ses souvenirs, même ceux qu'elle n'a pas vécu, comme des moments précieux. Cette tendance s'est aggravée suite au suicide de Madeleine et nous nous demandons ce qu'il en sera maintenant qu'elle a perdu son petit fils.

- Coucou ma chérie !, notre mère pénètre dans la pièce. Nous constatons qu'elle a encore perdu du poids depuis la dernière fois que nous l'avons vu. Comme elle était un peu ronde, cela ne lui donne pas pour autant une allure trop fine. Nous considérons qu'elle a encore le temps d'en perdre avant que Cannelle ait l'obligation de s'alarmer. Ne t'en fais pas pour l'heure, ton père vient à peine de commencer à se mettre à la cuisine.

Elle s'approche de sa fille pour déposer un baiser sur sa joue. Ce dernier est accompagné d'un câlin que nous ne pouvons pas refuser et que nous partageons faussement afin de participer à sa joie de nous voir ainsi qu'à la peine que nous lui rappelons à chaque instant. Nous nous demandons à quel point cette dernière est aussi animée par l'empathie qu'elle ressent pour nous. Lorsque nous nous séparons, Cannelle lui dit qu'elle va aller saluer son père et espionner le futur repas par dessus son épaule. S'il y a bien une chose qui nous met en joie lorsque nous sommes chez nos parents, ce sont les repas concoctés par notre père !

- Bonsoir papa, Cannelle pénètre doucement dans la cuisine. Son père est face au plan de travail, occupé à éplucher et découper des légumes. Nous devinons que c’est pour les rôtir avec une viande au vu des autres ustensiles qui sont sortis. Bonne journée ?

L’homme nous répond d’un hochement de tête, pose ses légumes, s’essuie les mains, puis vient enfin enlacer sa fille. Notre père a toujours été un homme de peu de mots, encore plus depuis les évènements récents. Ce n’est pas qu’il n’en a pas, c’est qu’il peine à les trouver. Sa discrétion nous l’a toujours rendu plus supportable que notre mère et notre intérêt commun pour l’art de la cuisine font qu’il s’agit sûrement de l’être humain avec j’apprécie le plus devoir passer du temps.
Cannelle lui propose son aide dans la cuisine, ce qu’il accepte. Elle commence par aller se débarrasser de son manteau et de ses chaussures avant de revenir dans la cuisine. Là, elle s’attache les cheveux et s’empare des carottes, laissant son père à d’autres choses. Appuyée contre le cadre de la porte, sa mère observe la scène avec une tendresse empreinte de tristesse. Devant elle se trouve tout ce qu’il reste de sa famille après tout.

- C’était comment, Mozheim ?, finit par demander notre père.
- Oh oui ! Tu as trouvé un appartement qui te plait ?, renchérit notre mère.
- Je pense, oui, Cannelle leur décrit les lieux avec précision pour occuper l’espace de conversation et l’empêcher de dévier vers la tristesse qui nous étouffe entre ces quatre murs. J’ai déposé un dossier en tout cas, maintenant je n’ai plus qu’à attendre !

Sa mère demande si elle va continuer ses recherches en attendant, ce que nous ne sommes pas sûre de faire tout de suite. Après tout, ça prend du temps, et nous devons aussi prévoir la vente de la pâtisserie afin d’avoir les fonds de reprendre notre activité à Mozheim. Car, oui, nous le confirmons à nos parents, nous ne souhaitons pas changer d’activité professionnelle. C’est ce que nous aimions le plus dans notre mariage, après tout, même si nous le dirons pas à voix haute. A la place, Cannelle se justifie en disant :

- Je ne veux pas tout laisser derrière moi non plus… C’est impossible, de toute façon, elle accompagne cette déclaration d’un sourire à mi-chemin entre la peine et la douleur afin de sous-entendre qu’elle ne pourra jamais se défaire de son mari et son fils, même s’ils sont morts. Quoi de plus normal, après tout. Je dois trouver un entre-deux !

Cannelle prononce cette affirmation avec plus d’assurance et entend sa mère admirer son courage. Nos parents nous promettent, au moins pour la millième fois, qu’ils seront toujours présents pour nous soutenir. Quoiqu’il arrive. Cannelle est touchée, une fois encore. Moi, je me demande jusqu’où irait leur soutien inconditionnel : irait-il jusqu’à moi ? Je ne pense pas. Aucun parent aimant n’envisage ça de son enfant.

Vous n'êtes pas assez discrète. L'agent Mékonten vous attrape, et pour vous empêcher de réussir votre mission, envoie son premier pokémon.


MACHOC niv 18
Total : 104 pts à répartir
PV : 70 + 20 = 90
ATT : 80 + 04 = 84
DEF : 50 + 15 = 65
ATT SPE : 35 + 50 = 85
DEF SPE : 35 + 15 = 50
VIT : 35 + 00 = 35

Machoc attaque avec Groz'Yeux.
Rosélia voit sa défense diminué d'1 niveau (Déf. Rosélia : 70)

Stats Machoc:

- Merci pour le repas papa, c'était super bon !, ce remerciement vient autant de moi que de Cannelle. La cuisine de notre père sait toujours nous ravir.

Il répond à notre compliment avec un petit sourire fier. Pendant le repas, c'est surtout notre mère qui a fait la conversation avec sa fille. Ce n'est pas inhabituel, même si, depuis les décès de Daniel et Nicolas, elle a tendance à parler encore plus qu'avant et s'étendre sur des sujets sans intérêt afin de combler tout silence qui pourrait survenir entre elle et son enfant. Cannelle le supporte bien, car nous nous y sommes bien entraînées, mais j'ai tout de même hâte que la soirée passe autre chose. A ce sujet, nous tournons la tête vers l'horloge suspendue dans la pièce. Elle doit être aussi âgée que nous, si ce n'est plus, car nous l'avons toujours vue.

- Maman, c'est pas l'heure de ton émission ?
- Ah oui ça va commencer !, elle se lève de table, s'apprête à débarraser, mais notre père lui fait signe de laisser. Il s'en occupera, puisque lui n'a aucun intérêt pour le programme télévisé. Elle le remercie silencieusement. Ca doit être la seule personne avec qui elle est capable de le faire, communiquer en silence. Tu regardes avec moi ma Cannelle ?

Nous acceptons la proposition de notre mère et allons nous installer dans le canapé après avoir insisté pour au moins débarrasser notre propre assiette. Ce dernier est presque neuf, ils se sont séparés de l'ancien l'année dernière. Nous le préférions, car nous le trouvions plus confortable, mais notre mère a su l'agrémenter de nombreux coussin qui nous permet de nous pelotonner pour être bien installée. Un rire échappe à notre mère quand elle nous vois nous allonger et replier nos genoux pour prendre moins de place.

- Je te mets un plaid ?
- Pourquoi pas !

Elle s'empresse de quitter la pièce pour aller fouiller dans les placards de leur chambre et nous ramener un plaid qu'elle dépose délicatement par-dessus Cannelle. Il est rose, à motifs de sucreries et très doux. Nous ne le connaissons pas, mais Cannelle s'abstient de questionner l'origine de ce plaid. Nous savons déjà qu'il s'agira d'une histoire forte ennuyeuse que notre mère fera traîner en longueur comme elle a l'habitude de le faire.
Cette dernière se place à côté de nous sur le canapé. Elle tapote les chevilles de sa fille sous le plaid en lui disant qu'elle est bien installée avant d'allumer la télévision. L'émission qu'adore sa mère en est une qui met en scène des personnes lambdas mises en fausse situation de survie dans un lieu hostile. Ils n'ont pas de pokémons avec eux et doivent se débrouiller face à une faune sauvage parfaitement contrôlée en coulisses par les organisateurs de l'émission, bien que la chaîne se garde de le dire. Comme elle sait qu'ils ne sont jamais en danger et que tout est sûrement déjà décidé à l'avance, comme c'est le cas dans beaucoup d'émissions de ce genre, Cannelle se soucie peu de ce qu'il se passe à l'écran. Elle fait semblant de s'intéresser pour sa mère et afin de nous permettre de profiter de ce moment de répit.

L'émission se termine alors que nous sombrons dans une légère somnolence. Nous remarquons à peine notre mère qui regarde sa fille d'un air tant aimant que peiné. C'est lorsque la télévision s'éteint que nous réalisons que nous devions être, contrairement à ce que nous pensions, très fatiguées. Cannelle se redresse, le plaid toujours contre elle. Elle écarte les mèches de cheveux qui lui sont tombées sur le visage avant de s'étirer.

- Va te coucher ma chérie, tu es fatiguée.
- Je crois oui... Mais tu n'as besoin d'aide pour rien avant ? Toi ou papa d'ailleurs, la mère secoue négativement la tête. D'accord, je vais y aller alors.

Après son passage à la salle de bain, Cannelle prend le temps d'embrasser chacun de ses parents avant de se retirer pour la nuit dans sa chambre. Cette dernière n'a que peu changé depuis notre fin d'adolescence car nous avons rapidement pris notre indépendance. Prendre le temps de redécorer cette pièce nous paraissait futile. De plus, c'est une chambre plutôt classique car nous avions fait l'effort de la décorer en essayant de nous mettre dans la tête d'une adolescente lambda. Les éléments principaux sont donc des photos, représentant Cannelle avec ses pokémons sa famille ou ses copines, ainsi que quelques posters de groupes de musiques populaires de l'époque et des inscriptions stylisées effet bois permettant d'afficher des slogans aussi stupides que "live love laugh". Et bien sûr, une photo de Madeleine et nous enfants que nous faisions alterner entre la table de chevet et l'intérieur du tiroir du même meuble.
Avant de s'installer au lit, Cannelle tire de ses affaires la robe achetée plus tôt pour s'observer à nouveau, en la plaquant devant elle, dans le miroir en pied qui se trouve dans la chambre. Ce n'est pas que nous regrettions peut-être notre achat, c'est surtout que nous apprécions la voir avant d'aller nous coucher. Être avec nos parents et si fatigant que nous avons besoin d'un petit moment pour nous, marqué par le calme et le silence. L'appartement ne l'est jamais totalement, bien sûr, car nous entendons par exemple les pas de nos parents dans le couloir où quelques bruits nocturnes obligatoires à une ville aussi grande qu'Illumis. Mais être ici, avec seulement nos parents qui parle, est toujours plus calme que le bourdonnement de rumeurs que nous ressentons à Neuvartault. Nous avons beau savoir qu'ils ne sont pas vraiment là, parfois, pour nous endormir, nous avons besoin de poser nos mains sur nos oreilles pour les faire taire.
Il faudrait peut-être en parler, si ce n'était pas aussi risqué. Alors nous avons décidé que ce n'était que de drôles d'acouphènes.

Notre moment seules passé, nous faisons quelques exercices de respiration rythmée, afin de nous endormir plus vite, et nous blottissons sous les draps. Ils sont frais et sentent bon, notre mère met toujours beaucoup d'attention dans nos accueil. Parfois, nous nous disons qu'il est dommage que notre personnalité face que nous ne puissions pas ressentir d'affection pour nos parents, une partie de nous se dit que nous passons peut-être à côté de belles choses. Puis, notre raison nous rappelle à l'ordre : ce ne sont que des fantasmes. Car, s'ils n'étaient pas nos géniteurs, nos parents seraient comme tous les autres.
Ils ne seraient rien.