Si seulement on m'avait raconté d'aussi belles choses sur les autres régions, je n'aurais pas attendu aussi longtemps pour me prendre un peu de bon temps avec Draco. Nekhbet ? Mûshika ? Geshtinanna ? A la maison, à Parmanie, en compagnie de mes parents, de mes frères et de mes sœurs. Ils prenaient très à cœur leur rôle de famille pour mes compagnons, donc c'était tout naturellement qu'ils avaient accepté de me les garder le temps de faire ce voyage de plaisance en direction d'une contrée inconnue de la région de Sinnoh. Où ? Quand ? Pourquoi ? La réponse à ces questions n'est pas aussi trépidante qu'elle n'en a l'air : j'ai tout simplement gagné par hasard à une loterie en ligne, alors que je passais par la ville de Safrania. Je me rappelle encore de mon clic presque nonchalant sur cette page d'inscription, servant à collecter des fonds pour une association caritative pour la protection des Pokémons de type chiots et chatons. C'était uniquement mon esprit de bon samaritain qui avait fait que j'avais accepté de participer à ce jeu de chance pure, sous la tutelle d'une maman poule que j'avais eu au téléphone auparavant. Draco avait aussi été particulièrement insistant sur cette participation, comme s'il avait pressenti que j'allais gagner quelque chose, et que surtout, il allait pouvoir en profiter. Le coquin. Toujours fut-il que quelques jours après ma participation en ligne, j'ai reçu un coup de téléphone sur mon Pokédex, faisant office de téléphone auprès des autorités et instances gouvernementales Pokémon. Cet appel s'annonçait comme providentiel, ne se voulait en aucun cas perçu comme du charlatanisme ni de l'endoctrinement. Tout une imbroglio de paroles pour m'intimer au final que j'avais remporté le second prix de la fameuse loterie, et que j'étais l'heureux détenteur de deux billets pour un voyage à Joliberges, dans la région de Sinnoh. Découvrir la beauté d'un port d'exception, profiter de son très célèbre marcher maritime, et prendre soin de se détendre au sein de cette fabuleuse contrée ensoleillée et accueillante.
La surprise était au niveau de l'incompréhension suite à cet appel téléphonique. L'interlocuteur m'avait tout simplement perdu au milieu de toute sa tirade sur le bienfondé de son appel, de sa cause, et qu'il ne fallait pas croire ce que les gens pouvaient dire au sujet de telles organisations, qui sont là avant tout pour la charité et le bien être de la communauté Pokémon plutôt que de faire du profit pour financer de dangereux projets souterrains, et encore bien d'autres palabres de la même veine, pendant une bonne dizaine de minutes. Les longues conversations n'étaient définitivement pas mon fort, sauf s'il s'agit de la famille ou d'amis proches. Mais là, j'aurai autant préféré ne pas savoir que j'avais gagné de cette façon, ou alors, j'aurai préféré uniquement savoir que j'avais gagné, et on achevait la conversation là-dessus. A croire que certaines personnes dont le métier est de passer ces coups de fil peuvent être très craintives de la réaction de leurs interlocuteurs, et mettent un point d'honneur à rassurer sur la bienfaisance et la bienpensance de leur activité de collecte de fond avec en contrepartie des gains de lots conséquents. Bref. C'était histoire de faire un retour sur une situation qui m'avait laissé coi, et qui n'avait fait que me mettre en garde sur cette destination, quand bien même elle sonnait intrigante et pleine de chaleur.
En tous les cas, je n'avais pas d'urgence à proprement parler, et le système de transfert de Pokémon par pokéball et ordinateurs spécialisés dans la manœuvre fit que je n'ai eu aucun mal à confier mes compagnons à la famille, car je savais qu'ils étaient entre de bonnes mains. Le choix d'emmener Draco n'avait été une surprise pour personne, même pas pour mes trois autres amis sur pattes. Mon dragon était celui qui avait travaillé le plus fort récemment, en plus d'être le premier compagnon a n'avoir jamais relâché ses efforts depuis le tout départ, et qui avait très certainement besoin de profiter un peu de la vie et du temps qui passe, autrement qu'en s'entrainant, qu'en délivrant des prestations de coordination, ou encore en étant à la merci d'un dresseur peu scrupuleux de la santé des siens et qui pense à l'argent plus qu'au bonheur. Et puis, ça nous faisait une occasion de couper un peu avec la vie à Kantô, car mine de rien, trente-trois ans et demi de vie dans un même univers, un même écosystème, sans jamais trop voir ce qu'il se passe ailleurs ; ça peut être lassant, et très vite morose. Mais là, tout allait changer, nous avions pris place à bord de la fameuse Navette Bleue, un véhicule de transport de touriste qui faisait tout spécialement les trajets inter-régionaux. Ainsi donc, la destination de Joliberges était assurée, et nous n'avions qu'à nous laisser guider par le conducteur, qui nous offrait par moments quelques moments de chants et d'informations digne d'un guide touristique.
L'arrivée fut on ne peut plus basique. Le bus nous a déposé vers l'arrêt le plus proche de l'entrée du port de Joliberges. Le cadre était des plus pittoresques : le port longeait une côté qui semblait s'étendre à perte de vue, bercé par une gigantesque mare d'eau bleu presque roi, donnant une signification presque visuelle de la température de l'eau dans ce coin du globe. On pouvait y respire run air salin, caractéristique des lieux de bord de mer. Cependant, la petite brise qui parcourait mon crâne semblait vouloir me chuchoter que le temps était magnifique, que l'oxygène y était bon, et que je n'avais qu'à me laisser porter par les effluves marins. Le soleil était à son beau fixe, rayonnant de douceur, réchauffant les pointes de mes oreilles qui venaient de percevoir la fraicheur ambiante de cette partie la région de Sinnoh. La faune semblait siffloter et piailler au rythme des vagues, produisant des sons tout à fait exquis, se propageant tels une goutte d'eau faisant vibrer la surface de son berceau liquide. Le cadre s'annonçait déjà vivifiant et reposant, nous avions hâte Draco et moi de nous prélasser quelque part dans un établissement hôtelier, ou simplement de vacances.
Mais presque soudainement, une série de cris et autres annonces donnèrent un ton différent à la découverte de ces lieux. Il s'agissait du marché du port, une institution selon les panneaux qui jonchaient les bas-côté de la route menant de l'arrêt de la Navette Bleue jusqu'à l'entrée du port. Nous entrions dans une zone civilisée et bondée, tellement que l'on aurait presque rue aux rues de Safrania que nous avions quittées quelques jours auparavant. Un véritable marché ouvert, profitant d'une profusion d'activités humaines qui n'en pouvaient plus de s'écrier ou de vociférer des slogans pour que l'on vienne exclusivement visiter leur stand et pas un autre. Un village de pêcheurs très probablement, qui a su profiter de la notoriété de son port pour faire fleurir et prospérer des commerces de proximité, tout en assurant une certaines places pour les marchands ambulants venus aussi discuter leur bout de gras. Draco et moi nous sommes regardés, les yeux un peu écarquillés devant tant d'effervescence dans le village, nous qui venions tout juste de quitter un bus grouillant de passagers bruyants et envahissants d'un point de vue sonore. Mais je n'étais pas plus surpris que ça, au contraire, connaissant un peu le bord de mer côté sud à Parmanie, connaissant aussi un peu le contexte marin de Carmin-sur-mer et celui de Cramois'île ... je m'étais plus ou moins préparé à découvrir une telle ambiance dès l'arrivée. Après tout, Joliberges ne répondait pas au nom de ville portuaire pour rien.
Les stands s'étendaient eux aussi à perte de vue, si bien que l'horizon était obstrué par les toiles des tentes de certains stands, par les étalages d'autres, par des chapiteaux plus ou moins ornés de symboles ou de décorations plus clinquantes et toujours plus colorées les unes les autres. Le thème récurrent était bien évidemment toutes les écritures et les motifs des devantures en lien avec la mer, les produits du grand large et du commerce de matériel adapté pour faire fructifier un passe-temps de pêcheur. Nous ne savions pas vraiment pas où commencer avec mon petit dragon, mais une chose était sure, c'était que les successions d'odeurs et de parfums nous donnèrent très rapidement l'eau à la bouche. Nous choisîmes de commencer par faire un petit tour du propriétaire, de voir les types de stands, les types de produits, la personnalité des vendeurs mais aussi celles des consommateurs environnants. Je n'étais pas un expert dans le domaine culinaire ou même de la grande distribution, mais je savais pertinemment qu'un tour de visite rapide valait mieux que de suivre son instinct, primairement et sommairement régi par le second estomac de notre corps d'humain, j'ai nommé l'estomac.
Très vite, nous nous retrouvâmes à faire des dégustations : takoyakis à l'Octillery, une espèce d'encre de sèche légèrement parfumée qui donne un petit goût sucré à la viande légèrement grillé et frite à l'intérieur d'une panure fine et aérienne ; des filets de Poissoroy nous faisant de l’œil, dont la chair tachetée comme ses écailles donnait une impression de maturation naturelle, proposant certainement une qualité de mâche incomparable ; certains artisans poissonniers proposait des levages de filets de Barpau, qui frisait le ridicule chez certains, mais aussi la perfection chez d'autres ; quelques autres stands proposaient des produits du terroir à base de Serpang, un espèce de Pokémon proche de celle de l'anguille, proposant une chair presque orangée, au fumet proche de celui d'un filet de Remoraid d'âge mûr. En tous les cas, la nourriture semblait de qualité de partout que nous passions avec Draco. De mon côté, je m’offrais aussi quelques dégustations de breuvages doux pour certains, plus alcoolisés pour d'autres ; le secret était dans la modération des gorgées prises, mais aussi, de prendre soin de toujours couper le produit avec un bon verre d'eau, et éviter un phénomène d'alcoolisation rapide.
La journée allait cependant prendre une tournure tout à fait hors du commun. Nous venions de déboucher sur la fin d'une allée, devant ce qui devait être l'entrée d'un gigantesque hangar à bateaux, spécialement réaménagé et apprêté pour une animation des plus extraordinaires que j'ai eu à vivre jusqu'ici. Au sein de cette énorme bâtisse portuaire, Draco et moi venions de nous installer au beau milieu d'une assemblée d'hommes et de femmes qui n'en finissaient pas de discuter tout en chuchotant. L'atmosphère était étonnamment incroyablement tendue. Bien des personnes commençaient à fureter du regard dans toutes les directions, comme pour juger chaque âme humaine en présence, comme si un enjeu capital se déroulait en ces lieux. Je fis de même, et commençai à regarder autour de moi pour voir le type de population qui venait de se rassembler. Il n'y avait pas de looks à priori loufoque, il n'y avait pas non plus de faciès plus atypique qu'un autre. Non, vraiment, je ne voyais pas une seule personne qui se tenait assise sur une chaise un peu branlante et métallique qui n'aurait voulu prêter des motifs sombres à cette assemblée. Un détail cependant me paraissait quelque peu ... décalé. Une fillette se trouvait dans l'audience, elle devait à peine dépassé la dizaine d'année, mais tout dans son comportement semblait respirer la haute société. Même sa chevelure étincelait de brillance, comme si des heures y avaient été consacrées pour l'entretien et la coiffure. Cette petite fille était d'ailleurs accompagnée d'un pokémon aux allures d'abeille géante. Étonnant.
Mais très vite, je me rendis compte du pourquoi de cette réunion presque secrète, sans vraiment l'être. Je venais sans le savoir de me porter participant d'une vente aux enchères sur le pouce, proposant monts et merveilles à quiconque saura enchérir la somme requise pour s'offrir de beaux trésors venus de la mer. Mais quelque chose me disait que le public en question n'était pas que pour de simples lots des profondeurs. Les messes basses et les autres chuchotis semblaient cacher autre chose. Une autre information. Probablement un objet en vente d'une valeur inestimable. Les premiers lots vinrent à se présenter, et parmi eux, quelques items intéressants : une dent de Sharpedo, une écaille de Léviator chromatique, une moustache de Magicarpe, ou encore un tentacule de Tentacruel. A en croire les quelques acheteurs qui ne s'étaient vus offrir aucune concurrence à chaque fois, ces lots n'étaient que des prix de consolation si jamais ils venaient à ne pas remporter le lot ultime. Le Saint Grâal des enchérisseurs. Et encore bien d'autres désignations de la fameuse dernière série d'enchères, qui serait cruciale et qui ferait un riche heureux ou une riche heureuse dans la salle.
Les quelques lots primées par les commissaires priseurs résonnaient dans le micro : un fanon de Wailmer chromatique, parti pour quelques milliers de pokédollars ; un éclat de corne de Clamiral, vendu pour presque sept mille pokédollars ; un noisette de gelée aqueuse provenant d'un Morpheo de type Eau, un produit cosmétique inestimable pour cette vieille dame avide de jeunesse éternelle qui avait débourser pas moins de quinze mille pokédollars ; et enfin, l'avant-dernier lot, une moustache d'Oyacata, qui aurait été aperçu il y a des années de cela au large de Joliberges, et qui aurait sans doute livré un combat contre un autre géant des océans, et ayant perdu dans la bataille un bout de moustache. Ce lot n'avait pas manqué de faire osciller bon nombre de sourcils, car à en croire les racontars des lieux, l'Oyacata était connu pour être une espèce presque endémique de la région de Paldéa, et qu'une telle découverte était soit le fruit d'un pur hasard, soit une machination définitive d'un collectionneur venu de Paldéa pour faire fructifier sa pêche malheureuse de son quotidien paldéen. Mais toujours fut-il qu'un client qui s'avérait être un chef cuisinier étoilé, s'offrit la moustache, aussi connue pour ses propriétés huileuses qui ravissait des palais délicats depuis des générations. Pour pas moins de vingt-deux milles pokédollars ! Vous rendez-vous compte ? Tant d'argent pour une simple moustache.
Mais attendez, là n'est pas le clou du spectacle. Ce qui suivait vaudrait son pesant de pierres évolutions ou autres pokéblocs de choix. Le dernier lot, celui que tous les acheteurs présent au sein du bâtiment de bord de mer, faisait enfin son apparition sur la scène. Un énorme coquillage trônait sur un coussin de velours bleu roi. Il était vrai qu'une telle créature, qui n'avait pas l'air d'être un pokémon, mais qui pourtant en était un, pouvait éveiller l'intérêt d'un amateur de choses rares. Un Coquiperl. Le présentateur des enchères retraça tout le pedigree de ce pokémon coquillage, de la découverte de son emplacement et de la stupeur qu'il avait créer au sein de la communauté des marins-pêcheurs. Selon les légendes locales, il n'y avait pas de doutes : plus un Coquiperl était massif, plus sa perle était précieuse. Cela avait bien évidemment eu l'effet de provoquer la cohue sur les chaises. L'effervescence était à son paroxysme, même les allées marchandes dehors ne rivalisaient pas avec le niveau de bruit, de gestes incontrôlés et impulsifs, et de paroles plus acides et vicieuses contenues dans ce hangar. Mais très étrangement, nous n'étions que quatre à ne pas être pris dans la fureur de l'instant : la fillette à la chevelure blonde et aux allures de poupées vivantes, un couple situé quelques rangs devant moi, un homme plutôt bien bâti et une femme à la chevelure flamboyante mais sombre ; et moi-même. Comme si nous savions tous les quatre qu'une telle probabilité de découvrir en ces lieux une perle de culture d'une taille et d'une valeur inestimable était très rare, voire presque nulle. Mais pourtant, nous étions concentrés. Je n'avais pas l'intention de faire d'enchères, mais pour une fois, j'allais me prêter au jeu et voir jusqu'où les fous de billets pouvaient aller.
L'enchère commença sur les chapeaux de roue. Dix mille pokédollars à gauche de la part d'un vieil homme bedonnant. Quinze mille pokédollars de la part d'une dame d'âge moyen mais couverte presque de la tête au pied de bijoux et autres ornements de riche valeur. Vingt mille pokédollars pour une autre dame, plus coquette que la précédente, mais à l'air dédaigneux comme si elle avait pris toute l'audience de haut. Et ce fut à ce moment que les quatre protagonistes calmes de tout à l'heure entrèrent en jeu. J'allais être celui qui ouvrirait le bal, au risque de me faire prendre pour un fou.
- Quarante-deux mille pokédollars !annonçai-je avec fermeté et confiance, le sourire narquois.
Je venais de provoquer un silence de plomb. Je sentais une série de regards fusillant venir dans ma direction. A l'heure qu'il était, s'ils avaient tous eu une arme entre les mains, j'aurais pu faire office de prochain plat tout frais sur l'un des stands de dehors. Mais intérieurement, je jubilais. Et Draco semblait avoir compris mon petit manège, puisqu'à son tour, il me chipa mon petit panneau d'enchérisseur, le brandit fièrement au-dessus de sa tête grâce à sa longue queue souple et agile, faisant signe au commissaire priseur de qu'il doublait la mise.
- Un instant, quoi !! Qu'avons-nous là ?! Quatre-vingt-quatre mille pokédollars pour le Minidraco de compagnie !
Et là, c'était la stupeur générale. Je m'étonnais d'une telle machination de la part de mon compagnon, mais ce dernier avait remarqué un détail qu'il ne tarda pas à me signaler. Et en effet, alors que nous venions de faire grimper la côte des enchères de quelques bonnes dizaines de milliers de pokédollars, le couple que j'avais remarqué plus loin nous tournait toujours le dos, comme si rien ne pouvait les atteindre, comme si aucune de ses enchères ne pouvaient les faire sursauter. Un comportement bien étrange pour des amateurs de ventes, et qui n'avaient jusqu'à lors jamais formuler d'instructions pour s'emparer d'un lot. Quand soudain.
- HA ! J'en veux pour cent miiiiiille pokédollars môooosieur !pestait une petite voix aiguë, presque comme une jérémiade.
Il s'agissait de la petite blondinette de tout à l'heure. Son minois de petit poupon avait laisser place à un air plus adolescent et plus mauvais. Comme si nous venions Draco et moi de toucher une corde sensible d'acheteuse compulsive, qui pensait peut-être s'en tirer pour une bonne ristourne avec une enchère plus basse si mon compagnon n'avait pas eu la riche idée de se mêler à mon jeu. La gamine se présenta alors sous le prénom d'Eo, fille d'une richissime famille de noble, qui était là en mission pour se procurer la perle la plus rare et la plus chère de toute l'histoire des ventes aux enchères du monde entier. Un discours à la fois très puéril, et pourtant, digne d'une femme d'affaire des milieux de la haute bourgeoisie. Il n'y avait pas à dire, mais elle avait bien caché son jeu de véritable requin des salles de ventes, et ne comptait pas s'arrêter en si bon chemin. Mais voilà, tout allait prendre une autre tournure lorsque soudain, le présentateur beugla dans son microphone.
- S'IL VOUS PLAIT, ÉPARGNEZ-MOI ! PRENEZ-LE, LAISSEZ-MOI EN VIE !
Le pauvre homme chargé de l'animation de l'évènement semblait trembler de son long, mais aussi de tout son large, en la présence de deux personnes sur l'estrade principale. Il s'agissait de l'homme et de la femme du rang non loin du mien. Sans que personne ne s'en eut aperçu, le couple avait profité du moment de flottement créer par Eo, la midinette aux dents aussi longues que son compte en banque, pour s'insinuer aux détours des allées de chaises, se hisser sur l'estrade où se tenait le coquillage géant, et avait fait appel à deux pokémons pour tenir le pauvre commentateur en ligne de mire. Si mon Pokédex ne mentait pas, il s'agissait d'un Kicklee, accompagné d'un Mysdibule. Deux pokémons connus pour leur ténacité et leur sens aiguisé du combat. Il y avait véritablement de quoi s'inquiéter, car si personne en faisait rien, un objet d'une valeur inestimable était sur le point d'être subtilisé au nez et à la barbe de tous. Mais si par malheur quelqu'un décidait de jouer les héros, alors il y avait fort à parier que les deux pokémons se seraient chargé du ou de la malheureuse, et qu'un séjour aux urgences était à prévoir.
Très discrètement, j'avais ordonné à mon Minidraco de se lover à même le sol, tout en remuant la queue pour commencer à créer des courants d'air très brefs. Mon regard était attentif et ma posture calme et sereine ; ce qui ne manqua pas d'attirer le regard de la lolita à la chevelure étincelante, qui me fit un signe de la tête en direction de son Pokémon, une Apireine, comme pour indiquer que s'ils joignaient leurs efforts, ils pouvaient éventuellement faire échouer le plan du couple de malfrats. Je lui répondis par l'affirmative d'un léger hochement de tête en retour, ce qui eut comme effet de la faire passer à l'action. Sans que l'on eut le temps de comprendre ce qu'il se passait, la petite Eo révéla qu'elle faisait partie des Rangers Pokémon de la région, et qu'elle avait été assignées à Joliberges le temps de l'organisation de cette vente aux enchères. Pendant qu'elle expliquait le pourquoi de sa présence, je la vis faire quelques gestes de la main, qui firent se mettre en action l'Apireine qui était restée postée derrière la défenseuse de l'écosystème des pokémons marins. Et tout s'accéléra comme dans un film d'action.
Draco avait fait entrer bien des courants d'air qui vinrent se transformer en une espèce de mini-tornade vers l'estrade où se trouvait le fameux couple de roublards. L'attaque Ouragan, pour celles et ceux qui ne la connaissait pas, pouvait donner des airs de cataclysme miniatures qui menaçait de s'abattre sur leurs têtes, mais il n'en était pas la question. La manœuvre était de dissuader l’opposition de faire quoi que ce soit d'inconsidéré, sous peine de créer un contexte qui pouvait résulter à des blessures légères comme sérieuses. L'Apireine de la ranger à la chevelure de poupée s'introduisit dans l'Ouragan, afin d'y lancer une compétence propre à son type Insecte, Piqûre. L'abeille de grande taille se servit de la mini-tornade provoquée par Draco pour lacérer et piquer ses ennemis dans un rythme effréné et avec une puissance telle qu'elle n'eut aucun mal à les faire s'agenouiller de douleur. Le couple embusqué n'eut d'autres choix que de s'écarter des bourrasques aériennes qui se tenaient non loin d'eux, rappelèrent leurs pokémons, et commencèrent à reculer pour tenter de rejoindre l'autre côté de l'estrade pour tenter de se faire la belle.
Manque de chance, il avait oublié une présence cruciale dans l'équation : la mienne. Je n'avais pas hésité à utiliser le timing des attaques de l'Apireine pour me faufiler à mon tour dans les allées, afin de me rapprocher de la scène, en compagnie de Draco, qui s'efforçait de maintenir un degré de contrôle sur son attaque Ouragan. Puis lorsque les deux amoureux fictifs entamèrent leur phase de recul sur la scène, j'ordonnai à mon serpent-dragon de se lover autour d'eux, et d'appliquer la technique Ligotage, opérant ainsi une constriction immédiate, qui était maintenant impossible à défaire. La tornade elle s'arrêta, mais emporta le coquillage dans son sillage. Les acheteurs et acheteuses de la salle assistaient, impuissant, à la scène qui se déroulait. Le Coquiperl était en lévitation, opérait une sorte de parabole dans les airs, avant d'entamer un début de chute brutale vers le sol. Eo, la petite fille à papa de riche, tenta tant bien que mal de courir vers le point d'impact du coquillage géant, mais le manqua de quelques centimètres, la faute à un physique peu adapté au sprint improvisé.
La stupeur gagna l'assemblée. Personne n'osait s'approcher du coquillage qui semblait s'être ouvert contre le sol. On ne voyait rien, ni l'état de l'autre face du Coquiperl, dirigé contre le bitume froid et bétonné du hangar, ni son précieux et riche contenu. Très vite, la jeune ranger rappela qu'elle était la dernière enchérisseuse, et que c'était à elle et elle seule de réaliser une quelconque action concernant sa nouvelle acquisition, chèrement payée. Le reste du scénario se dévoila sous nos yeux, et je crois que si j'avais eu l'opportunité de revenir en arrière, et de ne pas entrer dans ce hangar, je pense que je l'aurais fais, et sans regret. Eo récupéra le Coquiperl ouvert dans ses mains, et cria de douleur face au spectacle qui s'offrait devant elle : la perle de culture n'était pas plus gros qu'une bille de circonférence moyenne. Ce qui devait être une légende bien connue de la localité s'avéra être une farce ridicule et presque ironique tellement le grabuge engendré pendant cet évènement avait été rocambolesque. Alors que la foule s'affairait autour de la jeune nouvellement dépouillée de son argent, véritable dindon de la farce, deux agents de police vinrent à ma hauteur, pour me demander de relâcher l'étreinte de Draco, et leur laisser s'occuper de ce jeune couple. Qui n'étaient autre que des membres de factions Sbires, répondant au nom d'Axel et Sophia, connus de leurs services, et probablement venus en quête de s'emparer d'un pokémon et de son contenu mirobolant. Une double ironie, compte tenu que ces deux criminels ne se seront battu et n'auront pris des risques que pour une simple petite perle de culture, tout juste assez nacrée pour faire office de perle d'ornement sur un bijou de qualité moyenne.
La fin de la journée fut beaucoup plus calme et beaucoup plus apaisante. Les grosses festivités de la journée avaient laissé place à des animations de bord de plage, proposant aux passants et autres professionnels du coin de profiter de quelques spectacles divers et variés : de la pyrotechnie assistée par Pokémon ; quelques petites concerts de la part de musiciens accompagnés de leur compagnon, qui n'avaient pas manqué de faire danser Draco ; quelques pièces de théâtre jouées à flanc d'eau sur la plage, pour remettre en acte des passages légendaires de mythes locaux. Les animations se suivaient et se suffisaient. J'étais comme un enfant qui découvrait un parc d'attractions, et qui en plus, avait été l'un des héros de la journée. Les quelques commerçants qui avaient fait partie de l'assemblée des enchères - m'ayant reconnu aux détours de quelques galets de plage - s'étaient déplacés pour me remercier les avoir protéger à ma façon, tout en m'offrant quelques mets culinaires tous aussi succulents les uns que les autres. Il n'y avait pas à dire, ces vacances commençaient d'une bien belle manière. Voire d'une bien trop belle manière même.
« Pourvu qu'il n'y ait pas plus de choses dans ce genre, hein Draco ? » ... avouai-je à haute voix, suivi d'un petit rugissement en harmonie avec la mélodie de quelques musiciens encore dans l'assemblée, comme pour m'indiquer qu'il s'amusait, et que cette aventure ne faisait que commencer.
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