Madison et moi ne nous attendions pas à ce que les événements se déroulent de cette manière. Il fallut attendre que passe la surprise première pour saisir l'incongruité de la situation. C'était la toute première fois que cela nous arrivait. Et, bien que je fusse intéressé, je n'avais pas l'esprit suffisamment compétiteur pour lutter. « Je vais être beau joueur et te laisser la place. » Il y avait peut-être aussi une question d'ego là-dedans ; je préférais clairement me retirer avec panache plutôt que de prendre le risque de perdre contre Mads.

Cette dernière ne se fit d'ailleurs pas prier, elle partit immédiatement dans la direction de ce grand blond que nous admirions de loin. « You go, girl ! » lui lançai-je. Elle y répondit d'un pouce en l'air. Ainsi, cela signait le réel coup d'envoi de cette soirée. Et si Esmée n'était pas venue dans l'idée de flirter (ou plus), je l'étais. Pour autant, puisqu'il ne restait qu'elle et moi, je n'allais pas la lâcher pour dragouiller. J'avais tout de même un sens des priorités et c'était totalement du bros before hoes, comme j'ai pu l'entendre depuis mon arrivée à Galar. Nous quittâmes le bar - nos boissons étant terminées - pour rejoindre la piste de danse.

Il a fallu se frayer un chemin entre tous ces corps s'agitant sur le rythme de la musique. Cela peut paraître bizarre mais, croyez-moi, on prend l'habitude, à force. Je dirais même qu'on y prend goût, à cette proximité., J'irai même plus loin en disant que j'appréciais réellement cette promiscuité corporelle et l'énergie qui s'en dégage. Esmeralda et moi en profitions au maximum : nous avons dansé, nous avons ri, nous nous sommes lâchés, en somme. Et grand Arceus que ça fait du bien après ces jours éprouvants. C'était exactement ça, je voulais m'amuser, me sentir vivant. En compagnie d'Esmée, je ne risquais pas d'être déçu !

Vint cependant le moment où il fit soir. Je demandai à Esmée si elle souhaitait quelque chose à boire, elle me répondit d'un non de la tête. Je fis alors volte face en direction du bar. Un certain nombre de personnes s'accumulaient derrière le comptoir. J'allais devoir faire preuve de patience avant d'être servi, mais cela le convenait ; j'y étais habitué. Certains jouaient des coudes et des épaules pour me passer devant et être servis plus rapidement. J'en faisais fi. La soirée commençait à peine et j'avais passé l'âge de me bourrer la gueule le plus efficacement possible. Faire ce constat me coûtait, mais je devais l'admettre : je n'avais plus dix-huit ans. Le moment de torpeur se dissipa cependant bien vite lorsque je me retrouvai contre le bar. C'était à moi de commander. « Deux shots de tequila, please. » « La même, et je règle pour nous deux. » Une voix masculine, je me retournai pour identifier sa provenance.

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Légèrement plus grand que moi, la première chose que je remarque fut ses yeux, ce regard perçant et... mutin ? Je ne sais plus trop. Ce que je sais, en revanche, c'est que j'appréciais la vue. Roux, une barbe soignée et un torse qui l'était également. Je n'ai pu me retenir d'avoir une vue d'ensemble de cet homme qui venait de m'offrir ma conso. J'étais intrigué car j'avais pour habitude d'être celui qui aborde ; les tables étaient renversées pour cette fois et la prise d'initiative avait quelque chose d'attrayant. Pour autant, je ne comptais pas me laisser charmer aussi facilement. Je suis joueur, je l'ai toujours été, d'aussi loin que je puisse m'en souvenir ; ce moment ne fit pas exception.

« Merci, je m'appelle Eddie. Et toi ? » Impossible de s'entendre et je voyais bien à son visage qu'il ne parvenait pas à comprendre. Je posais alors mon index sur mon torse, me pointant donc du doigt. « EDDIE. » La grimace d'incompréhension sur son visage ne disparut pas, quand bien même j'avais haussé la voix. Il fallait donc trouver une solution, et je l'avais. Je saisis sa main et la tourna de sorte que sa paume soit vers le haut. De ma main libre, je me pointai du doigt une nouvelle fois avant d'épeler mon prénom dans le creux de sa main. « Ah ! Eddie ? » Je n'étais pas certain de ce que j'entendais, mais c'était au moins approchant.

Sans même que j'eus à le demander, les rôles s'inversèrent. Le rouquin se saisit de ma main et commença à y tracer des lettres. Je m'efforçais de me concentrer, malgré l'effet de son assurance sur moi, pour bien distinguer les lettres qu'il formait. Joshua. J'étais quasiment sûr de mon coup. Je m'approchai un peu de son oreille en cherchant à articuler le mieux possible sans avoir à crier. Il acquiesça. Ces présentations - quelque peu laborieuses - avaient eu le mérite de nous occuper le temps que nous fûmes servis. Comme annoncé, Joshua régla pour nous deux. Je lui renvoyais un soupir avant de descendre le premier shooter et de le reposer aussi sec sur le comptoir, le tout avec un regard qui mettait au défi de me suivre à l'attention du rouquin. Je vous ai déjà dit que j'étais joueur ? Et Joshua suivit. Je voyais sans mal où tout ceci allait nous conduire, et je suis convaincu qu'il en était de même pour lui. Le second shot tomba dans la foulée, ce qui voulait dire retour à la piste de danse. Cependant, je ne comptais pas rejoindre Esmée seule : Joshua allait me suivre.

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Un signe de la tête avait suffi pour faire comprendre au rouquin que j’allais rejoindre la masse de corps en mouvement sur la musique. Je n’étais pas certain de retrouver Esmée là où je l’avais laissée, mais ne m’en inquiétais pas pour autant. Un coup d’œil rapide avant de me mêler aux autres me permit de voir Maddison pleinement occupée avec le grand gaillard. Parfait. Je sentis alors une pression sur mon poignet qui me fit m’arrêter. En regardant derrière moi, je pus m’apercevoir qu’il s’agissait de Joshua. Le fait qu’il ne veuille pas me perdre ne fit que confirmer que je lui avais bel et bien tapé dans l’œil. Mon ego s’en retrouvait surgonflé. J’étais de nature assurée, mais là, j’étais convaincu qu’il me mangerait dans la main, et l’idée me plaisait. Pour une fois, ce n’était pas moi qui tentais d’attirer, de charmer, de séduire. Qu’on ne se méprenne pas, j’aimais le challenge qu’il y avait à cela, et pas qu’un peu ; c’était cependant rafraîchissant de se retrouver de l’autre côté de temps à autres. Nous avançâmes alors, moi perçant la foule, Joshua à ma suite.

Quelques secondes suffirent pour que je repère Esmée et que je la rejoigne. Elle me fit signe avant que son regard ne se pose sur le rouquin que j’amenais avec moi. J’eus presque aussitôt l’approbation de la brune. Joshua avait passé la validation première et heureusement pour moi, je comptais bien poursuivre la soirée en sa compagnie. Il ne fallut pas attendre bien longtemps avant que Joshua prenne une nouvelle initiative : se rapprocher de moi. Nous gravitions l’un autour de l’autre, et bien vite le reste fut éclipsé de mes pensées. Esmée, Mads, tous ces gens autour de nous. C’était intense, un véritable jeu de séduction des deux côtés, pour voir lequel des deux allait craquer, lequel des deux céderait le premier à la tentation. Des mains glissèrent furtivement, des visages s’éraflèrent, des souffles se partagèrent. Quand on me lance un défi – sans même qu’il soit explicite – je le relève. Ma petite fierté me poussait à narguer le rouquin, à frôler les limites sans jamais les dépasser, pour le pousser à bout. J’étais sans pitié, je ne lui épargnais rien, et je voyais sans mal dans ses yeux qu’il luttait. J’aimais ce petit jeu du Chacripan et du Ratentif, j’aimais l’idée de vouloir se rapprocher du feu à la limite de s’en brûler les ailes. Ce feu, je l’attisais, tout en m’efforçant de ne pas succomber au retour de flammes.

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