La différence entre la ville et le village est frappante, c’est le jour et la nuit. Meilyne apprécie la tranquillité de son coin perdu, mais la nightlife dégage une charmante énergie qui donne l’impression que sous la lune… tout est possible. En ville, la blonde ne s’aventure jamais très loin. Malgré sa flagrante stupidité, Mei n’oublie jamais son identité. Être une femme dans ce monde est pénible. Pour certains, son existence est une invitation pour la toucher. Son sourire est un signe qu’elle est intéressée et prête à se mettre à genoux devant l’homme. Le choix de ses vêtements est une provocation volontaire, un cri de désespoir pour que des mains caressent son corps. Quand elle se penche pour ramasser un crayon, c’est pour bien sûr attirer l’attention des garçons. Quand elle lèche une glace à la vanille, c’est pour être sensuelle. Quand elle est amie avec un mec, c’est pour ultimement finir sous les draps avec lui. S’attacher les cheveux pour éviter de serrer les pantalons des hommes, mettre des vêtements amples et longs pour passer inaperçu, éviter de croiser le regard d’un passager, ne pas répondre aux insultes et aux compliments… c’est si amusant d’être née dans cette peau.

Ses mains s'agrippent au guidon comme si elle serrait le cou d’un homme : Elle l’étouffe et elle y enfonce ses ongles. Elle espère voir la peur dans les yeux de cette pourriture imaginaire. Meilyne ferme les yeux… Elle peut voir les larmes couler sur les joues de l’homme, de la morve s’échappe de son nez, son visage est rouge comme la rage de la jeune femme, il se débat, mais il est si faible, faible, faible, FAIBLE.

« aaaaAAAAH STOP ! »

Meilyne ouvre ses yeux et freine à fond avant de frapper un piéton. Elle s’excuse sans vraiment prendre le temps de s’arrêter, elle n'a rien à faire de cet inconnu, elle est arrivée en ville et c’est tout ce qui compte pour l’instant ! Son sourire réapparaît, les machines distributrices sont à quelques mètres de ce point. Les meilleures se trouvent dans le quartier des restaurants et des bars, l’endroit le plus bruyant de la Terre. Une seule chose les différencie des autres machines : les gens bourrés échappent facilement leur monnaie et ne font pas d’effort pour la collecter.

Le cœur de la blonde palpite en arrivant à destination. Son vélo, enfin le vélo du gamin, est abandonné sur le trottoir, elle ne compte pas rester longtemps alors elle ne l’attache pas à un poteau. Meilyne scrute le sol, mais il n’y a pas de pièce. Même si elle se penche pour observer sous les machines, il n’y a rien, comme si quelqu’un avait eu la même idée qu’elle. Le gargouillement de son ventre est encore plus fort qu’il y a quelques heures, comment doit-elle retourner au village sans avoir grignoté un sac de chips ou une barre de chocolat ? La lycéenne s'assoit contre une machine et laisse tomber sa tête dans ses mains. Elle ne lutte pas contre l’envie de pleurer, ça ne lui sert à rien de se battre dans le vide. Elle en a marre. Toujours fatiguée, toujours faim, toujours en retard… une mère absente, un monstre comme père, des amies qui ne sont pas des amies et un avenir qui ne brille pas. Avec de l’argent, elle pourrait louer une chambre, se préparer des repas et dormir sans craindre une attaque. Meilyne relève sa tête et essuie son visage avec les manches de sa chemise. Elle observe une file de gens devant une boîte de nuit de l’autre côté de la rue. Uhm… L’entrée est gratuite, l’alcool embrouille l’esprit des fêteurs, ce ne serait pas une première si quelqu’un se fait voler quelques billets.

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