On donne l’ordre à Rah et à Onyx de rester garder nos affaires et on se dirige vers le café. Je n’ai pas de souci à me faire ; ils ont l’habitude d’effectuer cette tâche et jusqu’à présent, on ne nous a jamais rien volé. Certes, on n’a pas grand-chose mais si on se faisait chourré le peu qu’on a… On serait encore plus dans la mouise. Le trajet est rapide et ça laisse le temps à personne de parler, on se contente de suivre Naara à l’intérieur. Toshio la suit de prêt et il ne manque pas de s’écrier rapidement.

- Oh ouais y a un flipper !

Un vrai gosse. Toujours. Ça a le mérite de nous faire sourire quand même, une nouvelle fois. Bizarrement, le comportement puéril et naturel de ce gamin a le don de m’amuser plus qu’il ne me perturbe. C’est vrai que ce n’est pas le genre de réaction qu’on attend d’un adulte… Parce que physiquement, il a notre âge voire il est plus vieux que nous. Ça ne me viendrait pas à l’esprit de m’extasier sérieusement sur ce genre de découverte. Bon, en même temps, c’est aussi parce que je n’ai pas les thunes pour me payer une partie et quand bien même, je trouve ça idiot de claquer notre fric là-dedans. Cinq minutes de plaisir pour le prix d’un repas, nah, ça ne m’a jamais intéressé.

Le patron a salué Naara et Toshio, mais il semblerait qu’il soit surpris de nous voir. Peut-être qu’il s’attendait à ce qu’on quémande son aide. Je ne sais pas trop. En tous les cas, on suit la rouquine qui s’est installée à une table, assez loin du bar et des autres clients. Il n’y a pas grand monde pour le moment, mais même si quelqu’un arrive, on devrait être à l’abri des oreilles indiscrètes. Pour l’instant, l’éleveuse a demandé à l’enfant de rester tranquille. Je pense qu’à un moment, elle va le laisser s’amuser avec le flipper… Pour pouvoir nous parler. Ce serait un comportement logique à avoir et je ne doute pas que la jeune fille aimerait en savoir plus sur nous. Je ne saisis juste pas pourquoi ; elle aurait très bien pu continuer son chemin, comme le fait le reste du monde.

- Prenez ce que vous voulez.

J’essaie de ne pas m’agacer d’entendre cette phrase. Je l’entends trop souvent et ça me frustre. Un jour, j’aimerai être celui qui le dit. Mais clairement, ce n’est pas pour tout de suite. Nos regards se posent sur la carte et on entend Toshio demandé si le bar fait des Dame Blanche. Naara lui rappelle que ce n’est pas le temps pour prendre une glace. Je ne savais même pas ce que c’était, comme dessert. Adri me pointe l’Irish Coffee sur la carte et j’ai un léger sourire. C’est vrai que de l’alcool pourrait aussi nous réchauffer en plus du café compris dedans… Mais naturellement, mes yeux ont dévié sur le prix et me font grimacer. Hors de question. Mon meilleur ami semble penser qu’on devrait faire le maximum pour saler la note et avoir de quoi tenir jusqu’à demain, mais je refuse de profiter ainsi de la gentillesse de Naara.

J’opte finalement pour un chocolat chaud avec marshmallow. La consistance des sucreries devrait caler un peu plus mon estomac. En plus, je sais que le patron est généreux et qu’il rajoute par-dessus de la chantilly. Ça me fait trop envie, maintenant que j’y pense. Adri finit par abdiquer et prend la même chose que moi, sauf qu’il ajoute une part de tarte au citron. Erf, il n’aurait pas pu prendre un autre truc ? Je n’aime pas le citron, c’est trop acide. Sauf que maintenant que Toshio s’est rendu compte qu’il y avait aussi des gâteaux maison, il en veut une aussi. Naara en prend une aussi et me demande si j’en veux aussi. Hum.

- Max n’aime pas le citron. Mais si tu veux y a de la rhubarbe.

… Il n’était pas obligé de parler à ma place. Je soupire une nouvelle fois et j’acquiesce ; va pour la rhubarbe. Ça fait cher payé pour ce que c’est, quand même. Pour le même prix on aurait une tarte entière à la supérette… Ce ne serait pas la même qualité c’est sûr mais on n’a pas les moyens de faire les fines bouches. Le patron vient prendre notre commande et demande à Naara de régler la note. Je ne crois pas qu’il procède de cette façon à chaque fois, sans doute qu’il se méfie parce qu’on est avec elle… Je ne peux pas lui jeter la pierre. Il s’est déjà montré particulièrement arrangeant avec nous mais il a aussi un business à faire tourner.

- Tu te sens bien, Max ?

Ah. Je relève la tête, constate que la rouquine me fixe. Elle semble inquiète, sans doute parce que je tire une gueule de déterré depuis tout à l’heure.
J’aimerai bien agir comme si de rien n’était, pas ce n’est pas le cas.

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