Un nouveau soupir et voilà qu'Erika se lève. Maintenant que tu sais, ton regard glisse vers son ventre lorsque la table le dévoile avant de remonter vers son visage. Cela ne lui échappe pas au vu de la grimace qu'elle t'adresse. Elle attrape son manteau et entreprends de le draper autour d'elle, puisse glisse les bras dans les manches. Sur le départ, donc. Deux gorgées et tu as terminé ton café. Elle récupère son sac à main dans ce laps de temps.

« C'est bientôt l'heure de l'appel de Lance. »

L'explication est loin d'être nécessaire et t'offre plus de questions que de réponses.

« Tu peux marcher avec moi jusqu'au taxi. »

Elle le proclame comme si c'était là un honneur qu'elle te faisait. Tu lèves les yeux au ciel, peu réceptive à son attitude de princesse. Elle peut le dire comme elle le veut, il est évident que c'est toi qui lui rend un service en lui emboîtant le pas vers la sortie. Elle souhaite encore parler et ta curiosité est encore trop présente pour que tu lui refuses quelques minutes de plus.

Dans la rue, elle s'emmitoufle dans son manteau, son épaisse écharpe bien serrée autour de sa gorge, et, comme si elle ne paraissait pas déjà assez frileuse, grommelle contre le vent piquant qui souffle entre les hautes façades. Peut-être est-ce un autre signe de sa grossesse. Elle a beau ne pas arborer un ventre proéminent, quelque chose s'y développe et doit lui grignoter son énergie.

« T'en veux pas de ce bébé ? »

C'est dit sans une once de délicatesse. Tu ne sais pas si c'est à cause de ça qu'elle s'arrête net pour te lancer un regard plein de surprise ou si elle ne s'attendait simplement pas à ce que tu envisages cette possibilité. A moins que ce ne soit simplement parce que ce genre de question ne se posait pas. Elle se remet en marche, les sourcils froncés, et accélère un peu le pas. Au vu de sa moue lorsque tu te cales sans plus d'efforts que ça à ses côtés, l'effet qu'elle a voulu se donner n'a pas fonctionné.

« Je pourrais être maman. »

Elle paraît plus pensive, une main à nouveau posée sur son ventre. Tu n'es même pas sûre qu'elle ait pris conscience de son geste. Ses yeux restent portés droit devant elle. Peut-être que tu n'aurais pas dû t'engager sur une pente aussi glissante. Tu ne regrettes pas ta brusquerie, juste les conséquences. L'émotivité dont elle va sans l'ombre d'un doute faire preuve.

« Mais pas de lui. Je vais le détester si je le laisse être une entrave de plus dans ma vie.
Hm.
Tu me trouves pas horrible de penser comme ça ?
Tu me donnes pas l'impression d'être le genre de personne qui se soucie de ce que les autres pensent d'elle. »

Lorsqu'elle relève la tête et que vos regards se croisent, elle sourit pour la première fois depuis qu'elle s'est assisse à ta table. C'est à vrai dire aussi la seule réaction positive qu'elle a esquissé jusqu'ici. Tu détournes les yeux sans trop savoir quoi en penser et elle pouffe, se sentant sans doute victorieuse. De quoi, tu n'en sais rien.

« Le mari sait ? »

Cette fois, elle rit, un peu amère.

« Je ne pourrais plus mettre un pied dehors sans lui si c'était le cas. Mais il espère. Il se pense si intelligent. Comme si je n'allais pas remarquer que ma pilule avait été remplacée par un placebo. »

Quand elle avait suggéré que son mari était contrôlant, tu n'avais pas pensé que c'était à ce point. Il faut être sacrément tordu pour agir de la sorte.

« Et, pourtant, tu es enceinte.
Rien n'est fiable à 100%. »

Elle bougonne avec un regard mauvais dans ta direction. Elle n'aime vraiment pas l'impression d'échec.

« Tu peux continuer ton chemin maintenant. »

La station de taxis volants juste devant le centre médical est désormais en vue, ta présence n'est donc plus souhaitée. Erika est bien forcée de s'arrêter avant un passage pour piétons, le feu étant rouge, tu attends donc quelques instants de plus.

« J'ai toujours pas eu ma réponse. »

Tu glisses, pensivement, les yeux levés vers un ciel grisâtre.

« Quoi ?
En quoi ton histoire me concerne ? Ni même ce que tu penses avoir accompli en m'en parlant.
On en reparlera. Je sais où tu habites après tout. »

Le feu piéton passe au vert au même moment ce qui lui permet de reprendre à sa route. Après quelques pas, elle se retourne pour t'adresser un sourire espiègle, puis disparait dans la foule.

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fuite avec flûte noire:

3 janvier

Nouvelle année, même quotidien. L'horloge de ton ordinateur indique dix heures et douze minutes et tu es coincée au bureau en l'absence d'un cas concret sur lequel travailler. Tu as beau savoir que la période n'est pas propice aux affaires, tourner en rond n'a rien de plaisant. Tu commences sérieusement à envisager de te trouver une activité secondaire - plus ou moins légale, tu ne sais pas encore -, histoire d'occuper un peu plus tes journées lors des moments de creux, ainsi que pour booster le remplissage du coffre planqué dans ton studio. Tu te débrouilles pour vivre, mais tu manques cruellement de gros dossiers et ce sont eux qui pourraient apporter des fonds te permettant de sortir de ta stabilité financière actuelle. Et puis, on ne va pas se mentir, les temps deviennent plus durs. Peut-être est-il temps que tu revois ta décision de rester à Winscor. Elle a beau être la ville des possibilités, tous les habitants sont loin d'être égaux. Un détail dont tu fiches bien sauf lorsque cela te concerne. Ton problème vient du fait que la concurrence est dure ici. Tu as trop de rivaux et ta réputation pourrait être meilleure. Elle n'est pas mauvaise non plus, elle pourrait plutôt faire un peu plus parler d'elle. Bien sûr, cela te permet aussi de récolter des clients qui se font souvent rejeter par des privés mieux placés, mais on n'en revient à cette problématique que ce n'est pas avec les restes que tu vas pouvoir te construire une meilleure situation. En résumé : tu es un petit poisson dans un océan de requins et l'idée commence à te déplaire. Ce n'est pas une question d'ego, juste d'opportunités. Il faut que quelque chose change. Tu le sais, tu n'as simplement pas encore décidé quoi.

Un tiraillement léger au bord de ta conscience attire soudain ton attention. Shamir s'est redressée et fixe la porte. C'est un avertissement de principe qu'elle t'a envoyé alors que tu étais plongée dans tes pensées. Tu fixes ton attention au même endroit qu'elle, perçoit le grincement du parquet dans le couloir, la silhouette qui progressivement se dessine derrière la vitre fumée. Deux coups sont frappés.

« Entrez. »

Tu appelles tout en fermant le capot de ton pc. Il n'est pas rare que des clients se présentent sans rendez-vous. Visiter un détective privé est une activité qui n'a rien d'habituelle et tient parfois du simple coup de tête. Le doute est un allié puissant pour toi.

Un homme se glisse à l'intérieur de ton bureau, les gestes hésitants. Il doit avoir ton âge, peut-être un peu moins. Ses traits sont encore très poupins et les boucles lâches qui lui encadrent le visage n'aident pas à lui donner un air plus mature. Tu captes certains détails par habitude. La montre qui dépasse de la manche d'un sweat-shirt basique, les baskets voyantes, le port de tête qu'il conserve malgré une démarche un peu lourde. Il ne vient pas de la classe populaire même si lui non plus ne doit pas être un requin dans son milieu.

Il te scrute en retour et se détends au fur et à mesure qu'il te découvre. Ton âge doit jouer, peut-être aussi le fait que tu sois une femme. Malgré un regard méfiant adressé à la Lucario, il s'avance plus franchement vers ton bureau. Tu te redresses, captes dans ce rapprochement l'odeur un peu écœurante d'un déodorant. Toujours dans cette phase, donc.

« C'est toi la détective ? »

Pas de politesses. Tu notes, t'adaptes. Tu hoches la tête pour confirmer, une main lui indiquant l'un des sièges où il peut prendre place. Tu reprends ta chaise lorsqu'il s'assied. Après tes derniers cas, le changement n'est pas désagréable. Avec un peu de chance cela te permettra de limiter les détours.

« Première fois ? »

Il fronce les sourcils, un peu confus, jusqu'à ce que tu indiques d'un coup de menton les mains qu'il tord devant son ventre. Son anxiété est trop évidente. Il sursaute légèrement avant de les fourrer dans la poche ventrale de son pull.

« Ouais. J'pensais pas faire ça un jour. »

L'homme avoue avec un soupir, les yeux posés sur les quelques objets qui parsèment le bureau. Il paraît un peu honteux, sans doute à cause de son langage corporel trop évident, mais aussi d'avoir à faire appel aux services d'une personne comme toi. Après tout, on allait pas chez un détective si on avait pas entre les mains un problème que l'on était incapable de régler sans un peu d'aide.

« C'est un service comme un autre. »

Tu hausses les épaules.

« Et si tu me disais pourquoi t'es là ? »

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apparition d'un Pokémon, s'il vous plaît :3

Chuck Ellis est de toute évidence le fils de quelqu'un. Il ne le dit pas de cette façon et ce nom n'agite aucunement ta mémoire mais tu le comprends en lisant entre les lignes. Il vit confortablement grâce à l'argent avec lequel il est né et se donne l'impression d'être un petit mec comme un autre en exerçant un boulot sans grand avenir. Il sort avec Claire, sa petite amie - presque fiancée selon ses dires -, depuis trois ans et c'est autour d'elle que tourne le problème qui l'a poussé à venir toquer à ta porte. Un coup classique.

« Qu'est-ce qui te fait douter de sa fidélité ? »

L'homme s'est relâché à force de parler et il est désormais avachi dans sa chaise offrant l'image même de l'amoureux torturé par le doute. Il se masse la nuque avant de soupirer, fuit ton regard, puis réponds.

« Il y a quelques mois, elle s'est inscrite à un cours de poterie. Elle y va deux fois par semaine après le boulot. Mes potes me trouvent con quand je dis ça, mais, j'sais pas, elle parait plus heureuse depuis ? Je suis sûr qu'elle a rencontré quelqu'un là-bas. »

A sa moue mi-peinée, mi-dégoûtée, tu imagines assez bien ce qu'il a été se fourrer comme idées dans la tête. Tu retiens difficilement ton sourire, ainsi qu'un commentaire. Une blague sur Ghost serait de mauvais goût et pourrait te coûter un client. Tu ne manqueras pas de la partager avec Six plus tard, même si tu n'es pas certaine qu'il la trouvera marrante.

« Il va me falloir l'adresse de cet atelier de poterie, ainsi que les heures où elle s'y rend. »

Tu fais glisser un bloc-note et un bic dans sa direction dont il s'empare d'une main fébrile. Sa calligraphie est un peu brouillonne et il n'a qu'un nom à te donner. Tu n'insistes pas. Tu récupères le carnet que tu poses à côté de ton ordinateur avant d'enchainer.

« Tu as une photo d'elle ? »

Il hoche la tête, sort son smartphone, le déverrouille grâce au lecteur d'empreinte digital, et scrolle un moment. Lorsqu'il tourne l'écran dans ta direction, tu y vois une photo de couple. Chuck et une jolie blonde aux cheveux bouclés s'enlacent devant une attraction quelconque. Ils ont l'air heureux. Le sourire qu'elle affiche est de ceux qui se transmettent, pas de ceux que l'on feint. Tu attrapes ton propre téléphone.

« Je me permet. »

De la pulpe de deux doigts, tu zoomes sur le cliché avant de le photographier. Cela suffira pour le moment. Tu ne penses pas qu'il sera difficile de la reconnaitre durant ton enquête. Tu ne penses pas non plus que cette affaire sera bien difficile. Lorsque c'est terminé, vous rangez vos portables.

« Je vais faire de ce dossier ma priorité. »

Inutile de préciser que c'est parce que tu n'as rien de mieux à faire pour le moment. Avec une telle déclaration, tu t'attires sa sympathie et sa confiance. Il paraît soulagé.

« Vis à vis de mes honoraires- »

Il te coupe en sortant une enveloppe de la poche de son pantalon. Elle est légèrement bombée par ce que tu devines être des billets. Tu l'arrêtes de la main avant qu'il ne la pose sur ton bureau.

« Hola. Je t'arrête tout de suite, ma profession est parfaitement légale. J'ai un contrat à te faire signer, des honoraires fixes,... C'est dans les films qu'on s'échange des liasses sous la table. »

Ton hypocrisie ne te fait même pas sourciller. Tu as beau bosser illégalement lorsque l'occasion se présente, tu as aussi besoin de clients honnêtes pour ne pas attirer l'attention du gouvernement. Dans le cas de Chuck, tu n'as vraiment aucun intérêt à faire une croix sur tes principes.

Il rougit comme un enfant pris en faute et rempoche rapidement son argent avec un désolé à peine murmuré. Ces gosses, vraiment...

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tentative de capture:

Inzia est encore en train de fumer une clope, bien à l'abri du préau de l'entrée de l'immeuble, quand tu reviens du boulot. Des heures se sont écoulées depuis que le gamin Ellis a décampé, l'encre encore fraîche sur le contrat que tu lui as fait signer. Tu as occupé ton après-midi en faisant quelques recherches sur ce fameux studio de poterie, la femme qui le possède et y enseigne, ainsi que sur la petite amie. Le compte Pokéstagram de Claire n'étant pas mis en privé, tu as pu te faire une bonne idée de sa personnalité. Peu de choses la différencie d'autres jeunes femmes de vingt-cinq ans vivant à Galar. Elle exhibe encore un pull au couleur de son ancienne université lorsqu'elle prends un verre avec ses potes, affiche souvent son petit ami dans des clichés plus ou moins ridicules, prends beaucoup de photos de Pokémon mignons. En somme, tu n'as rien vu qui suggérait un quelconque signe d'infidélité, ni même quoi que ce soit pouvant faire croire qu'elle n'est pas heureuse dans son couple. L'affaire ne s'annonce pas passionnante, mais elle t'offre de l'occupation et l'argent sera facilement gagné. C'est le principal. Tu as donc quitté le bureau tôt avec l'intention de faire un détour pour passer au supermarché. Tu reviens donc chargée, ton sac à dos bourré au maximum et deux sacs te pendant au bout des bras. Avec tout son flegme adolescent, ta voisine se contente de soulever un sourcil en te voyant.

« Ta mère fait encore la nuit ? »

Tu devines à cause de la cigarette et de son manque de prudence. Un jour, elle va se faire prendre et, si sa génitrice est comme la tienne - ce qu'elle parait vraiment être -, tu lui souhaites de courir vite et de savoir esquiver les pantoufles. Aussi douce soit-elle, ta mère a toujours été la personne à craindre en cas de connerie commise. Tu en aurais des histoires à raconter de cette époque où tu étais stupide et naïve.

« Y a la grippe qui tourne. »

Elle réponds avec l'air de n'en avoir rien à faire. C'est un genre qu'elle se donne. Tout dans son attitude est étudié pour ça. Un rictus te grimpe sur les lèvres lorsqu'elle tapote sa clope dans un geste plein de désintérêt. Elle reste une brave gosse et se soucie de sa maman. Cette dernière ne manque pas de te parler de toutes les petites attentions de sa fille lorsqu'elle te coince dans l'escalier. Tu l'apprécies, il ne faut pas croire. C'est juste difficile à huit heures du matin quand tu n'as pas encore eu ton café. En plus, elle a tendance à se répéter.

N'ayant rien d'autre à dire sur le sujet, tu continues ta progression vers la double-porte marquant l'entrée du building. Tu t'arrêtes aussitôt quand une idée te passe par la tête.

« Tu veux toujours te faire quelques dollars ? »

Ta tête est tournée vers elle, tu remarques donc que son intérêt a été piqué. Elle n'est plus aussi molle contre la façade et elle te scrute. Tu comprends sans mal. Se faire un peu d'argent de poche n'est pas si facile dans cette ville lorsqu'on a seize ans. Pour faire du babysitting, il faut des relations et les jobs étudiants sont saturés. Il t'arrive de lui donner de petits trucs à faire car elle est plus discrète que toi dans certains lieux. Elle apprends vite ce que tu attends d'elle en plus. Si tu avais plus de clients, elle pourrait faire une bonne assistante un jour, voire même une bonne privée. Tu doutes que ce soit son but dans la vie néanmoins. En attendant, elle te dépanne pour pas cher. C'est un échange de bons procédés.

« J'aurais peut-être un job pour toi la semaine prochaine.
T'as mon numéro. »

Elle s'empresse de dire avec un rare sourire. Avec ton chargement, tu ne peux pas faire grand chose d'autre que hausser légèrement les épaules. Ensuite, tu rentres et tu commences la difficile ascension jusqu'à ton appartement.

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apparition d'un Pokémon, s'il vous plaît :3

5 janvier

Jeudi. Sans un week-end officiel durant lequel profiter d'un break bien mérité après une longue semaine, il s'agit là d'un jour qui n'est ni plus dur, ni plus excitant à tes yeux. Tu n'as pas hâte d'être vendredi ou samedi soir pour pouvoir t'amuser ou mettre de côté des fringues trop stricts. A une époque, lorsque tu étais un peu plus jeune et intéressée par le planning des autres pour autant que de sortir, tu y prêtais un minimum attention. Il y avait des gens que tu voulais voir que tu n'aurais pas pu croiser en d'autres occasions. Mais les amitiés peuvent se défaire avec le temps. Tu sors encore à l'occasion mais le but est plus précis et l'intérêt pour la personne en face moins important.

Vingt sept ans est un âge bizarre. Le petit groupe que tu t'étais formée sur les bancs de l'école et dans les ruelles les plus malfamées de Winscor a éclaté depuis longtemps mais, quand tu as de leurs nouvelles, ils te donnent l'impression d'avoir joué à des lotos de la vie bien différents. Pendant que certains trempent encore dans des histoires louches et entraînent avec eux des gamins - en comparaison -, d'autres se reproduisent, se marient, achètent des maisons. Une de tes amies est même encore à la fac, occupée à compléter l'un de ses nombreux Masters. C'est parfois déroutant, te pousse à te demander combien de temps ont réellement passés, mais cela prouve bien que chacun avance à son rythme. Et ce qu'importe les débuts de vie et les croyances adolescentes. Récemment, tu as vu passer sur Pokéstagram une photo d'un bébé fraîchement né dans les bras d'un homme qui jusqu'à il y a peu jurait qu'il n'aurait jamais d'enfant. A côté de ça, une de tes cadettes rêvant d'être enceinte à vingt-cinq ans maximum n'envisage plus la chose de la même façon et préfère profiter à fond de son existence en solitaire faites de voyages. Cela pousse à relativiser. Bien sûr que tu ne te voyais pas où tu es aujourd'hui quand tu avais seize ans et, pourtant, tu n'es pas mécontente de ton parcours de vie. Quelques erreurs sont à balayer sous le tapis, mais, dans l'ensemble, chaque étape s'était montrée nécessaire.

La conclusion de toute ça ? Tu es en planque et tu t'emmerdes comme un Ratentif mort. T'es toujours sur le cas du jeune Ellis. Toujours est un bien grand mot. Tu as enfin l'occasion de t'y mettre plus sérieusement. La veille, tu avais suivi sa petite amie dans sa vie quotidienne pour un petit check de base mais rien ne t'avait sauté aux yeux. Aujourd'hui, elle se rend à son fameux cours de poterie et tu l'attends de pieds fermes, installée sur les marches froides de l'escalier de secours du bâtiment situé en face du studio. L'appartement devant lequel tu campes est vide, tu as vérifié. Le propriétaire cherche un locataire et, d'après ce que tu vois au travers de la fenêtre, il ne manque pas de culot vu le prix affiché. Il trouvera sans doute rapidement quand même, le marché de l'immobilier est trop saturé en ville. Un détail de plus noté à cause de l'ennui. Tu soupires, te penches vers l'appareil photo fixé à un gorilla pod, lui-même accroché à la rampe. Il zoome directement dans la salle où le cours se produit. Claire est toujours assisse à un tour sur lequel elle forme ce qui commence à ressembler à un pot. La professeur, une artiste assez appréciée, passe à l'occasion pour vérifier ses progrès. Elle sourit à chaque fois qu'elle lui parle et pose à l'occasion la main sur son épaule dans un signe d'encouragement, mais ce n'est rien qu'elle n'ait pas fait avec d'autres élèves.

Claire paraît adorer la poterie, malgré sa concentration, elle dégage une bonne humeur naturelle. La seule chose que t'auras appris cette enquête pour le moment est qu'elle s'amuse bien plus que toi en ce moment.

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tentative de fuite:

« Ouais ? »

La voix de Chuck Ellis est un peu râpeuse. Tu l'imagines aisément exhaler la fumée de sa cigarette juste avant de prendre la parole. Au vu de son ton et du bruit de fond, il ne fait aucun doute qu'il est entouré et affiche un persona bien différent que celui qu'il t'a montré. Sans doute est-il avec ses potes.

« Sameen, la détective. Tu peux parler ?
Merde. Je reviens, les gars. »

De la musique devient plus audible avant de disparaitre complètement. Une porte claque. Tu attends patiemment, la pointe de ton crayon rebondissant en rythme sur un calepin aux feuilles un peu chiffonnées. A chaque contact, la mine laisse une trace dont tu te soucies peu. Ce n'est pas comme si tu avais rassemblé beaucoup d'informations sur cette page.

« C'est bon. »

Il bredouille nerveusement. Il doit s'attendre à ce que tu lui annonces une mauvaise nouvelle. Si c'était si simple. Dans ce cas-là, tu aurais rapidement pu toucher ton second versement et vous auriez chacun repris vos vies. Lui moins tranquillement que toi, il faut le reconnaître.

« Les premières étapes de mon enquête n'ont rien données de concluant. Pour le moment, rien ne semble indiquer que ta petite amie ait une liaison avec qui que ce soit.
Personne à son cours ?
Aucun contact qui ne sorte de l'ordinaire.
Impossible. Je suis sûr qu'il y a quelqu'un. »

Tu éloignes le téléphone le temps de soupirer, reviens le coller à ton oreille. Tu ne comprends vraiment pas d'où vient sa certitude. Toute personne sensée aurait été soulagée d'apprendre qu'elle n'était pas cocu. Lui continue d'insister.

« Je vais continuer mon enquête, bien sûr. Fouiner d'un peu plus près au studio de poterie. J'ai déjà un plan, mais cela va me demander des fonds. A la prime de base va s'ajouter un supplément. Ca te va ?
L'argent n'est pas un problème. »

Parfait. Ton appel est clairement prématuré, tu ne donnes pas de tes nouvelles avant d'avoir réalisé de solides recherches et quelques filatures, mais tu sais reconnaître un filon et tu ne vas pas laisser passer une occasion de t'en mettre un peu plus dans les poches. Aveuglé comme il est par ses sentiments, il fait une cible facile.

« Je te recontacte dès que j'en sais plus. »

Tu raccroches là-dessus, relativement satisfaite. La journée a beau avoir été terriblement ennuyeuse, tu as su la rendre productive sur la fin.

« On plie bagage. »

Shamir quitte son poste de sentinelle à proximité de la fenêtre et tu ne peux t'empêcher de scruter un instant la rue, toujours curieuse de savoir ce qu'elle trouve de si intéressant dans cette vue. Vous avez beau être sur la même longueur d'onde, tu ne sais pas toujours ce qui lui traverse la tête. Parée de ton manteau et de l'écharpe reçue de ta mère à Noël, tu passes ton sac en bandoulière avant de sortir. Darjeeling a été calme toute la journée, si bien que tu te demandes si il n'est pas allé hanter la vaisselle d'un autre bureau. Il faudra que tu enquêtes là-dessus demain.

Dehors l'air est encore froid et une humidité particulière dans l'air laisse penser qu'il va encore neiger. L'idée ne t'emballe pas particulièrement. Tu glisses tes écouteurs dans tes oreilles, lances ta playlist en aléatoire, avant de replacer correctement ton bonnet. Ensuite, tu peux enfin passer tes gants. Tu as un détour à faire, un peu de musique en guise de barrage s'impose donc. Malgré une facilité à te mêler à la foule, cela ne signifie pas que tu apprécies l'expérience.

« Tu peux déjà rentrer si tu veux. »

Mais, comme tu le pensais, Shamir secoue la tête négativement et emboîte ton pas vers le centre-ville. Direction une petite librairie où tu avais acheté le cadeau de ta mère - le dernier livre publié d'un auteur à la mode - que tu dois échangé parce qu'elle l'avait déjà. Apparemment, tu as sous-estimé son affection pour le bouquin en question pour lequel elle s'est déplacée le matin même de la sortie. Elle a bien essayé de te pousser à le garder et à le lire, mais ce n'est vraiment pas ta came. Raison pour laquelle le livre en question est soigneusement rangé dans ton sac, toujours dans sa pochette cadeau. Avec lui se trouve une liste de polars qu'elle ne possède pas encore dans laquelle tu vas pouvoir choisir. Cela signifie qu'il faudra que tu retournes rapidement chez tes parents pour le déposer, un périple pour lequel tu as peu d'enthousiaste. Mais tu as bien compris à la tête de ta génitrice qu'elle n'apprécierait pas de recevoir son cadeau bis par la poste.

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tentative de fuite:

6 janvier

Vendredi. Pour la troisième fois depuis le début de la matinée, tu rejettes l'appel d'Elias Landgaard. Aucune occupation urgente ne justifie une telle attitude. Tu n'as eu qu'un peu de paperasse pour t'occuper. La fin de l'année fiscale approche et, comme tous les quelques mois, tu t'assures que ton dossier est au complet et ne laisse transparaître aucun signe de tes activités illégales. Il faudra bientôt que tu envois tout ça à ce comptable que tu payes une blinde et tu veux que l'affaire soit réglée efficacement. On ne rigole pas avec ce genre de trucs. Tu as appris des erreurs d'autres, hors de question de t'attirer des embrouilles à cause d'une simple histoire de chiffres.

Tu n'as pas honte de dire que ton activité actuelle n'a rien de productif. Le dossier de ta chaise penché en arrière, tu te fais doucement tourner en fixant le plafond. Certes, tu ne le fais pas comme une enfant ennuyée, tu es en pleine réflexion, mais il n'empêche que tu ne te montres pas sous ton meilleur jour. Heureusement, le bureau est vide. Shamir vaque à ses occupations quelque part dans la ville et Darjeeling n'est toujours pas revenu hanter ta porcelaine. Tu es totalement seule et, comme souvent dans ces cas-là, tes pensées se perdent. Justement, elles s'intéressent au vieux Landgaard et à sa fille. Tu n'as rien à dire de nouveau au père et aucune nouvelle d'Erika. Rien d'illogique au vu de ce que tu sais désormais. Son prochain rendez-vous n'est pas avant le onze et tu te demandes si elle s'y présentera vraiment. Ta Lucario et Synin font des passages réguliers à proximité de l'immeuble des Cromwell, mais il n'y a eu aucun signe de mouvement inhabituel. Si elle souhaite faire passer sa grossesse, tu supposes néanmoins qu'elle agira sous peu. Une chose que tu pourrais dans les faits vendre à son paternel, mais, avec ses poches vides, tu n'y vois aucun intérêt. Ta curiosité reste aussi plus soucieuse de ce qu'il se trame. Tu veux avoir le fin mot de l'histoire, savoir quel rôle cette femme tente de te faire jouer sur son échiquier. Ton orgueil l'apprécie peu, mais accepter de jouer le jeu est ta meilleure option pour l'heure. Tu gardes en tête que, si elle venait à être trop dérangeante, il sera facile de te diriger vers Lance Cromwell pour justifier le temps perdu. Quelque chose te dit que lui apprendre la perte de son potentiel enfant le rendrait reconnaissant. Tu as sérieusement envisagé de monnayer ce que tu savais plus tôt avant de mettre tout ça de côté, charmée par le mystère. L'ennui qui te dévore depuis plusieurs mois aide sans doute. Tu rêves de quelque chose de concret dans lequel planter tes dents.

Ton téléphone vibre sur le bureau. Tu l'attrapes, prête à rejeter une nouvelle fois ton client collant, mais ce n'est qu'un sms.

Sameen - 11:02 passes me voir au bureau

Microbe - 15:37 je suis pas ton chien

code par Iago

Vu le temps qu'elle a mis à répondre, sa mauvaise humeur et l'heure, tu ne peux que supposer qu'elle s'est fait confisquer son portable par un prof. Elle l'a toujours dans la main lorsque tu la vois et tu es presque certaine qu'elle a dû finir les cours il y a sept minutes. Les pièces s'emboîtent trop bien. Et puisque tu l'as informé que tu aurais peut-être un travail pour elle, elle n'a aucune raison de voir ton message comme une nuisance.

Sameen - 15:38 je viens de retirer 5$ de ta paye potentielle

Microbe - 15:40 tu saoules pourquoi on peut pas faire ça à la maison ?

Sameen - 15:40 tu veux que ta mère demande pourquoi je te file de l'argent de poche ?

code par Iago

Pas de réponse. Tu reposes ton téléphone, effaces un sourire satisfait, et te voilà revenue à tes petits tours. Elle va venir, tu n'en doutes pas. Elle veut juste se donner l'impression d'avoir le dernier mot.

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apparition d'un Pokémon, s'il vous plaît :3

Inzia débarque avec toute la délicatesse d'une adolescente frustrée quelques quarante minutes plus tard. Les gonds de la porte grincent un peu lorsqu'elle la pousse trop loin avant de la faire claquer derrière elle. Le capuchon d'un sweat-shirt est rabattu sur sa chevelure blonde et elle ne prends pas la peine de l'en déloger après s'être assisse, son sac à dos abandonné sur le sol. Elle pose par contre brutalement son gobelet de bubble tea sur ton bureau, déclenchant un raz de marée à l'intérieur qui heureusement reste contenu par la pellicule de plastique qui le recouvre. Cela pourrait être pire. Au moins, elle a gardé ses baskets boueuses sur le plancher.

« Tu m'veux quoi ? »

La tentation de laisser sortir la pensée misogyne qui te traverse la tête est tentante, mais tu te retiens. En plus d'être stupide, le réflexe n'arrangera rien à la mauvaise humeur exsudant de la gosse. Tu le penses néanmoins très fort, elle est vraiment plus désagréable qu'à l'accoutumé. Qui es-tu pour juger seulement avec ton sale caractère ? Personne, raison pour laquelle tu passes au-dessus de tout ça pour te concentrer sur ce qui compte vraiment.

« Dégage ta fin de journée lundi et mardi. Jeudi aussi probablement. Si t'as besoin d'une couv' auprès de ta mère, on s'arrangera.
Je peux savoir pourquoi au moins ?
Y a un studio de poterie dans lequel je veux que tu ailles fouiner pour moi. Ils offrent deux séances d'initiation. Le premier jour, t'auras juste à te pointer pour te renseigner.
De la poterie ? C'est quoi ce plan chelou ? »

A son ton, tu as l'impression que tu viens de lui demander de prendre part à une histoire illégale ou carrément pas adaptée pour une adolescente de son âge. Est-ce si étrange d'être intéressé par de l'art à seize ans ? La poterie n'est pas exactement une activité mainstream ces dernières années, mais pas mal de gens ont l'air de trouver du plaisir à malaxer de l'argile pour créer un truc. Tu as beau ne pas voir l'intérêt, tu restes ouverte à la notion qu'il en faut pour tous les goûts. Il faut reconnaître aussi que tu n'as jamais été du genre créative.

« Je te demande pas de juger, juste d'y aller. »

D'un dossier, tu sors la photo imprimée de Claire que tu fais glisser vers elle. Elle l'attrape machinalement, son autre main se saisissant de sa boisson pendant qu'elle observe le visage de ta cible.

« Retiens cette tête. Je suis quasi sûre que c'est une perte de temps, mais son mec est tellement persuadé qu'elle le trompe qu'il est prêt à cracher pas mal d'argent. Je te payerais bien qu'importe le résultat et, qui sait, tu te découvriras peut-être une nouvelle passion. »

Tu ricanes un peu sur la fin car elle a l'audace de paraître dérangée par l'idée. Vraiment, tu n'es pas prête de comprendre ses standards.

« Je devrais faire quoi ?
Juste faire l'effort d'avoir envie d'être là - je sais, dur - et prendre la température. T'as de l'instinct, je suis sûre que tu le capteras tout de suite si cette nana partage une vibe spéciale avec quelqu'un du cours. »

La photo est reposée sur le bureau et elle semble peser le pour et le contre, sa paille coincée entre les lèvres. Au bout d'un moment, elle se met à sourire et cette simple vision t'inquiète.

« Okay, mais à une seule condition.
Crache le morceau.
Samedi prochain, tu m'accompagnes à Kickenham. J'ai un date. Ma mère voudra jamais que j'y aille toute seule. Elle te fait confiance par contre. Tu nous trouves une excuse, tu me lâches la veste sur place, et on a un deal. »

Et, après, c'est toi qui lui propose des plans chelous...

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tentative de fuite: