Meredith s'installa également. Elle avait bien l'intention d'avancer avec Elisa. Elle farfouilla dans son tiroir pendant quelques instants. Des bruits de jouets, de feuilles et de grelot pouvaient se faire entendre. Qu'avait-elle donc à l'intérieur ? On aurait dit qu'elle avait un magasin de farces et attrapes là-dedans. La psychologue réussit finalement à sortir ce qu'elle voulait de son bazar. Elle déposa une pochette sur la table tout en se redressant doucement.

Apparemment ravie d'avoir pu trouver ce qu'elle souhaitait, elle afficha un sourire victorieux. Elle demanda à la coordinatrice de venir s'asseoir à côté d'elle. Elisa acquiesça et vint tirer la chaise vers elle pour pouvoir s'y installer. Lentement, Meredith vint ouvrir la pochette. Dedans, des feuilles de couleur, beaucoup de feuilles de couleur. C'était un véritable arc-en-ciel. La professionnelle lui expliqua alors qu'elles allaient travailler sur les couleurs qu'elle associait à sa peur. Elisa ne comprenait pas spécialement le principe mais se plia à l'exercice. La psychologue remarqua l'incompréhension de la jeune femme. Elle mit alors en avant que c'était une méthode qu'elle avait développé elle-même. Avant de travailler sur quelque chose de concret et d'ainsi plus terrifiant, elle voulait prendre la température avec des visuels abstraits. Cela permettait de voir quelle association elle faisait avec les couleurs. Meredith lui demanda alors de classer les feuilles de couleur par ordre de préférence.

Bien évidemment, le rouge se retrouva bon dernier. Cette couleur lui évoquait le paysage de sa maison, brûlant et assiégée par les crocs des flammes. Meredith lui demanda pourquoi elle avait placé le orange un peu plus haut, avant le vert. Elisa lui expliqua qu'elle n'associait par le orange au feu mais plutôt aux fruits et aux baies. Au soleil également mais moins. Et même si l'astre était en réalité une grosse boule de feu, elle n'en avait pas spécialement peur; il lui inspirait les vacances et la plage en vérité. La psychologue hocha la tête et se mit à réfléchir. Elle demanda à la coordinatrice ce qu'elle faisait lorsqu'elle ne se sentait pas bien, qu'elle n'avait envie de rien ou qu'elle s'ennuyait.

La Kanes répondit un peu gênée qu'elle aimait prendre un thé bien chaud aux baies et manger des trucs sucrés. La nourriture était pour elle une bonne source de réconfort à vrai dire.

Meredith se mit à rire doucement lorsqu'Elisa lui confia qu'un bon bol de glace à la baie framby avec du coulis la réconfortait lorsqu'elle n'était pas en forme. Ce n'était certes pas très sain, mais qu'est-ce que c'était bon ! La psychologue se mit alors à chuchoter très doucement, avançant légèrement le haut de son corps, pour lui indiquer en toute confidence que c'était également sa méthode. les deux femmes convinrent qu'il s'agissait là d'une solution qui semblait assez répandue.

Revenant aux feuilles cartonnées, Meredith lui expliqua que l'attrait pour les couleurs pouvait être d'origine sociale mais que le cerveau associait automatiquement et initialement des teintes à des sentiments, des souvenirs, des objets et des concepts. Pour Elisa, le rouge symbolisait le feu et c'était pour cela qu'elle le plaçait en dernière position, notamment parce que la thématique de sa thérapie était de traiter sa peur du feu. Mais de manière générale, Elisa appréciait-elle si peu le rouge ? En y réfléchissant, la jeune femme dû reconnaître qu'elle ne détestait pas spécialement le rouge (et que le vert fluo était vraiment une couleur qu'elle n'aimait pas). Meredith était satisfaite de cette réponse. Cela pourrait paraître un peu abstrait pour la coordinatrice mais la psychologue fonctionnait ainsi, pour elle, c'était important.

Toute en sortant une feuille blanche et un stylo, elle demanda à Elisa de noter tout ce à quoi elle pensait lorsqu'elle se retrouvait face à des flammes, aussi petites soient elles. La Kanes récupéra fébrilement le stylo et commença à réfléchir. Elle se pliait aux exercices avec détermination mais n'était tout de même pas sereine.

Brûlure, mort, cendres, fumée... ce fut les premiers mots qu'elle écrivit. Pas terriblement joyeux. La mine de la jeune femme devint toute sombre au fur et à mesure qu'elle notait ses idées. Meredith vit immédiatement que l'attitude de la jeune femme avait été modifié par l'exercice. Elle posa alors une main sur l'épaule de la jeune femme pour la faire s'arrêter et désigna du doigt les mots qu'Elisa avait écrits. Tout allait bien. Elle devait se calmer. La psy lui indiqua que, certes, le feu pouvait mener à ce genre de conséquences mais que l'homme avait réussi à le maîtriser et qu'il pouvait prendre bien d'autres formes selon les situations. Que ce n'était pas un danger lorsqu'on savait le gérer; des formes plus agréables, confortables, moins dangereuses.